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François Rochon. Le parcours singulier d'un investisseur d'exception
François Rochon. Le parcours singulier d'un investisseur d'exception
François Rochon. Le parcours singulier d'un investisseur d'exception
Livre électronique468 pages6 heures

François Rochon. Le parcours singulier d'un investisseur d'exception

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À propos de ce livre électronique

Ingénieur de formation, collectionneur par passion, grand admirateur du peintre Claude Monet, François Rochon poursuit une mission incongrue : ouvrir son propre musée d’art contemporain au Québec. Ce rêve un peu fou, il est en voie de le réaliser, notamment grâce à son succès remarquable comme investisseur. Selon André Gosselin, François Rochon se hisserait parmi le 1 % des meilleurs gestionnaires de portefeuille d’actions en Amérique du Nord.
SON SECRET : il investit dans les entreprises qui profitent d’un avantage concurrentiel robuste au sein de leur industrie et qui font preuve de résilience et d’une capacité à enrichir leurs actionnaires en utilisant à bon escient leurs ressources humaines et financières. Depuis plus de deux décennies qu’il gère son argent et celui de ses clients de Giverny Capital, François Rochon illustre de manière exemplaire que la réussite en matière d’investissement repose sur un ensemble d’attitudes constructives qu’on peut s’employer à développer.

Comment être un actionnaire à long terme dans des entreprises exceptionnelles plutôt qu’un spéculateur, un trader ou un chasseur d’aubaines dans l’univers plus risqué et incertain des entreprises ordinaires ? Ce livre donne toutes les pistes.
LangueFrançais
Date de sortie1 févr. 2023
ISBN9782898272714
François Rochon. Le parcours singulier d'un investisseur d'exception
Auteur

André Gosselin

Sociologue (doctorat de l’Université de Paris 2) et politologue (doctorat de l’Université du Québec à Montréal), ANDRÉ GOSSELIN a fait carrière dans le monde des affaires et de la finance, notamment comme gestionnaire de portefeuilles. Il a été chroniqueur financier pour diverses publications québécoises (Affaires plus, Finance et investissement) et est l’auteur d’une série de sept ouvrages sur les stratégies d’investissement et la finance des marchés boursiers, une somme unique en langue française.

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    Aperçu du livre

    François Rochon. Le parcours singulier d'un investisseur d'exception - André Gosselin

    Introduction

    En 2004, je signais un ouvrage destiné à sonner l’alarme auprès des investisseurs québécois. En gros, je leur disais qu’ils géraient tellement mal leurs placements en actions qu’on pouvait raisonnablement se demander s’ils ne feraient pas mieux d’aller au bar du coin pour tenter de faire fructifier leurs épargnes dans les machines à sous de Loto-Québec. Et à la grâce de Dieu !

    Bon, ce n’était pas formulé dans ces termes, mais c’est le message que je souhaitais faire passer (si cela peut vous rassurer, le même message aurait pu être adressé aux investisseurs de tous les pays, car la situation était partout pareille).

    Le livre a connu un certain succès, aussi bien auprès du public que des experts et des médias. Ce qui ne veut pas dire pour autant que mes lecteurs sont tous devenus des virtuoses des places boursières, loin de là. Dans le merveilleux monde du placement, l’éducation est souvent à refaire. Dresser la liste des erreurs et des pièges à éviter est une chose, enseigner les voies de la réussite et de l’enrichissement en est une autre. Le présent ouvrage est dédié à la seconde mission.

    Plus d’une quinzaine d’années ont passé depuis la première parution de Lettre ouverte aux investisseurs irresponsables¹, et je reste convaincu que la situation n’a pas évolué d’un iota. L’investisseur qui tente de gérer lui-même son portefeuille d’actions court toujours à la catastrophe. La nature humaine continue de faire son œuvre de démolition, et les décisions que nous prenons lorsqu’il s’agit de placements ne sont surpassées, en matière d’échecs et de déboires, que par celle de se marier à une personne avec laquelle on divorcera six mois plus tard, ou celle d’acquérir une maison sur les bords d’une rivière qui ne manquera pas de sortir de son lit chaque printemps, emportant avec elle le mobilier tout neuf acheté un an plus tôt.

    On peut classer les investisseurs en deux grandes catégories : ceux qui confient la gestion de leur portefeuille à un professionnel « autorisé », et ceux qui choisissent de le gérer eux-mêmes. Les investisseurs qui choisissent de confier leurs épargnes à un expert risquent de laisser beaucoup d’argent sur la table, notamment quand ce dernier n’arrive pas à faire aussi bien que les indices du marché, ou qu’il réclame des frais de gestion franchement exorbitants. Mais ceux qui croient pouvoir se passer des services d’un professionnel risquent d’en laisser davantage. Que faire ?

    Les investisseurs sont pris, comme on dit, entre l’arbre et l’écorce : l’arbre d’une industrie qui n’est pas reconnue pour leur faire de cadeau, et l’écorce de leurs pulsions, de leurs excès de confiance, de leurs peurs et de leur avidité.

    Vous croyez être en bonnes mains avec un conseiller financier, un courtier ou un représentant en fonds communs de placement ? Grand bien vous fasse ! Mais sachez une chose : les conseillers financiers ne font pas de miracles. Les recommandations de la majorité d’entre eux ne vous permettront pas de faire mieux que le rendement moyen du marché. Une vaste étude réalisée au Canada a montré que, contrairement à ce que l’on pourrait croire, les conseillers financiers sont souvent de bien mauvais investisseurs, autant pour eux-mêmes que pour leurs clients². La plupart d’entre eux n’arrivent pas à vous donner le rendement moyen du marché. De quoi décourager tous les épargnants, petits ou gros, qui souhaitent faire fructifier leur bas de laine.

    Voici ce qu’écrivait le financier montréalais Stephen Jarislowsky en ouverture de son livre (Dans la jungle du placement), paru en 2005 : « L’univers du placement ressemble à une jungle. L’investisseur est une proie convoitée par les gouvernements, les courtiers, les conseillers, les souscripteurs, les dirigeants d’entreprise, les banquiers et les syndicats, sans parler des avocats et des comptables. L’État est sans doute le prédateur le plus menaçant, mais tous veulent leur part du butin. » Et il ajoutait plus loin : « […] les petits épargnants sont littéralement assiégés par des vendeurs de fonds ou autres marchands aux principes douteux ».

    L’homme doit savoir de quoi il parle puisqu’il a plus de 50 ans de métier derrière lui. Il a dirigé une grande firme de placements, a siégé aux conseils d’administration des plus grandes sociétés canadiennes, et a fondé un organisme national voué à la promotion de la bonne gouvernance parce qu’il voyait bien que les intérêts des actionnaires étaient trop souvent bafoués par les patrons des compagnies.

    M. Jarislowsky oublie seulement une chose : le pire ennemi de l’investisseur, c’est l’investisseur lui-même. Un exemple récent : quand la pandémie de COVID-19 a frappé la planète au début de l’année 2020, un investisseur sur cinq a liquidé son portefeuille d’actions et d’obligations quand il a vu qu’il s’était déprécié de plus de 25 %³. Pourtant, moins de 12 mois plus tard, les marchés canadien et américain avaient complètement effacé leurs pertes. Mais il y a pire que les réactions de panique. Les réactions d’euphorie, par exemple, qui ont fait perdre beaucoup d’argent aux investisseurs obnubilés par des promesses de gains rapides dans les secteurs du pétrole, des mines, de l’or, de la haute technologie, de la biotechnologie, des jeux vidéo, du cannabis, des cryptomonnaies, etc. Même chose pour cette manie qu’ont certains de vouloir jouer à Nostradamus en achetant et en vendant sur la base de prévisions « solides » quant à la direction des marchés ou de l’état de l’économie. Autant de réflexes qui vous assurent de tomber du côté des perdants.

    Je ne sais pas si l’univers du placement boursier est une jungle, comme le dit M. Jarislowsky, mais je sais en revanche que c’est un écosystème complexe, une sorte d’organisme vivant qui exige de ceux qui s’y aventurent beaucoup de résilience et une grande capacité d’adaptation. Si on prend seulement l’exemple des entreprises américaines qui ont, un jour ou l’autre, été cotées en bourse, 6 sur 10 ont fait perdre de l’argent à leurs actionnaires, 3 sur 10 ont donné des rendements positifs qui, en retour, ne dépassaient pas le taux annuel d’inflation, et moins d’une entreprise sur 10 a rempli ses promesses d’enrichir ses actionnaires. Et la réalité est encore moins réjouissante au Canada et ailleurs dans le monde. En d’autres termes, le rendement du marché des actions est tiré par une poignée d’entreprises seulement, pendant que des milliers d’autres sont à la traîne, jusqu’à constituer des poids morts qui pénalisent le portefeuille des investisseurs⁴.

    Il faut se faire à l’idée qu’une entreprise est une organisation qui a un cycle de vie : elle naît, croît, atteint sa maturité, décline et meurt. C’est ainsi. Certaines auront un cycle de vie d’à peine quelques années, tandis que d’autres connaîtront une longue existence, jusqu’à devenir centenaires. Ce qui ne veut pas forcément dire que la compagnie centenaire aura fait gagner plus d’argent à ses actionnaires que celle qui a rendu l’âme après 10 ans seulement. Quand une compagnie arrive à maturité, elle est nécessairement plus grosse que lorsqu’elle était jeune et en pleine croissance. La plupart du temps, elle procède à ses plus importantes émissions d’actions quand elle est au sommet de sa gloire. Si jamais ses revenus et ses profits – et avec eux, le cours de son action – se mettent à baisser, les pertes subies par les actionnaires dans cette phase descendante risquent d’être beaucoup plus importantes que les gains réalisés lors de la phase ascendante. C’est ce qui est arrivé avec Sears et Kodak – pour ne nommer que ces deux grands fleurons du capitalisme américain – et c’est ce qui se passe avec General Electric depuis une vingtaine d’années. Ainsi, en deux décennies à peine, une compagnie peut effacer l’équivalent de la valeur actionnariale totale qu’elle avait réussi à générer lors de ses 100 premières années d’existence. De quoi décourager les plus ambitieux d’entre nous.

    Le plus extraordinaire dans tout cela, c’est que l’investisseur peut avoir perdu de l’argent avec 6 compagnies sur 10, fait à peine mieux que le taux d’inflation avec 3 compagnies sur 10, et réalisé un gain exceptionnel avec 1 compagnie sur 10, si bien que le rendement annuel moyen de son portefeuille, sur un horizon de 20 ans, variera malgré tout entre 5 % et 10 %. Comment une chose pareille peut-elle se produire ? Tout simplement parce que notre investisseur aura conservé dans son portefeuille, pendant 20 ans, cette compagnie extraordinaire qui lui a permis de multiplier sa mise initiale par 50, voire plus. Ainsi va la bourse !

    Durant les décennies 1980 et 1990, on a beaucoup vanté les mérites de l’approche do it yourself (« faites-le vous-même »). La légende de l’investissement Peter Lynch, gestionnaire chez Fidelity, a signé trois ouvrages qui vont essentiellement dans ce sens. Or, fabriquer sa propre bière est une chose, placer son argent en bourse en est une autre. Le pire qui pourrait arriver à votre bière artisanale, en dehors des scénarios d’empoisonnement, est qu’elle ait un goût douteux. En revanche, le pire qui risque de se produire si vos placements dégringolent, c’est votre faillite personnelle, en souhaitant qu’il vous reste assez d’argent pour noyer votre peine dans une bière maison au goût amer.

    Avec les années, j’en suis venu à penser que ce qu’il nous manque au Québec pour gagner à la bourse, ce sont des modèles. Des gens qui ont su naviguer dans la « jungle » du placement depuis au moins un quart de siècle, et qui réalisent des rendements exceptionnels. Des gens qui ont des choses à nous apprendre, des règles d’or à partager, mais qui ne sont entendus que par un cercle restreint d’initiés.

    François Rochon est l’un de ceux-là.

    Fondateur de Giverny Capital et investisseur redoutable, François Rochon est le secret le mieux gardé au Québec. Ses rendements exceptionnels sont là pour en témoigner. Pour autant, ce n’est pas parce que vous avez l’une des plus belles feuilles de route des deux dernières décennies en matière de rendements boursiers, qu’aussitôt vous avez droit aux lumières des projecteurs. Dans le domaine austère et trop souvent rébarbatif de la finance, il en faut beaucoup plus pour espérer sortir de l’ombre.

    C’est après avoir lu les écrits du légendaire investisseur américain Warren Buffett que François décide, en 1993, d’investir son argent selon les enseignements de celui qui sera son modèle et son maître à penser pendant toute sa carrière. Six ans plus tard, satisfait de ses progrès, de ses apprentissages et des rendements de son portefeuille, il fonde sa propre firme de gestion de portefeuille, qu’il nomme Giverny Capital, en hommage aux jardins de Giverny, en France, que le peintre normand Claude Monet a immortalisés dans ses œuvres impressionnistes. La compagnie obtient son inscription à titre de gestionnaire de portefeuille à l’Autorité des marchés financiers (AMF) en 2000, et François peut enfin exercer à sa façon, librement, le métier pour lequel il est fait et qui le passionne toujours plus chaque jour.

    Dès le départ, il achète pour ses clients les mêmes titres que ceux qu’il détient dans son portefeuille. Pour François, être dans le même bateau que sa clientèle est une valeur cardinale. Il s’agit, ni plus ni moins, de la pierre angulaire des valeurs de la compagnie.

    La formule s’avère gagnante pour les deux parties, car le portefeuille modèle de la firme montréalaise⁵ – depuis son inscription à l’AMF en 2000, jusqu’au 31 décembre 2021 – a réalisé un rendement de 11,8 % annualisé (à noter que le portefeuille de François Rochon ne comporte pas de frais de gestion). Ce rendement se compare à 7,3 % annualisé pour son groupe indiciel comparatif (les deux rendements étant exprimés en devises canadiennes), soit une valeur ajoutée annualisée de 4,5 %⁶.

    Pour prendre toute la mesure de cet exploit, il convient de mentionner que selon la firme de recherche financière SPIVA, seulement 10 % des fonds d’actions américaines ont fait mieux que l’indice de référence, utilisé dans le cadre de cette étude, sur un horizon de 20 ans⁷. Au bout de deux décennies, ajoutent les chercheurs de SPIVA, environ 70 % des fonds d’actions américaines sont soit fermés, soit fusionnés avec un autre fonds qui affiche une meilleure feuille de route. Cette pratique courante, souvent inconnue du grand public mais tout à fait légale, laisse croire que le nombre de fonds qui battent les indices sur le long terme est plus élevé qu’il ne l’est en réalité. On peut donc conclure que 3 % seulement des fonds d’actions américaines, sur une durée de 20 ans, font mieux que leur indice de référence.

    À la lumière de ces données, je n’ai aucune hésitation à dire que le rendement du portefeuille de François Rochon, depuis 2000, le situerait dans le 1 % des plus performants de sa catégorie.

    Si on combine la performance du portefeuille de François pour la période précédant l’inscription de Giverny Capital à l’AMF (du second semestre de 1993 à 1999), avec la période qui va de 2000 à 2021, le rendement annuel moyen de ce portefeuille atteint 15,7 %, contre 9,9 % pour son groupe indiciel comparatif⁸.

    Si je peux me permettre une comparaison, j’aurais presque envie de dire que François Rochon est au monde du placement ce que Guy Lafleur a été au hockey professionnel. D’entrée de jeu, on a affaire à deux hommes qui partagent un talent hors du commun, les situant dans une classe à part. Mais plus que tout, ce sont des travailleurs acharnés qui ont une vraie passion pour leur métier, et dont l’esprit de compétition, s’il n’était pas un peu contenu, pourrait soulever des montagnes. Car comme au hockey, le talent n’est pas la seule qualité nécessaire pour réussir en bourse : l’intensité dans le travail, la rigueur, la confiance en soi et la persévérance sont également des atouts précieux pour atteindre la plus haute marche du podium.

    Oui, les personnalités de Guy Lafleur et de François Rochon comportent des similitudes. Et ce n’est sans doute pas un hasard si le premier fut le héros de jeunesse du second. Une chose importante les départage toutefois : la célébrité.

    Question célébrité, nous sommes prompts au Québec à reconnaître le talent des chanteurs, athlètes, humoristes et autres personnalités publiques. Prenez le palmarès des 100 personnalités les plus influentes du Québec, publié par le magazine L’actualité. Vous y trouverez beaucoup de vedettes du showbiz, des animateurs télé, des journalistes, des personnalités politiques, des chefs cuisiniers, des hommes et des femmes d’affaires, des écrivains et des écrivaines, des faiseurs d’opinion, etc. Ne cherchez pas, il n’y a aucun investisseur digne de ce nom dans la liste. Ils ont beau gérer des milliards de dollars d’actifs, ils sont aux abonnés absents. Et pourtant, ils contribuent à enrichir les Québécois et les Québécoises année après année, toutes catégories sociales confondues. François Rochon, par exemple, a fait fructifier le patrimoine de ses clients et partenaires de manière substantielle, en plus d’avoir contribué de façon significative à parfaire leur éducation financière.

    Au Québec, tout se passe comme si les gestionnaires de portefeuilles n’étaient perçus que comme des comptables de province ou, pire, des requins de la finance qui s’enrichissent sur le dos des pauvres gens. Ce serait commettre une grave erreur de les considérer ainsi ou de les mettre tous dans le même panier, car il s’en trouve qui ne cessent de faire évoluer les consciences en matière d’investissement tout en bonifiant le bas de laine de nos concitoyens. Il faudra bien un jour qu’on ajoute à ce palmarès quelques figures marquantes du monde du placement, sinon nos idéaux d’égalité économique ne resteront que de pures chimères, des promesses énoncées dans les programmes des partis politiques, le temps d’une élection. Au moment où il entame la seconde partie d’une carrière qui est d’ores et déjà prodigieuse, François Rochon a toutes les qualités pour figurer à ce palmarès.

    • • •

    J’ai connu François au début des années 2000, alors que j’entamais une nouvelle carrière dans le monde de l’édition financière (je rédigeais notamment des livres, des chroniques financières et des rapports annuels de grandes banques), après un passage dans l’enseignement et la recherche universitaire. Nous partagions une passion commune pour la bourse et l’investissement, et il nous arrivait de faire des présentations conjointes auprès d’investisseurs québécois en mal de rendement à propos de leur portefeuille.

    Toujours est-il qu’un jour d’avril 2003, François m’appelle pour me demander si le congrès annuel de Berkshire Hathaway, à Omaha, au Nebraska, pouvait me tenter. Rencontrer Warren Buffett en personne, même à 100 mètres de distance, est le rêve de tout bon passionné d’investissement. J’ai donc accepté de me joindre à un petit groupe de Québécois mordus de placement, réunis le temps d’un week-end pour écouter les sages paroles de l’oracle d’Omaha. En plus de François et moi, il y avait Jean-Philippe Bouchard (vice-président et associé de Giverny Capital et fidèle bras droit de François), Mario Projean (un ami de François et fan de Buffett) et Bernard Mooney.

    Les lecteurs du journal Les Affaires connaissent bien Bernard Mooney. Avant de prendre sa retraite, il a été l’un des meilleurs chroniqueurs financiers au Québec, et l’auteur de deux excellents livres sur l’investissement : Investir à la bourse et s’enrichir et Maîtriser les démons de la bourse.

    En admirateur inconditionnel de Buffett, François m’avait entraîné dans un véritable pèlerinage « buffettien », avec une visite guidée de toutes les entreprises qui sont dans le giron de l’empire Berkshire Hathaway et qui ont pignon sur rue à Omaha : chaînes de bijouterie, magasins de meubles, crèmeries Dairy Queen, comptoirs See’s Candies, magasins de peinture Benjamin Moore, magasins de tapis, succursales bancaires de la Wells Fargo et de la société d’assurances GEICO, et j’en passe.

    Durant nos repas du soir au Gorat’s Steak House (le restaurant préféré de Buffett), le Coca-Cola coulait à flots et la note était réglée avec une carte American Express : deux autres fleurons dans le portefeuille de Berkshire.

    Le vendredi en soirée, Bernard et François avaient poussé l’idolâtrie un cran plus haut : une visite du quartier où habite Warren Buffett. Planqués comme des paparrazis dans l’habitacle de la Chevrolet, nous avions stationné la voiture en face de la demeure du grand maître. De style vaguement scandinave, le bâtiment n’avait rien d’ostentatoire. On aurait dit la résidence d’un médecin ou d’un avocat de province. Dire que l’humilité de Buffett nous séduisait serait un euphémisme. Cette maison qu’il habitait depuis toujours nous laissait pantois, surtout en raison de sa valeur sur le marché (à peine 350 000 dollars à l’époque). Tôt le samedi matin, 15 000 fidèles s’étaient entassés dans le plus grand amphithéâtre de la ville, impatients d’entendre les conseils de Buffett et de son associé de toujours, Charlie Munger. Nous n’étions pas tous des spécialistes de Berkshire Hathaway, mais il y en avait au moins un dans la foule (François, bien sûr) qui connaissait à peu près tout ce qu’il était possible de savoir du conglomérat dirigé par les deux figures tutélaires du capitalisme américain.

    On peut sourire de voir autant de gens en pâmoison devant deux légendes vivantes, mais on commettrait une erreur en pensant qu’ils sont sous l’emprise d’un gourou. Car un gourou, voyez-vous, n’admet jamais ses erreurs. Warren Buffett, lui, ne se prive pas de commenter les siennes et de les analyser dans tous les sens pour éviter de les répéter. François a le même réflexe. Il n’hésitera pas à parler autant de ses erreurs que de ses bons coups. C’est devenu comme une seconde nature chez lui. Il ne peut s’empêcher d’aller au fond des choses quand un placement a mal tourné. Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné ? Quels ont été les angles morts dans l’étude du dossier d’une entreprise qui, pourtant, promettait d’être un placement extraordinaire ? La direction a-t-elle mal fait son travail ? Un ou des concurrents ont-ils compliqué les choses ? Les goûts et les besoins des clients ont-ils changé en cours de route ? Les gouvernements et leurs lois ont-ils joué un rôle ?

    Il faut beaucoup d’humilité pour adhérer à l’adage qui dit qu’on apprend davantage de ses erreurs que de ses succès. Mais l’humilité n’est pas un ingrédient suffisant. Il faut également de la méthode. De la constance aussi. Et beaucoup de psychologie afin de bien évaluer la qualité des dirigeants qui président aux destinées des entreprises dans lesquelles on investit.

    Si je devais résumer en une phrase la philosophie de placement de François Rochon, je dirais ceci : Investir uniquement dans les compagnies qui contrôlent en grande partie leur destinée, et non dans celles dont l’avenir dépend de forces qui leur échappent.

    Faire la biographie d’un entrepreneur et investisseur comme François Rochon est chose aisée. Il a écrit 22 lettres à ses partenaires depuis 2000, et plus d’une cinquantaine de lettres trimestrielles depuis 2003. Il a également signé des dizaines de chroniques parues dans des publications comme le journal Les Affaires, le quotidien montréalais The Gazette, les sites Internet Webfin et de la section économie de La Presse, le magazine Affaires Plus ainsi que le journal Finance et Investissement. S’ajoutent à cela de nombreuses capsules vidéo disponibles sur le site Internet Les Affaires, sans oublier les conférences qu’il a données, les séminaires qu’il a dirigés, ainsi que toutes les entrevues qu’il a accordées au fil des ans à des médias canadiens, américains ou étrangers, et qui sont pour la plupart consultables sur le site Internet de Giverny Capital.

    À part Stephen Jarislowsky à l’époque où il tenait une chronique mensuelle dans le magazine Affaires Plus, je ne connais aucun gestionnaire de portefeuille qui a autant contribué à l’éducation financière de ses clients, et des investisseurs de tous horizons.

    J’ai évidemment puisé dans cette documentation pour écrire ce livre, sans compter la douzaine d’entretiens que nous avons eus ensemble tout au long de l’année 2021. Mon objectif n’était pas de faire une simple narration factuelle de la vie et de l’œuvre de François Rochon, mais plutôt de produire une biographie analytique, voire pédagogique de l’homme, dans la mesure où son parcours nous permet de réfléchir sur l’art d’investir, sur le monde des compagnies cotées en bourse, ainsi que sur la démarche d’investissement basée sur l’analyse fondamentale et sur l’approche dite « valeur ».

    Outre ses nombreux écrits et ses entretiens dans les médias, François offre un autre avantage non négligeable à l’auteur intéressé par son histoire et sa conception de l’investissement : il possède une excellente mémoire et ne cesse jamais de réfléchir sur sa pratique d’investisseur.

    Il hésitera à le crier sur les toits, mais il est sans doute le plus grand spécialiste canadien de la philosophie d’investissement de Warren Buffett, pour la simple et bonne raison qu’il en a une connaissance plus pratique que théorique, ce qui lui procure un avantage considérable sur les journalistes, auteurs et conférenciers de toutes sortes qui pensent maîtriser les secrets de la réussite du « sage d’Omaha ».

    Buffett est un produit de la société industrielle et des Trente Glorieuses, cette période de très forte croissance économique et de hausse fulgurante du niveau de vie que l’Occident a connue entre 1945 et 1975. Personne mieux que lui, d’ailleurs, n’a compris les forces productives qui étaient alors à l’œuvre en Amérique du Nord, et la richesse phénoménale qu’un investisseur perspicace et discipliné pouvait en retirer.

    François, lui, est plutôt un produit de la société postindustrielle, que d’autres ont appelée la société de la connaissance, ou encore l’économie du savoir. Il est ce qu’on appellerait un enfant de l’ère informatique, de Microsoft, Apple, Cisco, Intel, Google, Amazon, Facebook et toutes ces grandes sociétés qui ont posé les bases de la révolution Internet.

    Je connais des investisseurs professionnels qui ont choisi ce métier par amour de l’argent et par besoin d’afficher leur train de vie ostentatoire ; d’autres qui le pratiquent par intérêt pour le lucratif marché des prévisions économiques et financières ; j’en connais même dont la ferveur première est de découvrir les formules mathématiques, les configurations graphiques et les algorithmes informatiques qui vont leur permettre de déjouer le système, comme si l’enjeu était de « faire sauter la banque », comme au casino. Si François Rochon a choisi la carrière d’investisseur, c’est d’abord pour se bâtir un joli patrimoine certes, mais c’est aussi en raison de sa passion pour ces organisations humaines d’un genre particulier qu’on appelle des « compagnies », notamment celles qui se démarquent des autres par leur culture d’entreprise, qui excellent dans leurs activités de tous les jours, et qui contribuent de manière significative à la croissance économique, au bien-être humain sous toutes ses formes, sans oublier celui des premiers concernés : les actionnaires, petits ou grands.

    Comme son mentor Warren Buffett, François a fait des débuts modestes en investissant son argent selon une approche fondamentale de long terme. Aujourd’hui, Giverny Capital gère plus de deux milliards de dollars d’actifs pour ses clients canadiens, américains et internationaux. Ses connaissances et ses compétences, il les a acquises en lisant des dizaines de livres sur le placement, des lettres financières, des rapports annuels de compagnies, des magazines d’affaires, des rapports d’analystes de firmes de courtage, des biographies d’entrepreneurs légendaires et de grands capitalistes américains et canadiens ; tout ça en « mettant la main à la pâte », c’est-à-dire en investissant très tôt ses maigres économies dans une brochette d’entreprises de qualité et prometteuses, et en suivant leur évolution dans les moindres détails, comme s’il en était le propriétaire et principal actionnaire. C’est comme ça que Warren Buffett est devenu la légende que l’on connaît, et c’est la méthode que François a adoptée pour marcher dans les pas de ce géant.

    Si j’ai choisi d’écrire un livre sur François Rochon plutôt que sur un de ses pairs, c’est parce qu’il est de loin l’un des meilleurs de sa catégorie, que je sentais qu’il avait encore des choses à m’apprendre, que sa philosophie d’investissement est l’une des plus faciles d’accès pour le commun des mortels, et enfin parce que nous manquons cruellement au Québec d’ouvrages sur nos plus illustres gestionnaires de portefeuille. Nos voisins américains disposent de centaines de livres sur leurs plus fameux investisseurs et gestionnaires de portefeuille, qu’ils n’hésitent d’ailleurs pas à appeler des « gourous » (au sens de maîtres à penser), au point de les suivre dans les moindres détails afin de connaître les titres qu’ils achètent et vendent, surpondèrent et sous-pondèrent, comme on peut le voir sur le populaire site Internet GuruFocus.

    À l’heure où des dizaines de milliers d’investisseurs québécois, jeunes et moins jeunes, se lancent à l’assaut des marchés boursiers, François Rochon est une inspiration, une référence dont les conseils doivent faire partie du coffre à outils de tout investisseur sérieux qui souhaite s’enrichir et trouver les conditions d’une véritable autonomie financière.

    Les rêves de liberté ont souvent commencé par quelques centaines de dollars investis intelligemment. Encore faut-il connaître les rares chemins qui y conduisent, l’état d’esprit à adopter et les embûches à éviter. Mais le plus important restera toujours d’avoir des modèles inspirants. François Rochon demeure incontestablement l’un de ces modèles.

    1 Le livre Lettre ouverte aux investisseurs irresponsables a été mis à jour et réédité en 2021 chez Saint-Jean Éditeur. En 2005, il a remporté le Grand Prix du livre d’affaires HEC Montréal.

    2 Cette étude, réalisée auprès de 3000 conseillers, a été publiée dans la prestigieuse revue Journal of Finance en 2021. Elle a notamment montré que les meilleurs conseillers financiers obtenaient des rendements annuels moyens inférieurs d’environ 2 % aux indices de référence, tandis que les pires avaient des rendements inférieurs de près de 4 %. Juhani Linnainmaa, Brian T. Melzer, et Alessandro Previtero, « The Misguided Beliefs of Financial Advisors », Journal of Finance, vol. 76, no 2, avril 2021, p. 587-621.

    3 Données provenant de la firme de recherche Dalbar auprès des investisseurs américains. Dalbar, Quantitative Analysis of Investor Behavior, 31 décembre 2020.

    4 Je reviendrai dans les chapitres suivants sur les travaux d’Hendrik Bessembinder, professeur de finance à l’université d’État de l’Arizona, au sujet des compagnies cotées en bourse aux États-Unis, notamment quant à leurs rendements historiques et à la valeur créée pour leurs actionnaires.

    5 Voir le texte en page 6 pour des précisions et l’annexe pour les notes quant aux rendements du portefeuille Rochon Global, ainsi que sur le groupe indiciel comparatif utilisé.

    6 Ibid.

    7 SPIVA® U.S. Scorecard 2021. Les études SPIVA sont publiées par S&P Dow Jones Indices LLC, une division de la firme S&P Global.

    8 Voir le texte en page 6 pour des précisions et l’annexe pour les notes quant aux rendements du portefeuille Rochon Global, ainsi que sur le groupe indiciel comparatif utilisé.

    1980-1985

    Le p’tit gars de Rosemont

    Le 8 décembre 1980, John Lennon meurt assassiné devant son immeuble de Manhattan, d’une balle tirée à bout portant par Mark David Chapman.

    Le 10 février 1981, le batteur du groupe Genesis, Phil Collins, lance un album solo ayant pour titre Face Value, qui devient un succès international et numéro un des ventes dans sept pays, dont le Canada.

    Le 30 novembre 1982, l’album Thriller, du chanteur Michael Jackson, sort sur les tablettes des disquaires et devient en quelques mois seulement le disque le plus vendu de tous les temps.

    L’émergence d’un collectionneur

    Les années 80 marquent le début de l’adolescence de François Rochon. Déjà, ses goûts musicaux sont très éclectiques et vont des Beatles à Michael Jackson, en passant par le rock progressif et la musique classique, Chopin notamment.

    François grandit à Rosemont, un quartier de l’est de Montréal majoritairement francophone, caractérisé par une grande mixité sociale, mais où la classe ouvrière cède progressivement la place à une nouvelle petite bourgeoisie. Fils unique d’une mère professeure de chimie à l’université et d’un père professeur de chimie au cégep, on se serait attendu à ce qu’il ait les mêmes dispositions que ses parents pour l’étude de la matière et de ses transformations atomiques et moléculaires. C’est pourtant « l’alchimie de la finance »⁹ – après des études d’ingénieur – qui aura finalement sa faveur : une discipline qui compte davantage d’apprentis sorciers que la chimie enseignée à l’université.

    L’initiation du p’tit gars de Rosemont pour le monde des affaires commence avec son grand-père maternel, un commerçant de la petite ville francophone de Hawkesbury, en Ontario, qui tient un magasin de meubles sur la rue Principale. Quand il lui rend visite plus souvent qu’à son tour, François accompagne son grand-père au travail et l’aide, à l’occasion, à faire l’inventaire de la marchandise sur le plancher et dans l’entrepôt. L’homme a pris son petit-fils sous son aile, et ce dernier lui voue le plus grand respect et une tendre affection. Le gamin est même autorisé à aligner les chiffres sur une énorme calculatrice mécanique de la marque Burroughs, brevetée en 1892

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