Comment j’ai tout perdu
Par Charles Kalvan
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À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTEUR
À la suite d’études supérieures en informatique et ingénierie en formation, Charles Kalvan consacre sa vie à l’écriture. À l’instar des écrivains tels que Robert Merle ou Alexandre Dumas, il inscrit ses récits dans la lignée des œuvres d’aventures et d’actions.
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Aperçu du livre
Comment j’ai tout perdu - Charles Kalvan
Comment j’ai tout perdu
Roman
© Lys Bleu Éditions – Charles Kalvan
ISBN : 979-10-377-6336-5
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Avant-propos
Cette histoire n’est pas un roman, mais un récit prémonitoire. Je ne savais pas, en effet, qu’en écrivant les lignes qui vont suivre j’allais vivre tout ce que j’étais en train d’écrire.
C’est plusieurs mois après l’achèvement de ce texte que je me suis aperçu que ma vie se déroulait comme je l’avais écrite. Les personnages que j’ai décrits ont bien existé. Je les ai fait apparaître avec un rôle plus ou moins neutre. Mais s’ils apparaissent, c’est qu’une raison inconnue, et de manière inconsciente, je les mis dans ce récit. Pour le lecteur, ils n’auront aucune influence dans le déroulement de l’histoire, mais pour moi, bien après les évènements décrits, j’ai compris leur rôle profond et pour quoi je les ai cités.
À travers les rideaux soulevés, je remarquai un ciel pur et sans nuages qui enveloppait les monts enneigés scintillant au soleil. Deux teintes immaculées se côtoyaient en un jour parfait. Ce n’était pas la beauté pure de ces deux couleurs vierges que la perspective m’offrait ce jour-là et que j’admirais. L’esprit rationnel, pratique de mon tempérament excluait toute forme poétique ou romantique. La pureté, la perfection du paysage, la rareté des couleurs offertes de ce panorama qu’un poète aurait la joie de contempler et de louer m’étaient hors d’atteinte. De ce paysage qui proposait les couleurs parfaites à celui qui voulait bien le voir, je n’en observais que le temps clair. Un temps annonciateur d’une bonne journée. J’abaissai rapidement les rideaux et me retournai :
— Super temps, annonçai-je à mes amis, la neige sera bonne cette fois.
— Oui, dit José, on pourra faire une ou deux noires.
— Trop dur pour moi, répliqua Éric, je préfère les rouges.
— On va se régaler, ajouta Bertrand qui se leva en direction de la fenêtre pour vérifier mes dires.
Je me servis un petit noir avant de m’asseoir. Dehors, la station s’animait. Les premiers skieurs commençaient à faire la queue aux remontées. Les commerçants préparaient leurs boutiques et l’odeur du café envahissait les salles déjà bondées.
Bertrand ouvrit le réfrigérateur :
— Dis donc, on n’a pas fait de courses pour aujourd’hui.
— Pas grave, on mangera au restaurant d’altitude. Avec ce temps, ce sera l’idéal pour s’installer en terrasse.
— Bonne idée, répondirent en chœur les trois amis.
— Et ce soir, continuai-je, je propose une fondue au « Cheval blanc ».
En réalité, notre petite troupe ne se préoccupait guère des courses. Le « Cheval blanc » nous tenait lieu de cantine. Le soir, nous y jouions aux fléchettes, au Yam’s ou à la belote. Le patron organisait parfois des concours de cartes destinés aux habitués et nous aimions y participer.
Faire les commissions et la vaisselle ne nous procurait aucun enthousiasme. Nous préférions savourer notre amitié autour d’une table de restaurant.
Tous les quatre avions réussi notre parcours professionnel. José, en tant directeur d’une importante concession automobile, Bertrand comme chef cuisinier de renom et moi comme directeur marketing d’un groupe international. Quant à Éric, photographe de métier, il s’installa à son compte. Aboutir dans la vie était pour moi un besoin impérieux qui m’animait constamment : être à l’aise financièrement, pouvoir se faire plaisir à tout moment, sans contrainte. Je détestais l’échec quel que soit le domaine et je faisais toujours face aux difficultés.
Bien que l’envie de skier stimulait notre empressement, nous déjeunâmes tranquillement. Cet instant faisait partie du rituel de notre communauté, nous donnant l’occasion du partage de notre amitié. Puis, une fois habillés et l’appartement rangé et nettoyé, nous prîmes notre équipement et nous nous élançâmes à l’assaut des pistes.
Nous quatre venions régulièrement ensemble dans cette station. Chaque année, nous abandonnions femmes et enfants pour nous offrir une tournée en célibataires. Depuis notre adolescence, nous savourions alors des moments de plaisir. Le mariage, il en était convenu ainsi depuis toujours, ne devait pas être un obstacle à nos habitudes. Aussi, nous sortions souvent au restaurant ou au bowling, comme au temps de notre jeunesse, pour ritualiser une amitié qui nous semblait éternelle.
Mon objectif était donc atteint : je jouissais d’une existence confortable. Je maîtrisais ma vie et voulais la guider à l’encontre du poisson qui se laisse porter au gré du courant. Pour profiter pleinement de cette vie, je pouvais offrir à mes amis tous les plaisirs qui me passaient par la tête. Avoir de l’argent ne suffisait pas et pour savourer ces moments, mes amis devenaient indispensables. Une nécessaire amitié profonde devait compenser une existence aussi superficielle que matérielle. Nous nous connaissions depuis l’adolescence et avions vécu ensemble toutes les étapes de la vie qu’un homme pouvait connaître. L’argent entre nous ne devait pas être un tabou, ni un devoir et encore moins une règle. Il ne servait de support qu’au plaisir d’être réunis. Aussi nous passions parfois de très longues minutes à la terrasse d’un café sans parler. Être rassemblés dans notre amitié, sans un mot inutile, formant, alors, l’entité unique de l’entente parfaite.
Le patron du restaurant d’altitude nous connaissait bien pour être de bons clients et nous proposait, maintenant, des plats non-inscrits sur la carte pour notre plus grande joie. Ce jour-là, le serveur nous trouva une place dans une terrasse bondée que favorisait ce jour idéal. Nous nous installâmes et prîmes notre temps pour manger. Quand nous fûmes au dessert, la terrasse s’était vidée de la plupart des skieurs, pressés de retourner sur les pistes. Le patron nous offrit le café et nous parla un moment. Le restaurant se désemplissait rapidement. Presque plus personne ne s’attardait. Un homme pourtant, non loin, semblait apprécier l’instant convivial et nous regardait avec intérêt certain. José reposa sa tasse ayant avalé la dernière gorgée et ordonna :
— Bon, les gars ! On y va ?
— C’est parti ! répliqua Bertrand.
Sur ce, il se leva, suivi de nous tous.
— À demain et bonnes descentes, nous lança le propriétaire tout en débarrassant la table.
Le patron rassembla quelques tasses et leva la tête. De sa terrasse, il aperçut toute la vallée que le temps clair et pur lui permettait de voir. Rarement, une telle vue s’offrait à lui de son restaurant. Il distinguait la route sinueuse, qui en lacets désordonnés, se laissait guider par le torrent qu’elle suivait et qui se perdait dans la vallée. Au pied de celle-ci, il observait nettement les toits d’ardoise du petit village niché dans un creux et, plus près, en contrebas, la station bouillonnante de vie. Il se permit quelques secondes pour contempler ce panorama d’une journée exceptionnelle, comme l’ultime moment avant l’inéluctable dégradation, comme la fleur montrant ses plus beaux atours avant de faner lentement dans son vase. Il se rendit bien compte alors du privilège que la nature lui offrait et qui dure le temps d’un présent, celui que l’on découvre avant de le poser pour l’oublier. Devant lui, il vit un homme qui, dos tourné au paysage, ne se souciait pas du spectacle et buvait son café, en observant notre petit groupe partir. Le patron fulminait en silence, pensant que ce particulier ferait mieux de regarder le paysage plutôt que braquer des yeux les gens ou les filles. Mais, pressé par le travail, il retourna à sa tâche et détourna le regard de ce bouquet de couleurs pures et fraîches qu’un Dieu a bien voulu offrir au plus commun des mortels.
Non loin de là, José, Éric, Bertrand et moi nous en donnions à cœur joie. Et comme le commun des mortels, nous ne nous préoccupions pas non plus du cadeau divin. Grisés par la vitesse et la compétition, nous nous lancions des défis. Vaincre, être le meilleur, prouver que l’on a réussi en tout point, en toute occasion. Le ski en était une parmi d’autres. Et entre nous, par jeux, nous nous testions et nous nous éprouvions. Nous y prenions plaisir. Chaque fin de piste se terminait en franche rigolade et en nouveaux défis. Chaque descente annulait la précédente. Et les parcours changeaient ou revenaient si on les délaissait trop souvent. Sous la forme de jeux, les courses étaient fréquemment chronométrées. Et chaque danger frôlé, chaque prise de risque redoublaient nos émotions et notre joie de se prouver notre courage ou notre capacité à être un homme. Sans animosité entre nous, mais dans l’amitié, nous nous livrions à notre prosaïque virilité. Nous n’avions rien à gagner à part nous démontrer notre aptitude. Et pour le final, perdants et gagnants montaient ensemble sur le même podium de l’amitié, autour d’un verre pour célébrer notre victoire, comme si nous avions vaincu ensemble, hydres et cerbères.
Après cinq heures, comme chaque jour, en un rituel bien établi, nous rentrions pour jouer aux cartes. Puis un peu avant le dîner, nous descendions au « Cheval blanc » pour faire une partie de fléchettes et prendre l’apéritif avant de nous mettre à table.
Ce soir-là, nous descendîmes dans la rue en direction de notre lieu de rendez-vous habituel. La chaussée encore recouverte des récentes chutes de neige ne permettait pas une marche aisée. En zigzaguant entre les plaques compactes qui luisaient sous l’éclat jaune des réverbères, notre petite troupe remontait la