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L’enseignement vu autrement
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Livre électronique144 pages1 heure

L’enseignement vu autrement

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À propos de ce livre électronique

L’enseignement vu autrement relate les anecdotes de la vie de Jacqueline Poiraud qui, malgré sa cécité, enseignait le français dans des collèges et lycées prestigieux comme Lavoisier à Paris V. L’auteure y raconte comment elle a pu transmettre la connaissance littéraire à des milliers de jeunes élèves et ainsi exalter leur goût de la vie, et pour certains leur donner le virus de la poésie. Ce livre est un pur témoignage de ses réussites au moyen duquel elle nous invite à aller de l’avant, malgré les multiples embûches.


À PROPOS DE L'AUTEURE


Tout en menant sa carrière de poète et chanteuse, Jacqueline Poiraud a animé, pendant une dizaine d’années, un atelier de « parole poétique » au centre Sèvres à Paris. À la suite de plusieurs ouvrages, elle signe ici le mémorial de sa passionnante activité d’enseignante « vue » sous un autre angle.
LangueFrançais
Date de sortie12 sept. 2022
ISBN9791037768810
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    Aperçu du livre

    L’enseignement vu autrement - Jacqueline Poiraud

    Introduction

    Lorsque je me suis décidée à prendre la plume pour écrire le récit de ma vie de prof, nous commencions le second confinement et, petit à petit, j’ai compris que ce confinement pourrait être une chance.

    Quel paradoxe, moi qui suis déjà enfermée de plus en plus à cause d’une cécité totale doublée d’une forte photophobie qui limite mes déplacements à l’extérieur à des heures précises en matinée et en soirée, et qui me prive de centaines de moments conviviaux à cause des éclairages beaucoup trop forts aussi bien dans les magasins, les hôpitaux, les salles de toutes sortes. Eh bien, j’ai compris qu’avec un peu de temps et de silence, entre quatre murs on pouvait être heureux, trouver des moments de satisfaction profonde par l’écriture et, en l’occurrence, la narration du récit de mon expérience de professeur de Lettres aveugle avec des élèves voyants.

    Ce que j’ai compris tout récemment c’est que les enfants comme moi, nous étions contraints, dans le cadre de l’enseignement de l’éducation nationale, à être confinés dans des classes, nous étions enfermés, bel et bien enfermés, pendant de longues heures, sans bouger, sans que le corps vive. Et je me suis aperçue que malgré cette quasi-immobilité forcée, nous avions réussi, les enfants et moi, à passer de bons moments à l’intérieur des murs, si l’on peut dire.

    La « classe prison », nous sommes arrivés à l’animer à la rendre intéressante tout au moins supportable et idem pour « la prison de chair » que pourrait être la cécité.

    Au fur et à mesure, nous découvrirons comment notre partie animale qui souffrait plus ou moins de cette claustration, de cette immobilité forcée a pu être atténuée par… pas facile à définir, le partage du savoir, la joie d’apprendre ensemble, le plaisir de lire, de découvrir sans avoir à bouger, des milliers de paysages, de continents, de personnages de situations, de nos jours où il y a des centaines ou milliers d’années ; nous pouvions voyager dans l’espace et dans le temps sans avoir besoin de roulettes, de voitures ou d’avions…

    Importance capitale de la présence du chien, de la poésie, de la musique

    Dans les pages qui vont suivre, on découvrira la place discrète mais essentielle du chien, merveilleux partenaire, grâce auquel, j’allais dire « grâce à qui », j’ai pu me rendre chaque jour dans l’établissement et qui apportait du calme dans la salle.

    Bien entendu, je parlerai de la collaboration avec les assistants, et je développerai ce contenu des cours avec l’importance immense de la poésie et, plus tard en fin de carrière, du chant puisque dans la classe, nous avons eu la chance d’avoir, non seulement la présence d’un toutou mais, de plus en plus souvent, d’une guitare et de la voix de la prof-chanteuse.

    Je ne pourrai pas m’empêcher de citer maintenant la dernière strophe d’un célèbre poème d’un non moins célèbre collègue, Maurice Fombeure « les écoliers » car cela correspond à ce que nous vivions parfois : l’envol que nous procurait les moments de créativité :

    Puis, les voilà tous à s’asseoir

    Dans l’école crépie de lune

    On les enferme jusqu’au soir

    Jusqu’à ce qu’il leur pousse plume

    Pour s’envoler, après, bonsoir !

    Transmettre par-delà les mots, par-delà la littérature, l’amour de la vie ! c’est un art, et dans cette école de la république, il fallait le faire, comme on dit ; je crois que j’y suis parvenue en partie, je savais comme François Rabelais que « l’enfant n’est pas un vase qu’on emplit, c’est un feu qu’on allume ». Nous sommes arrivés à flamber quelquefois, et souhaitons que les braises demeurent et réchauffent longtemps la vie de ces chers gamins parisiens qui désormais sont pour la plupart devenus eux-mêmes des parents responsables d’autres enfants.

    L’instruction n’exclut pas le plaisir, le divertissement, bien au contraire. Si le prof s’ennuie évidemment ses élèves s’ennuieront, s’il est content les enfants le ressentent et la transmission se fera avec aisance.

    Une amie, à qui je confiais mon projet de coucher sur papier les souvenirs de ma vie de prof, m’a demandé comment j’avais vécu le fait d’imposer la violence de ma cécité aux élèves ; cette violence qui m’avait été imposée quelques années avant que je ne commence à enseigner. Quand j’ai perdu la vue, totalement, à vingt ans il a fallu que je vive avec elle, que je domine ça, que je fasse une résilience comme on dit, et, je sais que je l’ai faite. J’étais redevenue à l’aise avec moi et ensuite j’ai pu aborder une classe sans qu’il y ait au fond de moi, au moins dans l’exercice de ma fonction, aucune trace de cette violence ; au contraire, elle s’est muée en ardeur, passion, enthousiasme vis-à-vis de cette prise en charge, de cette collaboration avec les chères « têtes blondes ou brunes, ou rousses ».

    Désormais, c’est une tête argentée qui en quelques pages tentera de « résumer » une trentaine d’années de bonheurs partagés.

    Éducation Nationale

    J’ai commencé à enseigner en 1973 ; mon premier poste de professeur de Lettres modernes était au lycée-collège Lavoisier, et j’y suis restée une trentaine d’années…

    Avant de pouvoir se présenter aux concours de CAPES ou d’agrégation, toute personne aveugle ou déficiente visuelle, dans les années 70, devait effectuer un stage probatoire pour savoir si elle serait apte ou non, si sa présentation conviendrait aux élèves et à l’Éducation Nationale.

    J’ai effectué ce bref stage, au lycée Aristide Briant, place de la République à Nantes car je vivais là, chez mes parents, venant juste de perdre la vue à mes vingt ans.

    Je me souviens de mon premier cours, devant une classe d’ados, adorables, attentifs, surpris ; je présentais un texte de Rousseau, extrait des rêveries du promeneur solitaire.

    La jeune femme chargée de me noter m’a complimentée et rassurée sur le rapport qu’elle transmettrait par voie hiérarchique.

    Malheureusement, je dois avouer que cette mesure me semblait délicate, une de mes amies, Cécile, aveugle de naissance, n’avait pas été autorisée à passer les concours car son visage, ses yeux, n’ont pas été considérés comme un atout – et ma formulation est un euphémisme !

    J’avais passé avec succès le CAPES de Lettres modernes, bien placée et avec une excellente note.

    Après un stage pédagogique de quelques mois effectué au prestigieux lycée Louis le Grand, j’appelle un soir le proviseur de Lavoisier, à cette époque monsieur Marchant, et je lui fais part de mon désir de me présenter le lendemain dans son bureau et il me dit, j’ai encore la phrase dans l’oreille : « on vous attend comme le Messie »… Ça m’a fait un tilt comme on dit, cela m’a stimulée et bien sûr, j’ai mentionné dans notre première conversation que j’étais aveugle mais, pour lui, comme pour moi, c’était juste un détail.

    Quelques mots sur l’établissement Lavoisier situé à Paris, dans le cinquième :

    Autrefois, c’était une école municipale, par la suite elle est devenue un lycée technique, puis un collège-lycée avec classes préparatoires.

    Comme référence, le père du président Pompidou y avait enseigné.

    Un poète avait animé mes futures classes avant moi, Maurice Fontbeure, personnage pittoresque, à l’autorité défaillante mais au talent incontestable, un double confrère, à la fois enseignant et poète.

    La découverte de l’établissement

    Je prends le RER depuis la cité internationale où je loge, je descends

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