Le flair: Promenade autobiographique dans la mémoire d’un Proviseur
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À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTEUR
Jean-Pierre Brami est de ceux qui aiment personnellement écrire et qui éprouvent une certaine jouissance à coucher des mots sur du papier. Fiers de leur inspiration, ils sont persuadés que le produit de leur pensée contribuera à faire rire, sourire le lecteur. Celui-ci se souviendra alors d’une époque, d’une situation qui motivera son intérêt, sa mémoire, ou sa passion.
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Aperçu du livre
Le flair - Jean-Pierre Brami
Avant-propos
Si le lecteur daigne ouvrir ce livre, il pourra se dire pour commencer : encore un livre de mémoires.
Je lui répondrais par le constat irréfutable que les ouvrages de mémoires ont été et sont légion depuis la nuit des temps. La pratique est devenue aujourd’hui fort courante. Politiques, artistes, chanteurs de variétés, gens de médias, industriels, ou simplement personnages auréolés de quelque notoriété, fût-elle des plus éphémère, racontent leur enfance, leurs amours, leurs succès et leurs douleurs, à travers un livre de mémoires, par vanité ou en proie à une aigreur suscitée par les déboires de leur existence.
L’on peut tout simplement écrire aussi pour sa postérité, en pensant que ce récit offrira quelque intérêt ou quelque originalité susceptible de plaire au grand public, et peut-être pour ne pas se faire oublier trop vite, et laisser quelques traces de son passage sur terre.
J’en connais même qui, incapables d’aligner quelques phrases correctes, le racontent de vive voix à un scribe obscur mais lettré appelé vulgairement « nègre » qui la mettra en forme avant d’être publié par une maison d’édition.
Je suis de ceux qui aiment personnellement écrire et qui éprouvent une certaine jouissance à coucher des mots sur du papier, fiers de leur inspiration et sûrs que le produit de leur pensée contribuera à faire rire, sourire et même évoquer au lecteur une époque ou peut-être une situation qui motivera son intérêt, sa mémoire, ou, dans le meilleur des cas, sa passion.
D’aucuns diront qu’il s’agit, dans mon cas, d’une forfanterie, contenue, du reste, dans le titre de cet ouvrage, titre orgueilleux certes, mais qui colle à ma personnalité de Tune¹, vocable explicité par l’humoriste Michel Boujenah dans l’une de ses premières prestations solitaires sur scène intitulées « Les Magnifiques ».
En fait, ce recueil de souvenirs s’apparente plutôt aux tribulations d’un chef d’établissement scolaire, son origine, son histoire, à travers plusieurs périodes de sa vie avec un fil conducteur : le flair.
Chapitre I
Le premier jour
Septembre 1980 – Rentrée scolaire au collège Jules Valles-Vitry sur Seine.
JPS releva vivement la tête vers la pendule clinquante, dernier cadeau de l’UGAP², accrochée à l’un des murs de son assez vaste et élégant bureau.
Absorbé par ses pensées, il croyait avoir oublié le temps.
9 h 30 :
Rassuré, il s’ébroua sur son imposant fauteuil de cuir fauve, se leva et fit quelques pas sur l’épaisse moquette crème.
Son estomac noué répercuta soudain sur son visage une brève grimace de douleur. Les nombreuses rentrées scolaires précédentes n’avaient jamais pu dissiper l’angoisse du jour de la pré-rentrée scolaire.
Le miroir de sa bibliothèque lui renvoya une image plutôt complaisante. Il est vrai que le bronzage de la Côte d’Azur rehaussé par son costume blanc lui donnait l’aspect d’un cadre dynamique requinqué par un mois de vacances rempli de fantasmes et de prouesses sportives.
Cette tenue de rentrée traditionnelle allait faire naître sourires et apartés sur les visages des notables en particulier de Jacqueline, PEGC³ de mathématiques, d’Anne-Marie, professeure certifiée d’Histoire-Géo et d’autres qui faisaient partie de son premier cercle.
JPS était heureux de retrouver sa cour de notables, sorte de cénacle d’enseignants dévoués, et qui l’avaient aidé dans sa tâche aventureuse, à l’époque de la rénovation du collège dont il avait hérité quelques années auparavant.
Il savait qu’il pouvait compter sur leur appui, leur courage, leur foi et leur enthousiasme. Il se plaisait du reste à comparer l’enseignant de zone prioritaire à un athlète de haut niveau, et donc à le chouchouter, mais sans esprit de démagogie.
Cette garde prétorienne lui apportait régulièrement l’écho de la salle des professeurs, avec l’humeur versatile des troupes, les provocations syndicales, et autres informations susceptibles de lui faire prendre les devants si quelques gros nuages venaient assombrir l’horizon.
Et si certains syndicalistes purs et durs du type SNES, UNITÉ et ACTION, faisaient quelques allusions sur les « indics » du Principal, JPS n’en avait cure pour la bonne raison que les plus entreprenants des notables servaient de passerelle entre les tenants des syndicats et lui-même.
Par ailleurs, il s’était forgé une image de marque d’une rectitude sans faille, tempérée par un talent de négociateur, qui lui valaient depuis quelques années, un état de grâce semi-permanent, conforté, il faut le dire, par quelques dossiers croustillants sur la vie et les agissements des purs et durs.
JPS se leva et jeta un coup d’œil machinal à sa fenêtre, juste à temps pour voir passer son fils aîné Alain, en compagnie de 3 de ses meilleurs amis du moment : Antoine Benacquista⁴ (dit Tonino), Quelen, et Hichem, un français d’origine algérienne.
Il réprima un sourire : un fils d’émigré italien, un Français de souche, et un « beur »
Les origines judéo-tunisiennes avaient parlé.
La mémoire de JPS s’embrasa brutalement sous une cascade de souvenirs :
Lycée Carnot – Tunis : un gros établissement français qui faisait rayonner la culture française en Tunisie, un état dans l’état, 2500 élèves avec internat, et un Proviseur à la croisée des chemins entre des autorités françaises passant peu à peu la main, et des dirigeants tunisiens fraîchement indépendants. En somme un chef d’établissement assez loin des préoccupations journalières du lycée, et plutôt enclin à jouer les diplomates et à naviguer entre les différents lobbys tunisiens déjà constitués et qui existaient à l’état latent bien avant l’indépendance du pays.
Un Censeur des études (aujourd’hui Proviseur-Adjoint) socialisant, jouant à fond la carte tunisienne, et se voulant un homme de théâtre et de radio. Certes, son physique, qui lui donnait un air de ressemblance avec l’acteur Michel Simon, plaidait pour lui, mais une certaine sénilité sous-jacente contribuait à ternir cette image plutôt que de coller à celle de l’artiste précité.
Monsieur le Censeur passait la plupart de l’année scolaire à stabiliser un emploi du temps de 80 classes et 170 professeurs, à l’exclusion de toutes autres activités qui passaient en second plan.
Tous les problèmes quotidiens de vie scolaire et de terrain échouaient immanquablement au Surveillant Général d’externat (aujourd’hui Conseiller Principal d’Éducation), lequel, fort de son sens de la délégation, et absorbé lui aussi par sa passion du théâtre abandonnait son pouvoir entre les mains de JPS, son adjoint direct, préposé à ce poste, grâce à son sens de l’organisation.
En fait, JPS régnait sur cet important établissement avec ses 24 surveillants qui lui étaient dévoués corps et âme ; 24 jeunes étudiants inscrits dans les différentes facultés tunisiennes (ex-françaises) de sciences, de droit, d’économie et de lettres qui distillaient selon le cas, certificats de licence française ou tunisienne, 24 êtres d’origine, de formation, de pensée, de culture, de confession très différentes, mais qui s’entendaient comme larrons en foire autour de JPS pour que l’ordre règne au lycée Carnot de Tunis.
Tunisiens ou Français, Italiens ou Maltais, Juifs, Catholiques ou Musulmans, à la fois si proches et si différents l’un de l’autre, un seul ciment les unissait : Le Lycée, véritable creuset culturel, esprit de tolérance et de respect mutuel où chacun s’enrichissait de l’expérience de l’autre.
Conforté par la confiance de ses supérieurs, homme d’action et de terrain, JPS avait également étendu son influence sur les milieux professoraux composés aussi bien de personnels locaux solides et compétents aux horizons eux aussi divers, que de coopérants volontaires, mais un peu candides et empreints d’une certaine naïveté.
Il savait parler à tout ce beau monde et avait acquis une aura et une notoriété qui l’avaient rendu incontournable dans des suggestions et des prises de décisions souvent importantes comme les choix d’affectation de professeurs et de surveillants.
Certes, il aurait pu être taxé de clientélisme, mais son flair aidant et aussi sa perspicacité contribuaient à soutenir une décision juste et appropriée.
C’est précisément pour cela que souriait intérieurement JPS, satisfait de voir poursuivre à son niveau cette œuvre de rapprochement et d’intégration.
9 h 50 :
Dans le secrétariat transformé en antichambre de cour royale, le ton haut perché de sa blonde et parfaite secrétaire, dominait la voix des notables qui l’attendaient. JPS arrivait à les reconnaître au son.
Jean-Louis, PEGC de mathématiques et physique avec sa gouaille parisienne qui dissimulait une autorité et une pédagogie sans faille, Nadine pied noir d’adoption, égérie de la salle des professeurs, mais d’un sérieux et d’un réalisme à toute épreuve malgré de tumultueuses relations sentimentales, Michel, pilier littéraire au caractère entier, Josette la discrète et pertinente certifiée d’anglais, Annick, la syndicaliste et les autres…
10 heures :
Il fallait paraître. JPS rajusta sa cravate. La porte de son secrétariat s’ouvrit soudain après un coup bref et presque simultané. Les traits souriants et énergiques de Bernard, son adjoint, remplirent l’encadrement de la porte pour lui rappeler l’heure.
JPS se détendit. La gentillesse, la rectitude et la compétence exécutive de Bernard avaient quelque chose de rassurant.
Il est vrai qu’en ces temps de changement où le chef