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Fuir ou mourir
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Livre électronique373 pages4 heures

Fuir ou mourir

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À propos de ce livre électronique

La chasse à l’homme sans merci se poursuit. Des participants y ont perdu la vie tandis que d’autres sont gravement blessés. Pour parvenir à ses fins scabreuses, Jake, dirigeant d’une organisation illicite, est prêt à tout : il traque les jeunes et exige même leur collaboration.

Le piège se referme solidement sur eux. Mais quelles autres pistes de solutions peuvent-ils envisager pour réussir leur évasion ? S’ils n’acceptent pas l’offre du malfaiteur, le seul autre espoir de survie est Peter Herve, l’homme au lourd passé criminel et le père de celui qui les a conduits à cet endroit.

Avec cette affolante rafale d’agitation, le dernier tome de la série nous maintient sur le qui-vive du début à la fin. À qui le groupe d'amis feront-ils confiance ? Qui pourra les secourir ?
LangueFrançais
Date de sortie7 nov. 2018
ISBN9782894316382
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    Aperçu du livre

    Fuir ou mourir - Sylvie G.

    Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales

    du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

    G., Sylvie, 1972- , auteure

    Évasion / Sylvie G.

    Sommaire : tome 2. Fuir ou mourir

    ISBN 978-2-89431-638-2 (vol. 2)

    I. G., Sylvie, 1972- . Fuir ou mourir. II. Titre.

    PS8613.O93E9 2018 C843'.6 C2018-940680-1

    PS9613.O93E9 2018

    Images de la couverture : Shutterstock

    © 2018 Les éditions JCL

    Les éditions JCL bénéficient du soutien financier de la SODEC

    et du Programme de crédit d’impôt du gouvernement du Québec.

    ReconnaissanceCanada.tif

    Édition

    LES ÉDITIONS JCL

    jcl.qc.ca

    Distribution au Canada et aux États-Unis

    MESSAGERIES ADP

    messageries-adp.com

    Distribution en France et autres pays européens

    DNM

    librairieduquebec.fr

    Distribution en Suisse

    SERVIDIS/TRANSAT

    servidis.ch

    LogoFB.tif Suivez Les éditions JCL sur Facebook.

    Imprimé au Canada

    Dépôt légal : 2018

    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

    Bibliothèque nationale du Canada

    Bibliothèque nationale de France

    Page_titre.jpg

    Aux adolescents et aux jeunes adultes que je côtoie.

    Votre audace, votre courage et votre joie de vivre

    sont l’inspiration première des personnages de cette série.

    PROLOGUE

    Jaymee

    Je suis frigorifié comme si j’étais allongé sur une patinoire, nu. Je n’arrive ni à parler ni même à ouvrir les yeux. Je voudrais tant leur dire que le déchirement aigu dans mon bas-ventre devient insupportable. J’essaie de gémir, mais aucun son ne franchit mes lèvres. Je sens ma respiration s’accélérer au rythme de mon angoisse qui s’accentue.

    Juste au moment où je pense enfin pouvoir m’exprimer, un pincement me transperce l’intérieur du bras. Tous les efforts que je déploie pour crier restent vains. Je tente de bouger pour fuir cette souffrance atroce, sans plus de succès. J’ai l’impression d’être coincé dans un étau.

    Peut-être suis-je attaché ?

    — Pression ? demande un homme.

    — Normal, répond une femme.

    — Scalpel.

    Une douleur intense me traverse l’abdomen. Les voix s’apaisent pour ne devenir qu’un faible murmure. La tête me tourne de plus en plus. Les sensations de serrement dans le bas de mon corps s’évanouissent. Puis, tout s’arrête.

    (Silence)

    Une forte contraction met fin au sentiment de quiétude qui m’habitait. Mon corps sursaute. Je parviens alors à bouger un bras.

    — Ajustez la kétamine.

    Kétamine ? Pourquoi parlent-ils de drogue ? Jake ?

    Ont-ils réussi à me séquestrer ? Différentes scènes défilent dans mon esprit dans un complet désordre : ma sœur allongée sur le littoral, inanimée ; Mila qui s’écroule au sol ; Victor ; du sang, beaucoup de sang ; le père de Victor qui me frappe solidement en pleine mâchoire ; les coups portés aux hommes de Jake et ceux que j’ai reçus… Oui, je crois bien qu’ils ont réussi à me capturer. Je ne m’explique pas comment je peux être conscient de l’opération. Ils tuent les gens avant de prendre leurs organes…

    Malgré mes quelques tentatives pour me débattre, je ne parviens toujours pas à me libérer des liens qui me retiennent à la table. J’essaie de respirer plus lentement pour bien réfléchir à une stratégie. J’imagine le visage de Shay pour me calmer.

    (Silence)

    — Mon nom est Shay Besnard, je suis interne. Je ne suis de passage que pour vérifier ses signes vitaux, comme me l’a demandé le chirurgien.

    Je perds la tête. Soit je suis mort et j’imagine cette scène avec Shay, soit je suis dans un profond coma depuis plusieurs années. Shay et ma sœur ne font pas encore leur internat, c’est beaucoup trop tôt. Ce qui me confirme ma première hypothèse ; je me fais du cinéma. Sauf que si je fabule, je me trouve absurde de ne pas inventer une situation dans laquelle je pourrais prendre Shay dans mes bras et l’embrasser. Je voudrais tellement m’enrouler autour d’elle et la conserver au creux de mon corps pour respirer son doux parfum vanillé.

    — Jaymee, murmure la voix de Shay dans mon oreille. Accroche-toi…

    1

    Tyler

    Plus les heures avancent, plus l’espoir s’amenuise. Mila est morte et voilà maintenant que mon frère, Tess et Korey se sont jetés en bas de la falaise. S’ils ne se sont pas fracturé le crâne sur un rocher, comme c’est arrivé au gars qui m’a tiré dessus, ils se sont probablement noyés. Cody a voulu aider Korey à sauver Tess, mais depuis qu’il a touché l’eau, je n’ai revu aucun des trois. La seule chose à laquelle je m’accroche pour l’instant, c’est que Jaymee a possiblement réussi à sortir et à alerter quelqu’un de l’extérieur. Et aussi, que j’ai droit à une infirmière privée. Si ce n’était que je souffre terriblement, je serais sûrement très emballé de recevoir les soins de Shay, habituellement délicate et si gentille. Il n’en est rien ; j’ai envie de l’étrangler en ce moment, car elle farfouille dans ma blessure pour retirer le projectile que j’ai dans le bras. J’ai l’impression que la torture perdure depuis quatre heures.

    — Je l’ai ! s’excite-t-elle en braquant l’objet ensanglanté sous mes yeux.

    Son geste est inutile parce que je ne distingue rien d’autre qu’une vague silhouette. J’ai la tête qui tourne et j’ai la sensation qu’un épais brouillard obstrue ma vision.

    — Je sens que j’aurais eu besoin du bouche-à-bouche très bientôt, Shay.

    — Je sais que c’était souffrant, explique-t-elle en s’épongeant le front de son avant-bras. Au moins, la guérison pourra s’amorcer, même si ce serait mieux de pouvoir nettoyer et recoudre la plaie.

    — Zut ! Je n’ai ni fil ni aiguille, dis-je en esquissant un faible sourire. L’essentiel, c’est que je ne suis plus en danger de mort, hein ?

    — Bien sûr que non, m’assure-t-elle. Tu as été chanceux malgré tout. La balle était logée à la surface et n’a touché aucune veine importante. Du moins, selon mes quelques connaissances. Maintenant, il te faudrait un bandage pour éviter que tu perdes trop de sang.

    — Je vote pour que tu enlèves ta camisole pour me faire un garrot.

    Elle rigole. Je ne suis peut-être pas séduisant, costaud et fort comme Jaymee, mais Shay me trouve comique. Et il paraît que les filles flanchent pour les gars drôles. Je retire ce qui me reste de camisole pour la lui remettre. Pendant qu’elle continue de me soigner, je pense à des solutions. J’ai deux jambes bien fonctionnelles pour marcher, toutefois si des hommes nous interceptent, je ne pourrai jamais me défendre. Déjà que je ne fais pas partie du clan de Jackie Chan comme les autres, avec mon corps d’échalote et mon bras inutile, je vois difficilement comment je pourrais m’en sortir.

    J’observe l’arme dont on a hérité qui jonche le sol près de mes pieds. J’ignore si j’arriverais à me servir d’un pistolet – s’il reste des munitions –, mais étant donné que je suis droitier et que c’est le côté blessé, j’aurais avantage à aviser Shay de se mettre à l’abri. Je crois que la meilleure solution serait de demeurer dissimulés et d’attendre les secours. C’est certain que cette option est favorable seulement si Jaymee réussit à sortir pour alerter quelqu’un de l’extérieur, sinon on finira par crever de faim.

    — Merci, dis-je à Shay qui essuie ses mains souillées de sang sur son pantalon kaki, donnant au vêtement une allure de camouflage qui s’apparente vaguement au mien.

    — Bon ! Tu as un plan ? demande-t-elle en se levant.

    — Rester en vie.

    — Et tu as une stratégie pour y arriver ? s’intéresse-t-elle avec son joli sourire largement affiché.

    — Fuir les gars barbus et tatoués qui possèdent des pistolets.

    — Ça me paraît être une excellente idée ! s’esclaffe-t-elle. Allez ! Viens, je dois trouver un moyen pour enlever ces menottes et ensuite, j’ai peut-être une solution pour sortir d’ici.

    Voilà une très bonne nouvelle !

    Bon ! Shay est jolie, intelligente et une merveilleuse infirmière, sauf que j’ai découvert il y a quelques minutes que ça ne marchera pas entre nous. Et pas seulement parce que je suis trop jeune pour elle. Non, finalement, cette fille est folle. Elle m’a obligé à utiliser le pistolet pour couper la chaînette qui reliait ses deux poignets, et ce, même si Korey avait clairement affirmé à Tess que c’était trop risqué. J’ai argumenté sans arrêt sur le fait que si lui, un gars avec les aptitudes en tir, trouvait que c’était dangereux, c’était probablement vrai. Elle a simplement répliqué :

    — Tais-toi et vise bien.

    J’étais découragé, inquiet, stressé au maximum ; n’empêche que j’ai réussi. Fier de mon accomplissement, je pensais qu’elle me laisserait tranquille avec ses folies. Erreur ! Son idée pour partir d’ici est de retrouver Jake !

    What ? ai-je dit en mettant le plus d’effarement possible dans mon ton.

    Rien à faire. Elle persiste à croire que si elle va directement vers ce meurtrier pour raconter qu’elle est la fille du Dr Besnard, il sera réceptif. Quand j’ai demandé qu’elle précise sa définition de « réceptif » pour un homme qui découpe les individus afin de vendre leurs organes, elle a simplement ri. Pourtant, ma question était légitime : « réceptif » aurait pu signifier qu’il prenne un seul poumon au lieu de deux, non ? En somme, elle pense qu’il paniquera s’il apprend que son père est au courant de tout. C’est vrai que le gars à qui Tess tentait de faire peur en haut de cette falaise réagissait à ses propos. Du moins, pendant un court instant. Je doute toutefois que Jake se laisse impressionner. J’aurais plus confiance si Shay se risquait à le séduire. En tout cas, elle pourrait me faire accomplir n’importe quoi en m’embrassant. Même qu’une promesse de baiser suffirait !

    Fait étonnant, on a essayé pendant des heures de sortir des installations et maintenant qu’on veut retourner à l’intérieur, nous n’avons pas plus de succès. D’ailleurs, je ne saurais confirmer la direction vers laquelle nous sommes allés. J’ai l’impression de tourner en rond tant tout est pareil aux alentours. La seule certitude que j’ai, c’est d’être descendu.

    — J’hallucine ou c’est un chalet là-bas ? demande Shay en pointant droit devant nous, à environ trois cents mètres.

    Elle a raison. La petite structure partiellement cachée par des arbres ressemble bel et bien à une maison. Avant de me laisser répondre, Shay accélère la cadence. Je suis aussi heureux que mon amie de cette découverte, hormis quelques idées pessimistes qui dérangent ma réjouissance. Par exemple, il pourrait très bien s’agir de la demeure d’un des criminels. Ou un endroit où ils entreposent les restes humains avant de les enterrer. Or, il n’est pas impossible qu’on y déniche un téléphone ou même un ordinateur. Ce sont ces pensées qui me poussent à marcher de plus en plus vite. Je remarque que Shay récupère le pistolet qu’elle a coincé dans son dos, à l’intérieur de son jeans, comme un flic sexy.

    — Dans le cas où on rencontre un des hommes de Jake, tu prévois l’assassiner ?

    — Je n’ai pas encore décidé, m’annonce-t-elle, comme si on discutait du choix de repas. Pour l’instant, ma priorité est de découvrir ce qui se trouve dans la maison. Je serais très heureuse de pouvoir retourner chez moi sans m’entretenir avec le Grand Manitou ou un de ses disciples.

    Et moi, donc !

    Sans abandonner, Shay ralentit le rythme pendant que nous arpentons les derniers mètres nous menant à la construction sommaire.

    — Qu’est-ce que tu fabriques ? dis-je en voyant Shay ranger son pistolet là où elle l’a cueilli quelques instants auparavant.

    — Si c’est une personne honnête qui se cache là-dedans, je crains de l’effrayer.

    Shay me jette ensuite une œillade incertaine avant de se décider à frapper trois coups discrets à la porte. En attendant qu’on vienne ouvrir, mon amie me chuchote de passer devant. Elle s’installe un peu en retrait, un bras derrière le dos, prête à saisir son gun en cas de besoin. Comme personne n’ouvre, je me risque à cogner de nouveau, en y mettant plus de vigueur.

    Après une trentaine de secondes, sans déceler ni bruit ni mouvement, je me penche pour zyeuter à l’intérieur par les carreaux, ce qui a vraiment toutes les apparences d’un chalet. Si les meubles peu nombreux sont rustiques, il y a cependant tout le nécessaire pour bien vivre. Malgré tout, au lieu de me réjouir, j’ai un mauvais sentiment qui ne me lâche pas. Shay interrompt mon analyse en se risquant à tourner la poignée.

    — Il y a quelqu’un ? demande-t-elle d’une voix douce quand la porte s’ouvre dans un grincement.

    Devant l’absence de réponse, elle fait deux pas à l’intérieur. Je la talonne, malgré ma crainte grandissante qu’une personne surgisse d’un instant à l’autre. Les planches inégales craquent sous nos pieds, me rappelant un mauvais film d’épouvante. Je suis plutôt heureux qu’il fasse jour ; au moins, on verra venir le méchant.

    — Hé oh ! Il y a quelqu’un ? Mon ami est blessé. Nous aurions besoin de contacter les secours.

    Toujours rien.

    Pendant que Shay entre dans la chambre, je me dirige droit vers le réfrigérateur. C’est difficile à croire qu’il y a à peine vingt-quatre heures que j’ai mangé, car mon estomac crie famine comme jamais. J’ai lu quelque part que l’adrénaline réduit l’appétit. Je réfute cette théorie, du moins en ce qui me concerne. J’ai eu des montées d’adrénaline comme personne ne veut en vivre, pourtant je suis affamé. Ainsi, lorsque j’ouvre la porte et que je vois les tablettes pleines à craquer, mes papilles gustatives s’emballent.

    — Tu crois que le propriétaire serait furieux si je volais un ou deux trucs ?

    — J’imagine que si on racontait notre histoire, il finirait par te pardonner.

    Il n’en faut pas plus pour que je m’empare d’une pomme, d’un bout de pain et d’une tranche de fromage. Je m’empiffre pendant que Shay scrute chaque recoin de la maison.

    — Il n’y a pas de téléphone, ni d’ordinateur, m’informe-t-elle en revenant vers moi.

    Elle subtilise mon fruit pour en prendre une grosse croquée.

    — Le propriétaire rentrera sûrement bientôt, car la porte n’est pas verrouillée et le réfrigérateur est rempli de nourriture fraîchement achetée. Je pense qu’on devrait l’attendre dehors.

    — Tu as raison, m’appuie-t-elle. Il sera peut-être plus gentil avec nous s’il ne nous voit pas agir comme des ratons laveurs.

    Sur ces mots, elle m’offre un charmant clin d’œil, prend une autre pomme dans le réfrigérateur et se dirige vers la sortie.

    Maintenant adossé contre un arbre à l’abri du soleil, j’observe Shay faire un brin de toilette. Au début, on parlait d’un nettoyage superficiel considérant qu’elle a conservé ses sous-vêtements. À présent, elle plonge dans l’eau pour se débarbouiller de la boue et du sang dont elle est couverte.

    — Viens, Tyler ! Ça fait un bien fou. Tu devras toutefois faire attention à ne pas immerger ta plaie pour éviter de l’infecter, ajoute-t-elle quand j’arrive à proximité.

    — Tu as raison. Même si l’eau me paraît assez claire, qui sait ce qu’il y a dedans ?

    — Profites-en au moins pour te rafraîchir et on ira rincer ta blessure sous le robinet. Regarde, il y en a un à l’extérieur, m’informe-t-elle en pointant la maison.

    Je remarque alors deux kayaks et des vestes de sauvetage. Je ne peux sûrement pas pagayer, surtout dans cette rivière au débit beaucoup trop important. Ça demeure toutefois une possibilité pour s’éloigner de cette montagne. On pourrait se coucher à l’intérieur et se laisser dériver. Où que nous nous retrouvions, je ne vois pas comment ce serait pire qu’être coincés trop près des installations de Jake.

    — Tu sais en faire ?

    — J’apprends vite, répond-elle en me gratifiant de ses jolies fossettes. Je propose qu’on se risque à dévaler la rivière dans ces embarcations, car je ne suis pas certaine que rester ici soit une bonne idée, même si ce chalet paraît le plus confortable de tous les endroits qu’on a vus jusqu’à maintenant.

    — Je suis d’accord, dis-je sans plus de justification.

    Je considère quand même le courant d’un œil suspicieux.

    — Je sais que descendre cette rivière ne sera pas facile, reprend Shay, mais on ignore quand l’occupant de la maison reviendra et s’il aura un moyen de communiquer avec les gens de l’extérieur. Et, surtout, qui il est.

    À ce moment, Shay m’explique l’analyse à laquelle elle est venue pendant que moi, je me reposais en évaluant ses mensurations. Elle craint que le propriétaire de la maison soit relié à Jake, car il n’y a pas d’endroit pour garer de véhicule sur le terrain et il n’y a d’ailleurs aucune trace de pneus. Elle suppose que quiconque vit là pourrait être au courant de ce qui se passe à l’intérieur de la montagne. Selon elle, retourner vers les installations serait l’unique moyen de quitter cet endroit. Force est d’admettre qu’elle n’a pas tort, même si nous fabulons peut-être pour rien. Après tout, on a le droit d’avoir développé une légère paranoïa, non ? Pendant que Shay expose toutes les bonnes raisons que nous avons de nous enfuir en kayak, moi, le seul élément auquel je réfléchis, c’est que Shay a abandonné l’idée de faire un brin de causette avec Jake. Ce qui est le meilleur argument possible.

    Alors que je nettoie ma blessure au bras sous le robinet derrière le chalet, un coup de feu suivi d’un éclat de verre brise le calme du moment. Sans nous consulter et sans tarder, Shay et moi courons vers la rivière. Si nous hésitions sur cette descente, nous voilà convaincus que c’est la bonne solution. Je saisis un gilet de sauvetage, l’enfile sommairement et suis le kayak que Shay entraîne vers la rivière.

    Nous avons des vestes de flottaison, c’est déjà énorme. J’aurais quand même pris un casque… de moto idéalement ! Je ne suis pas du genre à craindre l’aventure, sauf qu’on est loin d’une descente en rafting avec équipements de sécurité et guide en bonus.

    Papa, si tu m’entends et que tu as un peu de contrôle sur ce qui se passe ici-bas, je te supplie de nous venir en aide… D’ailleurs, tandis qu’on y est, un hélicoptère, des flics ou des gardes-chasses seraient les bienvenus. Genre… maintenant.

    Pendant ma prière ridicule à mon défunt père, je pousse le kayak avec ma main valide et la seconde suivante, nous sommes dans les vagues. Lorsqu’un autre coup de feu résonne, Shay et moi sautons dans l’embarcation dans un geste synchronisé. Par chance, nous sommes vite entraînés par le flot. Avant longtemps, nous distinguons à peine une petite silhouette sombre sur la plage. Le débit est moins rapide que ce que j’avais évalué. Je ne m’explique pas trop le phénomène. Possiblement que les branchages frottent sur la coque et nous ralentissent. À moins que ce soit une impression parce que je suis pressé de ficher le camp du rivage.

    — Je ne crois pas que c’était un homme de Jake, remarque Shay pendant que je m’efforce de conserver ma pagaie dans l’eau.

    C’est d’ailleurs une manœuvre très compliquée avec un seul bras, le gauche par-dessus le marché. Autant dire que je suis inutile.

    — Je pense que le type voulait seulement protéger sa propriété, reprend-elle.

    — Tu as raison, il n’a jamais vraiment tiré sur nous. Il espérait probablement juste nous effrayer. Ou nous convaincre de faire une activité de rafting.

    — Ouais, rafting extrême ! s’exclame-t-elle, le visage sans cesse éclaboussé par les vagues qui augmentent d’intensité.

    Voilà maintenant qu’un amas de roches s’amène, m’incitant à craindre le pire. Voici ma mission : tenter de faire dériver le kayak pour heurter le moins d’obstacles possible.

    — On devrait essayer de rester en bordure de rivière, suggère Shay.

    — « Essayer » suppose que tu doutes. Je ne vois aucune raison pour ne pas y arriver, dis-je en forçant tellement pour retenir ma pagaie que je grimace.

    Shay trouve le moyen de rire. Cette fille est incroyable. On vient de se sauver d’une fusillade et on est à deux cheveux d’un naufrage, d’une fracture du crâne ou d’une noyade et elle rigole encore. Je ne la percevais pas du tout de cette façon au début. Elle semblait être la plus craintive du groupe, pourtant elle est très forte et courageuse. Plus que moi, en vérité.

    Aïe !

    Nous venons de heurter un tronc d’arbre de plein fouet. Je me diagnostique une possible cassure au coccyx.

    — Tyler ! Regarde à gauche, s’excite soudain Shay.

    Il y a trois maisons qui se profilent à l’horizon. Cette fois, je refuse de croire que les habitants de ces demeures sont tous reliés à Jake. C’est peut-être notre chance. Même si nous sommes encore loin de notre but, il m’apparaît de plus en plus plausible qu’on s’en sorte. Juste au moment où j’ai cette pensée, notre embarcation chavire sous le coup d’une énorme vague. Je me retrouve vite sous l’eau.

    — Tyler ! Tyler ! crie Shay dès que je remonte à la surface.

    Elle dérive vers la droite, alors que je suis à proximité du kayak, lequel est toujours à l’envers, coincé par une roche. Comme Shay n’est pas si loin, je me risque à tendre ma pagaie vers elle. Pas de chance, elle s’éloigne de plus en plus. Je me dis que c’est fichu, que nous serons définitivement séparés, quand elle réussit à s’accrocher à une énorme branche d’arbre.

    — Ça va, je ne bouge plus, halète-t-elle, manifestement à bout de souffle. Garde le kayak, si tu peux le retenir. Il y a trop d’arbres partout, on se fera poignarder par une branche pointue si on reste dans l’eau sans embarcation.

    Mes premières tentatives pour lui lancer une corde sont infructueuses. C’est seulement à la quatrième que Shay parvient à la saisir. On lâche un petit cri de victoire simultané.

    — Ne fais rien, Shay. Conserve ta prise sur la branche et sur la corde. Je vais me hisser jusqu’à toi en rampant sur la coque.

    Elle respecte ma consigne religieusement, tandis que je m’exécute doucement. L’embarcation étant instable, je crains de tomber à l’eau avant d’avoir réussi à la rejoindre. Je me sens vaguement comme une limace se cramponnant désespérément à cette surface.

    Encore un point de moins pour mon sex-appeal, me nargue ma conscience à un drôle de moment.

    — Tu y es presque, m’encourage Shay.

    À cet instant précis, le kayak est poussé par un énorme flot. J’ai le temps de m’y accrocher, sauf que je dérive. Même si Shay s’agrippe à la corde avec désespoir, le courant est trop fort. La branche sur laquelle elle est cède, nous emportant tous les deux par les vagues. Si ce n’était de la crainte de se blesser, je dirais que la descente de ces rapides n’est pas si pénible. C’est vrai que j’ai l’avantage d’être accroché au kayak, Shay, elle, est sans protection. Même si nos vestes de flottaison nous permettent de demeurer à la surface, mon amie a raison, il y a des branchages et des roches partout. Mes genoux ne cessent de heurter des objets. En plus, nous avons peu ou pas de contrôle sur l’endroit où le courant nous mènera. La bonne nouvelle, c’est qu’on s’éloigne de la montagne maudite. Or, je ne suis plus aussi certain que de conserver le kayak est si judicieux.

    — Penses-tu qu’on pourrait le retourner ? demande Shay, qui a réussi à se rapprocher en tirant sur la corde.

    — Le retourner, probablement. Monter, je ne vois pas comment. D’ailleurs, on a plus de pagaies.

    — Je m’en fiche, je dois sortir de l’eau ! Je me suis cognée solidement contre une roche. Cette fois, j’ai eu de la chance parce que c’était ma hanche, mais qui sait ce qui nous attend plus loin ?

    Je hoche la tête pour confirmer qu’elle a raison. Ainsi, Shay m’explique que si on se positionne de part et d’autre du kayak, on pourra le stabiliser. Ensuite, il faudra essayer de monter en même temps. Sa stratégie me paraissant tout à fait logique, nous attendons d’atteindre une section où les flots sont moins importants. Contre toute attente, nous parvenons à le retourner. Le pire reste encore à faire : se hisser à l’intérieur. Comme suggéré par Shay, je m’installe devant à droite, alors qu’elle se place derrière à gauche, espérant ainsi minimiser l’oscillation incessante. D’un regard et d’un bref mouvement de tête, nous synchronisons nos essais pour monter à bord. On a beau s’accrocher au cordage, forcer, attendre que les vagues diminuent, il n’y a rien à faire. En moins de quelques minutes, nous sommes épuisés et toujours à la dérive. Ma blessure au bras saigne tellement que je me réjouis de ne pas être dans la mer où je servirais d’appât aux requins.

    Après notre millième tentative, Shay est carrément à bout de souffle. La tête appuyée sur l’embarcation, elle reprend ses esprits. Je suis en train de réfléchir à une nouvelle stratégie quand le kayak est freiné d’un coup sec et que Shay est assommée par la coque, revenue avec force vers elle.

    Oh shit !

    Solidement étourdie, mon amie ferme les yeux et délaisse sa prise. Je panique en la voyant sombrer, le visage en premier.

    — Shay !

    Je m’empresse d’aller vers elle et de la retourner.

    — Shay ! Shay !

    Le front maculé de sang, elle demeure inconsciente.

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