L’illustre Gaudissart
Par Honoré De Balzac
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À propos de ce livre électronique
Ce récit en forme de pamphlet drolatique force un peu le trait sur un personnage censé représenter l’homme de la monarchie de Juillet. Félix Gaudissart est suractif, il séduit, il est efficace, comme cette société moderne sur laquelle Balzac ironise souvent, dont il déplore le matérialisme frénétique et qui produit pour produire sans connaître le but de son agitation. Gaudissart sait tout, est allé partout, connaît tout, mais il ne comprend pas tout. Il n'a de talent que pour le commerce et la vente, comme on le voit à ses brillants débuts lorsqu'il sauve du désastre César Birotteau.
Balzac réussit ici à l’écrit ce que Daumier obtenait par le dessin : une caricature d’un personnage capable de vendre n’importe quoi, mais qui se trouve confronté à plus malin que lui et qui, à force de vendre du vent, finira par en acheter lui-même. Un vieux vigneron tourangeau réussira à lui vendre du vin qu’il ne produit plus depuis longtemps.
Honoré De Balzac
Honoré de Balzac (1799-1850) was a French novelist, short story writer, and playwright. Regarded as one of the key figures of French and European literature, Balzac’s realist approach to writing would influence Charles Dickens, Émile Zola, Henry James, Gustave Flaubert, and Karl Marx. With a precocious attitude and fierce intellect, Balzac struggled first in school and then in business before dedicating himself to the pursuit of writing as both an art and a profession. His distinctly industrious work routine—he spent hours each day writing furiously by hand and made extensive edits during the publication process—led to a prodigious output of dozens of novels, stories, plays, and novellas. La Comédie humaine, Balzac’s most famous work, is a sequence of 91 finished and 46 unfinished stories, novels, and essays with which he attempted to realistically and exhaustively portray every aspect of French society during the early-nineteenth century.
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Aperçu du livre
L’illustre Gaudissart - Honoré De Balzac
Honoré de Balzac
L’ILLUSTRE GAUDISSART
Scènes de la vie de province
Copyright
First published in1833
Copyright © 2022 Classica Libris
Dédicace
À madame la duchesse de Castries.
L’illustre Gaudissart
Le Commis-Voyageur, personnage inconnu dans l’antiquité, n’est-il pas une des plus curieuses figures créées, par les mœurs de l’époque actuelle ? N’est-il pas destiné, dans un certain ordre de choses, à marquer la grande transition qui, pour les observateurs, soude le temps des exploitations matérielles au temps des exploitations intellectuelles. Notre siècle reliera le règne de la force isolée, abondante en créations originales, au règne de la force uniforme, mais niveleuse, égalisant les produits, les jetant par masses, et obéissant à une pensée unitaire, dernière expression des sociétés. Après les saturnales de l’esprit généralisé, après les derniers efforts de civilisations qui accumulent les trésors de la terre sur un point, les ténèbres de la barbarie ne viennent-ils pas toujours ? Le Commis-Voyageur n’est-il pas aux idées ce que nos diligences sont aux choses et aux hommes ? il les voiture, les met en mouvement, les fait se choquer les unes aux autres ; il prend, dans le centre lumineux, sa charge de rayons et les sème à travers les populations endormies. Ce pyrophore humain est un savant ignorant, un mystificateur mystifié, un prêtre incrédule qui n’en parle que mieux de ses mystères et de ses dogmes.
Curieuse figure ! Cet homme a tout vu, il sait tout, il connaît tout le monde. Saturé des vices de Paris, il peut affecter la bonhomie de la province. N’est-il pas l’anneau qui joint le village à la capitale, quoique essentiellement il ne soit ni Parisien, ni provincial ? car il est voyageur. Il ne voit rien à fond ; des hommes et des lieux, il en apprend les noms ; des choses, il en apprécie les surfaces ; il a son mètre particulier pour tout auner à sa mesure ; enfin son regard glisse sur les objets et ne les traverse pas. Il s’intéresse à tout, et rien ne l’intéresse. Moqueur et chansonnier, aimant en apparence tous les partis, il est généralement patriote au fond de l’âme. Excellent mime, il sait prendre tour à tour le sourire de l’affection, du contentement, de l’obligeance, et le quitter pour revenir à son vrai caractère, à un état normal dans lequel il se repose. Il est tenu d’être observateur sous peine de renoncer à son métier. N’est-il pas incessamment contraint de sonder les hommes par un seul regard, d’en deviner les actions, les mœurs, la solvabilité surtout ; et, pour ne pas perdre son temps, d’estimer soudain les chances de succès ? aussi l’habitude de se décider promptement en toute affaire le rend-elle essentiellement jugeur : il tranche, il parle en maître des théâtres de Paris, de leurs acteurs et de ceux de la province. Puis il connaît les bons et les mauvais endroits de la France, de actu et visu. Il vous piloterait au besoin au Vice ou à la Vertu avec la même assurance. Doué de l’éloquence d’un robinet d’eau chaude que l’on tourne à volonté, ne peut-il pas également arrêter et reprendre sans erreur sa collection de phrases préparées qui coulent sans arrêt et produisent sur sa victime l’effet d’une douche morale ? Conteur, égrillard, il fume, il boit. Il a des breloques, il impose aux gens de menu, passe pour un milord dans les villages, ne se laisse jamais embêter, mot de son argot, et sait frapper à temps sur sa poche pour faire retentir son argent, afin de n’être pas pris pour un voleur par les servantes, éminemment défiantes, des maisons bourgeoises où il pénètre. Quant à son activité, n’est-ce pas la moindre qualité de cette machine humaine. Ni le milan fondant sur sa proie, ni le cerf inventant de nouveaux détours pour passer sous les chiens et dépister les chasseurs ; ni les chiens subodorant le gibier, ne peuvent être comparés à la rapidité de son vol quand il soupçonne une commission, à l’habileté du croc en jambe qu’il donne à son rival pour le devancer, à l’art avec lequel il sent, il flaire et découvre un placement de marchandises. Combien ne faut-il pas à un tel homme de qualités supérieures ! Trouverez-vous, dans un pays, beaucoup de ces diplomates de bas étage, de ces profonds négociateurs parlant au nom des calicots, du bijou, de la draperie, des vins, et souvent plus