À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTEUR
Après avoir vécu dans plusieurs métropoles régionales du sud de la France, Gildas L’Her s’installe à Paris, à quelques encablures de la gare Montparnasse, réduisant la distance avec sa terre d’origine. Un panneau (À VENDRE) suspendu à la maison d’enfance et la promesse « d’écrire un livre pour accomplir sa vie d’homme » ont animé ce récit.
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Aperçu du livre
Je suis de là - Gildas L’Her
Partie 1
Chapitre 1
La pluie mitraillait la mer, presque à contretemps pour qui ne vient passer qu’une semaine de vacances. La nuit séchait le jour qui avait nettoyé les rues, saturé les champs qui dégringolent sur la ville. Elle avait fait taire toutes les odeurs de terre et de mer. Depuis trois jours, elle nous avait presque dissuadés de sortir. Trois jours que la bruine nourrissait irrégulièrement le sol comme une trotteuse refait le tour du cadran, en bégayant parfois sur quelques heures indécises. Le temps d’une embellie. Éternelles journées de novembre, épaissies par une grisaille silencieuse.
Dehors, le souffle humide du vent d’ouest déformait la chape des nuages dessinés à la mine graphite. Toutes les menaces de gris étaient là, comme aujourd’hui. Elles se répètent, se heurtent, se superposent, se détachent et parfois s’effacent comme par accident, pour laisser apparaître une touche crayeuse sous l’effet d’une gomme invisible. Il faut profiter de cette hésitation et s’engouffrer dans la brèche entrebâillée. Il faut faire semblant, semblant d’y croire, de croire au ciel qui s’ouvre. Il faut sortir de chez soi, par vanité, par chauvinisme ou par naïveté. Qu’importe. Il faut saisir cette intermittence, un parapluie de recours à la main, comme une faveur de fin d’automne qui n’est sûrement pas une promesse.
La langue bretonne est sans appel pour les deux derniers mois de l’année, mais pour combien de temps encore ? La langue est vivante. Elle est sous influence de ses voisines, du climat… À l’origine, la Bretagne n’avait que deux saisons : l’été et l’hiver. Par contagion, le français lui fit découvrir le printemps et l’automne. L’un et l’autre n’existent qu’en référence à l’été : le printemps est un nouvel été (nevez-hañv), l’automne en est la fin (dilost-hañv) ou le déclin du temps (diskar- amzer). Le ciel a donné des couleurs aux deux derniers mois de l’année qu’elle désigne par mois noir (miz-du) et mois tout noir (miz-kerzu), mais la morosité des jours perd du terrain sous le feu du changement de temps, même pendant ces mois damnés.
J’adresserais sur le groupe de discussion de mes collègues de bureau quelques photos prises en avril dernier et je leur mentirais à mon retour de vacances pour rivaliser avec leurs séjours exotiques. Oser la destination du Finistère nord entre la Toussaint et Noël relève d’une gageure que peu s’autorisent ou seulement une fois : une fois et l’on savoure la victoire sur son conjoint, une fois de trop et l’on ne choisira plus les futures destinations pendant quelques années, une fois seulement parce que « l’occasion ne frappe pas deux fois à la porte », avertissait déjà ma mère. Pour moi, c’est différent.
Je suis de là. Je suis de Roscoff.
Chapitre 2
Depuis quelques années, les toits nous ont éloignés de la mer. Les fenêtres du dernier étage de la maison familiale ont perdu leur fonction de vigie. Avec l’âge, la vue s’est rétrécie peu à peu. De ma chambre, au pigeonnier, le regard doit désormais choisir entre le ciel capricieux et le gris ardoise des couvertures des maisons neuves qui se sont emparées des champs qui menaient à la baie.
Je ne connais plus l’état de la mer. Au mieux, est-on surpris à la nuit tombée par un trait de lumière tout-puissant qui récidive à traverser les nuages bas et couper les façades et les toits. Rien ne lui résiste. Son faisceau alerte les navires lointains et quand il revient sur terre, c’est pour prendre son élan. Il affronte des sentinelles plus petites, qui signalent l’entrée dans les ports. C’est un duel sans vainqueur qui forme un pont nocturne entre les côtes. Seul le jour y met fin. Brutalement.
Un matin d’été, le correspondant souabe de mon frère, à qui j’avais prêté ma chambre, s’était inquiété de ce rayon lumineux qui balayait la nuit comme une lampe clandestine. Nous l’avions rassuré avec le même sourire goguenard que je lisais parfois dans les yeux de mon père, natif de l’Armor, quand il se moquait gentiment de ma mère, originaire de l’Argoat, selon lui. Personne ne sait vraiment dessiner la frontière entre ces deux pays. Pour autant, quelques intonations trahissaient quelquefois ce petit excès de prétention de la mer sur la terre, de mon père sur ma mère, d’une ville ouverte, cosmopolite et polyglotte, sur un arrière-pays ombrageux, quadrillé de champs, éloigné de la côte. Ils partagent pourtant le même récit, ont connu les mêmes agitations, la même misère, les mêmes heures de gloire, la même ferveur, les mêmes fiertés de nouveaux riches du Léon dont les prétentions se sont affrontées sur le terrain de l’architecture religieuse.
Mon père avait souri à l’interrogation un peu inquiète du jeune allemand venu passer un séjour linguistique en immersion. « C’est simplement la lumière du phare, le phare de l’île de Batz, l’île plein nord qui nous protège de la houle. Son phare expie ses péchés ! » Le jeune riverain de la Forêt-Noire avait sans doute décroché à partir du mot « lumière », mais il avait préféré capituler sans combattre.
Ah, les redoutables explications de mon père ! Sa pédagogie était encombrée de détours et de raccourcis, parfois éclairée par la réplique d’un personnage du théâtre classique ou l’aphorisme d’un moraliste, toujours les mêmes. Il s’écartait rarement des auteurs du XVIIe siècle ou seulement par ironie pour rappeler que « son verre était petit et qu’il pouvait boire dans celui d’un autre si cet autre tenait dans sa main une bouteille de champagne ! ».
Il les avait découverts à l’école primaire supérieure et prétendait qu’ils avaient déjà tout décrit :
« L’homme peut inventer des techniques et des procédés nouveaux, mais personne n’invente de nouveaux sentiments. Ils étaient là dès le début et ils seront là après nous. L’homme nouveau ! Quelle fumisterie ! C’est une invention de tyran. »
Il distillait des extraits au gré des situations, pas tant par respect pour les auteurs que pour ce qu’ils représentaient. Il n’en abusait pas, pour réussir l’effet de surprise. C’est à Corneille qu’il empruntait le plus. Le Cid prenait souvent la parole quand il voulait nous féliciter, mon frère et moi : « … aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années ». La Fontaine avait toujours sa place pour évoquer l’amitié bien sûr et nous mettre en garde contre les mots qui pouvaient être des traîtres : « Chacun se dit ami : mais fou qui s’y repose, Rien n’est plus commun que le nom, Rien n’est plus rare que la chose ». Au prêtre, ami de très longue date, qui avait accepté de baptiser son fils et qui n’était jamais venu lui rendre visite pendant qu’il était ancré définitivement dans un fauteuil roulant, il recourait encore au fabuliste pour étouffer une rage saignée au cœur qui s’épuisait peu à peu : « Le moine est toujours charitable… »
J’ai appris plus tard que les gardiens de phare puisaient dans le grand imaginaire médiéval pour classer les phares en trois catégories : ceux plantés en plein océan, régulièrement assaillis par une mer hurlante qui n’accepte pas qu’une colonne de pierre piste ses humeurs et en fasse écho à coups de signaux codés. La mer n’aime pas les messes basses. Ici, c’est elle qui impose sa loi, pas le ciel. Les gardiens expérimentés le savent. Ils les appellent « enfer », un lieu dont on ne revient pas comme avant, à force d’absence, de vide et de renoncement. Une deuxième catégorie désigne par « purgatoire » ceux plantés sur les îles, qui brûlent leurs feux jusqu’à les rendre purs. C’est là que s’expient les péchés. Au terme de ce parcours symbolique, les phares « paradis » sont ceux bâtis sur la terre ferme, à proximité des familles, accessibles comme on se rend au bureau, respectueux de l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle, diraient aujourd’hui les manuels de ressources humaines.
Chapitre 3
Les pelouses ont effacé les artichauts et les choux-fleurs qui nous servaient de boucliers contre les offensives de « pouloud », ces petites boules grossières que nous formions avec de la terre comme d’autres enfants, dans des régions plus montagneuses, usent de boules de neige comme projectiles ! Avec mon grand frère, nous formions un duo redouté, aux tirs puissants et précis. Sans se douter des dévoiements enfantins immédiats ou des usages insoupçonnés que réserve la vie, notre grand-père nous avait enseigné l’art du lancer. Mon père s’était étonné de ce saut de génération. Lui n’avait rien reçu en apprentissage : ni conseil sur la souplesse du bras, ni consigne sur la rotation du corps, ni instruction sur le fouetté ou sur le relâchement de la main. L’été, à marée haute, il nous retrouvait parfois sur le sable, à « l’heure vide du dîner sur les plages
