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Prévention et intervention précoce en période périnatale
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Prévention et intervention précoce en période périnatale
Livre électronique917 pages10 heures

Prévention et intervention précoce en période périnatale

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À propos de ce livre électronique

L’intérêt pour la prédiction du développement ultérieur de l’enfant, à partir de la période périnatale, n’est pas récent. Le pari de la science actuelle est qu’en comprenant les mécanismes, les processus et les facteurs qui sont impliqués dans cette prédiction, nous pouvons mieux soutenir le développement de nos enfants. Au-delà des stratégies d’intervention fondée sur la bonne volonté, les travaux en cours nous permettent de croire que la prévention réalisée en période périnatale aurait, en partie, cette incidence espérée.

Par l’entremise de cet ouvrage pluridisciplinaire, nous souhaitons outiller les personnes intervenantes, étudiantes et professionnelles à propos des facteurs de risque périnataux et des interventions préventives qui y sont associés. Nous espérons ainsi pouvoir mobiliser des efforts collectifs à tous les niveaux pour que nos actions envers les enfants puissent se réaliser à la hauteur de nos possibilités et de nos ambitions.
LangueFrançais
Date de sortie16 nov. 2022
ISBN9782760557642
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    Aperçu du livre

    Prévention et intervention précoce en période périnatale - Julie Poissant

    Introduction

    De la période prénatale à 2 ans

    Une période de fragilités

    et de possibilités

    Julie Poissant
    Thomas Saïas
    George M. Tarabulsy

    Il y a maintenant trente ans, le rapport Un Québec fou de ses enfants

    du Groupe de travail pour les jeunes (Gouvernement du Québec, 1991) soulignait l’importance d’agir de manière préventive pour favoriser la santé, le bien-être et le développement des enfants. L’importance d’agir tôt, avant même la naissance, comptait parmi le continuum des interventions à privilégier. Le rapport recommandait d’ailleurs de mettre sur pied des services d’accompagnement et de soutien parental durant la période de la grossesse jusqu’à ce que l’enfant atteigne l’âge de 2 ans. Un peu plus d’une décennie plus tard, en 2004, le ministère de la Santé et des Services sociaux déployait le programme des Services intégrés en périnatalité et pour la petite enfance (SIPPE) à l’intention des familles vivant en contexte de vulnérabilité dans toutes les régions du Québec. Ce programme d’accompagnement des familles à domicile a pour objectif de soutenir la santé et le développement des jeunes enfants dès la 12e semaine de grossesse et peut être offert jusqu’à ce que l’enfant commence la maternelle 5 ans (MSSS, 2021). Il s’agit actuellement du plus important programme de prévention en santé publique avec des investissements totalisant 54 millions de dollars annuellement.

    Le récent rapport de la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse réaffirme la nécessité de la prévention pour faire du bien-être des enfants un projet de société (Gouvernement du Québec, 2021). Les commissaires dressent à cet égard une liste de « recommandACTIONS » visant à accroître, entre autres, l’accessibilité et la qualité des services en périnatalité et en petite enfance. Ils maintiennent que, pour soutenir le bien-être des enfants, plusieurs mesures sont nécessaires et qu’il reste du travail à faire pour « passer d’un Québec fou de ses enfants à un Québec digne de ses enfants » (Gouvernement du Québec, 2021, p. 98). En France, la politique des 1 000 premiers jours a été impulsée par la présidence de la République, dans le sillage des efforts des Nations Unies, du Royaume-Uni, du Brésil et de nombreux autres gouvernements. L’importance des 1 000 premiers jours de vie est mise en avant pour cadrer les politiques institutionnelles de prévention précoce.

    Ces positions d’experts et la volonté politique qui en découle pour soutenir les familles durant la période périnatale reposent sur de nombreux résultats de recherche qui convergent vers le constat que la période de la grossesse et des premières années de vie est névralgique pour le développement du capital humain (Yousafzai et al., 2018). C’est durant cette période que s’établissent les fondations requises à la santé, au développement ainsi qu’aux apprentissages et aux compétences qui serviront à l’être humain tout au long de son existence (Fox et al., 2015 ; Goodman et al., 2018). La première partie de cet ouvrage expose les capacités cérébrales du fœtus ainsi que les mécanismes impliqués dans le développement et le maintien de la santé. Dans le premier chapitre, Nijhuis illustre comment une observation attentive du fœtus indique que, même durant cette période, l’être humain répond, réagit et apprend, manifestant même la présence d’un certain niveau de mémoire, alors que son cerveau est en plein essor. Dans le deuxième chapitre, Delpierre et Kelly-Irving donnent l’heure juste quant aux origines développementales de la santé et des maladies.

    1. Le modèle du parcours de vie pour appréhender les fragilités

    La recherche en psychologie, sociologie, épidémiologie, biologie, sciences sociales et dans bien d’autres disciplines révèle que la santé, le développement ou la réussite éducative de l’enfant résultent d’un processus complexe et non linéaire se déroulant à plusieurs niveaux (biologique, psychologique, social et culturel), dans plusieurs environnements (p. ex. la famille, la communauté, la société) et à travers le temps (Halfon et al., 2014). Pour bien saisir ce processus, le modèle du parcours de vie s’avère utile. Il permet de conceptualiser de quelle manière, tout au long de la vie, l’exposition à différents facteurs fait en sorte qu’ils se combinent et se cumulent (Fox et al., 2015). Les facteurs qualifiés de négatifs, ou de risque, peuvent susciter une issue négative en regard d’un critère particulier lorsqu’ils sont présents dans la vie de l’enfant. Par exemple, parmi les facteurs de risque associés à la mortalité infantile, à la prématurité ou au faible poids à la naissance, on retrouve les causes environnementales désignées comme tératogènes, notamment celles présentes dans des substances réglementées (p. ex. le tabac) ou illégales (p. ex. les opioïdes), dans des médicaments en vente libre (p. ex. l’acétaminophène) ou accessibles sous prescription médicale (p. ex. un antidépresseur). Les conséquences, souvent à long terme, qui découlent de l’exposition aux tératogènes durant la grossesse représentent un problème de santé publique important (Popova et al., 2017). Dans le chapitre 7 du présent ouvrage, Muckle, Desrochers-Couture et Tanguay établissent la synthèse des connaissances actuelles sur les principaux tératogènes.

    Le nombre de facteurs de risque et leur ampleur peuvent accroître la présence de difficultés sur le plan de la santé ou du développement. L’Adverse Childhood Experiences (ACE) Study réalisée entre 1995 et 1997 auprès de 17 337 États-Uniens a permis d’établir des liens entre le nombre d’événements négatifs survenus durant la petite enfance, tels que les mauvais traitements, la négligence, l’exposition à la violence conjugale ou le dysfonctionnement familial, et une augmentation de la probabilité que l’enfant souffre de problèmes de santé et ait un niveau de bien-être moins élevé à l’âge adulte¹. Plus spécifiquement, les enfants ayant vécu quatre expériences néfastes ou plus sont de quatre fois à douze fois plus susceptibles d’avoir des problèmes d’alcoolisme, de toxicomanie ou de dépression et de se suicider à l’âge adulte que ceux qui n’en ont pas vécu (Felitti et al., 1998). Le chapitre 6, de Lévesque, Laforest et Toupin, présente d’ailleurs les effets indésirables associés à la cooccurrence des types de maltraitance. On y apprend, par exemple, que l’exposition à plusieurs types de maltraitance durant l’enfance (négligence, abus sexuel, exposition à la violence conjugale, etc.) serait associée à une hausse du risque de développer des troubles de santé mentale.

    Le modèle du parcours de vie met également l’accent sur l’accumulation des facteurs dans une perspective écosystémique. En effet, des facteurs de risque peuvent trouver racine dans la combinaison de divers facteurs allant de ceux liés à l’enfant lui-même, à sa famille ou encore aux contextes sociaux plus larges, comme les environnements sociopolitiques. À cet égard, prenons l’exemple des traumas complexes vécus par la mère et ses répercussions possibles sur la santé de l’enfant. Le chapitre 8, de Berthelot et Garon-Bissonnette, rapporte que l’abus vécu par la femme durant son enfance est directement associé au plus faible poids de naissance de ses enfants. Les mécanismes pouvant expliquer l’accroissement des risques pour l’enfant à la suite des difficultés vécues par la mère sont aussi exposés dans le chapitre 9 rédigé par Montreuil.

    Le modèle du parcours de vie examine la contribution particulière des facteurs selon le moment (timing) auquel ils surviennent dans la vie d’une personne, comme lors de la conception, de la grossesse, de la naissance ou de la petite enfance (Halfon et al., 2014). Les connaissances actuelles révèlent que l’exposition à un facteur de risque aura un effet plus marquant s’il survient lors des premières années de vie, même pendant la période prénatale, alors que l’environnement intra-utérin de l’enfant agit comme enveloppe et protection du monde extérieur. La présence d’éléments nuisibles de nature chimique, biologique et physique dans l’environnement de l’enfant, mais également le stress associé à des conditions de vie difficiles ou à des événements adverses, peut entraîner des changements de nature fonctionnelle et structurelle dans plusieurs zones cérébrales. Parmi les systèmes affectés par le stress, on retrouve l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HHS), qui joue un rôle central dans la réponse physiologique au stress. Typiquement, une situation perçue comme une menace active l’axe HHS, qui entraîne une cascade de réponses de nature hormonale et comportementale pour faire face à cette situation. Cette activation permet, grâce à la sécrétion de cortisol, de s’adapter à court terme. Cependant, la présence de stress intense ou persistant en période périnatale peut avoir un effet plus profond sur la régulation de l’axe HHS (Lupien et al., 2009 ; Young et al., 2021). Dans la revue des écrits de Lupien et al. (2009), on apprend que la santé mentale de la mère module l’activation de l’axe HHS. Les enfants dont la mère est déprimée seraient plus susceptibles d’avoir une activation plus élevée de l’axe HHS alors que ceux exposés à l’abus ou la négligence auraient un niveau de cortisol inférieur au niveau de base. L’exposition au stress durant la période périnatale et la petite enfance peut ralentir le développement de régions impliquées dans l’axe, soit l’hippocampe, le cortex préfrontal et l’amygdale. Durant la période prénatale, toutes ces zones cérébrales sont sensibles au stress alors qu’après la naissance, les zones plus affectées varieraient d’une période à l’autre. Les connaissances sur les effets du stress maternel prénatal émanent des travaux de recherche sur les origines développementales de la santé et des maladies (Developmental Origins of Health and Disease [DOHaD]). La lecture du chapitre 3 de Dancause, Therrien et Sinclair permettra de mieux saisir les différentes sources du stress et l’état des connaissances sur leurs répercussions sur différents indicateurs de santé.

    La deuxième partie de cet ouvrage, qui réunit des experts multidisciplinaires, a donc pour but de mettre en lumière les principaux facteurs de risque en jeu à la période périnatale ainsi que certaines pistes pour la prévention et l’intervention précoce.

    2. Une période pleine de possibilités

    Notre ouvrage collectif intitulé Programmes de prévention et développement de l’enfant, 50 ans d’expérimentation, paru en 2019, exposait de manière convaincante que les enfants et leurs familles participant à des programmes de prévention implantés dans des conditions optimales en retirent des bénéfices immédiats et à plus long terme. La sensibilité toute particulière du fœtus aux expériences négatives, mais également aux positives, ainsi que la motivation des futurs parents à donner naissance à un enfant en bonne santé font de la période périnatale une occasion de prévention indéniable. L’ouverture des parents à l’information prénatale individualisée et personnalisée, pratique et pertinente dans la vie quotidienne et qui cible à la fois les mères et les pères est mise en évidence dans le chapitre 10, de Gagnon, Hébert et Lamarche, sur les différentes formes de l’éducation prénatale. De plus, comme le soulignent Lévesque, Laforest et Toupin dans le chapitre 6, la fréquence et l’intensité des contacts avec des professionnels de la santé durant le suivi prénatal ou postnatal permet de transmettre les informations pertinentes sur plusieurs facteurs de risque et fournit les conditions requises au dépistage des difficultés ou des problèmes au sein de la famille.

    La troisième partie de cet ouvrage met en évidence certaines stratégies de prévention qui ciblent plusieurs facteurs de risque. Il a donc été demandé aux auteurs de présenter leur stratégie et de faire état des connaissances sur leurs retombées pour la santé, le développement ou la réussite éducative de l’enfant à court et long termes.

    Une approche écosystémique qui s’inscrit dans le parcours de vie est également requise dans la recherche de solutions pour diminuer les risques à la santé pour l’enfant. En effet, il faut à tout prix éviter la perspective culpabilisante envers la femme enceinte ou, plus largement, la famille. Les connaissances issues de la DOHaD révèlent que la malnutrition prénatale et lors de la petite enfance, l’exposition aux toxines et les niveaux de cortisol de la mère seraient les principaux agents en cause dans le développement des maladies. L’insistance ainsi mise sur l’environnement familial peut laisser croire que seuls la femme et son partenaire sont responsables de la santé de l’enfant à naître (Winett et al., 2016) et minimiser le rôle des autres environnements, comme les environnements de soins ou les politiques publiques. Des exemples qui se situent à différents niveaux écosystémiques sont alors repris dans le présent ouvrage. L’importance de la qualité des soins postnataux pour les enfants prématurés est abordée par l’intermédiaire de la présentation de la méthode mère kangourou (MKK) au chapitre 11, rédigé par Tessier et Nadeau. Le soutien à l’unité familiale grâce à un accompagnement à domicile fait partie de politiques publiques préconisées par les gouvernements, dont celui du Québec avec son programme des SIPPE. Kormacher et Frese, dans le chapitre 12, font le point sur les retombées des visites à domicile en prenant exemple sur les programmes similaires aux États-Unis. Les caractéristiques d’un suivi de santé des familles offert à une clientèle à risque (de dépression périnatale, de stress, de négligence, d’effet négatif sur le développement de l’enfant) sont exposées dans le modèle de la Maison bleue, décrit par Pisanu au chapitre 13. Enfin, l’importance d’avoir des lois et des mécanismes permettant de diminuer l’exposition des femmes enceintes et qui allaitent aux risques professionnels est abordée dans le chapitre 14 de Lippel, Goulet et Cambron-Goulet à travers la présentation du programme québécois Pour une maternité sans danger.

    Conclusion

    La prédiction du développement ultérieur de l’enfant, à partir de la période prénatale ou de la petite enfance, n’est pas nouvelle. Cependant, à notre époque, plusieurs mécanismes et processus sont identifiés comme étant à la base du développement humain. Le pari de la science actuelle est qu’en comprenant les mécanismes, les processus et les facteurs qui sont impliqués dans cette prédiction, on peut mieux soutenir le développement de nos enfants, particulièrement ceux qui proviennent d’environnements vulnérables. Au-delà des stratégies d’intervention fondée sur la bonne volonté, les travaux actuels nous permettent de croire que la prévention, réalisée durant une période si précoce qu’est la périnatalité, peut avoir, en partie, cette incidence espérée. Notre souhait est que ces chapitres, rédigés par des chercheurs de pointe dans ce domaine, sauront mobiliser les travaux et les programmes à tous les niveaux pour que nos ambitions pour les enfants soient à la hauteur de nos possibilités et de nos réalisations.

    Références

    ²

    Felitti, V.J., Anda, R.F., Nordenberg, D., Williamson, d.f., spitz, a.m., edwards, v., koss, m.p. et Marks, j.s. (1998). Relationship of childhood abuse and household dysfunction to many of the leading causes of death in adults. American Journal of Preventive Medicine, 14(4), 245-258. <https ://doi.org/10.1016/S0749-3797(98)00017-8>.

    Fox, S., Southwell, A., Stafford, N., Goodhue, R., Jackson, d. et Smith, C. (2015). Better Systems, Better Chances. A Review of Research and Practice for Prevention and Early Intrevention. Australian Research Alliance for Children and Youth.

    Goodman, j.m., boone-heinonen, j., richardson, d.m., andrea, S.B. et Messer, L.C. (2018). Analyzing policies through a DOHaD Lens : What can we learn ? International Journal of Environmental Research and Public Health, 15(12), 2906. <https ://doi.org/10.3390/ijerph15122906>.

    Gouvernement du Québec (1991). Un Québec fou de ses enfants. Ministère de la Santé et des Services sociaux.

    Gouvernement du Québec (2021). Instaurer une société bienveillante pour nos enfants et nos jeunes. Résumé du rapport de la Commission spéciale sur le droit des enfants et la protection de la jeunesse.

    Halfon, N., Larson, K., LU, M., Tullis, E. et Russ, S. (2014). Lifecourse health development : Past, present and future. Maternal and Child Health Journal, 18(2), 344-365. <https ://doi.org/10.1007/s10995-013-1346-2>.

    Lupien, s.j., mcewen, b.s., gunnar, m.r. et Heim, C. (2009). Effects of stress throughout the lifespan on the brain, behaviour and cognition. Nature Reviews. Neuroscience, 10(6), 434-445. <https ://doi.org/10.1038/nrn2639>.

    Ministère de la santé et des services sociaux (MSSS) (2021). Les services intégrés en périnatalité et pour la petite enfance à l’intention des familles vivant en contexte de vulnérabilité – Cadre de référence (SIPPE). Gouvernement du Québec.

    Popova, s., lange, s., probst, c., gmel, g. et Rehm, J. (2017). Estimation of national, regional and global prevalence of alcohol use during pregnancy and feta alcohol syndrome : A systematic review and meta-analysis. The Lancet, 5(3), e290-e299. <https ://doi.org/10.1016/S2214-109X(17)30021-9>.

    Young, e.s., doom, j.r., farrell, a.k., carlson, e.a., englund, m.m., miller, g.e., gunnar, m.r., roisman, G.I. et SIMPSON, J.A. (2021). Life stress and cortisol reactivity : An exploratory analysis of the effects of stress exposure across life on HPA-axis functioning. Development and Psychopathology, 33(1), 301-312. <https ://doi.org/10.1017/S0954579419001779>.

    Yousafzai, a.k., aboud, f.e., nores, m. et Kaur, R. (2018). Reporting guidelines for implementation research on nurturing care interventions designed to promote early childhood development. Annals of the New York Academy of Science, 1419(1), 26-37. <https ://doi.org/10.1111/nyas.13648>.

    Winett, l., wallack, l., richardson, d., boone-heinonen, j. et Messer, L. (2016). A framework to address challenges in communicating the developmental origins of health and disease. Current Environmental Health Reports, 3(3), 169-177. <https ://doi.org/10.1007/s40572-016-0102-3>.

    1. Informations provenant du site , consulté le 1 mai 2019.

    2. Tous les URL étaient accessibles en date du 1er août 2022.

    Partie 1

    Les mécanismes

    entourant

    le développement

    périnatal

    Chapitre 1

    Le comportement

    et le développement

    psychoneurologique

    du fœtus

    Jan G. Nijhuis

    L’intégrité et l’activité du système nerveux central (SNC) fœtal suscitent

    un intérêt croissant. De toute évidence, l’âge fœtal représente le premier et le plus grand obstacle à leur analyse, car la formation du SNC du fœtus humain est particulièrement rapide, tant d’un point de vue anatomique que d’un point de vue comportemental (un processus appelé « maturation »). De plus, au cours de la vie néonatale et adulte, il est possible de véritablement « tester » le SNC plutôt que de l’observer, alors que cela reste très difficile pour le fœtus. L’utilisation de la cardiotocographie (CTG) et de l’échographie a donné lieu à l’observation et à la description du comportement normal du fœtus pendant la gestation. La définition du comportement et de son évolution normale permet de reconnaître les anomalies ou les changements de comportement du fœtus. On étudie généralement le comportement fœtal en combinant l’analyse des schèmes de fréquence cardiaque fœtale et les observations des comportements fœtaux par échographie, comme les mouvements du corps, des yeux, la respiration, la succion et les mouvements buccaux réguliers.

    Pour étudier le comportement fœtal, il est nécessaire de pratiquer des observations sur de longues périodes (p. ex. de 1 h à 2 h), d’utiliser des gammes de références appropriées à l’âge fœtal (Hocquette et al., 2022 ; Nijhuis et al., 1998b ; ten Hof et al., 2002) et de faire une analyse objective dans le plus strict respect des techniques appropriées (Muthaian et Selvaraj, 2019 ; Nijhuis et al., 1999 ; ten Hof et al., 1999). Sans cela, il est impossible de comparer les résultats des observations effectuées aux différents stades de développement du fœtus, ou entre les différents groupes de fœtus.

    Dans le présent chapitre, nous examinerons les principales données sur les phases comportementales fœtales et sur les variables isolées du comportement fœtal et les types de tracés de rythme cardiaque fœtal. Nous décrirons ensuite les débuts de la conception de tests d’évaluation du SNC fœtal, la « neurologie fœtale », puis des aspects de l’apprentissage fœtal et de la mémoire fœtale. Nous verrons également combien il est important de saisir le comportement fœtal dans la pratique clinique, par exemple pour interpréter les types de tracés de CTG. L’objectif principal est de comprendre que l’on ne peut évaluer correctement le comportement du fœtus (et donc sa santé) qu’en prenant en compte des facteurs comme l’âge fœtal et l’éventuelle prise de médicaments de la mère lors de la grossesse, entre autres. De plus, en ce qui concerne le développement neurologique du fœtus, la naissance ne constitue pas un obstacle substantiel, car l’état de veille et la mémoire commencent à se développer avant la naissance ; la naissance ne marque pas une accélération notoire dans ces processus de développement.

    1. Les mouvements du corps du fœtus

    Les mouvements corporels sont d’excellents indicateurs de la santé du fœtus : on associe la présence de mouvements normaux à la bonne santé du fœtus. L’utilisation de l’échographie a permis aux chercheurs d’analyser à la fois les aspects quantitatifs et qualitatifs des mouvements fœtaux. Une récente étude norvégienne montre qu’une bonne sensibilisation des femmes enceintes aux mouvements fœtaux peut réduire le taux de mortinalité (Saastad et al., 2010). D’autres études obtiennent des résultats suggérant que les mères qui changent leurs comportements en fonction d’enjeux fœtaux (p. ex. la position de sommeil) peuvent aussi limiter le risque de mortinaissances (Sanchez et al., 2019). La plupart des schèmes de mouvements émergent entre la 7e et la 15e semaine de gestation. À partir de la 15e semaine, on peut distinguer 15 mouvements, détaillés dans le tableau 1.1. Ces mouvements persistent pendant toute la grossesse ; leur apparence fluctue très peu (de Vries, Visser et Prechtl, 1982).

    Il est difficile de comparer les paramètres quantitatifs d’après les diverses études existantes : certaines études se basent sur le compte des mouvements et le pourcentage du temps que le fœtus consacre à bouger. Il faut alors utiliser une « technique de lissage » en définissant l’intervalle donné entre plusieurs mouvements isolés qui constitueront une séquence de mouvements. La définition de cet intervalle est particulièrement importante au début de la grossesse, en raison du grand nombre de mouvements séparés par des intervalles courts, alors que les périodes de quiescence augmentent progressivement, notamment après la 30e semaine de gestation. D’autres études se basent sur l’observation de périodes d’une heure divisées en cent vingt demi-minutes. Ces différentes méthodes peuvent expliquer, en grande partie, les disparités des résultats des diverses études (ten Hof et al., 1999). Le nombre et la fréquence des mouvements diminuent de manière curviligne à partir de la 24e semaine de gestation. Ce phénomène de croissance se prolonge par l’émergence de cycles d’activité et de repos du fœtus, qui permettent de reconnaître les phases de sommeil et les phases comportementales bien développées à l’approche du terme. Plus le terme approche et plus les mouvements fœtaux s’espacent, jusqu’à pratiquement disparaître pendant les phases comportementales calmes 1F (phases de sommeil lent représentées dans le tableau 1.3).

    Tableau 1.1

    Première apparition de patrons de mouvements fœtaux pendant les semaines postmenstruelles, pour les grossesses simples et gémellaires

    * Van Heeswijk et al., (1990) ; ** Birnholz (1981) ; *** Arabin et al., 1998. Source : Nijhuis (2009), d’après de Vries et al. (1982).

    Enfin, la qualité des mouvements pourrait être un meilleur marqueur de l’intégrité du système nerveux fœtal. On définit des mouvements normaux, tant pendant la période prénatale que postnatale, comme des mouvements spontanés ou des mouvements généraux d’une durée de quelques secondes à quelques minutes avec des séquences variables de mouvements des bras, du tronc, de la tête et des jambes, dont la force, l’intensité et la vitesse présentent des phases croissantes et décroissantes, et qui ont un début et une fin graduels (Prechtl et Einspieler, 1997).

    La cohérence intrafœtale des mouvements du corps est faible, et il s’agit probablement d’un aspect normal de l’évolution des mouvements. En raison de cette importante variation interfœtale et intrafœtale, on ne peut se baser sur la seule analyse des mouvements du fœtus pour évaluer sa santé. Cependant, une fréquence des mouvements inférieure à la moyenne basse des mouvements normaux (soit entre 2,5 % et 4 % après la 30e semaine) doit déclencher un examen approfondi (ten Hof et al., 2002). Dans la pratique quotidienne, la mère sait comment bouge le fœtus ; si elle s’inquiète d’une diminution subite des mouvements, il s’agit d’un signe potentiellement alarmant (Saastad et al., 2010).

    2. La surveillance et les types de rythme cardiaque fœtal (RCF)

    La surveillance du rythme cardiaque fœtal (RCF) est un moyen très répandu d’évaluer la santé du fœtus. Un RCF normal se situe entre 70 et 80 battements par minute (bpm) entre la 7e et la 8e semaine de gestation, il présente un pic de 180 bpm à la 10e semaine, puis il diminue (van Heeswijk, Nijhuis et Hollanders, 1990). Aux deuxième et troisième trimestres, la fréquence cardiaque de base du fœtus oscille entre 110 et 150 bpm (Nijhuis et al., 1998a ; Rooth, Huch et Huch, 1987). En général, une bonne variation de la bande passante et des accélérations associées aux mouvements fœtaux sont des indices de bonne santé du fœtus, alors qu’un tracé silencieux persistant (faibles oscillations, absence d’accélérations) indique une détresse fœtale, notamment si l’on remarque des décélérations variables ou tardives (généralement liées aux contractions utérines). Au cours de la gestation, les variations à court et à long terme du RCF et le nombre d’accélérations augmentent, tout comme les mouvements fœtaux. On peut observer un schème silencieux du RCF dans diverses situations (tableau 1.2).

    Tableau 1.2

    Diagnostic différentiel et propositions de gestion d’un cas de tracé de RCF silencieux (A) ou sinusoïdal (B)

    Source : Nijhuis (2009).

    Il est possible d’effectuer une analyse objective du RCF et de ses variations à court et à long terme à l’aide d’un ordinateur (p. ex. Sonicaid System) (Dawes, Meir, et Mandruzzato, 1994). Bien que l’analyse numérique du RCF soit plus fiable que l’analyse visuelle (associée à d’importants biais d’observation), la majorité des unités d’obstétrique ne l’utilisent pas dans leur pratique quotidienne. Les nomogrammes du RCF de base et de ses variations à long terme (VLT) et à court terme (VCT) montrent qu’au fil de la gestation, le RCF de base diminue de manière linéaire et que les variations du RCF croissent de manière curvilinéaire (Nijhuis et al., 1998a ; Ribbert, Fidler et Visser, 1991). La limite basse (P2, 5) de la variation normale du RCF augmente jusqu’à la 30e semaine de gestation, puis se stabilise, en dépit d’une hausse générale de la variation du RCF et d’une augmentation de son amplitude normale (Nijhuis et al., 1998b). De plus, environ 50 % des différences de variation du RCF peuvent s’expliquer par des disparités de fréquence cardiaque (Nijhuis et al., 2000), car le RCF et la variation du RCF ont une relation négative. En 2009, Lange et al. ont utilisé la magnétocardiographie pour distinguer les schèmes de RCF fœtal pendant les phases 1F et 2F. Bien que cette technologie soit chronophage et complexe, elle a permis de montrer des évolutions nettes dans ces phases à l’approche du terme.

    Si la gestation a une incidence sur le RCF et sa fluctuation, de nombreux autres facteurs sont également en cause, comme les maladies du fœtus et de la mère, la prise de médicaments par la mère, le rythme diurne et les anomalies cardiaques du fœtus, ainsi que l’hypoxie fœtale (pour un aperçu, voir Martin, 1978 ; Sletten et al., 2018). Les phases comportementales du fœtus, ainsi que ses mouvements (p. ex. la succion et les mouvements buccaux réguliers) peuvent aussi grandement influencer le RCF et sa variation (van Woerden et van Geijn, 1992). Enfin, le rythme diurne présente les plus importantes variations des valeurs de variables, avec des valeurs plus élevées autour de minuit et plus faibles le matin (Bates et Herzog, 2020 ; Visser et al., 1982).

    Pendant la grossesse, on observe une évolution progressive des types de RCF, qui présentent des variations faibles ou élevées pendant les périodes respectives de repos et d’activité. La proportion des moments de faible variation augmente progressivement et, par conséquent, il convient de prendre en compte l’existence de ces cycles de repos et d’activité lorsqu’on interprète les tracés de RCF (Nijhuis, Martin et Prechtl, 1984).

    On peut classifier les tracés de RCF en quatre types : A, B, C et D, qui correspondent aux différentes phases de repos et d’activité du fœtus ; les phases comportementales fœtales sont classifiées de 1F à 4F (tableau 1.3 ; Nijhuis, Prechtl, Martin et Bots, 1982). Les définitions des types de tracés de RCF sont les suivantes :

    » Type A : rythme cardiaque normal, oscillations de faible amplitude. Des accélérations isolées peuvent survenir ; elles sont uniquement en lien avec les mouvements du corps du fœtus.

    » Type B : oscillations de plus grande amplitude, accélérations du RCF fréquentes pendant les mouvements.

    » Type C : RCF régulier, plus grande amplitude des oscillations que le type A, pas d’accélérations.

    » Type D : RCF irrégulier et accélérations importantes et prolongées dont l’association cause fréquemment une tachycardie soutenue (jogging fetus). Un observateur qui ne prêterait pas attention à la présence de mouvements fœtaux pendant l’enregistrement et à leurs effets sur le RCF pourrait facilement confondre un RCF de type D avec une « tachycardie avec décélérations » (Tas et Nijhuis, 1992).

    Tableau 1.3

    Critères d’évaluation des phases comportementales avec des exemples des différents types de tracés de RCF (de A à D)

    Source : Nijhuis et al. (1982).

    3. Les mouvements respiratoires et les hoquets fœtaux

    Comme mentionné dans le tableau 1.1. (de Vries et al., 1982), on peut commencer à observer les mouvements respiratoires et les hoquets fœtaux entre la 8e et la 10e semaine de gestation. Les mouvements respiratoires fœtaux sont définis comme le mouvement paradoxal de la paroi thoracique vers l’intérieur avec un mouvement vers l’extérieur de la paroi abdominale ; ils sont considérés comme normaux dans la vie du fœtus et nécessaires pour le développement des poumons du fœtus. Cependant, les mouvements respiratoires fœtaux sont de nature épisodique, ils sont sujets à des rythmes diurnes et ultradiens, et sont influencés par divers facteurs internes et externes. Par conséquent, ils varient considérablement chez un fœtus donné et d’un fœtus à l’autre, et ce, même dans des conditions physiologiques normales (Kisilevsky et Low, 1998). Du fait de ces grandes variations inter et intra-individuelles, et bien qu’elle fasse partie du « profil biophysique du fœtus » (Manning, Platt et Sipos, 1980), la respiration fœtale est un indice clinique peu fiable de la santé du fœtus. Les mouvements respiratoires, en raison de leur nature épisodique, ne peuvent servir à déterminer la phase comportementale, on les considère alors plutôt comme une variable des phases.

    Les hoquets fœtaux sont des contractions courtes et puissantes du diaphragme, faciles à distinguer des mouvements respiratoires. On peut très régulièrement observer des épisodes de hoquet au premier trimestre de gestation, alors qu’au troisième trimestre, les épisodes s’espacent et ne se produisent pas plus que 2 à 4 fois par période de 24 heures.

    4. Les mouvements oculaires fœtaux

    On peut commencer à observer les mouvements oculaires (MO) fœtaux entre la 16e et la 18e semaine de gestation (Birnholz, 1981 ; Bots et al., 1981). La fréquence globale des MO culmine entre la 30e et la 33e semaine, puis se stabilise jusqu’au terme. À partir de la 30e semaine environ, les mouvements oculaires cessent d’être isolés et se produisent en grappe. Les épisodes avec ou sans MO (souvent rapides) se lient étroitement aux autres variables d’état autour de la 36e semaine de gestation, puis deviennent représentatifs des phases comportementales (Nijhuis et al., 1982).

    La fréquence des MO est très nettement moins élevée chez les fœtus hydrocéphales et les fœtus présentant des retards de croissance que chez les fœtus normaux (Arduini et al., 1988). Chez les fœtus dont le cerveau a une structure dysmorphique (Birnholz, 1981), on remarque une absence des MO ou une différence dans leur nature. Les MO surviennent à la même fréquence chez les fœtus en présentation du siège et en présentation céphalique, bien que l’on observe des différences de direction des MO (Maehara et al., 2020 ; Takashima et al., 1995).

    5. Les mouvements buccaux fœtaux

    La bouche du fœtus est facile à visualiser par échographie ; on peut observer des mouvements de succion et de déglutition à partir de la 12e semaine (tableau 1.1). On observe des « mouvements buccaux réguliers » en rafales récurrentes pendant la phase de sommeil calme 1F, et pendant la phase 3F, on observe des « mouvements de succion (nutrition) » (voir van Woerden et van Geijn [1992] pour un aperçu). Les mouvements buccaux et de succion peuvent causer des tracés de RCF « de type sinusoïdal » qui peuvent être pris pour des pathologies graves, comme l’anémie fœtale (Maehara et al., 2020 ; Nijhuis, Staisch, Martin et Prechtl, 1984 ; van Woerden et al., 1988). Plus récemment, Topping et al. (2019) ont démontré l’importance de la détection d’un RCF sinusoïdal intermittent dans le cas des hémorragies fœto-maternelles massives. En 2018, Boterenbrood et al. ont montré que le rémifentanil, parfois utilisé pour soulager la douleur pendant le travail, peut également causer un schème de RCF sinusoïdal. Un aperçu des causes possibles d’un tracé de RCF sinusoïdal se trouve dans le tableau 1.2 (B).

    6. Les phases comportementales fœtales

    On appelle « évaluation du comportement fœtal » la combinaison simultanée de l’observation échographique de l’activité fœtale et de l’enregistrement du RCF. Pendant la première moitié de la gestation, tous les mouvements semblent se produire indépendamment les uns des autres, ils n’induisent pas de schème de RCF déterminé. La prise en compte de plusieurs variables (p. ex. l’absence de mouvements, l’absence de mouvements oculaires, un RCF de type A) est indispensable pour reconnaître des types de comportements (Nijhuis et van de Pas, 1992). Cette corrélation de variables a été décrite à partir de la période entre la 25e et la 30e semaine de gestation (Drogtrop, Ubels et Nijhuis, 1990) et entre la 30e et la 32e semaine (Kurjak et al., 2021 ; Visser, Poelman-Weesjes, Cohen et Bekedam, 1987). Autour de la 36e semaine, cette corrélation est telle que l’on peut décrire les phases d’un comportement fœtal bien développées comme « des constellations de variables physiologiques et biologiques qui sont stables dans le temps et récurrentes, non seulement chez un nourrisson isolé, mais sous diverses formes chez tous les nourrissons » (Prechtl, 1969). Pour discerner une phase comportementale, il faut impérativement vérifier qu’elle répond à trois critères essentiels. Premièrement, une combinaison spécifique de certaines variables doit se produire au même moment (coïncidence, corrélation). Deuxièmement, pour reconnaître cette combinaison, il faut que cette dernière soit stable dans le temps (par définition, qu’elle dure au moins trois minutes). Troisièmement, on doit pouvoir observer une différence nette d’une phase à une autre, soit une transition. Cette transition doit durer moins de trois minutes. L’enregistrement simultané des comportements fœtaux à l’aide de deux numériseurs à balayage (scanners) à ultrasons et des tracés de RCF a permis de distinguer quatre phases comportementales, numérotées de 1F à 4F (Nijhuis et al., 1982). Le suffixe F, qui correspond à « fœtal », a été ajouté à la numérotation pour signaler le parallèle avec les phases néonatales décrites par Prechtl (1974).

    » Phase 1F (semblable à la phase 1 de sommeil non paradoxal chez le nouveau-né) : sommeil calme, parfois régulièrement interrompu par des mouvements brusques du corps, généralement des tressaillements. Pas de mouvements oculaires. Le RCF de type A se traduit par un tracé régulier caractérisé par de faibles oscillations, sauf pendant les tressaillements (tableau 1.3).

    » Phase 2F (semblable à la phase 2 de sommeil paradoxal chez le nouveau-né) : phase de sommeil paradoxal caractérisée par des mouvements corporels périodiques fréquents, le plus souvent des étirements et des rétroflexions, et par des mouvements des extrémités. Présence de mouvements oculaires. Le tracé du RCF de type B présente de grandes oscillations et des accélérations fréquentes pendant les mouvements (tableau 1.3).

    » Phase 3F (semblable à la phase 3 d’éveil calme chez le nouveau-né) : cette phase est caractérisée par l’absence de mouvements du corps et la présence de mouvements oculaires. Le tracé du RCF de type C est régulier, il présente de plus grandes oscillations que le RCF de type A, et pas d’accélérations (tableau 1.3).

    » Phase 4F (semblable à la phase 4 d’éveil actif chez le nouveau-né) : phase active caractérisée par des mouvements vigoureux et continus, dont des rotations du tronc. Présence de mouvements oculaires. Le RCF de type D se traduit par un tracé irrégulier qui présente des oscillations amples et prolongées, souvent à l’origine d’une tachycardie soutenue (tableau 1.3).

    Ces définitions ont depuis été confirmées par de nombreux groupes de recherche (van Vliet et al., 1985b ; van Woerden et van Geijn, 1992 ; Arduini et al., 1988). Ces nouvelles conceptualisations des phases comportementales ont beaucoup influencé la recherche sur les animaux et les humains.

    D’autres variables se sont avérées liées aux phases comportementales. Par exemple, il a été montré que les mouvements respiratoires étaient généralement rares en phase 1F (van Vliet et al., 1985a), mais que s’ils étaient présents, ils étaient beaucoup plus réguliers (Nijhuis et al., 1983).

    Chez les fœtus post-terme, van de Pas, Nijhuis et Jongsma (1994) ont montré une augmentation du pourcentage du temps passé en phase 3F et en phase 4F, le plus souvent au détriment de la phase 2F, ce qui implique que le fœtus passe plus de temps en phase d’éveil dans l’utérus.

    De plus, les mesures Doppler dans plusieurs vaisseaux sanguins fœtaux se sont avérées liées aux phases comportementales, bien que chez les fœtus à la santé compromise, cette corrélation joue un rôle minime (van Eyck et Wladimiroff, 1992). Les mesures Doppler sont utilisées pour évaluer la vélocité dans les vaisseaux du fœtus, impliqués dans le calcul de l’index de pulsatilité (IP). À titre d’exemple, dans les fœtus avec un retard de croissance, on note une augmentation de l’IP dans l’artère du cordon ombilical.

    7. L’éveil fœtal et la transition vers la vie néonatale

    Chez le fœtus post-terme normal (gestation de plus de 41 semaines), le développement du système nerveux central se poursuit et cause une augmentation importante du pourcentage de phases d’éveil fœtal (augmentation du temps passé en phase 3F et en phase 4F) (van de Pas et al., 1994) et une diminution du temps passé en phase 2F. La séquence des variables associées aux transitions entre les phases comportementales chez le fœtus post-terme varie selon les études. Ces résultats équivoques peuvent être dus au faible nombre de transitions analysées pour les études existantes et aux différentes méthodologies utilisées (Nijhuis et al., 1999).

    On peut comparer l’étude de van de Pas et al. (1994) et celles de Junge (1979), qui ont examiné le pourcentage du temps d’éveil des nourrissons nés après 38 à 41 semaines de gestation et celui des fœtus du même âge gestationnel. Les fœtus de 38 semaines et les nourrissons nés à 38 semaines passent autant de temps en éveil ; il en va de même pour les fœtus de 41 à 42 semaines et les nourrissons nés avant 41 à 42 semaines, mais de même âge au moment de la comparaison (figure 1.1). Cela prouve que l’éveil n’est pas induit par le fait d’être né, mais que l’évolution des phases est un continuum dans lequel la naissance s’inscrit et a relativement peu d’importance.

    Comme mentionné plus tôt, les phases comportementales fœtales sont comparables aux phases d’éveil et de sommeil des nourrissons, leurs définitions sont similaires, bien que Prechtl (1974), qui a défini cinq phases de sommeil et d’éveil, ait utilisé l’ouverture ou la fermeture des yeux comme un critère, plutôt que les mouvements oculaires, et qu’il ait également utilisé les pleurs comme critère de la phase 5. La présence de pleurs chez le fœtus n’a jamais été démontrée. Cependant, Gingras, Mitchell et Grattan (2005) ont publié une observation accidentelle d’un fœtus présentant un comportement qu’ils interprètent comme des « pleurs fœtaux ». Ils suggèrent donc la possibilité de l’existence d’une phase 5F.

    Figure 1.1

    Augmentation des phases de veille chez le fœtus et chez le nouveau-né entre la 38e et la 41e semaine au détriment de la phase 2F chez le fœtus et de la phase 2 chez le nouveau-né

    Source : Adapté de Junge (1979).

    8. Les jumeaux

    Les grossesses multiples nous offrent l’occasion d’analyser le comportement spécifique des jumeaux et les interactions actives et passives entre les deux fœtus. Lors de l’étude de jumeaux, on doit toujours s’assurer que les deux fœtus sont distingués de manière fiable.

    Dès le début de la gestation, on peut observer des types de mouvements distincts (tableau 1.1). Des mouvements plus complexes (comme des mouvements combinés des bras, du corps et des jambes) d’une durée de plus de cinq secondes surviennent plus tard dans la grossesse (Arabin, Mohnhaupt et van Eyck, 1998). Les analyses visant à déterminer si ces contacts sont plus souvent initiés par l’un des jumeaux ou s’il existe des différences de fréquence de touchers et de réactions au toucher n’ont pas conclu pour l’instant à la « dominance » de l’un des jumeaux (Sherer et al., 1990). De plus, les études existantes ne sont pas parvenues à montrer de différences de fréquence de toucher et de réaction au contact entre les deux fœtus des jumeaux, donc les études n’ont pas pu confirmer la position « dominante » d’un des deux jumeaux. Les jumeaux monozygotes sont décrits comme ayant des contacts plus précoces et plus nombreux, et une plus grande coïncidence de comportements. Cependant, il semble impossible de déterminer la zygosité d’après l’analyse du RCF et du comportement fœtal pendant les grossesses gémellaires.

    Les contacts entre jumeaux sont censés déclencher de multiples activités simultanées. Les conclusions des études existantes sont pour l’instant contradictoires. Selon l’une des études sur le sujet, les accélérations observées du RCF des deux jumeaux étaient plus souvent synchrones (57 %) que la norme statistique (Sherer et al., 1990), alors que selon une autre étude (Gallagher, Costigan et Johnson, 1992), seulement 36 % des accélérations étaient simultanées. Cependant, cette dernière étude montre que les types de comportements synchrones sont présents 94,7 % du temps. Les résultats d’une troisième étude, dont l’analyse des mouvements fœtaux repose sur l’échographie, montrent des mouvements simultanés 26 % du temps (Zimmer, Goldstein et Alglay, 1988).

    À un stade avancé de la gestation, de nombreuses analyses se basent sur l’actocardiographie fœtale pour surveiller simultanément le RCF et les mouvements fœtaux chez les jumeaux. Sans cela, il est assez difficile d’examiner en même temps ces deux paramètres chez deux fœtus, car il est alors nécessaire d’employer deux cardiotocographes et deux transducteurs échographiques. Cependant, les résultats de l’actocardiographe pourraient s’avérer moins fiables (de Wit et Nijhuis, 2003).

    Il est important de prendre en compte les différences entre les jumeaux pendant l’étude des écarts (précoces) de croissance et des anomalies discordantes chez les jumeaux (Arabin et al., 1996 ; Kurauchi et al., 1995).

    9. La neurologie fœtale

    Jusqu’à présent, nous nous sommes concentrés sur le comportement fœtal, car ce dernier reflète l’activité du SNC fœtal. Cependant, une approche plus directe du SNC fœtal et le développement d’une analyse neurologique intra-utérine constituent des objectifs importants en périnatalogie clinique (voir Moradi et al., 2022 ; Nijhuis, 2003).

    On peut procéder à une évaluation globale de la santé du fœtus par le biais du profil biophysique, dans lequel on attribue entre 0 et 2 points à chacun des cinq critères suivants : accélérations du RCF, quantité de liquide amniotique, mouvements du corps et mouvements respiratoires du fœtus, tonus fœtal (Manning, Platt et Sipos, 1980). Cependant, le profil biophysique est un bien meilleur indice de l’acidémie que de l’hypoxie fœtale, car en cas d’hypoxie, les mouvements du corps du fœtus, la respiration et le tonus fœtaux sont parfois toujours observables et peuvent paraître normaux. De plus, on attribuerait 2 points à une phase 1F chez un fœtus en parfaite santé (pour un liquide amniotique normal), car les autres critères seraient considérés comme anormaux.

    L’évaluation directe du système nerveux demeure difficile aujourd’hui. Chez les fœtus atteints d’anomalies congénitales, on peut observer des comportements non standards ou une dissociation des battements du cœur et des mouvements (Kujak et al., 2021 ; Tas et Nijhuis, 1992). Il est possible d’observer des perturbations des phases comportementales ou des transitions entre les phases et un retard de développement des phases chez d’autres fœtus (Mulder, Nijhuis et al., 1999). Il demeure cependant difficile de tirer des conclusions d’un enregistrement unique du comportement d’un fœtus donné. En 1993, Nijhuis, Nelen et Willems ont été en mesure de provoquer un réflexe inhibiteur intercosto-phrénique (compression de la cage thoracique pendant la présence de mouvements respiratoires) qui cause une apnée. Cette approche, quoiqu’intéressante, ne leur a pas permis de constater de différences entre deux groupes respectifs de fœtus au développement normal et de fœtus présentant un retard de développement.

    On peut également tester l’habituation fœtale (soit l’arrêt ou la diminution des réactions à un stimulus répété). L’habituation est un réflexe très primitif qui aide à distinguer les sons non dangereux des signaux d’alarme. Par exemple, si le fœtus ne s’habituait pas aux sons de son environnement, il serait en permanence stressé au quotidien par tous ces « nouveaux » sons. On peut établir un parallèle entre l’habituation et vivre à côté d’une gare ferroviaire : au début, on dormira mal à cause du bruit des trains, puis on s’y habituera jusqu’à ne plus l’entendre au bout de quelques semaines. Pour une revue sur le sujet, voir Hepper et Leader (1996).

    En 2000, van Heteren, Boekkooi, Jongsma et Nijhuis (2000a) ont montré que les fœtus normaux âgés de 28 semaines et plus (et non ceux de 26 semaines) ne réagissaient pas après l’envoi d’un certain nombre de stimuli vibroacoustiques au niveau de leur jambe. Et lorsqu’on reproduit un tel test dans les dix minutes qui suivent, on produit beaucoup moins de stimuli. Le fœtus semble donc reconnaître le stimulus. On remarque un effet comparable si l’on réitère le test après 24 heures, ce qui indique que le fœtus a une mémoire et qu’il est capable d’apprendre les sons et de s’en souvenir (van Heteren et al., 2000b). Cette observation semble indépendante des phases comportementales (van Heteren et al., 2001). Chez le fœtus au crâne bifide, on n’obtient aucune réaction (van Heteren et al., 2000c). Hepper et Shahidulla (1992) ont montré que les fœtus atteints du syndrome de Down ont besoin de plus de temps que les fœtus normaux pour s’habituer à des stimuli.

    Dans une autre étude sur les fœtus normaux de 30 semaines, Dirix, Nijhuis, Jongsma, et Hornstra (2009) ont confirmé que, d’après l’habituation à une stimulation vibroacoustique répétée, les fœtus ont une mémoire à court terme, car leur habituation était bien plus rapide quand le test était reproduit après 10 minutes. De tels tests d’habituation ont été reproduits à 38 semaines, et les réactions des fœtus préalablement exposés aux stimuli vibroacoustiques ont été comparées avec celles de fœtus de 38 semaines non exposés à des stimuli vibroacoustiques. Les fœtus déjà exposés à 34 et 36 semaines ont montré une habituation bien plus rapide à 38 semaines que les fœtus non préalablement exposés, ce qui montre que les fœtus ont une mémoire de 4 semaines (Dirix, Hornstra et Nijhuis, 2009). Le même groupe de recherche s’est également interrogé sur la relation possible entre le taux d’habituation et la disponibilité essentielle précoce d’acides gras polyinsaturés (AGPI) chez la mère, car on considère que les AGPI sont très importants pour la croissance et le fonctionnement du cerveau (Innis, 2007). Les chercheurs ont trouvé une différence trop faible pour être significative. Ils ont conclu que la disponibilité de ces acides gras ne détermine pas de différences dans les fonctions cérébrales primitives pendant le premier trimestre du développement fœtal (Dirix, Nijhuis, Jongsma et Hornstra, 2009).

    Hepper s’est servi d’un stimulus acoustique qui provoque une réaction de sursaut chez le fœtus comme d’un moyen possible de tester la neurologie du fœtus. Cette réaction de sursaut commence à apparaître entre la 26e et la 27e semaine de gestation. Également selon Hepper et Shahidullah (1994), les résultats du test indiquent que le fœtus est capable d’entendre. Une étude récente aborde la réaction à de tels stimuli chez les fœtus dont les mères ont consommé de l’alcool pendant la grossesse. Les résultats montrent que l’alcool retarde la réaction de sursaut induite par les stimuli, mais uniquement de manière passagère : on observe le retard chez les fœtus de 29 semaines, et il se manifeste aussi chez les fœtus de 32 semaines (Hepper, 2013).

    Pendant une entrevue récente, Hepper a évoqué l’origine du développement de la latéralisation manuelle fœtale, qui est également un aspect fondamental du développement neurologique intra-utérin, un autre exemple des principaux aspects du comportement du fœtus humain. Cela met en évidence le fait que le développement neurologique du SNC commence vraiment avant la naissance, puis se poursuit pendant la vie néonatale, après la naissance. Une récente recension portant sur le phénomène de l’habituation chez le fœtus répertorie plusieurs aspects de ce phénomène, tant comme indicateur de la santé chez l’enfant en devenir que pour déterminer des critères d’apprentissages chez lui (Sicard-Cras et al., 2022).

    Conclusion

    Il apparaît clairement que la connaissance du comportement fœtal est essentielle à la compréhension du bien-être fœtal et à l’évaluation de la potentielle compromission de la santé du fœtus. Cette connaissance a radicalement changé notre manière de concevoir le développement de l’être humain. Cependant, l’analyse du comportement fœtal comme méthode de dépistage de routine s’avère particulièrement chronophage. De plus, bien que les types de comportements fœtaux existent pour la plupart des fœtus en bonne santé, la grande variété des comportements normaux rend très complexe l’identification des fœtus à la santé compromise (Nijhuis et al., 1999). Par conséquent, il est difficile de différencier une maturation neurologique normale d’une maturation neurologique présentant des anomalies. Cette grande variété de comportements normaux résulte des très nombreuses différences entre les individus, tout comme de l’influence de facteurs de complication de la grossesse (pour la mère et le fœtus) et des effets de la prise de médicaments par la mère. Il convient donc de procéder à plus d’analyses pour découvrir les (potentiels) effets de médicaments donnés sur le comportement fœtal humain. Nous concluons également qu’il demeure difficile de procéder à un examen neurologique prénatal. L’évolution d’un aspect isolé du comportement ne suffira pas à déclencher un examen neurologique fœtal, contrairement à la combinaison de tests comportementaux.

    Références

    ¹

    Arabin, b., bos, r., rijlaarsdam r., mohnhaupt, a. et Van eyck, J. (1996). The onset of inter-human contacts : longitudinal ultrasound observations in early twin pregnancies. Ultrasound in Obstetrics and Gynecology, 8, 166-173.

    Arabin, b., Mohnhaupt, a. et Van eyck, J. (1998). Intrauterine behavior of multiplets. Dans A. Kurjak (dir.), Textbook of Perinatal Medicine (p. 1506-1531). Londres, Parthenon Publishing Group.

    Arduini, d., rizzo, g., romanini, c. et Mancuso, S. (1988). Computerized analysis of behavioral states in asymmetrical growth retarded fetuses. Journal of Perinatal Medicine, 16, 357-363.

    Bates, K. et Herzog, E.D. (2020). Maternal-fetal circadian communication during pregnancy. Frontiers in Endocrinology, 11, 198.

    Birnholz, J. (1981). The development of human fetal eye movement patterns. Science, 213, 679-681.

    Boterenbrood, d., wassen, m., visser, G. et NIJHUIS, J.G. (2018). Retrospective study of the effect of remifentanil use during labor on fetal heart rate patterns. International Journal of Gynecology and Obstetrics, 140, 60-64.

    Bots, R., Nijhuis, J.G., MARTIN, C., JR. et PRECHTL,

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