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Un fleuve de sable
Un fleuve de sable
Un fleuve de sable
Livre électronique178 pages2 heures

Un fleuve de sable

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À propos de ce livre électronique

Les deux plus grandes réserves d’eau douce du sud-ouest américain, le lac Powell et le lac Mead, l’un et l’autre alimentés par le fleuve Colorado, ont perdu le tiers de leur volume au cours des dernières années. Mais les habitants de Las Vegas et de Phoenix partagent avec la ville de San Diego une sereine indifférence sur ce sujet sans intérêt, l’eau.
Pendant ce temps là les Navajos emmènent leurs troupeaux faméliques et leurs familles assoiffées à la recherche du fleuve Colorado qui n’est pas pour eux. De leur côté, les pêcheurs Cucapas du Delta du Colorado ne peuvent plus pêcher car il n’y a plus d’eau ni de poissons dans ce qui est devenu une immensité de vase et de terre desséchée.
Provocation ultime, les éleveurs de vaches gavées d’eau qui prospèrent dans le désert de l’extrême sud de la Californie sont en compétition d’inconscience avec les golfeurs de Palm Springs, où 125 parcours manucurés et rafraichis les accueillent chaque matin dans le désert de Sonora.


Mais le monde change, et l’eau ne peut plus être gâchée ainsi.
La situation est explosive. Que va-t-il se passer ?
LangueFrançais
Date de sortie25 oct. 2022
ISBN9782312126562
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    Aperçu du livre

    Un fleuve de sable - Jean Renaud Le Milon

    Personnages principaux

    Rebecca  la fille ainée et l’âme de la Ferme Anderson.

    Judith la plus jeune fille des Anderson sensible et curieuse, étudiante à l’Université de San Diego.

    Victor pêcheur du Delta, indien Cucupa et sauveur du fleuve Colorado.

    Tom  sergent des Marines, ami et compagnon de Victor.

    Raùl  jeune frère de Tom, Ingénieur hydrologue.

    Masalla  Chaman du Peuple Navajo.

    Séréna  fille du Chaman et mère d’Agua

    Aguavida  petite fille du Chaman et magicienne de l’eau.

    Viento  fils adoptif du Chaman, Marine dans l’Armée Américaine et pisteur Navajo

    Colonel Power  Ex-patron des Marines en Afghanistan, Directeur de l’Hôpital Pendleton et candidat au poste de Gouverneur de Californie.

    Tous prisonniers du Colorado

    Riches ou pauvres,

    Oisifs ou travailleurs,

    Indiens ou blancs,

    ils étaient tous prisonniers du fleuve Colorado.

    Certains mouraient de son absence et d’autres méprisaient son existence, mais ils étaient tous, à chaque seconde de leur vie, dépendants de l’eau du Colorado.

    Ceux qui manquaient cruellement d’eau chaque matin, les Navajos dans le désert avec leurs troupeaux faméliques et les pêcheurs Cucapas du Delta du Colorado asséché, souffraient de sa disparition qui les condamnait à dépérir.

    Ceux qui avaient de l’eau en abondance pour abreuver leurs vaches dans l’Imperial Valley avaient pris l’habitude de cette facilité, mais une sourde inquiétude les envahissait : et si l’eau venait à manquer ?

    Ceux qui avaient plus que beaucoup d’eau ne s’en souciaient pas du tout car ce liquide ordinaire et sans intérêt devait couler au robinet à Los Angeles et San Diego, devait arroser les golfs de Palm Springs et devait abreuver les hôtels et les casinos de Las Vegas. C’était un droit indiscutable qui aurait dû être garanti par la Constitution des États-Unis d’Amérique.

    Chapitre 1

    Victor avait très mal dormi. Des images angoissantes avaient envahi son sommeil et l’avaient accompagné jusqu’aux premières lueurs de l’aube. À peine réveillé il avait saisi son téléphone pour appeler son frère ainé, Fidel, qui travaillait toujours avec son père le pêcheur, à Puerto Delta. Mais avant de composer le numéro, Victor savait déjà qu’il allait parler à la Santa Muerta. Fidel, la voix et le cœur brisé, lui annonça que le bateau du Père, « Fortuna », avait été retrouvé par des amis pêcheurs à quelques miles de la côte, mais sans personne à bord. Nul n’y comprenait rien, car la mer était lisse comme un miroir et son bleu irradiait avec une telle force qu’il était presque insupportable de la regarder en face. Ce lac de mer translucide et d’un bleu irréel tant il était beau, encerclé par les collines rouges et desséchées du désert, composait un tableau digne de ce peintre passionné et désespéré, Nicolas de Staël, que Victor avait découvert dans les galeries de Los Angeles et qu’il adorait.

    Fidel, interrompu par ses sanglots de culpabilité avait raconté à son frère, que le Père, malgré sa faiblesse lui avait demandé ce matin de faire seul un tour sur son bateau. Après avoir longuement discuté avec lui pour l’en dissuader, le fils ainé avait accepté car l’immense tristesse qui envahissait chaque jour un peu plus le regard de son père, avait cédé devant une lueur de bonheur intense et douce quand Fidel lui avait dit « Vas-y papa et profites en bien ! » La matinée habillée de lumière, et submergée par les intenses couleurs de la Mer de Cortès, composait un spectacle d’une telle beauté, que Fidel n’avait pas eu le cœur de refuser ce cadeau à son père.

    Les deux frères n’eurent pas besoin de parler. Ils savaient tous les deux que le vieil homme avait décidé de plonger pour la dernière fois dans les eaux mélangées du fleuve Colorado et de la Mer de Cortès. Il avait ainsi retrouvé pour toujours ses deux passions éternelles.

    Victor qui n’avait pas revu ses parents depuis qu’il était devenu un Caïd de la Drogue, aimait beaucoup son frère ainé et lui était profondément reconnaissant d’être resté auprès de ses parents et de ses sœurs, quand lui, les avait tous abandonnés. Il l’aimait d’autant plus que ce grand frère calme, sérieux et obéissant aurait dû le détester, lui, l’agité bruyant et irrespectueux de tout, avec son prénom si prétentieux ! Bien au contraire Fidel l’avait toujours protégé et soutenu, même quand Victor avait annoncé à la famille qu’il ne voulait pas être pêcheur et qu’il allait partir du village. Devant la colère du père, que tous appelaient le Géant et que nul n’osait affronter, même l’insupportable Victor était perdu, et il faillit renoncer à partir. Ce fut le paisible Fidel, qui, sans un mot plus haut que l’autre, réussit à calmer le Géant, mais il eut dans cette mission impossible une alliée aussi petite qu’irrésistible, la dernière-née de ses sœurs, Esperanza, incarnation de la vie et du bonheur, âgée de 3 ans. Elle adorait Victor qui la faisait rire et qui jouait avec elle à toute occasion. Elle ne voulait pas le voir partir, mais elle voulait aussi lui faire plaisir. Et à sa façon de petite fille, elle avait compris son désir de connaitre autre chose et de changer de vie « Papa, Victor je l’adore. J’aime jouer avec lui. Je veux pas qu’il parte. Je veux qu’il soit heureux. Je pleurerai quand il sera plus là. Papa dis-lui : pars Victor Il reviendra, il a promis. » L’alliance de Fidel et d’Esperanza réussit et Victor put partir.

    Victor reposa lentement le téléphone, et les souvenirs de sa vie affluèrent. Puerto Delta était le plus grand port de pêche du delta du Colorado et grouillait de vie et de mouvement. Il rassemblait les derniers Cucapas, un peuple autochtone de pêcheurs présents dans la région depuis des milliers d’années et des Mexicains de la mer, qui s’entendaient à merveille.

    La famille Munoz en était un bel exemple, car la mère, Marisol, était une Cucapa, et le père, Gabriel Munoz un mexicain, un géant de deux mètres. Sa mère aussi était grande, mais surtout elle était d’une beauté stupéfiante au sens le plus vrai du terme. Personne ne la regardait sans être ébloui par l’équilibre harmonieux et serein de son visage, l’intensité de son regard et l’élégance de son port de tête. La vie irradiait de tout son corps.

    On aurait pu penser que les anciens dieux d’avant les espagnols lui avaient offert ce don incompréhensible, arbitraire et merveilleux qu’est la beauté. Mais à ce miracle quotidien, elle ajoutait l’amour et accompagnait son homme dans les détresses autant que dans les bonheurs. Marisol, ce prénom si beau qui associait la mère de Jésus et le Soleil divin de l’ancien monde, semblait donc avoir été créé pour elle.

    Les souvenirs les plus délicieux de leur enfance commune étaient liés à la mer et au bateau. Le père les emmenait de temps en temps pour une journée dans les iles de la Mer de Cortès et c’était la fête ! Ils partaient ensemble avec les provisions et l’eau pour débarquer sur une des iles de l’archipel, y déjeuner et y paresser à l’ombre d’une grande toile emportée sur le bateau. Contrairement à la majorité des pêcheurs, Gabriel Munoz aimait l’eau et nageait très bien. Ce fut sur ces iles désertes brulées et rougies par le soleil, qu’il apprit à ses enfants à nager. Sur les petites plages cachées entre les rochers ocres et brulants, les enfants jouaient, se cachaient et se poursuivaient et Gabriel, les ayant rattrapés les obligeaient en riant à apprendre à nager dans la mer malgré les protestations de Marisol, qui n’aimait pas l’eau. Le père avait converti ses enfants au bonheur de la mer en leur faisant sentir et aimer de toute leur force la beauté intense du Pacifique.

    Les grands adoraient partir en bateau avec les parents et ils savaient que c’était la mer qui les faisait tous vivre, mais leur amour de la mer était mesuré et raisonnable. Victor n’aimait pas la mer, il ne se sentait vivre que dans la mer. Avec l’innocence passionnée de l’enfance, il n’était lui-même que dans l’eau. À quatre ans il nageait parfaitement et sans effort, et suivait son père avec facilité. Son corps mince et musclé ne glissait pas seulement sur l’eau, il était soutenu et accéléré par elle, comme si la mer amoureuse de ce bel enfant, le portait dans ses bras. Vers 8 ans, quand le bateau de la famille descendait à petite allure vers la mer à travers l’immensité liquide du grand delta il le suivait à la nage, et pouvait plonger en apnée avec les dauphins d’eau douce pendant près de 3 minutes.

    On aurait même pu penser que ces petits mammifères marins facétieux le reconnaissaient car après avoir plongé du bateau et produit dans l’eau quelques sons curieux il ressortait et disait à sa famille réunie à bord « Mes copains m’ont entendu et ils m’ont dit qu’ils arrivaient ! » Et c’était vrai, quelques minutes plus tard ils arrivaient, l’entouraient et sautaient autour de lui en criant, et on aurait presque pu croire qu’ils riaient ! Au retour des sorties familiales en mer, chacun des trois enfants avait sa ligne qui trainait derrière le bateau et, le cœur battant, ils surveillaient le moindre mouvement sur les lignes que le papa, prudent, avait solidement accrochées au bastingage. Les cris de joie accompagnaient le moindre petit poisson qui s’était fourvoyé sur un hameçon, et le soir, Marisol faisait cuire la pêche, miraculeuse ou pas.

    Dans les 10 années qui suivirent le Colorado ne cessa de s’affaiblir à son arrivée au Mexique, car les prélèvements d’eau opérés par les américains augmentaient sans cesse pour alimenter les villes du désert comme Las Vegas, Palm Springs et Phoenix ainsi que les 250 000 hectares de cultures irriguées et d’élevage bovin de l’extrême sud de la Californie américaine, appelés l’Imperial Valley. Victor se souvenait que son père, avait peu à peu dépéri au même rythme que le Colorado, comme s’ils étaient liés l’un à l’autre, le grand fleuve puissant et le pêcheur géant, dans un commun affaiblissement.

    Il avait gardé un souvenir intact et angoissant de leur dernière et vaine tentative pour trainer le bateau jusqu’à la mer. Victor mesurait déjà 1,90 m et il était devenu un athlète, et Fidel quoiqu’un peu moins grand, était incroyablement musclé. Avec le père ils formaient une équipe puissante et motivée car ils jouaient leur survie comme pêcheurs. Néanmoins les trois hommes n’en pouvaient plus.

    Ils étaient accablés de chaleur, harcelés par les moustiques, et asphyxiés par l’odeur de pourriture du marécage de boue qui les entourait. Pour la troisième fois depuis le début de la matinée, le bateau venait de s’échouer sur le fond vaseux d’une des petites rivières qui avaient remplacé le puissant fleuve Colorado. Malgré les efforts acharnés que Gabriel et ses deux fils, cordage accroché à l’épaule, faisaient en haletant, enfoncés dans la boue collante jusqu’au genou, le bateau ne bougeait plus.

    Gabriel se souvenait que dix ans auparavant seulement, son bateau de pêche comme des dizaines d’autres, s’écartait lentement du quai poussé par son moteur et glissait vers la mer en suivant l’un des bras du grand Colorado. En laissant son moteur au ralenti, il effrayait à peine les centaines d’oiseaux à longs becs et longues pattes qui sautillaient sur les berges du fleuve en se nourrissant de tous les vers et bestioles dissimulées dans les riches alluvions du fleuve. Le spectacle foisonnant des milliers d’oiseaux migrateurs qui remplissaient le ciel de myriades de formes volantes sonores et colorées offrait à tous ces pêcheurs, guère habitués à la poésie, un bonheur qu’ils ne définissaient pas par des mots, mais qu’ils ressentaient avec intensité : la force et la beauté de la nature.

    Les cyniques hommes du nord, après avoir arraché par les armes le tiers de son territoire au Mexique, avaient ensuite accaparé chez eux l’eau du plus grand fleuve du sud-ouest américain, le Colorado. Des dizaines de barrages construits au long de son cours avaient permis aux gringos de créer d’immenses lacs, qui alimentaient les grandes villes du désert. Le Mexique recevait comme une aumône les gouttes d’eau du Colorado que le surpuissant voisin du nord acceptait de lui laisser.

    Victor, Fidel et Gabriel avaient dû renoncer à conduire le bateau à la mer, et l’avaient abandonné dans la boue. À compter de ce jour, Victor sut qu’il ne resterait pas au village et qu’il partirait, même s’il devait faire souffrir sa famille. Fidel continua courageusement à lutter aux côtés de son père, mais ce dernier n’y croyait plus. Victor avait pris la décision de partir mais il ne voulait pas le faire sans avoir tout tenté pour sauver sa famille de la pauvreté et de la tristesse.

    Conscient que la pêche ne parviendrait plus à les nourrir, il avait parlé de son projet à sa mère : faire des terres autour du village un grand verger et une zone de production légumière qui apporteraient de nouveaux revenus aux villageois et qui les nourriraient. Ces terres avaient toujours été fertiles et cultivées quand le grand Colorado coulait à flot et portait sur son dos les plus grands bateaux de pêche.

    Marisol avait été séduite par l’idée de son fils et elle en avait parlé aux femmes du village qui faisaient la soupe et les repas et qui avaient besoin de légumes et de fruits. Leur soutien permit à Victor de mobiliser les jeunes, dangereusement inoccupés et sans ressources. Et ce fut l’un de ces jeunes qui trouva l’idée folle qui allait peut-être sauver le village : réutiliser la vieille noria en bois qui ne plongeait plus dans l’eau du fleuve et qui ne servait plus à rien. Le jeune Juàn insistait face à l’incrédulité nourrie de fatigue et de désespoir qui l’entourait « J’avais 5 ou 6 ans et je me souviens très bien. Avec les plus grands on se mettait tous sous la cascade qui tombait du haut de la roue et on faisait des batailles d’eau formidables et on riait tellement qu’on aspirait plein d’eau, qu’on crachait et qu’on ne pouvait plus respirer. Et bien sûr c’était une bêtise car on salissait le grand réservoir qui devait recevoir l’eau du fleuve pour alimenter ensuite les canaux d’irrigation des cultures derrière le village ! Et quand les parents intrigués par le bruit, nous tombaient dessus, on se dispersait comme une volée de moineaux mais on n’échappait pas à une bonne correction qui nous semblait le juste prix pour une telle fête ! Et d’ailleurs on recommençait toujours, et les parents en réalité ne s’inquiétaient pas vraiment car il y avait tant et tant

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