Noor envoyée spéciale
Par Patricia Vigier et Rohân Houssein
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À propos de ce livre électronique
Des premières manifestations de lycéens à l’exil dans les camps à la frontière turque, Noor est aux premières loges de la révolution syrienne et de son glissement vers la guerre civile. Ce qui était un rêve à l’origine devient pour elle et ses amis une forme de lutte vitale : témoigner, rendre compte, faire savoir au monde ce qui se passe dans leur pays, avec pour seule arme leur smartphone.
De la Ghouta à la province d’Idlib, Noor apprend au fil des années qu’il faut deux fois plus de courage à une jeune fille pour s’affirmer comme journaliste. Pour couvrir les conséquences du conflit pour les enfants de son pays, elle doit aussi affronter les préjugés de la société, l’incompréhension de sa mère, la trahison d’un ami. Elle peut heureusement compter sur l’affection de son père, sur les enseignements que lui a transmis sa tante Sarjawi, et sur la présence de Husam.
À PROPOS DE L'AUTRICE
Après une enfance girondine et des études de lettres qu’elle aurait aimé poursuivre jusqu’à la retraite, Patricia Vigier a choisi de devenir passeuse d’histoires. Professeure documentaliste dans un collège du Sud-Ouest, quand elle ne se promène pas un appareil photo autour du cou, elle se consacre à l’écriture.
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Aperçu du livre
Noor envoyée spéciale - Patricia Vigier
NOOR
ENVOYÉE SPÉCIALE
PATRICIA VIGIER
100000000000015E00000060125186D160613626.jpgDans la même collection
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Tag (Christophe Léon)
© Le Muscadier, 2021
BP 60076 – 16103 Cognac cedex
www.muscadier.fr
info@muscadier.fr
Directeur de collection : Christophe Léon
Couverture & maquette : Espelette
Photographie de couverture :
© Laure Zigliani
© Jorge Villalba/iStock
Image intérieure : Dernier regard de la reine Zénobie sur Palmyre de Herbert Gustave Schmalz (1856-1935)
Mise en page : La Femme assise
Conversion numérique : Chris Ebouquin
ISBN : 9782383020516
Table des matières
Couverture
PRÉFACE
PREMIÈRE PARTIE
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
DEUXIÈME PARTIE
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
chap_préface.pngNous aurons toujours des rêves,
que même le chaos ne saurait corrompre.
Ni bakchich, ni conflits, guerres et pandémies
ne peuvent éteindre le feu de nos aspirations.
Pulsion de vie.
Témoigner, raconter à tout prix un quotidien à l’équilibre rompu
par les forces obscures d’un monde en éternelle mouvance.
Saisir, capturer un éclat du réel,
le mettre en lumière et le livrer au monde, à l’universel.
À travers un regard qui ne demande qu’à être affiné.
Une âme qui ne cherche qu’à s’affirmer, se révéler et rayonner.
C’est ce que j’ai vu en Noor, lueur d’espoir et de vitalité dans une horreur qui n’altère guère son idéal.
Celui d’être journaliste. Transmettre l’information comme un devoir, une mission vitale. À l’instar des artistes, être un médium pour que des fragments de vérité circulent entre les deux mondes.
Qu’ils aspirent à se recoller, pour ainsi restaurer un grand miroir brisé, dans lequel deux rives s’observent en chiens de faïence depuis les temps immémoriaux de l’histoire. Pour que le dialogue soit renoué, que les mortiers se taisent, que les nouveau-nés n’apprennent plus à courir avant de savoir marcher, pour que le silence foudroyant de l’indifférence s’Orient-e à nouveau en étincelles de conscience.
Et peut-être aussi pour que la paix reboise un jour nos jardins d’enfance.
Dans une Syrie berceau des civilisations dont le croissant fertile se dessine au-dessus des yeux en amande de ses descendants, Patricia Vigier dépeint avec justesse les lieux et la triste chronologie d’un conflit qui souffle aujourd’hui ses dix funestes cierges.
Cette démarche est essentielle pour le devoir de mémoire cher à notre condition humaine. Et ce drame nous concerne tous car, comme dit le proverbe : « Toute personne a deux pays : son pays d’origine et la Syrie. »
Et parce que tout est intimement lié.
Et, dans ce souffle d’espoir que la folie de la guerre ne saurait détruire, elle met aussi à l’honneur une culture parfumée à la cardamome, la reine de la cité de Palmyre, symbole de beauté, ainsi que l’ardeur et la résilience d’une jeunesse syrienne au printemps de son propre avenir. Une remarquable invitation à inspirer les jeunes lecteurs à qui cet ouvrage est destiné.
Rohân Houssein
https://rohanhoussein.myportfolio.com/projets
chap_1ere_partie.pngCarte Syrie_Noor.jpgCHAPITRE 1
Mars 2017
J’ai toujours rêvé d’être journaliste. Du plus loin que je me souvienne.
Petite, lorsque je regardais le journal télévisé avec mon père qui me commentait le moindre sujet, je n’avais d’yeux que pour la présentatrice. Ravissante sous les projecteurs du plateau télé, parfaitement coiffée, maquillée, parfumée (forcément parfumée), vêtue chaque soir d’une nouvelle tenue colorée, souriante, le ton assuré et chaleureux, elle enchaînait l’annonce des reportages et interrogeait les invités avec un professionnalisme sans faille. Les stars du cinéma, du sport ou de la chanson se succédaient à son micro, elle semblait familière de chacun d’eux, conversait avec eux le plus grand naturellement du monde.
Je rêvais moi aussi de faire partie des connaissances du footballeur Ahmad Saleh, de la sublime chanteuse Nora Rahal. Ou bien de tenir la rubrique cinéma pendant le Festival international du film de Damas pour recueillir les larmes de joie des actrices du monde entier, pour interviewer sans rougir les plus beaux acteurs d’Hollywood. Et puis encore, de partir en reportage aux quatre coins du pays, faire découvrir aux spectateurs éblouis les merveilles de notre architecture et de nos paysages à couper le souffle.
Chaque fois que j’allais en vacances à Tadmor, chez ma tante Sarjawi, je notais dans un coin de ma tête tous les vestiges dont j’aurais pu parler en racontant les légendes qui y sont attachées. Je voyagerais, je parlerais couramment plusieurs langues, je serais très indépendante et recevrais des propositions des plus grandes chaînes câblées du Moyen-Orient.
On peut sourire de mes rêves de gamine, mais j’y croyais ardemment et cela me suffisait pour suivre les recommandations de mon père qui m’encourageait à bien travailler à l’école. Il approuvait mon projet du moment, et je mettais tout en œuvre en classe pour avoir les meilleures notes en histoire et en géographie (« Comment veux-tu prétendre faire des reportages à travers la planète si tu ne distingues pas ton nord de ton sud ? »), en rédaction (« Tu commenceras peut-être dans la presse écrite, tu dois parfaitement maîtriser la narration, l’argumentation, l’art de conduire un dialogue »), en anglais (qui est la langue universelle), en français (« La France est le pays des Lumières et des droits humains ») ou encore en sciences (parce que je pourrais aussi être amenée à parler de médecine, d’inventions ou de brevets déposés par nos ingénieurs et chercheurs).
Je ne voyais pas exactement à quoi il faisait référence, mais j’apprenais, je m’appliquais, je lisais tout ce qui me tombait sous la main à la bibliothèque, je tenais mon propre journal pour me faire la main. Avec le vieux téléphone que m’avait donné ma mère, je réalisais mes propres photos pour l’illustrer.
Les exposés à présenter devant toute la classe étaient l’occasion rêvée de m’entraîner à parler sans trac, posément, à répondre aux questions de mes camarades. « Tu t’y crois vraiment, ma parole ! » se moquait Shifa, mon amie d’enfance.
Avec Faisal, nous nous livrions à une compétition acharnée sur ce terrain. Nos professeurs prenaient un malin plaisir à nous interroger successivement, puis à demander aux autres leur avis sur notre prestation pour nous décerner nos notes. Nous aurions pu nous détester à cause de cette concurrence quasi permanente qui s’appliquait également aux résultats des contrôles écrits, et maintenait une comparaison systématique dans les commentaires des autres. C’était tout le contraire. Chaque critique, éloge ou conseil nous profitait à tous les deux tant notre désir de progresser était puissant.
Dès l’enfance, Faisal a nourri le même rêve que moi. Depuis toujours, nous accablons nos proches, le ton docte et inquisiteur, un manche de corde à sauter ou une bouteille à la main en guise de micro pour les interroger sur tout et n’importe quoi ; nous découpons les journaux pour élaborer nos revues de presse thématiques sans même attendre qu’ils aient été lus – ce qui nous a souvent valu quelques punitions exaspérées. Et combien de samedis pluvieux avons-nous passés à écouter la radio, non pas tant pour ce qu’elle racontait que pour la façon dont elle le racontait. Un certain mystère se dégageait de ce média exclusivement sonore et pourtant très évocateur : les paysages et ambiances soulevés par l’univers des bruits nous intriguaient puissamment. Il nous est même arrivé de simplement écouter des films, les yeux fermés, pour parfaire notre étude du pouvoir évocateur d’une bande-son particulièrement élaborée. La première fois que ma grande sœur Marwa nous a surpris comme ça devant la télé, elle a cru que nous dormions assis, elle a tout