Explorez plus de 1,5 million de livres audio et livres électroniques gratuitement pendant  jours.

À partir de $11.99/mois après l'essai. Annulez à tout moment.

Confidences d'une coiffeuse (encore plus exaspérée !)
Confidences d'une coiffeuse (encore plus exaspérée !)
Confidences d'une coiffeuse (encore plus exaspérée !)
Livre électronique407 pages4 heuresConfidences d'une coiffeuse

Confidences d'une coiffeuse (encore plus exaspérée !)

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Toujours aux prises avec son ennemie jurée, Maria doit se rendre à l'évidence : la voie de la sagesse n'a pas fait ses preuves pour déjouer les manigances de Bianca, la propriétaire du salon d'en face. Fini la gestion de crise, il lui faut désormais contre-attaquer ! Pour rétablir sa réputation, la colorée coiffeuse compte bien emprunter les mêmes méthodes que sa rivale et engager les hostilités.

Epaulée par ses fidèles amies, dans ses complots comme dans ses angoisses, Maria sollicite les conseils d'une psy afin de mieux gérer les situations délicates découlant de ce crêpage de chignon. Heureusement, elle peut également s'appuyer sur son amoureux, Jean-Christophe, dont la présence est si apaisante. Mais alors qu'ils dressent tous deux des projets d'avenir, des soupçons commencent à planer sur celui qu'elle croyait être l'homme de sa vie…

Entre la fourrure de ses animaux de compagnie et les chevelures de ses clients, la jeune femme tentera de se cisailler un chemin vers le bonheur. Malgré toute sa bonne volonté, aucun fixatif ne pourra cependant empêcher les imprévus de chambarder ses plans. De quoi devenir… encore plus exaspérée !
LangueFrançais
ÉditeurLes Éditeurs réunis
Date de sortie24 mai 2017
ISBN9782895859499
Confidences d'une coiffeuse (encore plus exaspérée !)

Autres titres de la série Confidences d'une coiffeuse (encore plus exaspérée !) ( 3 )

Voir plus

En savoir plus sur Marie Krystel Gendron

Auteurs associés

Lié à Confidences d'une coiffeuse (encore plus exaspérée !)

Titres dans cette série (3)

Voir plus

Livres électroniques liés

Fiction générale pour vous

Voir plus

Catégories liées

Avis sur Confidences d'une coiffeuse (encore plus exaspérée !)

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Confidences d'une coiffeuse (encore plus exaspérée !) - Marie-Krystel Gendron

    titre.jpg

    La paix n’est pas l’absence de guerre,

    c’est une vertu, un état d’esprit,

    une volonté de bienveillance,

    de confiance, de justice.

    Baruch Spinoza

    1

    La vengeance est un plat qui se mange froid

    Dimanche 25 octobre, 15 h 45

    C’était il y a presque deux mois. Depuis, j’en fais des cauchemars chaque nuit. Je sais, c’est ridicule. Le problème, c’est que je n’arrête pas d’élaborer des plans, tous plus machiavéliques les uns que les autres, pour faire tomber « Bibi manicotti » de son piédestal. Pas question qu’elle continue de penser que notre dernière conversation m’a profondément blessée. Bon… C’est vrai que je l’ai été, sur le coup. Mais là, je suis beaucoup plus fâchée qu’abattue. Elle croit vraiment qu’elle a encore eu le dernier mot, mais j’ai des petites nouvelles pour elle. D’ici la fin de la semaine, j’aurai enfin ma revanche.

    Cette maudite soirée du mois de septembre dernier, celle où Bianca Santini m’a humiliée pour une millième fois, est fortement gravée dans ma mémoire. Je n’ai toujours pas remis les pieds au bar, mais ça ne saurait tarder. Je vous raconterai pourquoi très bientôt. Cette fois-là, Bianca et moi nous étions retrouvées face à face, et j’avais cru que peut-être… nous pouvions enfin mettre un terme à notre ridicule guerre de jeunes filles immatures. Je m’étais trompée. Ça fait plus de six semaines (je le sais : je les ai comptées) qu’elle clame haut et fort que j’ai désespérément rampé à ses pieds pour me faire pardonner. Qu’elle me pardonne quoi ? Tout ce que je lui ai fait subir au fil des ans, quelle question ! Le pire, c’est que tout le monde la croit… Mes amies me disent que c’est le fruit de mon imagination, mais moi, je le sais. Je me fais regarder de travers quand je marche dans la rue. Tout ça à cause de ses maudits commérages ! J’ai seulement voulu enterrer la hache de guerre, nom de Dieu ! Et vous voyez ce que ça a donné ! Elle arrive encore à me faire passer pour une fille qui ne sait pas se tenir debout ! Et qui lui met des bâtons dans les roues, en plus ! Comme si c’était moi, la méchante… Pfff !

    Ce soir, je vais souper chez Myriam. Je lui ai dit que j’avais besoin de lui parler. Ce qui est très vrai. Ce qu’elle ignore, c’est que j’ai une énooorme faveur à lui demander. Je sais bien que Mymy déteste ce genre de niaiseries, mais cette fois, elle doit vraiment m’aider à mettre mon plan à exécution. J’ai besoin d’elle, et je suis prête à tout pour qu’elle accepte. Même à fondre en larmes, s’il le faut. Non. Je ne suis pas manipulatrice ! Tout ce que je veux, c’est pouvoir recommencer à bien dormir. Il me semble que c’est légitime, non ?

    — Chéri, as-tu vu mon chandail corail ? Tu sais, celui qui me fait un beau décolleté ?

    Mon amoureux est évaché sur le divan depuis deux heures. Il écoute son émission favorite (évidemment, celle que je déteste le plus) : Le Guide de l’auto. Rien de plus ennuyant que de regarder un programme de chars mettant en vedette deux animateurs beaucoup trop passionnés par le sujet et de les écouter discuter de puissance de moteurs et de tenue de route pendant une heure et demie… Il y en a pour tous les goûts, je sais. Mais on dirait qu’il y a juste ça, des émissions de chars, à ce poste-là ! Et puis diffusées en rafale, par-dessus le marché !

    — Pourquoi est-ce que je saurais où t’as mis ton chandail corail ? C’est rare en maudit que je te l’emprunte, ma chérie…

    Je souris. Lui, me tire la langue.

    Quarante minutes plus tard (après avoir enfin trouvé mon légendaire chandail), je suis prête à partir.

    — J’ai fait dégeler de la lasagne. Elle est dans le frigo.

    — Merci, maman.

    Jean-Christophe pourrait passer chaque minute de sa vie à manger de la lasagne. À regarder des émissions poches aussi… Alors je n’ai aucune culpabilité à le laisser seul un dimanche soir. Bière, divan, télévision… il est aux anges !

    Je l’embrasse tendrement, quitte finalement notre « trop » petit quatre et demi. Non pas que je ne m’y plaise plus, mais je commence tranquillement à rêver… de plus grands espaces…

    J’embarque dans ma voiture économique que j’aime tant, scrute mon reflet dans le rétroviseur avant de démarrer. Me semble que j’ai le teint verdâtre depuis quelque temps. Le manque de sommeil, sans doute ! Comme elle habite tout près, j’arrive chez mon amie deux minutes plus tard. Dès que je frappe à la porte, j’entends Marianne (ma filleule), qui accourt pour m’accueillir.

    — Marraaaine !

    — Salut, ma puce !

    Je la serre très fort dans mes bras, jusqu’à ce qu’elle se débatte pour s’échapper. Sa maman me tend rapidement un verre de vin.

    — Va chercher ton sac à dos, mon cœur. Mamie va arriver d’une minute à l’autre.

    Marianne s’exécute.

    — Tu vas dormir chez mamie, ce soir ? Tu n’as pas d’école demain ?

    — Non. Je suis en congé, me répond-elle, le sourire fendu jusqu’aux oreilles.

    — T’es chanceuse, toi. En quel honneur, au juste ?

    — C’est une journée pédagogique !

    Ce que je donnerais pour retourner à l’école, moi ! J’aurais beaucoup plus de vacances en un seul mois qu’en une année entière. Bon, j’exagère peut-être un peu. Mais pas tant que ça ! Me semble qu’ils ont juste ça, des congés, ces enfants-là !

    — J’ai cuisiné des sushis pour le souper, m’informe Mymy.

    — Wow ! Tu t’en es donné, du mal !

    — J’ai suivi un cours de cuisine, l’été dernier, et c’est ce que je réussissais le mieux. Et ne t’inquiète surtout pas… les tiens sont végés !

    — T’es la meilleure !

    — Je sais.

    Mon amie connaît mon aversion pour le poisson. Quelques minutes plus tard, la mère de Myriam cogne à la porte. La petite nous embrasse à la sauvette, impatiente de partir rapidement. Ses cousines l’attendent dans la voiture depuis déjà trop longtemps, selon elle : beaucoup plus amusant que de nous regarder manger nos sushis en discutant de sujets d’adultes…

    — Quoi de neuf, ma belle amie ? que je demande à Mymy.

    — Bof, pas grand-chose. La routine. Et toi ?

    Impossible de lui cacher que j’ai une idée derrière la tête. Myriam se méfie.

    — Quoi ? Qu’est-ce qui se passe ? T’es donc bien bizarre, tout d’un coup…

    — Ben non, pantoute ! Pourquoi tu dis ça ? que je lui demande, jouant les innocentes.

    — Arrête-moi ça tout de suite ! Je te connais, Maria Lamoureux !

    Incapable de tenir plus longtemps ma langue, je lui déballe mon sac.

    — As-tu revu « truc-chose » ?

    — « Truc-chose » ?…

    — Ben oui ! Tsé, l’ex de Bianca, là !

    — Pfff ! Pourquoi est-ce que je l’aurais revu, ce maudit épais-là ?

    — Je sais pas. Je demandais ça juste de même.

    — Ouais, me semble, ouais…

    Je ne tourne pas plus longtemps autour du pot, et lui explique de long en large, sans reprendre une seule fois mon souffle, le plan que j’ai élaboré. Ça n’a pas l’air de l’enchanter, mais elle m’écoute jusqu’au bout.

    — IL N’EN EST PAS QUESTION !

    — Ben là, capote pas ! C’est pas la fin du monde.

    — Ben non, tsé ! « Laisse-toi un peu tripoter, rien de bien engageant, juste assez pour qu’il te dévoile ce qu’il sait sur Bianca ! » Tu me prends pour qui, Maria ? J’ai pas envie de jouer une game avec un maudit crosseur juste pour te donner la satisfaction de faire suer Bianca !

    Je suis blessée. Ce n’est pas JUSTE pour ça, que j’ai eu cette idée-là. C’est parce que je veux rétablir les faits. Je veux que les gens comprennent que ce n’est pas MOI, la menteuse. OK, oui, je veux lui en faire baver… un peu. Mais je veux surtout faire changer l’opinion que la moitié de la ville s’est faite à mon sujet !

    — Laisse tomber. Je m’excuse. Je pensais pas que tu le prendrais comme ça.

    Je ne peux l’empêcher : des larmes inondent mes yeux. Myriam le remarque tout de suite. Elle se radoucit, se lève pour me faire un câlin.

    — Pourquoi tu ne laisses pas tomber, une bonne fois pour toutes ?

    — J’ai essayé. Mais c’est rendu que j’en rêve toutes les nuits. Tu as vu ce qui se dit à mon sujet, sur Facebook ? Ça fait des semaines que c’est arrivé, et je me fais encore autant blaster qu’au début. Tout le monde prend pour elle !

    — Arrête d’aller voir ça, pour l’amour !

    — C’est plus fort que moi.

    Elle soupire.

    — Même si je faisais ce que tu me demandes…

    Un sourire se dessine sur mes lèvres.

    — J’ai bien dit « si » ! Pas que j’allais le faire.

    Je recommence à faire pitié. Je ne fais pas exprès, juré craché ! Je dois ab-so-lu-ment faire éclater la vérité. C’est devenu crucial, pour moi ! En plus d’être passée pour une enfant gâtée, doublée d’une égoïste, j’ai remporté le titre de « briseuse de ménages ». Tout ça pour finir par vouloir agiter le drapeau blanc… et me faire alors recevoir avec une brique et un fanal. Comme si ce n’était pas assez, elle a modifié toute l’histoire. Résultat : la rumeur veut maintenant que je sois allée jusqu’à m’abaisser à la supplier de me pardonner ! J’ai l’air de quoi, maintenant ? Oui, Charlie et Myriam étaient là. Bien entendu, elles pourraient tout démentir. Et elles le font quand l’occasion se présente. Mais puisque ce sont mes amies, leur version de l’histoire ne compte pas vraiment, aux yeux des autres.

    — Je sais que c’est stupide, mais je n’ai rien trouvé de mieux. À part de faire parler son tata de petit ami, je ne vois pas comment je pourrais rétablir la vérité.

    — Tu ne penses pas qu’il va trouver ça louche, que je le rappelle ? Domingo est peut-être un trou du…, mais il ne peut pas être stupide au point de… Je veux dire : je l’ai tellement envoyé promener… C’est sûr qu’il va se douter de quelque chose.

    — Ben non ! C’est justement pour ça qu’il faut y aller en douceur. On commence par un tout petit texto inoffensif… Dans le genre : « Salut ! Je pensais à toi, et je me demandais comment tu allais. » Ensuite, s’il te répond, tu fais ton aguicheuse. Tu dois y aller subtilement, ne pas être trop directe. Mais quand même le tenter un peu, parce qu’on veut qu’il morde à l’hameçon, quand même !

    — T’es pas possible !

    Elle rigole un coup. Je crois que j’ai enfin réussi à la convaincre. Elle est saine d’esprit, mon amie (pas comme moi), et je sais que ce n’est pas dans ses habitudes d’embarquer dans mes manigances. Mais je sais aussi qu’elle rêve de donner une bonne leçon à ce type-là ! Myriam a en horreur les hommes infidèles. Tout comme les femmes, d’ailleurs ! Mais on dirait que pour Mymy, quand c’est un gars qui trompe, c’est encore pire. Ses discours sur le sujet ont toujours été sans équivoque : les hommes infidèles méritent tous, sans exception, la castration.

    — Je le sais, que je dépasse les bornes ! Mais je peux pas rester les bras croisés, à la laisser déblatérer des mensonges à mon sujet. Ça fait trop longtemps que ça dure. Et au cours de la dernière année, disons qu’elle s’est surpassée !

    — Tu as raison.

    — Alors, tu acceptes ?

    — À UNE condition… On fait les choses à MA façon !

    — Qu’est-ce que tu veux dire ?

    — Qu’il n’y aura pas d’humiliation devant public. Est-ce bien clair ? Je veux que ce connard ait ce qu’il mérite, mais même si je déteste Bianca presque autant que toi, ça ne serait pas correct d’annoncer à tout le monde qu’elle est cocue.

    — Eille ! T’es donc ben pas fine ! Je suis quand même pas un monstre ! Je veux pas dire à tout le monde que son chum la trompe : je veux juste qu’il avoue que je n’ai jamais rien fait pour lui nuire. En tout cas, pas volontairement. Je veux qu’il te le dise, et en avoir la preuve. Le reste, je m’en fous !

    — OK. D’abord, aussi bien lui envoyer un premier texto tout de suite.

    — Là, là ? Maintenant ?

    — Ben oui, là. Tu veux attendre qu’il neige de la marde de crapaud ?

    — Nonon… Let’s go ! Texte-le !

    C’est drôle comme je suis trouillarde, maintenant que ça se concrétise ! Et s’il ne voulait pas revoir Myriam ?

    — « Hello, beau brun ! Je pensais à toi, et je me demandais comment tu allais ! » Ça y est ! Envoyé !

    My God ! « Beau brun » ? Tu trouves pas que tu y vas un peu fort ?

    — Je t’ai dit de me laisser faire. Je sais comment m’y prendre avec lui. Si je suis trop réservée, il ne voudra rien savoir. Mais si je lui laisse miroiter qu’il pourrait encore se passer quelque chose entre nous, c’est sûr qu’il va me répondre.

    Bip !

    — Qu’est-ce que je disais ? se vante Myriam.

    — Ouin… Y est vite sur le piton, le petit monsieur ! Qu’est-ce qu’il t’a répondu ?

    Mymy laisse planer le suspense quelques secondes. Comme je soupire d’impatience, elle met fin au supplice.

    — « Je vais beaucoup mieux maintenant que tu m’écris… Tu veux me revoir ? », lit Myriam.

    — On peut dire qu’il ne perd pas de temps ! que je constate, heureuse du dénouement.

    Je quitte mon amie vers dix heures trente. C’est dimanche soir et, même si j’ai terriblement envie d’être témoin de son échange de textos coquins, je travaille très tôt demain. Comme mes nuits ne sont pas les plus reposantes qui soient, ces derniers temps, j’ai tout intérêt à ne pas me coucher trop tard. D’affreux cernes bleutés, pratiquement impossibles à camoufler, sont en train de s’incruster sous mes yeux.

      "

    Lorsque j’insère la clé dans la serrure, je constate, en regardant par la fenêtre, que mon chum s’est encore endormi devant la télévision. Pauvre amour, il va avoir un de ces torticolis ! Je dépose mon sac à main sans faire de bruit, me dirige sur la pointe des pieds vers la salle de bain. Je scrute mon reflet dans le miroir. Ouais… Je vais devoir aller m’acheter un méchant bon sérum anticernes ; le mien n’est plus assez efficace. Vivement que je mette un terme à toute cette histoire avec « Bibi manicotti » ! Mon teint de pêche ne le supportera plus très longtemps.

    — Mon cœur ?

    Pour le réveiller en douceur, je chuchote doucement à son oreille. Il marmonne quelque chose d’à peine audible. J’éteins la télé, retourne me brosser les dents. Je pensais bien pouvoir lui jaser un peu avant d’aller au lit, mais ce sera pour une autre fois. De toute façon, je n’ai pas trop envie de lui raconter ma soirée. Il désapprouverait sûrement mon idée, et je n’ai pas trop envie de m’obstiner. Je me démaquille en vitesse, tente une seconde fois de le réveiller. Au bout d’une minute, il se lève. Pas certaine qu’il en ait conscience, par contre… Un vrai zombie ! Je le borde comme un bébé, puis je ferme les yeux.

    Je suis sur le point de sombrer quand je reçois un texto. C’est Mymy.

    Tout va bien aller, tu vas voir. Je travaille là-dessus. Dors bien, ma chérie !

    Pas le temps de répondre : je m’endors d’un profond sommeil. Il était temps !

    2

    A-t-on vraiment besoin d’une psy lorsqu’on a une coiffeuse ?

    Mardi 27 octobre, 11 h 40

    — Est-ce que tu vas faire une commande de coloration ? me demande Mélissa.

    — J’ai pas ben le choix. Sinon, on ne passera pas la semaine.

    — Parfait ! Peux-tu aussi acheter des rallonges jaune canari, s’il te plaît ?

    — Jaune… canari ?

    — Ouais… Je pense comme toi. Un peu weird, mais ma cliente est assez spéciale, et c’est exactement ça qu’elle veut.

    — Euh, OK.

    Pas que ce soit franchement affreux, au fond, mais il faut vraiment que tu aies le style pour les porter. C’est pas donné à tout le monde !

    — Est-ce que tu peux aussi commander des gants extra small ? en profite Charlie à son tour.

    — Oui, madame !

    Je passe la commande, puis commence à décorer pour l’Halloween. Nous sommes déjà rendus fin octobre, et les petits monstres ne tarderont pas à venir nous rendre visite… Comme nous offrons chaque année des bonbons, il est grand temps de nous mettre dans l’ambiance.

    Vers quatorze heures, je consulte mes courriels. Disposant de quelques minutes avant que ma prochaine cliente arrive, je m’installe dans la petite cuisine des employées, me dépêche d’ouvrir mon portable. Mymy s’est enfin ouvert un compte Facebook, et elle m’a donné son mot de passe. Je peux donc consulter sa page quand bon me semble, et même lire les messages privés. À condition que je n’écrive pas moi-même à Domingo, et que je n’appelle pas Mymy toutes les demi-heures pour savoir où elle en est rendue dans le processus ! Je suis tout excitée de constater que Myriam et l’imbécile de petit ami de Bianca ont discuté assez souvent, depuis dimanche dernier.

    Alors que je suis aussi concentrée qu’un chirurgien en pleine opération à cœur ouvert, Charlie me fait sursauter en se raclant la gorge.

    — Hum, hum ! Je dérange ?

    — Hein ? Non. Du tout !

    Je referme illico l’ordinateur.

    — Qu’est-ce que tu caches, d’abord ?

    — Rien du tout, je te dis !

    — C’est parce que j’ai eu le temps de lire, Maria ! Tu trompes Jean-Christophe ?…

    — Quoi ? BEN NON ! T’es complètement à côté de la plaque !

    — Ben explique-toi, dans ce cas-là ! Parce qu’avec ce que je viens de lire…

    Me voilà bien obligée de lui révéler toute l’histoire. Je ne peux jamais rien lui cacher très longtemps, de toute façon. Et je ne veux surtout pas qu’elle pense que je suis infidèle !

    — Je te jure que c’est la vérité. Je ne trompe pas Jean-Christophe.

    — Je le sais, gougoune ! Je n’ai jamais pensé ça, non plus !

    — Alors pourquoi tu…

    — J’ai eu le temps de lire par-dessus ton épaule. Et je me doutais bien que tu préparais quelque chose, ces derniers temps ! T’es la pire mauvaise actrice que la terre ait jamais portée ! J’ai tout de suite compris, quand j’ai vu la conversation de Myriam avec le chum de Bianca. Je le savais qu’en t’accusant de tromper ton chum, tu allais finir par cracher le morceau ! Ha ! ha !

    — Pfff… C’est pas comme si je me préparais à commettre un meurtre…

    Charlie n’est pas d’accord avec mon idée, et ça paraît. Elle fronce les sourcils, croise les bras, me fixe droit dans les yeux.

    — Non, peut-être pas. Mais tu vas encore te mettre dans le pétrin. Chaque fois que tu essaies de t’en prendre à elle, tu retombes encore plus bas que la fois d’avant.

    — T’exagères !

    — Non, je n’exagère pas, Maria ! Quand est-ce que tu vas finir par comprendre que tu ne gagneras rien à essayer de te venger ? Ça sert à rien ! Laisse tomber, et vis ta vie !

    — Tu parles comme si je vivais juste pour ça. Moi, je pense que, oui, t’exagères.

    — Ah ouais ? Alors comment ça se fait que t’as de la misère à dormir depuis un mois ? Si ça ne prend pas tant de place que ça, dans ta vie, pourquoi ça t’affecte au point de te creuser d’aussi gros cratères en dessous des yeux ?

    — Pfff… La nouvelle crème que j’ai achetée hier soir va tout arranger ça ! Je veux juste qu’elle avoue. Je veux que les gens sachent que je ne suis pas une menteuse, que je n’ai rien fait dont elle m’accuse.

    — On s’en contrefiche de ce que les gens pensent ! Vas-tu finir par te rentrer ça dans le crâne ?

    — Ahhh ! Laisse donc faire ! Tu comprends pas.

    Charlie me jette un regard dur, mais n’ajoute rien. Elle me laisse en plan, retourne s’occuper de sa cliente. J’en fais autant, car celle que j’attendais vient d’arriver. Mais il est absolument hors de question que j’abandonne mon plan. Même si Charlie a l’air fâchée contre moi, je sais qu’elle ne pourra pas le rester bien longtemps. Elle veut me protéger, j’en suis bien consciente. Mais je ne veux pas que les rumeurs me concernant continuent de se propager, bon !

    — Bonjour, madame ! Vous êtes Céline Lapointe ? que je lui demande, en vérifiant le nom inscrit à mon horaire.

    — Oui. Vous êtes Maria ?

    — Exact ! C’est moi qui vais m’occuper de vous, aujourd’hui.

    Je lui souris de toutes mes dents.

    Elle semble timide, cherchant presque à s’effacer. La dame est jolie, bien qu’elle paraisse exténuée. Dans la cinquantaine ou, plutôt… la jeune soixantaine. Difficile à dire, car rien ne trahit son âge véritable. Son visage n’est pas très ridé, mais elle a les traits tirés. Son style vestimentaire est… Disons qu’il ne la rajeunit pas ! Son chandail beige n’avantage aucunement son teint, et son pantalon trop grand lui dessine une culotte de cheval. Pour être honnête, elle n’a pas vraiment de style. Ses cheveux sont ternes, abîmés et beaucoup trop frisés. À y regarder de plus près, je remarque des rides assez prononcées autour de ses lèvres. Mais ce pourrait très bien être le résultat de plusieurs années passées la cigarette au bec, et non pas à cause de son âge. Elle pourrait facilement avoir entre quarante-cinq et soixante-cinq ans. La marge d’erreur est assez grande !

    — Vous pouvez me suivre ! que je suggère.

    Je vois bien qu’elle se trouve complètement hors de sa zone de confort dans un salon de coiffure, entourée de femmes qui prennent plaisir à se faire pomponner. Elle n’a pas l’habitude de prendre soin d’elle, c’est évident. Je l’invite tout d’abord à s’asseoir au lavabo : c’est clair qu’elle a besoin d’un bon shampooing. Je m’applique à la tâche : sa visite chez Cosmos sera mémorable ! Elle ferme les yeux, semble apprécier le moment. Les bienfaits du massage capillaire restent malheureusement encore sous-estimés de nos jours. Faire doucement pression sur les tempes, masser vigoureusement le cuir chevelu pour activer la circulation sanguine, et finir avec de légers mouvements circulaires sur la nuque : c’est tout simplement exquis pour quiconque s’assoit à mon lavabo. Avec l’odeur de notre shampooing le plus populaire (amandes et miel), c’est encore mieux ! Lorsqu’elle ouvre les yeux, elle constate que je l’observe. Je détourne le regard, mais le mal est fait. Je l’ai rendue encore plus mal à l’aise. Au moins, pour une fois, je n’échappe pas le pommeau de douche. Au bout d’un moment, je brise le silence.

    — Est-ce que vous utilisez du revitalisant ?

    — Pardon ?

    — Dans vos cheveux. Est-ce que vous utilisez du conditionneur pour les assouplir, en temps normal ?

    — Euh, oui. Ça m’arrive.

    — Parfait ! Vous allez voir, avec celui que je vais vous appliquer, vos cheveux n’auront jamais été aussi souples !

    — Merci.

    Elle me sourit, toujours timidement. Pauvre madame ! Je me sens mal pour elle. Si une visite dans un salon de coiffure la trouble à ce point, je n’ose pas imaginer à quoi ressemble sa vie de tous les jours… Je l’invite à s’asseoir sur ma chaise aux miracles. Des petits miracles, hein ? Pas l’impossible. Ne l’oubliez pas !

    — Alors, de quoi avez-vous envie, aujourd’hui ? Une idée précise en tête ?

    — Euh, non. Pas vraiment.

    — Est-ce que vous aimeriez les raccourcir, ou juste rafraîchir les pointes ?

    — Je sais pas trop.

    Ouais, eh bien, je vais devoir travailler un peu plus fort dans les coins… C’est qu’elle ne se dégêne pas facilement, la Céline !

    — Je vais vous montrer des revues. Peut-être que ça vous donnera des idées ?

    — OK.

    Je m’empare des trois plus beaux livres de coiffure que nous possédons. Je veux qu’elle y trouve son compte, et qu’elle soit vraiment satisfaite de ses nouveaux cheveux. Au bout de quelques minutes, elle me pointe une photo.

    — C’est le genre de coupe que vous aimez ?

    — Oui. C’est exactement ce que j’ai toujours voulu avoir, mais je n’ai jamais osé…

    — Pourtant, ça vous irait très bien. C’est pas mal plus court que ce que vous avez en ce moment, mais c’est beaucoup plus facile à coiffer. Vous verrez !

    — Ah oui ?

    — Un petit peu de pommade, un coup de fer plat sur la frange, et le tour est joué !

    — C’est très rare que je m’occupe de mes cheveux.

    Depuis son arrivée, c’est la première phrase complète qui sort de sa bouche sans que j’aie eu à lui tirer les vers du nez. J’en suis très heureuse, mais elle n’a pas besoin de me confier qu’elle ne s’occupe pas de ses cheveux, je l’avais déjà remarqué.

    — Vous n’avez pas beaucoup de temps le matin, j’imagine ? Vous travaillez tôt ?

    — Non. C’est juste que…

    Elle hésite avant de continuer. Je lui souris, l’encourage à s’exprimer.

    — Avant, j’aimais beaucoup venir chez la coiffeuse. Je prenais soin de ma peau, je m’achetais tous les mois

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1