L'information veut être libre: De la transparence morale à la transparence des sociétés cotées

Par Laurent Rouyrès

Vous souhaitez garder le secret sur une information ? Ce ne sont pas les moyens qui manquent. Vous pouvez, au choix, vous abstenir de la communiquer ; la noyer sous d'autres informations sans intérêt ; la déformer, la tordre, la maquiller ; ou bien détourner l'attention des observateurs vers tout autre chose. Vous voyez : l'opacité est toujours possible. Mais si vous souhaitez au contraire être transparent... alors sachez que la transparence est un art éminemment exigeant. L'information veut être libre, sur le papier ; mais dans les faits, tout concourt à l'entraver. Souvenez-vous : votre père n'est pas vitrier.


À PROPOS DE L'AUTEUR

Après une première vie de rugbyman de haut niveau, Laurent Rouyrès a dédié la suite de sa carrière à la transparence de l'information d'entreprise. Tout à la fois un sport, une profession, une passion, et même un sacerdoce. Il en expose ici les règles et les événements marquants.

• Langue: Français
• Éditeur: Publishroom
• Date de sortie: 18 janv. 2023
• ISBN: 9782384545452

Aperçu du livre

D’où parles-tu, camarade ?

« Laurent, vous avez de la chance. Vous n’avez pas d’ennemis : vous venez de nulle part », m’a dit un jour Gérard Rameix, alors président de l’Autorité des marchés financiers (AMF).

Il avait raison : je viens de nulle part. Plus exactement, je viens d’un terrain qui ne me prédisposait guère à me passionner pour la transparence des sociétés cotées : le terrain de rugby.

Sportif de haut niveau, je ne suis passé ni par une grande école, ni par un grand corps de l’État, ni par un grand groupe du CAC 40¹ ; ainsi personne ne m’a vu venir.

Gérard Rameix avait raison sur un autre point : j’ai eu de la chance. Beaucoup de chance.

J’ai d’abord eu la chance de jouer en équipe. Au Racing Club de France, pour commencer, puis quelques années plus tard, au sein de l’entreprise que j’ai créée, Labrador.

J’ai aussi eu la chance de jouer talonneur, une position qui vous expose à prendre des coups. Et les coups m’ont appris l’obstination.

Une équipe soudée, de l’obstination : deux conditions absolument indispensables, pour réussir à imposer à l’information d’entreprise nos standards de transparence. Mais ça n’aurait pas suffi sans une bonne dose de culot.

Au rugby, l’impossible est toujours possible. Même la victoire la plus improbable est toujours à votre portée, à condition d’avoir une équipe soudée, de l’obstination, et surtout d’y croire. Et je suis un incorrigible croyant.

N’avons-nous pas eu d’ennemis ? Ce dernier point est peut-être plus discutable. Disons que nous avons eu quelques adversaires.

Notre cause le valait bien.

D’origine morale, la transparence tend depuis un siècle à devenir une science. Avec succès. Elle s’appuie pour cela sur d’autres disciplines scientifiques, elles aussi tout à fait récentes : à la croisée des sciences de l’information et des sciences de la cognition.

En particulier, la transparence s’intéresse à l’utilisateur de l’information et s’attache à comprendre son intelligence.

Elle a considérablement progressé sur le plan technique ; mais il lui reste encore beaucoup à faire pour continuer à s’améliorer.

Depuis 30 ans, j’ai développé avec mon équipe cette science de la transparence, appliquée à l’information d’entreprise. D’abord en France, puis aux États-Unis.

Depuis 2009, nous avons analysé et récompensé les meilleures pratiques des sociétés cotées en la matière², de part et d’autre de l’Atlantique. Nous avons ainsi forgé une vision, de solides convictions, et surtout une méthode.

Car il faut de la méthode, face aux obstacles à la transparence. Ils sont nombreux : depuis le goût du secret, jusqu’à l’appétit immodéré pour le bullshit, en passant par la distorsion des faits… Et parmi eux, notre adversaire le plus redoutable : la trouille, évidemment.

Pendant des décennies, l’information réglementée a été conçue et produite par des responsables qui souhaitaient avant tout se protéger.

Directions financières, directions juridiques, avocats, auditeurs… Tous n’ont pensé qu’à respecter la règle, qu’à satisfaire le régulateur. On ne peut leur en vouloir.

Mais l’on ne peut que déplorer que le lecteur ait été considéré comme quantité négligeable, pendant si longtemps.

Nous avons eu la faiblesse de penser différemment. De refuser que le clair-obscur reste la norme. D’affirmer que si l’information d’entreprise n’était pas lue, alors elle ne servait à rien. Malgré l’investissement considérable consenti pour la produire ; malgré son potentiel inestimable, pour rapprocher les entreprises et leurs publics.

Nous en avons fait l’expérience : la transparence est un art extraordinairement exigeant. Le monde n’en a jamais eu autant besoin.

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1 Cotation assistée en continu (40 valeurs) ; le CAC 40 est le principal indice de la Bourse de Paris.

2 Les Transparency Awards sont attribués chaque année, en collaboration avec l’AFG, Euronext, F2IC, l’IFA, Paris EUROPLACE, la SFAF et l’AMF. Voir : grandsprixtransparence.com

« Aie confiance »

Aie confiance, crois en moi

Que je puisse veiller sur toi

Fais un somme sans méfiance

Je suis là, aie confiance

Le Livre de la Jungle, studios Disney, 1967

La confiance est en berne. Elle connaît bien sûr des hauts et des bas. Mais il y a si longtemps qu’elle s’érode, qu’on n’ose plus guère parler de tendance.

Cette érosion est universelle, bien qu’elle affecte en particulier les vieux pays développés. Dont la France, qui n’en finit pas de se méfier. « On nous ment » est le sentiment dominant. Soit on nous cache tout, soit on ne nous dit pas tout.

Et si demain, l’on nous disait toute la vérité, rien que la vérité, il est probable que nous ne saurions pas la reconnaître.

Manifestement, le monde est en carence d’ocytocine. À moins qu’il ne souffre d’un excès de testostérone. Est-ce grave, docteur ? Il faut le craindre ; peut-être plus grave encore qu’il n’y paraît.

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« Les journalistes / les dirigeants politiques / les dirigeants d’entreprises / induisent volontairement les gens en erreur en disant des choses qu’ils savent fausses