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Livia
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Livre électronique530 pages5 heures

Livia

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À propos de ce livre électronique

Copropriétaire avec son frère Alexis du renommé bistro À Table!, Livia Rioux mène de front la brillante carrière dont elle a toujours rêvé. Le coquet restaurant situé aux abords du fleuve Saint-Laurent continue de gagner en popularité, et le duo en est particulièrement fier. Mais si la jeune femme se réjouit de pouvoir allier travail et passion, sa rupture avec Zack, survenue un an plus tôt, vient encore assombrir son coeur. Noël approche, et Livia décide de s’investir corps et âme dans l’organisation de cette fête qu’elle adore ainsi que de la surprise qu’elle réserve à Alexis pour son anniversaire. Mais lorsqu’elle fait la rencontre de James, un vieil ami de son frère, récemment engagé comme sous-chef, sa vie prendra un tournant inattendu. Fébrile et étonnée de ressentir
cet amalgame d’émotions pour cet homme qu’elle ne connaît que de réputation, elle en viendra peu à peu à oublier les blessures qui peinaient à se refermer. Le mystérieux James arrivera-t-il à lui faire croire en l’amour de nouveau ? À Noël, tout est possible, même les miracles !
LangueFrançais
ÉditeurLes Éditeurs réunis
Date de sortie26 oct. 2022
ISBN9782897835965
Livia

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    Aperçu du livre

    Livia - Marie-Krystel Gendron

    Faux_titre.jpg

    De la même auteure chez Les Éditeurs réunis

    Célibataire cherche animal de compagnie, 2021

    Un été à l’auberge, 2020

    Confidences d’une coiffeuse (exaspérée !), 2016

    Confidences d’une coiffeuse (encore plus exaspérée !), 2017

    Confidences d’une coiffeuse (éternellement exaspérée !), 2018

    10334.jpg Marie-Krystel Gendron – Auteure

    10350.jpg mkgendron.com

    Entre ces murs familiers, là où tout avait réellement commencé. Une simple fleur, annonçant pourtant sa plus belle épopée. Refuge ayant dessiné son passé, théâtre d’histoires nombreuses, demeurant à ce jour son plus précieux repaire.

    1

    1er décembre

    L’automne cédait lentement le pas à l’hiver. Doucement, au fil des semaines qui s’étaient écoulées, le cœur de Livia avait enfin retrouvé un rythme moins débridé. La dernière année, la jeune femme l’avait passée à nager dans un brouillard qui s’était estompé peu à peu. La pente à remonter s’était montrée particulièrement ardue, pénible. Et bien qu’il lui reste encore du chemin à parcourir, Livia était parvenue à panser quelques blessures. Du moins, en surface.

    Quoique son passé revienne parfois assombrir ses meilleurs jours, elle anticipait l’arrivée de son mois favori avec fébrilité. Confiante, elle comptait bien profiter de cette période de réjouissances pour renouer avec les petits plaisirs qui la faisaient autrefois tant sourire. Aujourd’hui était d’ailleurs l’un de ces précieux moments, qui, année après année, contribuaient à lui réchauffer l’âme.

    — Ouch ! se plaignit Alexis en s’accroupissant pour ramasser un couteau tombé au sol.

    Sa petite sœur se retourna prestement.

    — Ça va ?

    — Mon dos, expliqua-t-il. Ça va passer !

    — Ce n’est pas drôle avoir ton âge, hein ? le taquina-t-elle en tirant la langue.

    Alexis lui adressa un air faussement indigné.

    — Quoi, c’est vrai ! s’exclama Livia en riant. Le 31 décembre arrive vite, frérot… Faut te rendre à l’évidence : tu deviendras un quadragénaire ! Ta jeunesse est maintenant loin derrière !

    — Tu crois ça, hein ? rouspéta-t-il. Je me demande bien qui de nous deux est le plus en forme !

    — Ah, ça, rigola-t-elle, tout dépend du point de vue ! Mais ne t’en fais pas, tu ne fais pas du tout ton âge, vieille branche !

    Ne faisant ni une ni deux, Alexis délaissa sa besogne. Sans avoir le temps de réagir, la jeune femme se retrouva prise au piège, les poignets tenus fermement derrière son dos par son aîné, qui se mit à lui chatouiller les flancs de sa main libre.

    — Arrête ! s’écria-t-elle en cherchant à se défaire de l’emprise de son grand frère.

    Jusqu’à ce qu’elle en vienne aux supplications, il redoubla d’ardeur.

    — OK, OK ! Alexis Rioux, prononça-t-elle avec difficulté, je t’en supplie…

    — Pardon ? la nargua-t-il. Je ne t’entends pas très bien !

    — Tu es le plus fort, poussa-t-elle, et…

    — Et quoi ? Allez, dis-le !

    — Le plus brillant de nous deux, ajouta-t-elle en haletant. Voilà, c’est dit ! Tu peux me lâcher maintenant ?

    L’air triomphant, Alexis desserra sa poigne et retourna à ses chaudrons.

    — Ne jamais oublier qui est le maître ! envoya-t-il, victorieux.

    — Pour un vieux tout sec, j’admets que tu n’es pas si…

    Rapidement, Alexis pivota sur ses talons, puis adressa à sa sœur des yeux ridiculement menaçants en pointant un index vers elle. En se sauvant vers la porte battante, Livia éclata de rire.

    — Ça suffit, les âneries ! On a du boulot, je te signale, le rabroua-t-elle.

    — Justement ! Sors de ma cuisine, petite insolente, lui ordonna-t-il en lui envoyant un clin d’œil.

    Le talentueux chef redirigea son attention sur son travail, puis entre­prit de mettre les fèves au lard sur le feu. Le cœur léger, la jeune femme regagna la salle à manger en trottinant. Les gens n’allaient bientôt plus tarder à s’agglutiner dans l’entrée, et il y avait encore tant à faire.

    — Tu as rapporté la cantine de très bonne heure, ce matin ! envoya-t-elle à Clarence, qui, dans le but de maximiser l’espace, s’occupait de regrouper des tables. Avez-vous pu dormir un peu, Alexis et toi ?

    Tout sourire, son ami acquiesça et alla se servir un bon café noir.

    — Il fait un froid de canard. J’espère que ça n’empêchera pas les gens de venir nous voir ! s’adressa-t-il à sa complice en avalant une gorgée du liquide fumant.

    — L’odeur de tes beignets au sirop saura les attirer ! le rassura-­t-elle. Je suis convaincue qu’on arrivera à ramasser une belle cagnotte encore cette année !

    En ce premier jour de décembre, Livia et Alexis – fiers propriétaires du bistro À table – poursuivaient la tradition instaurée par leurs parents au moins deux décennies auparavant. Fondée en décembre 1970 par leurs grands-parents paternels avant d’être reprise par leurs parents, l’entreprise familiale maintenant dirigée par eux deux s’apprêtait à accueillir de trop nombreux estomacs vides. Spécialement conçu pour redonner aux plus démunis, le traditionnel brunch annuel promettait d’être un franc succès. À la hauteur de sa réputation. Copieux. Savoureux.

    — Vous êtes combien sur le plancher déjà ? demanda Clarence.

    — Cinq ! l’informa Livia. Jessica et les autres viennent d’arriver.

    Emballé, le jeune homme alla embrasser son amoureux en cuisine avant de retrouver ses aises à l’intérieur de la caravane, installée pour l’occasion dans le stationnement du bistro. Principale source de collecte de dons – qu’ils redonnaient mensuellement au refuge de leur quartier –, la vente de beignets était devenue au fil du temps leur marque de commerce.

    À l’intérieur du sympathique établissement, l’ambiance se révélait joyeuse et festive. Incessamment, des individus de tous les milieux se côtoieraient pour partager un moment de grande qualité. Soucieuse du confort de ses convives, Livia s’empressa d’allumer un feu dans le foyer de pierres grises trônant au beau milieu de la pièce. Consciente de la chance qu’elle avait eue de grandir dans une famille aimante et plutôt bien nantie, elle espérait procurer un peu de chaleur à ceux qui, tristement, affrontaient sans logis les nuits froides de l’hiver québécois.

    — J’adore décembre ! s’exclama Jessica, sa meilleure serveuse, en la retrouvant tout près du foyer.

    — Et moi donc !

    Sereine, Livia examina la pièce récemment rénovée. Des ardoises affichant les plats du jour étaient fixées aux murs de briques blanches. De style industriel, le mobilier se mariait à merveille avec la richesse des boiseries, et les luminaires suspendus ajoutaient au cachet de la place. Cette vieille et charmante bâtisse, où les gourmands venaient vivre une expérience gastronomique, était située tout près du parc de l’île Lebel et offrait à travers sa large fenestration une vue impressionnante sur le fleuve Saint-Laurent. Manifestement, cet endroit gagnait d’année en année de nombreux adeptes et représentait la plus grande fierté de Livia. Huit ans auparavant, quand ses parents leur avaient légué le bistro, à son frère et elle, pour profiter pleinement de leur retraite, la jeune femme venait à peine de terminer ses études en gestion. Des projets plein la tête, elle n’avait pas hésité à sauter à pieds joints dans l’aventure avec Alexis, et jamais elle n’avait regretté son choix. La relation de confiance qu’elle avait développée avec les membres de sa merveilleuse équipe lui tenait particulièrement à cœur. Il ne lui suffisait que d’un coup d’œil vers la fenêtre pour constater le fourmillement de ses employés, dévoués à la tâche.

    — J’ai oublié le distributeur de chocolat chaud ! Pourrais-tu t’assurer d’ajouter des chaises tout près de la vitrine ? demanda-t-elle à l’élancée rouquine, avant de partir récupérer l’appareil en cuisine.

    — C’est comme si c’était fait ! opina Jessica.

    Livia inspira profondément pour s’imprégner de l’arôme de vanille flottant dans l’air. Absorbé par la cuisson de quiches aux asperges, Alexis fixait la vitre du four lorsque sa sœur vint déposer un baiser sur sa joue.

    — Mmm, ça sent drôlement bon, tout ça ! émit Livia alors que son alter ego émergeait de ses pensées.

    Satisfait, Alexis adressa un tendre sourire à sœur. Bien que tirés, ses traits doux et rassurants restaient animés d’une passion débordante. Véritable gastronome, il traitait chaque aliment, chaque ingrédient avec le plus grand des respects.

    — Le record à battre ? questionna-t-il sa sœur en se pressant de terminer de fouetter son mélange d’omelette au jambon.

    — Si on arrive à livrer plus de cent repas, on aura largement rempli notre mandat ! On ouvre les portes dans quelques minutes, annonça-t-elle.

    — Oh, alors file, et cesse de venir me déranger ! plaisanta le chef en réprimant un bâillement.

    — J’étais seulement venue chercher ça, précisa Livia en mettant la main sur le distributeur. Tu as jeté un œil aux derniers curriculums qu’on a reçus ? Il serait grand temps de la trouver, cette perle rare ! ajouta-t-elle prudemment.

    Agacé, Alexis soupira.

    — Je vais commencer à croire que tu souhaites te débarrasser de moi !

    — Ne fais pas le malin ! l’avisa-t-elle. Tu sais trop bien que j’ai raison.

    — J’arrive encore à me lever sans trop de mal le matin, alors tout va bien ! chercha-t-il à la convaincre.

    D’un roulement d’yeux, Livia se dirigea vers la porte battante.

    — C’était quand, tes dernières vacances, déjà ? souleva-t-elle rien que pour le titiller davantage.

    — Il y a plus d’un an, juste avant que…, envoya-t-il sans toutefois réfléchir aux répercussions de ses paroles. Désolé, je ne voulais pas remuer le couteau dans la plaie…

    — Ça va ! l’interrompit-elle. Ne t’en fais pas !

    Navré, Alexis lui souffla un bisou en l’air.

    — Souviens-toi que tu es le meilleur, lança-t-elle avant de rejoindre le reste de l’équipe dans la salle à manger.

    Dans l’espoir de recevoir le plus de gens possible, la propriétaire s’était assurée de réorganiser la pièce, qui semblait plus vaste que de coutume. Avant la cohue, elle y jeta un dernier regard, puis se hâta de déverrouiller la porte. Incessamment, un habitué de l’endroit passa le seuil et la jeune femme l’accueillit avec joie.

    — Bonjour, Bill ! Comment allez-vous ce matin ?

    Anciennement un sans-abri, cet homme au cœur grand comme le monde avait trimé dur pour se sortir de la rue. Depuis plusieurs années maintenant, Bill apportait son soutien au refuge du quartier, et jamais il ne ratait le traditionnel brunch du 1er décembre. Livia éprouvait une sincère et profonde amitié pour celui qui, sans jamais rien demander en retour, venait chaque jour de tempête déneiger l’entrée du bistro. La bienveillance incarnée, il était de ceux qui, sans le savoir, avaient contribué à lui faire retrouver foi en l’amour. Ses paroles toujours emplies de sagesse laissaient forcément leurs empreintes sur son cœur.

    — Venez vous asseoir ! l’invita-t-elle à prendre place. Vous voulez un café ?

    D’un large sourire imparfait, Bill accepta l’offre gaiement.

    cul_de_lampe.jpg

    Seize heures allaient bientôt sonner lorsque Livia, comblée, sentit une douce béatitude l’envahir. Elle se réjouissait d’avoir servi pas moins d’une centaine de repas. Le sentiment du devoir accompli s’affichait sur chacun des visages des gens ayant participé à propager cette vague de solidarité. Dans un moment de franche camaraderie, les membres de l’escouade se félicitèrent tour à tour, et Alexis quitta sa cuisine pour venir les retrouver.

    — Votre efficacité est sans égale ! lança-t-il avec entrain. Merci à tous d’avoir accepté d’offrir de votre précieux temps ; Livia et moi vous en sommes infiniment reconnaissants ! Sachez que votre disponibilité et votre rigueur au travail seront récompensées.

    De connivence, le frère et la sœur s’adressèrent une œillade amusée.

    — Pour la première fois, le bistro fermera ses portes durant presque une semaine complète ! annonça Alexis. Du 25 au 30 décembre, vous serez complètement libres et pourrez en profiter pour passer du bon temps en famille.

    Instantanément, gloussements et exclamations fusèrent du groupe.

    — Vous ne serez évidemment pas pénalisés sur votre salaire, ajouta Livia. C’est un peu notre façon de vous démontrer notre appréciation et, puisque notre chef se fait vieux, s’esclaffa-t-elle, c’est aussi une façon de lui offrir un peu de repos avant qu’il atteigne ses quarante printemps bien sonnés !

    Bon joueur, Alexis donna un faible coup de coude sur l’épaule de sa cadette avant de retourner nettoyer sa cuisine. Après avoir tout remis en place, Livia donna congé à ses employés.

    — Bonne soirée, à mercredi ! envoya Jessica à son intention en quittant la salle.

    Maintenant désert, le bistro n’allait plus rester ouvert bien long­temps, et Clarence ne tarderait certainement pas à venir retrouver les deux propriétaires à l’intérieur. Livia se demanda d’ailleurs combien de beignets il avait pu servir aux passants. Confortablement assise sur l’un des tabourets du bar, elle contemplait le fruit de son labeur des huit dernières années. Sans l’aide de son grand frère, la jeune restauratrice savait pertinemment que son parcours n’aurait jusqu’ici pas eu la même saveur. Ses plans avaient peut-être brusquement bifurqué de leur trajectoire l’an dernier, mais elle n’en restait pas moins fière de son succès.

    Perdue dans ses réflexions, elle sursauta lorsque la clochette de la porte d’entrée tinta. Depuis ses fourneaux, Alexis passa un rapide coup d’œil par le passe-plat, puis figea l’espace d’un instant. Comme il arrivait souvent que des retardataires se pointent en fin de journée, la jeune femme s’était redressée et allait bondir, prête à servir une dernière assiette, lorsque ses yeux croisèrent ceux du visiteur. Dans le vestibule, les deux pieds ancrés au sol, il se tenait là, à la dévisager en silence. Fragile, Livia demeura fermée, inflexible. Au bout de quelques secondes – qui lui parurent une éternité –, elle le vit avancer d’un pas hésitant.

    — J’ai pensé t’appeler, mais…

    Déroutée, la jeune femme n’entendait que les battements de son cœur cogner contre ses tempes.

    — J’aurais dû, je sais ! ajouta l’homme. C’est seulement que j’ignorais si…

    — Qu’est-ce que tu fais ici ? souffla Livia, désemparée, un nœud prêt à exploser dans le fond de sa gorge.

    — Je dois te parler.

    Témoin de la scène, Alexis restait sagement terré dans son repaire. Autrefois partagée avec celui qui venait de faire abruptement irruption, sa cuisine restait un lieu sûr pour éviter de balancer à Zack ses quatre vérités.

    — J’avoue que j’aurais préféré un appel, prononça Livia d’une voix plus brusque qu’elle ne l’aurait souhaité.

    — Je suis désolé, s’excusa le jeune homme. Je me suis tellement questionné sur la bonne façon d’agir et… j’ai cru que… enfin…

    Penaud, il abaissa le regard.

    — Ça fait un an que je n’ai aucune nouvelle de toi… même si ça a été difficile au départ, c’était la meilleure façon de gérer notre rupture, Zack ! Mais comment as-tu pu un seul instant croire qu’il était préférable que tu te pointes ici sans d’abord vérifier si j’avais envie de te voir ?

    — Tu as raison, se contenta-t-il de reconnaître. Ce n’est pas parce que les mois ont passé que je suis moins con pour autant, chercha-t-il à la faire sourire.

    Nerveuse, Livia se mordilla la lèvre inférieure.

    — Et donc, te voilà ! En chair et en os.

    — Comment vas-tu ? la questionna Zack. Je veux dire… Tu as l’air bien !

    — Je le suis, merci ! Et toi ?

    — Ça va, répondit-il.

    — Tant mieux, articula-t-elle en pesant ses mots. J’imagine que tu n’es pas seulement passé me saluer…

    — C’est vrai ! avoua-t-il. Hum, écoute… loin de moi l’idée de vouloir ressasser le passé, mais je voulais éviter que tu l’apprennes par d’autres ! J’ai déjà tout fait foirer, alors j’espère que, cette fois-ci, j’ai trouvé une meilleure façon de… ouf ! soupira-t-il d’embarras.

    Intriguée, la jeune femme fronça les sourcils.

    — Je reviens dans le coin, j’emménage dans quelques jours !

    Frappée de stupeur, Livia sentit une étrange sensation s’enraciner en elle. Le genre de ressenti qu’elle cherchait tant à étouffer depuis leur séparation. Visiblement, les plaies étaient encore vives, à tout moment prêtes à se fissurer.

    — OK… Et dans quel secteur, exactement ?

    — Dans le faubourg, l’informa-t-il. On s’est acheté un cottage…

    — J’en suis ravie, vraiment ! arriva-t-elle à le féliciter malgré la secousse qui traversait son plexus.

    — C’est gentil !

    À moitié refermée, Livia peinait présentement à faire tenir les sutures de la large entaille laissée sur son cœur.

    — J’apprécie tout de même que tu aies pris le temps de m’aviser de la situation.

    — Je ne voyais pas comment faire autrement. Bon… Je vais y aller, maintenant. Tu passeras le bonjour à ton frère !

    Sur ces dernières paroles, l’homme de qui elle était dix ans auparavant tombée éperdument amoureuse rebroussa chemin pour s’évaporer aussi vite qu’il était apparu.

    cul_de_lampe.jpg

    Un an plus tôt

    Sa tête avait du mal à absorber le choc. Son cœur encore plus. C’était comme si le poids du monde venait de s’abattre sur elle, l’étouffait, broyait sa cage thoracique. Où, quand, et surtout comment ça avait pu ainsi tourner au vinaigre, elle l’ignorait. Depuis neuf ans que tout semblait pourtant au beau fixe. Avaient-ils passé trop de temps ensemble ? Peut-être que travail et vie privée ne faisaient pas si bon ménage, tout compte fait. Évidemment qu’on leur avait déjà posé la question ! Des centaines de fois, même. Mais Livia n’avait jamais seulement osé penser que cette situation pourrait devenir nocive pour eux. Que leur relation au départ si parfaite fonçait droit dans un mur. Zack avait toujours eu la même opinion qu’elle, et voilà pourquoi la chute se montrait si brutale. Parce que si elle avait un seul instant cru la voir venir, elle aurait agi.

    — Je ne comprends pas ce qui s’est passé, suffoqua-t-elle entre deux sanglots.

    — C’est juste… arrivé.

    — Et nos projets ? Depuis des mois qu’on parle de fonder une famille, d’emménager dans le faubourg, de…

    — Livia, prononça calmement Zack. Je t’ai aimée de tout mon cœur, j’ai vraiment souhaité que ça dure toute notre vie, seulement…

    — Tu m’as aimée…, répéta-t-elle. Pourquoi parles-tu au passé ?

    Triste, il délaissa les yeux suppliants de Livia. Il avait beau chercher les mots, inévitablement, la femme avec qui il venait de partager de belles et douces années allait souffrir.

    — Je suis désolé.

    — Il y a quelqu’un d’autre ? demanda-t-elle, sans trop être convaincue de vouloir connaître la réponse.

    Le jeune homme hocha la tête négativement.

    — Non.

    — Alors pourquoi ? Explique-moi, je t’en supplie !

    Zack s’était levé du canapé en ravalant son chagrin. Parce que, bien qu’il en ait été l’instigateur, cette rupture ne faisait jusqu’à tout récemment pas parti de ses plans, lui compressait également le cœur. Moins que celui de Livia, mais tout de même.

    — Je… je ne suis plus amoureux.

    Livia cherchait son air, sentait une étrange panique monter jusque dans son plexus. Un douloureux vertige venait de monopoliser chacun de ses sens, chacun de ses membres. Une panique qu’elle devrait dompter encore un long moment.

    — Tu n’es plus…

    — Je tiens à toi, Liv ! s’empressa-t-il de lui rappeler. Si j’avais pu éviter ça… Te faire du mal est la dernière chose que je souhaitais, seulement…

    — J’ai besoin d’être seule, pars, s’il te plaît.

    Navré, Zack se risqua à avancer une main vers elle.

    — Pas comme ça ! objecta-t-il. On peut en discuter… En vérité, il FAUT en discuter, et je ne peux pas te laisser dans cet état. Je…

    — Ta pitié, garde-la pour toi ! se braqua Livia.

    — Ce n’est pas de la pitié, mais de l’affection !

    Acerbe, la jeune femme poussa un rire se voulant méprisant, mais si perceptiblement marqué par un chagrin plus grand que nature.

    — De l’affection, de l’affection, répéta-t-elle.

    — Crois-le ou non, cette situation ne me fait pas plaisir.

    — Il aurait fallu que tu y penses avant, tu ne crois pas ?

    Une pression menaçant de lui faire exploser la poitrine et une succession d’images de leurs plus beaux moments partagés s’approprièrent l’entièreté de son système limbique.

    — Tu sais trop bien qu’on ne choisit pas ces choses-là, tenta-t-il de rationaliser. Parce que si ça avait été le cas…

    — Mais ça ne l’est pas.

    Et parce que quitter l’être avec lequel on vient de partager tellement de proximité, de fous rires, de hauts et de bas n’est jamais simple, il pensa se rétracter.

    — Ça fait longtemps que tu y penses ? Je veux dire… que tu as réalisé que tu ne m’aim…

    Intérieurement violemment comprimée, Livia flancha. Des larmes en invitèrent d’autres et, malgré les essais d’étreintes répétés de son amour perdu, elle ne put empêcher le déferlement de se renforcer. De s’intensifier.

    — Je m’excuse, dit Zack. Je m’excuse tellement.

    L’averse ne cessa pas, mais s’amenuisa juste assez pour laisser le temps à Livia de reprendre son souffle.

    — S’il y a quelqu’un d’autre, je préfère le savoir maintenant.

    — Ça n’a absolument rien à voir ! réaffirma-t-il.

    — OK… Tu dois vraiment partir, Zack ! Allez… Pars, je t’en supplie !

    2

    1er décembre

    Cette journée avait pourtant bien commencé. Même qu’elle s’était presque bien terminée, seulement… la visite de Zack avait créé une véritable onde de choc, faisant naître en Livia un raz-de-marée d’émotions. Elle avait mis tant d’efforts à guérir, avait eu tellement de mal à se remettre sur pied. Et maintenant, elle avait l’impression que tout ce chemin parcouru – telle une rafale qui vient d’un seul coup tout foutre en l’air – n’avait servi à rien. Toute l’amertume qu’elle avait refoulée venait de remonter à la surface.

    — Est-ce que ça va ? s’inquiéta Alexis en venant aussitôt la rejoindre après que la porte se fut refermée sur son ancien beau-frère.

    Non, évidemment que non, quelle question ! se répondit-il en lui-même en serrant très fort sa petite sœur dans ses bras.

    Immobile, Livia se laissa bercer sans réagir. Au bout d’un moment, Alexis desserra son étreinte pour étudier le visage de sa sœur. Les yeux humides, elle arriva toutefois à contrôler le déluge, malgré une pluie diluvienne qui la secouait à l’intérieur.

    — Il…

    — J’ai entendu, s’empressa de l’informer Alexis. Tu sais que ce n’est pas la porte à côté, le faubourg, et donc…

    — C’est là qu’on devait s’installer, ajouta sa sœur d’une voix étouffée.

    — Je sais.

    Inquiet, Alexis repensa à ce moment précis, où, l’an dernier, Livia était tombée de haut. De très, très haut. Lorsque Zack avait rompu avec elle, Livia s’était réfugiée dans le boulot – à un rythme étourdissant – dans l’espoir d’engourdir sa peine. Se nourrir, dormir. Deux indispensables pourtant devenus secondaires, si bien qu’à un certain moment, Clarence et lui avaient réellement craint pour sa santé.

    — Comment te sens-tu ? demanda-t-il prudemment. Je veux dire, ton trouble est évident, mais…

    — Je ne vais pas m’effondrer à nouveau, si c’est ce qui te tracasse.

    — Évidemment que je m’en fais pour toi ! s’exclama-t-il. Tu vas tellement mieux depuis la fin de l’été dernier. Si tu veux, je le lui rachète, son fichu cottage, et je les expédie, sa famille et lui, illico en Acadie.

    Discrètement, l’esquisse d’un sourire se dessina à la commissure des lèvres de la jeune femme.

    — Je préférerais la Birmanie, c’est plus sûr, formula-t-elle en ricanant mesquinement.

    Rassuré, Alexis s’esclaffa.

    — C’était complètement fou ! Je dois avoir servi au moins trois cents beignets ! s’écria Clarence, qui, ignorant tout de la scène qui venait de se jouer, déboula dans le bistro.

    Immédiatement, l’expression de sa bonne amie l’interpella.

    — Qu’est-ce qui se passe, j’ai loupé quelque chose ?

    Du revers de la main, Livia essuya une larme. La dernière qui ait réussi à s’échapper pour venir mourir sur son menton. Dans le but de maîtriser l’agitation latente qui l’habitait, elle inspira profondément.

    — J’ai besoin d’un petit remontant, avoua-t-elle en se dirigeant vers le bar.

    Elle s’empara d’une bouteille de chardonnay et s’en versa une généreuse coupe.

    — Sers-m’en une aussi ! s’exclama Clarence en s’assoyant sur un tabouret.

    Après s’être décapsulé une bière, Alexis imita son amoureux.

    — Fallait bien s’y attendre, confia-t-elle. Je me doutais qu’un jour ou l’autre, ça finirait par arriver !

    — Je peux savoir de quoi on parle ?

    Alexis informa son homme de la situation, puis reporta son attention sur sa sœur.

    — Quel idiot ! s’énerva Clarence. Il aurait pu attendre encore une année, ou dix, avant de réapparaître !

    — J’apprécie ton soutien, mais faut pas lui en vouloir ! émit Livia, le cœur lourd. Zack a grandi ici, et son désir de revenir s’y installer est tout à fait légitime.

    — Quelle sagesse ! la taquina-t-il. Tu as raison, mais j’ai envie de rester choqué encore un peu.

    Attendrie, elle sourit à son ami.

    — Que penseriez-vous de… disons… changer de sujet ? envoya-t-elle avant d’avaler d’un trait la moitié de sa coupe de vin. De parler des fêtes de fin d’année, par exemple. Vous pensez passer tout le congé au chalet ?

    — Probablement, commença Alexis. J’ai bien l’intention d’en profiter pour dévaler les pentes de ski, faire des balades en forêt et…

    — Boire des grogs au chaud devant le foyer ! compléta joyeusement Clarence.

    À l’unisson, les trois compères pouffèrent.

    — Ces vacances seront assurément les bienvenues, avoua le chef. Les derniers mois ont été plutôt…

    — Intenses ! termina Livia.

    L’esprit de la jeune femme s’égara un instant. Inévitablement, ses pensées voguèrent jusqu’à ce que l’image de son ex-copain enlaçant une autre femme qu’elle apparaisse clairement dans sa tête. Son bouleversement plus qu’apparent ne manqua pas d’attirer l’attention des deux autres, et Clarence se leva précipitamment. Sur la musique en fond sonore, il se mit à se trémousser outrageusement en adoptant un air niais. Baguettes en l’air, le jeune homme se dirigea vers la chaîne stéréo en fredonnant, puis augmenta le volume tout en continuant de se déhancher. Ses piètres prouesses arrivaient toujours à faire sourire son amie, et cette fois-ci ne fit pas exception.

    Yeah, I’m gonna take my horse to the old town road ! I’m gonna ride ‛til I can’t no more…

    D’une voix de crécelle, Clarence s’époumona sur le hit de l’heure en ondulant du bassin, incitant son homme à venir le retrouver.

    — Une chance que je ne t’ai pas marié pour tes talents d’interprète ! rigola Alexis.

    Amusée, Livia éclata enfin d’un rire franc.

    — Mais pourquoi n’y en a-t-il pas d’autres comme vous deux ? lança-t-elle en se levant à son tour.

    — Y en a plein, mais tu regardes toujours ailleurs ! envoya Alexis en effectuant quelques pas de danse avant d’aller se rasseoir plus sagement. On s’entend que, des propositions, tu en as reçu plus qu’à ton tour, sauf que tu te refermes comme une huître dès qu’un gars s’intéresse à toi…

    — De quoi tu parles ? envoya sa sœur innocemment. Quelles propositions, quels gars ?

    Clarence adressa une œillade complice à son mari.

    — Tu sais qu’elle va jouer la carte de la naïveté simplement parce que ce serait trop dur d’avouer que, si elle n’a eu aucun rancard depuis un an, c’est son unique faute ! Vivre dans le déni plutôt que d’affronter ses peurs est plus simple ! railla-t-il toujours en se tortillant.

    Bang ! Cette pointe ne manqua pas d’atteindre brutalement l’amour-propre de Livia, qui avala difficilement la remarque.

    — Pardon ? s’indigna-t-elle. C’est quoi, le plan, tu cherches à me faire réagir ? Aurais-tu un problème avec ma vie amoureuse ?

    — Quelle vie amoureuse ? renchérit Clarence, malgré l’irritation évidente de son amie. Tu repousses toute forme de possibilité chaque fois qu’un mec te propose une simple sortie !

    Contrariée, la jeune femme tourna le dos en fulminant et prit la direction des toilettes. Sans la retenir, les deux hommes l’observèrent s’éclipser.

    — Tu y es peut-être allé un peu fort, prononça Alexis, les yeux rivés sur la porte des toilettes.

    — C’est toi qui as commencé, se défendit Clarence. On avait dit qu’on lui parlerait, et tu m’as ouvert une porte, alors si ça peut lui avoir sonné une cloche…

    — Tu aurais quand même pu te montrer moins… direct, chuchota son mari.

    — Et donc continuer exactement comme on le fait depuis des mois ! s’exclama sans gêne Clarence. Elle a besoin d’entendre la vérité, pas qu’on alimente encore et encore son ressentiment envers tous les hommes de la planète ! Ça devient malsain, à la fin, s’impatienta-t-il.

    Évidemment qu’il avait raison, mais Alexis s’inquiétait des répercussions. Il ne pouvait s’empêcher de redouter que sa sœur ne se referme davantage.

    — Elle a souffert et elle souffre encore, ça, je le comprends tout à

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