Avril 2022, Marlène Schiappa profite de l’entre-deux-tours de la présidentielle pour convier quelques collègues à dîner Place Beauvau. Autour de la table de celle qui est encore ministre déléguée chargée de la Citoyenneté, Olivier Véran, Nadia Hai, Laurent Pietraszewski ou Eric Dupond- Moretti… Dans quelques jours, le gouvernement laissera la place à une nouvelle équipe. On parle politique, volonté ou non de concourir aux législatives. Eric Dupond- Moretti, lui, prend tout le monde de court. Dans un monde où les états d’âme sont souvent perçus comme des faiblesses, il partage son inquiétude à l’idée de ne pas être reconduit au ministère de la Justice. C’est l’un des rares moments de sa vie, avoue-t-il un brin désemparé, où il ne maîtrise pas la situation. Les invités ne savent pas trop que dire à cet homme qui paraît pourtant si sûr de lui. Ce n’est d’ailleurs pas nécessaire : « Dupond-Moretti n’attend pas forcément des réponses à ses questionnements », résume un participant.
Quelques jours plus tard, au coeur du mois de mai, en ces heures où les gouvernements se forment, plusieurs noms circulent pour le ministère de la Justice. Celui de Rémy Heitz, procureur général près de la cour d’appel de Paris, pour la version « haut magistrat incontestable », celui, plus politique, de Catherine Vautrin, la présidente du Grand Reims, un temps pressentie pour Matignon, pour qui, dit-on, la chancellerie pourrait être un lot de consolation. A ce moment-là, Emmanuel Macron aurait toutes les raisons de lâcher Eric Dupond-Moretti : le ministre est mis en examen pour prise illégale d’intérêts, le climat est détestable avec les magistrats. Place Vendôme, on prépare les cartons. A l’Elysée, Emmanuel Macron tranche : ce sera « Dupond » à nouveau. Et en bonne place dans le gouvernement Borne. Le président de la République refuse de se déjuger. Deux ans auparavant, lorsqu’il a