La ville et la campagne dos à dos: Essai d’une ménagère impertinente
Par Nelly Duplouy
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À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTRICE
Chroniqueuse dans un magazine local, le parcours professionnel de Nelly Duplouy lui a apporté du bon sens et a renforcé sa pensée critique en tant qu’amoureuse de la Terre. Aussi, elle s’engage à transmettre son savoir aux collégiens en qualité de bénévole. L’écriture étant devenue une nécessité pour elle au fil du temps, elle commet en 2019 un recueil intitulé "Tout & rien, tant et si peu", publié par Tertium.
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Aperçu du livre
La ville et la campagne dos à dos - Nelly Duplouy
Préface de mon homme toutes mains
Nelly, une fille aux semelles de bruyère, trébuchant sur son lit de châtaignes au travers des souvenirs de son Ségala natal.
Obstinée, résolue, intranquille, parfois repliée près de son âtre, nourrie de mille lectures, alors tranquille pour mieux resurgir et s’indigner sur son monde d’injustice : tout est vain, mais il convient de le crier pour apaiser son esprit et s’assurer de l’amour auprès des siens.
Jean-Louis Patru,
mon époux, mon majordome
Avant-propos
Suis-je une fille de la campagne ou une fille de la ville ? Je ne le sais plus ! Mais ce dont je suis certaine, je n’ai jamais eu envie de me définir qu’ainsi ! Je suis imprégnée par mes deux climats !
Pourquoi avoir à choisir entre mes deux curiosités ? Aucune propension à subir d’être épinglée et momifiée en papillon qui va se défraîchir dans une boîte close. Je persiste à vagabonder dans mes désordres.
Même si parfois sorti les crocs : oui, je persifle, mais qui aime bien, châtie bien !
Aussi j’essaie de respecter les deux donc je ne peux supporter que l’on déguise mes deux paysages, la plage à Paris ou à Lille : pourquoi ?
Pas plus une mini-plage devant un Centre Culturel dans une bourgade avec sable transporté par camion benne ; maquillées de chaises longues et parasols colorés le long d’une RN, les berges ? Un défilé incessant de véhicules : il y manque les embruns, les odeurs de la mer, le bruit du ressac, les pins, les rochers !
Ce n’est que le pis-aller d’une mise en paysage ; rien ne peut remplacer la contemplation d’une mer d’huile ou les furieux rouleaux de l’océan. Le sable si chaud, blond qui s’écoule fluide entre les doigts, l’image du sablier, le temps insaisissable dans l’intemporalité !
Je me dois d’expliquer ce rétropédalage bien vain : c’était l’effarement d’un Principal de collège, sa remarque où transpirait son inquiétude : cela se dénomme la décadence !
Un peu surprise par la force de ce mot que je veux adoucir, plus pragmatique : au moins sur les berges de la Cère, il y aurait eu l’eau et le bucolique !
Puis d’un commun accord notre conclusion : est-ce cela la vitrine politique ? Et le coût, le sable, quel recyclage ?
Il n’est plus là, il serait de plus en plus abasourdi : quand on veut singer la grande ville qui elle veut singer le bord de mer !
La campagne, on ne la respecte guère : parfois trop dévorée par l’habitat ou trop uniforme quand trop étalée, une terre de bure pelée, sans bocage, ce n’est pas plus une campagne, il s’agit de monoculture, la polyculture dédaignée dans nos paysages de la France agricole.
Mais ceux qui n’ont pas le pouvoir de décision ne se trompent pas, impuissants, ils constatent…
Aussi du paysage découle un état d’esprit, un raisonnement guidé parfois par des a priori : à la campagne ne vivent pas que des ploucs ou des bouseux ; on peut s’y cultiver…
Dès ma petite enfance en fond d’écran, dans notre hameau un château a veillé sur ma petite vie ou l’a dominée de sa puissance ? L’a embellie, de cela aucun doute !
Puis celui de Saint-Laurent-les Tours et celui de Castelnau ; imposants ils réconfortaient ma petite histoire par leur grande histoire, mais jamais je n’ai eu le loisir, encore moins le besoin de jouer à la princesse ! En rien mes codes de rêverie ; il y a manqué la baguette magique de la fée penchée sur mon berceau, mais ils ont donné de la hauteur à mes convictions.
Rebelle, je ne fais aucune révérence aux Rois, mais j’ose croire qu’il existe encore des Princes !
À ce jour, je réside à la croisée des châteaux de la Loire sertis en joyaux dans des parcs dessinés. Magnifique prétention : je suis dépaysée lors de mes déambulations !
Et battre le pavé dans la grande ville ne garantit pas la bonne pratique de l’éveil culturel, il lui faut aussi l’accompagnement !
On peut s’ennuyer à Paris et dérouler une réflexion au fin fond d’une campagne oubliée.
Mais dans les deux cas, deux chemins où la rencontre bienveillante est improbable : l’un et l’autre ne font que s’y croiser et se toisent. Des sentiers avenants trop bien tracés et leurs fossés du dédain !
Et s’y invite aussi la solitude, imposée, elle mordille et rogne la motivation. Et celle tout aussi pernicieuse : les zones pavillonnaires n’ont pas un cœur, celui de la cité qui pulse la citoyenneté.
Plus heureuse, si choisie, on peut espérer qu’elle ouvre l’horizon de la pensée approfondie, plus conciliante.
Trop souvent les préjugés, impitoyables, rejettent la dissemblance, pourtant cette compagne incomparable de l’enrichissement.
Et par un ami cette remarque, sa blessure : ici dans ce village, si tu es l’ami de quelqu’un, tu es déjà l’ennemi de quelqu’un d’autre ! Il a pris la fuite… d’autres aussi !
Je ne pensais pas que cela me ferait si mal d’être chassée de mon clan ; pour quelles raisons obscures ?
Ma dualité encombrante dans un paysage immuable ? Sans aucun doute : lire m’a caparaçonnée, dans les lignes j’y ai toujours puisé mes forces, m’y suis agrippée afin de développer mes propres perceptions, mais au fil de l’écriture je me suis vulnérabilisée ; certaines plaies jamais cicatrisées ?
Je n’ai aucune appétence pour vous rassurer, ni vous flatter, je pique, j’égratigne, mais j’espère de vous une bifurcation en toute sensibilité afin d’étreindre nos émotions divergentes.
Diaporama rural : je me questionne, je m’égare…
Sur la route, de mon domicile au bureau, je marche au bord d’une RN. Et régulièrement je fréquente le Centre culturel Robert Doisneau, un lieu d’entente cordiale entre Biars-sur-Cère l’industrielle et Bretenoux, la bourgade qui jadis se dénommait Villefranche-d’Orlinde : Orlinda qui évoque les magiciennes de chansons de geste et des romans de chevalerie !
J’y œuvre- j’y tiens à ce verbe trop précieux quant à ma personne et son rôle, mais oui : bousculer une pensée brute afin d’essayer d’étoffer des acquis trop réducteurs – en tant que bénévole auprès de collégiens au sein d’une équipe engagée dans l’accompagnement à la scolarité !
Donc je pratique aussi la flânerie à la bibliothèque pour en humer l’atmosphère, en principe studieuse.
J’y croise un soir un enfant avenant, souriant, avec son cartable ouvert. À cela je ne sais résister, le cartable qui m’autorise à renifler encore comme un chien fidèle les odeurs enthousiastes de l’école !
Il accepte de me montrer son cahier d’histoire, agréablement surprise, ce cahier très soigné, pas de rature, des gommettes qui scintillent, des croquis.
Voilà un beau château fort, il révise donc je questionne, je vais me rassurer, cela doit être un bon élève !
— Tu peux m’en parler de ce château fort ?
Lui : yeux écarquillés, bouche bée, pas un mot !
Je rêvais de partager avec lui ce moment par la magie du champ lexical : pont-levis, créneaux, chemin de ronde, chevaliers en armure… et voilà le gouffre… des oubliettes !
Et si sa leçon appuyée par une visite de courtoisie à notre cher Castelnau afin de concrétiser le vocabulaire du château fort ; mais de son en bas, seulement le voit-il ?
Cette lecture dans Le roman d’un enfant de Pierre Loti aussi aurait pu apprivoiser sa curiosité :
Castelnau ! C’est un nom ancien… Cette dentelure de couleur sanguine émergeant d’un fouillis d’arbres, cette ruine posée en couronne sur un piédestal garni d’une belle verdure de châtaigniers et de chênes…
Je tourne les pages et me voilà avec Christophe Colomb ! Alors et ce Christophe Colomb j’aimerais bien le connaître un peu, tu me racontes… ? Ah, oui, Christophe Mahé… ! Je suis sidérée, qui est-ce celui-ci ? Me voilà moi aussi dans l’ignorance : les siècles, pas simplement l’écart de nos années, nous séparent du savoir !
Bien sûr depuis je sais qui est Christophe Mahé, sa célébrité survivra-t-elle autant que celle de Christophe Colomb ? Lui, ce n’est pas un explorateur avec son côté noir de conquistador, il est inoffensif, il ne va pas trop engraisser la réflexion !
Et le cahier de cet écolier, une carte postale bien trop rassurante ; un élève touriste ébloui par la vitrine de certains écrans, sans les repères de la frise chronologique ?
Et dans cette bourgade, il existe toujours et encore un collège Pailleron, le dernier en France, paraît-il ! Je suggère de le protéger sous une cloche géante et de l’inscrire au patrimoine national : admirez, le dernier, il résiste depuis… ? Je ne le sais plus ! Là, ainsi à ce jour, sa carcasse grisaille sous les poids des ans !
Un de mes collégiens, pertinent, et je sais savourer de telles réparties : notre collège est en carton-pâte ! Je me suis résignée à lui cacher : aussi comme le biscuit « petit prince » en son cœur il est truffé non de chocolat, mais… d’amiante.
Que de siècles entre nos châteaux qui se devraient nous faire lever la tête et ce cube de n’importe où, bâti avec du n’importe quoi, construit lors de l’urgence démographique… en attendant mieux !
Le mieux une promesse depuis ? La carotte à chaque élection : le projet du nouveau collège¹ ! Mais n’ayons point l’esprit chagrin, un jour le nouveau collège sera érigé, ouah ! Et on oubliera tout le reste… ces générations d’élèves et de professeurs méprisés et ces valeureuses techniciennes de surface qui en ont assuré et toujours encore le bon entretien ménager et celui de l’hygiène.
Avec regret pourtant j’aurais aimé en profiter de ce collège, celui qui m’aurait épargnée, trop jeune, d’un lourd internat qui m’étouffait, m’avait privée de la chaleur de notre maisonnée, de ma fratrie, alors je le regardais avec considération même si apitoyée par sa mine décatie !
Mon fils aîné y a été élève, un bon, mais