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Romane
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Livre électronique523 pages5 heures

Romane

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À propos de ce livre électronique

Célibataire endurcie, Romane, 28 ans, n’a jamais connu le grand amour. Celui qui bouleverse et chavire. Depuis toujours concentrée sur ses études, puis sur son travail, elle n’a jamais été suffisamment intéressée par les élans du coeur pour qu’elle s’y attarde sérieusement. Alors que les fêtes de fin d’année approchent, elle reçoit une offre qui ne manquera pas de stimuler la carriériste en elle. Maintenant engagée comme aide-pâtissière par la très réputée Véronique Leclerc, elle mettra tout en oeuvre pour faire ses preuves auprès de sa nouvelle patronne. Déployant toutes ses énergies sur son nouveau défi, elle se verra cependant ébranlée par l’arrivée d’un mystérieux nouveau livreur à la pâtisserie. Cet homme, qui viendra complètement transformer sa façon de voir la vie, semble toutefois dissimuler un lourd passé, ce qui ne manquera pas de susciter bien des questionnements chez Romane. Pourtant, une attraction singulière l’obligera à tout tenter pour se rapprocher de lui. Le temps serait-il enfin venu pour elle de plonger dans une histoire passionnée qui, assurément, bousculera ses plans… et son existence tout entière ?
LangueFrançais
ÉditeurLes Éditeurs réunis
Date de sortie18 oct. 2023
ISBN9782897839154
Romane

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    Aperçu du livre

    Romane - Marie-Krystel Gendron

    Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales

    du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

    Titre : Il était une fois en décembre / Marie-Krystel Gendron

    Nom : Gendron, Marie-Krystel, 1986- , auteure

    Gendron, Marie-Krystel, 1986- | Romane

    Description : Sommaire incomplet : tome 2. Romane

    Identifiants : Canadiana 20220010277 | ISBN 9782897839154 (vol. 2)

    Classification : LCC PS8613.E537 I4 2022 | CDD C843/.6–dc23

    © 2023 Les Éditeurs réunis

    Image de la couverture : BLACKDAY / Shutterstock

    Les Éditeurs réunis bénéficient du soutien financier de la SODEC

    et du Programme de crédit d’impôt du gouvernement du Québec.

    Édition

    LES ÉDITEURS RÉUNIS

    lesediteursreunis.com

    Distribution nationale

    PROLOGUE

    prologue.ca

    Imprimé au Canada

    Dépôt légal : 2023

    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

    Bibliothèque et Archives Canada

    De la même auteure

    chez Les Éditeurs réunis

    Ma famille recomposée, 2023

    Il était une fois en décembre : Livia, 2022

    Célibataire cherche animal de compagnie, 2021

    Un été à l’auberge, 2020

    Confidences d’une coiffeuse (exaspérée !), 2016

    Confidences d’une coiffeuse (encore plus exaspérée !), 2017

    Confidences d’une coiffeuse (éternellement exaspérée !), 2018

    Marie-Krystel Gendron – Auteure

    mkgendron.com

    Il suffit parfois d’un seul mot, d’une seule information manquante pour

    modifier la trajectoire d’une vie entière. À l’intérieur d’un cocon inconnu,

    une destinée se voit complètement chamboulée. Une deuxième maison,

    une deuxième famille, un tout à faire fleurir.

    1er décembre

    Les épais murs de béton abritant ce lieu mythique n’avaient rien d’austère. Bien au contraire. Les habitants de la ville ayant depuis longtemps été charmés par son âme, la pâtisserie Petites douceurs n’avait rien à envier aux commerces environnants. Bien que composée d’une seule pâtissière, la propriétaire, et d’une employée agissant à titre de bras droit depuis presque six mois maintenant, la menue escouade recevait une quantité astronomique de commandes sucrées pour la grandeur de l’endroit.

    Derrière les portes closes, de délicieux arômes sucrés embaumaient l’air. Une douce musique s’échappait agréablement des haut-parleurs et, postée tout près de la vitrine joliment décorée, Romane observait le manteau blanc s’épaissir sur la ville. Contrairement à l’an dernier, la neige s’était manifestée très tôt cette année. Dès le lendemain de la fête d’Halloween, les premiers flocons de la saison s’étaient mis à valser sur les toits de la province. Pourtant, la jeune femme avait du mal à croire que, d’ici quelques semaines, ce serait déjà Noël.

    — Bien dormi ? la questionna sa patronne alors qu’elle émergeait de l’arrière-boutique en tenant fermement dans ses mains une plaque remplie de biscuits fraîchement sortis du four.

    Romane acquiesça d’un mouvement de tête et ferma les yeux dans le but de savourer les odeurs qui se répandaient dans l’air.

    — Brisures de chocolat blanc et noix de macadam ! s’exclama l’aide-pâtissière.

    — Impressionnant ! lança Véronique en déposant la plaque sur son grand comptoir tout fait de bois. Tu as des plans ce week-end ?

    — Rien de particulier, peut-être faire une balade en forêt et me prélasser en pyjama sur mon divan devant des films de Noël !

    Dans les yeux de la jolie blonde, une étincelle pointa.

    — Tu pourrais venir souper à la maison ce samedi, proposa Véronique. Un des amis de Sébastien sera là, et je suis certaine que vous vous entendriez bien tous les deux !

    — Tu sais bien que les rendez-vous arrangés, ce n’est pas ma tasse de thé ! la réprimanda malicieusement Romane.

    Sa patronne soupira.

    — Je le sais bien, mais j’ai l’impression que tu passes à côté de quelque chose !

    — Parce que je ne suis pas en couple et que je n’aspire pas non plus à l’être ?

    Véronique grimaça.

    — Je trouve simplement que ta vie est juste centrée sur ton boulot, ou presque, et j’aimerais tant que tu t’amuses un peu plus !

    — Tu t’en fais beaucoup trop pour moi, répliqua la pétillante brunette. Je suis très heureuse et satisfaite de la vie que je mène !

    D’un sourire en coin, Véronique abdiqua.

    — Les gens sont beaucoup trop stressés, fit remarquer Romane en observant l’agitation de la faune locale sur la rue Principale.

    — Comment ça ?

    — Le nez plongé dans leur téléphone cellulaire, les bras chargés de paquets, expliqua Romane, ils avancent sur la chaussée sans même prendre le temps de profiter du beau temps ! On n’en est qu’au premier jour de décembre, et déjà ils semblent angoissés de ne pas arriver à temps à Noël !

    — Les journées s’écoulent rapidement, commenta Véronique. D’ailleurs, si on souhaite arriver au bistro avant la cohue, on ferait mieux de se dépêcher !

    L’aide-pâtissière lança un dernier regard par la vitrine, puis alla récupérer les cartons remplis de viennoiseries dans l’arrière-boutique. Véritables petits délices que Véronique offrait gracieusement chaque année aux clients venus participer au traditionnel brunch du 1er décembre, fondé par les propriétaires du renommé bistro À Table ! pour venir en aide aux plus démunis. Et comme les propriétaires, Alexis Rioux et sa sœur Livia, étaient justement ses meilleurs amis, la pâtissière ne ratait jamais l’occasion de répandre un peu de chaleur dans les cœurs de ceux qui s’apprêtaient à affronter sans logis le rude hiver à venir.

    — Livia vient tout juste de m’écrire que la porte de derrière sera débarrée ! annonça Véronique.

    Les deux jeunes femmes s’empressèrent de charger le camion de livraison et prirent la direction du restaurant.

    — Tu sais combien je me trouve choyée de t’avoir, hein ? lança Véronique à celle qu’elle considérait désormais comme une amie plutôt que comme une simple employée.

    — Et c’est tellement réciproque, répondit Romane, le cœur heureux, mais un brin lourd tout à la fois.

    Tout juste comme elle garait la camionnette dans le stationnement arrière du bistro, Romane remarqua la file de gens déjà prêts à venir se remplir la panse. Bien que la scène soit réconfortante, la jeune femme avait du mal à se détendre complètement. De toute évidence, ces individus avaient eu moins de chance qu’elle dans la vie, et cette réalité l’attristait profondément. Elle sentit l’émotion la submerger et tenta immédiatement de la dissimuler. Pourtant, sa patronne la devina rapidement.

    — Je comprends ton sentiment, prononça doucement Véronique, assise côté passager. Faire face à la misère humaine n’est pas toujours chose facile, mais je t’assure qu’aujourd’hui, on leur apportera beaucoup de réconfort !

    Ces mots se frayèrent un doux chemin jusqu’au cœur de Romane, qui inspira un bon coup avant d’ouvrir la portière et de sortir du véhicule, prête à faire de belles rencontres.

    — On a des estomacs à remplir ! s’exclama-t-elle, triomphante.

    Les six derniers mois s’étant révélés particulièrement angoissants, les émotions commençaient à gagner du terrain dans l’esprit habituellement si pragmatique de la brunette, dernièrement trop souvent mise à rude épreuve. L’énergique jeune femme s’efforçait d’être constamment à la hauteur. Cette pression qu’elle s’imposait ne venait pourtant que d’un côté. Le sien. Infatigable et persévérante, mais aussi tellement compréhensive, la propriétaire de la pâtisserie ne tarissait pas d’éloges à son sujet. Romane continuait toutefois de retenir son souffle, de craindre un congédiement si elle ne donnait pas toujours son cent pour cent.

    — Et du bonheur à semer ! ajouta Véronique en s’emparant de plusieurs cartons empilés les uns par-dessus les autres.

    À l’intérieur du bistro, l’ambiance était joyeuse et particulièrement festive. Élégamment décoré, le gigantesque sapin trônant au beau milieu de la pièce accrochait l’œil avec ses ornements scintillants. Des boules rouge et or judicieusement disposées au-dessus du bar, une collection de casse-noisettes occupant le manteau du magnifique foyer de briques blanches, tout était absolument parfait dans ce décor champêtre et chaleureux digne d’une chic revue de décoration. Cet endroit, Romane l’affectionnait tout particulièrement. Encore plus depuis qu’elle avait eu une journée de formation avec Clarence à la caravane du bistro, stationnée sur la place publique pour le marché de Noël. Cette année, durant tout le mois de décembre, les fameux croissants ainsi que les chocolatines de Petites douceurs seraient ajoutés au menu de la cantine roulante. De cette façon, advenant un trop fort achalandage, Romane pourrait prêter main-forte à Clarence.

    — Bonjour, vous deux ! les salua Livia alors qu’elle en était à déverrouiller la porte d’entrée du restaurant. Vous pouvez utiliser les deux tables du fond, les informa-t-elle en pointant dans la direction opposée.

    Séance tenante, Romane suivit sa patronne jusque-là et s’employa à bien disposer chaque pâtisserie de sorte qu’elle soit mise en valeur.

    — Tu veux bien me passer les croissants, s’il te plaît ? demanda Véronique à sa protégée.

    La brunette s’exécuta.

    — Les bons ! pensa-t-elle soudain à voix haute.

    — On les a oubliés dans la camionnette, réalisa à son tour la pâtissière. J’y vais de ce pas !

    — Mais non, laisse ! intervint Romane. Je dois aller récupérer mon sac à dos de toute façon !

    En trottinant, elle retourna jusqu’au bureau des propriétaires du restaurant, puis sortit rapidement par la porte arrière pour rejoindre le stationnement.

    À quelques lieues de là…

    Le bus venait de s’immobiliser et, bien qu’il doive impérativement en descendre, Malcom restait agrippé à son siège. Parce qu’il ne pouvait pas croire à quel point sa vie avait ainsi dérapé, parce qu’il n’avait rien vu venir et, surtout, parce que lorsqu’il sortirait du véhicule, tout changerait. Quelques secondes passèrent, puis comme le bus était sur le point de se remettre en marche, Malcom entendit s’écrier une voix familière :

    — Attendez !

    Aussitôt, le jeune homme repéra ce bon vieux Bill qui déboulait dans l’allée et se dirigeait droit sur lui. Dans son visage bienveillant, le soulagement était évident. Sans doute avait-il craint que son neveu n’ait changé d’idée. Mais comment aurait-il pu ? Aucune autre option n’était envisageable désormais.

    — Ne me dis pas que tu t’es endormi durant le trajet ! supposa l’homme, se doutant fort bien de l’état d’esprit dans lequel se trouvait celui qu’il considérait comme son fils.

    — J’étais dans la lune, se justifia Malcom en se levant précipitamment.

    — Tu as besoin d’aide ? le questionna Bill en lorgnant son bagage.

    — C’est gentil, mais je n’ai que ceci ! répondit-il en pointant du menton son sac à dos, qu’il envoya sur son épaule.

    D’un clin d’œil encourageant, le vieil homme incita Malcom à le suivre. Dehors, l’air anormalement doux caressa le visage du jeune homme. Il faisait bon retrouver ce patelin qu’il se plaisait autrefois à visiter durant les vacances d’été, mais dans les circonstances… il était beaucoup plus effrayé qu’emballé. Ignorant de quelle façon aborder la situation, il resta muet quelques instants. Heureusement que Bill était de ceux qui savent se montrer discrets, qui préfèrent de loin laisser le soin aux gens de se confier plutôt que de les forcer à le faire.

    — J’espère que tu as faim ! s’exclama-t-il alors qu’ils arrivaient tous deux près de l’enseigne du réputé bistro.

    Avenant, l’homme envoya un clin d’œil au plus jeune.

    — Je ne crois pas que je puisse m’offrir quoi que ce soit qui soit sur le menu de ce restaurant, peut-être devrait-on trouver un autre endroit…

    — Ne t’en fais pas ! s’empressa de le rassurer Bill. Aujourd’hui, c’est jour de fête !

    — Voyons, mon oncle ! se renfrogna Malcom. Tu n’as pas à m’inviter ! Je sais encore cuisiner mes repas et j’ai quelques économies pour subsister !

    — Veux-tu bien me laisser gérer la situation ? le réprimanda-t-il gentiment. Pour aujourd’hui, du moins !

    Touché, Malcom abdiqua et se remit à marcher en direction du bâtiment. Tout juste comme il passait devant la ruelle donnant accès au stationnement arrière du bistro, le jeune homme figea sur place. Une jeune femme qui, malgré qu’elle soit habillée d’un épais manteau d’hiver, retint son attention. La tête à découvert avec de longs cheveux couleur café noués en queue de cheval, elle se déplaçait presque en sautillant. Il lui sembla même l’entendre fredonner. Il la fixa un moment.

    Romane venait de mettre le grappin sur les bons-cadeaux qui donnaient droit à un croissant et une boisson chaude par semaine pour tout le mois de décembre que Véronique souhaitait offrir aux sans-abris. Ces bouts de papier n’étaient, selon elle, pas tellement nécessaires puisque sa patronne offrait déjà très souvent de petites douceurs à ces mêmes personnes. Partout en ville, la bonne nouvelle s’était depuis longtemps répandue comme une traînée de poudre et, très souvent, on pouvait voir de petites files venir se réjouir de la générosité de la pâtissière la plus connue du coin. Romane s’apprêtait donc à retourner à l’intérieur quand, à l’autre extrémité du stationnement, sur le trottoir en bordure de la rue Principale, elle remarqua la présence d’un homme qui lui semblait plutôt charmant. Elle cessa brusquement de chantonner. De sa position, elle arriva à évaluer la carrure du jeune homme, mais pas tellement bien son visage. Étrangement, ils s’examinèrent de loin l’espace de quelques secondes. Puis, il disparut devant le bâtiment.

    — Alexis nous a préparé des sandwichs déjeuner, lança Véronique à Romane lorsque celle-ci réapparut. Tu as faim ?

    Affamée, la jeune femme acquiesça.

    — Miam ! saliva-t-elle en se juchant sur l’un des tabourets alors que Clarence leur remettait chacune une assiette qu’elles pourraient apporter à leur poste.

    Le sympathique serveur proposa aux deux femmes de leur concocter des mimosas.

    — Pourquoi pas ! approuva Véronique.

    — Hum…, hésita Romane. Je suis sur mes heures de boulot et…

    — C’est moi, la patronne, et si je dis qu’on peut bien se faire plaisir en buvant un petit jus d’orange légèrement rehaussé d’une touche de bonheur pétillant, eh bien, mimosa ce sera !

    L’aide-pâtissière pouffa, puis croqua dans son sandwich.

    Faisant la queue devant le bistro avec son neveu, Bill amorça la discussion :

    — Je t’ai installé un petit coin douillet dans le salon, tenta-t-il de faire sourire Malcom.

    Mal à l’aise, ce dernier n’arriva pourtant qu’à esquisser un rictus d’inconfort.

    — À moins que tu préfères que je te laisse ma chambre ! s’empressa de proposer son oncle. Ce n’est pas très grand, mais tu y serais assurément plus tranquille !

    — La dernière chose que je souhaite, c’est d’envahir ton espace !

    — Mais tu n’envahis rien du tout, mon garçon ! le rassura Bill. Au contraire, je suis heureux de t’avoir ici avec moi et, si je suis bien honnête, ta présence me sera très utile !

    — Ah oui ?

    — Tes habiletés manuelles seront utilisées à bon escient, rigola Bill. Mais rassure-toi, je n’ai pas l’intention d’abuser de ton temps !

    Ravi de pouvoir apporter son aide plutôt que de sentir qu’il profite de la générosité de son oncle, Malcom sourit enfin franchement.

    — Moi aussi, je suis content de te voir ! répondit-il. Et si je peux t’être utile, j’en serai très heureux, mais je ne veux pas que tu t’inquiètes concernant la durée de mon séjour chez toi ! Je ne m’éterniserai pas ici durant des mois !

    Inquiet, le vieil homme toisa le plus jeune.

    — Tu resteras le temps nécessaire, un point c’est tout, lança-t-il gaiement. La plupart du temps, je dors chez Rose, alors mon appartement ne demande que ça, être envahi, ajouta-t-il en appuyant ses mots d’un clin d’œil malicieux.

    Reconnaissant, mais honteux, Malcom pinça les lèvres.

    — Je n’ai pas les moyens de payer ma part, avoua-t-il tristement. En tout cas, pas pour l’instant, mais je pars à la recherche d’un boulot dès que je suis installé !

    — Et qui t’a demandé de débourser quoi que ce soit ?

    — J’apprécie tellement ton aide, si tu savais à quel point, déclara Malcom. Mais je veux tout de même me reprendre en main, et le plus tôt sera le mieux !

    — Je ne suis nullement inquiet !

    Romane sentit son cœur se compresser lorsqu’elle réalisa la quantité de gens venus se remplir la panse au chaud. Beaucoup trop nombreux, ils indiquaient une pauvreté outrageusement présente dans sa propre ville. Une réalité que, jusqu’à aujourd’hui, elle ne soupçonnait pas.

    — Tu sais, commença sa patronne, on fait une réelle différence dans leur vie avec ce brunch ! Je sais que ce serait encore mieux de ne pas avoir à organiser ce genre d’événement, mais le fait est que, même si on ne peut pas tous les sauver… on leur fait du bien !

    La jeune femme se décrispa.

    — Tu as raison, concéda-t-elle, retrouvant le sourire et mordant à pleines dents dans son sandwich.

    Rapidement, l’endroit fourmilla de gens, si bien que Véronique demanda à son bras droit de s’empresser d’aller se poster derrière la table de gourmandises colorées. Romane s’y dirigea illico presto.

    — Bonjour ! salua-t-elle une femme au sourire imparfait, mais ô combien sincère. Qu’est-ce que je vous sers ?

    — Un croissant au beurre, s’il vous plaît !

    — C’est tout ?

    — J’ai le droit à autre chose ?

    — Évidemment ! Vous n’auriez pas envie d’une bonne chocolatine, par hasard ?

    Les yeux de la dame s’illuminèrent. Romane ajouta un gobelet de chocolat chaud à son plateau et lui remit un bon de la pâtisserie.

    — Comme c’est merveilleux ! s’exclama la femme, émue. Merci infiniment !

    D’une politesse sans nom, elle prit le temps de déposer une main redevable sur celle de l’aide-pâtissière et se dirigea ensuite vers l’une des tables de la salle à manger. Romane l’observa s’éloigner, puis revint presque aussi vite dans l’instant présent lorsqu’un autre client se présenta devant elle.

    — Jolie demoiselle, bien le bonjour !

    Cet homme au visage bienveillant, Romane l’avait déjà croisé quelques fois depuis son embauche à la pâtisserie. Il reste qu’elle ignorait son prénom, et elle plissa les yeux en fouillant sa mémoire.

    — Bill ! se présenta-t-il. Je m’appelle Bill !

    — Bonjour, Bill ! le salua-t-elle en le gratifiant d’un sourire radieux. Si je ne me trompe pas, vous êtes un amateur de nos brioches à la cannelle ? tâcha-t-elle de se souvenir.

    — Très bonne mémoire !

    Elle s’empressa de lui en servir une.

    — Et vous vous y plaisez, chez Petites douceurs ? prit-il le temps de s’intéresser à elle, ce qui la toucha sincèrement.

    — J’ai une patronne en or et je fais ce qui me passionne le plus, alors je ne pourrais demander mieux !

    — Merveilleux ! se réjouit l’homme. Vous semblez avoir bon cœur !

    Surprise, Romane l’interrogea du regard.

    — Ça se ressent dans votre énergie, expliqua-t-il en souriant davantage.

    Flattée, mais un brin gênée, elle le remercia chaleureusement et pointa les autres gourmandises étalées sur la table.

    — Un croissant ?

    — Volontiers !

    Romane déposa la viennoiserie dans une assiette en carton, puis désigna les chocolatines de son index.

    — Une comme ça aussi ?

    — Sans façon, merci ! Mais je prendrais un deuxième croissant pour mon neveu.

    La jeune femme s’exécuta et, sans qu’elle le remarque, l’homme laissa un billet de vingt dollars sur la table, puis tourna les talons en sifflotant. Une réflexion qu’elle chassa aussitôt germa dans son esprit. Elle qui avait cru Bill en situation d’itinérance réalisa qu’il venait pourtant de faire un don. Elle se gronda intérieurement de l’avoir jugé d’après son apparence et ses vêtements défraîchis.

    De l’épuisement.

    C’est ce que lui renvoyait tristement son reflet dans le miroir. À force de trop réfléchir, il était épuisé, et une légère ride avait creusé l’espace entre ses sourcils. En inspirant profondément, il se massa les tempes. Des images se mirent à défiler en accéléré dans sa tête. Comment s’y prendrait-il pour remettre sa vie sur les rails ? Malcom ravala le nœud qui venait de se former dans sa gorge et s’aspergea le visage d’eau fraîche.

    Même si, selon certains, il était encore jeune et qu’il avait tout le temps devant lui, à bientôt trente ans, il craignait pourtant de manquer de temps pour reconstruire ce qui s’était effondré comme un château de cartes dans la dernière année. Il en était à s’essuyer les mains quand la porte s’ouvrit derrière lui. Devant l’air hébété de Malcom, l’individu s’excusa.

    — Tout va bien ? Besoin de quelque chose à boire, peut-être ? osa James.

    — Non merci, c’est gentil ! Vous travaillez ici ? demanda Malcom en posant les yeux sur le tablier de l’homme.

    — Je suis l’un des chefs cuisiniers, le bistro appartient à ma copine et à son frère !

    Malcom remua la tête, un bref espoir s’insinuant en lui.

    — Vous cherchez du personnel ? osa-t-il lui demander.

    Navré, James haussa les épaules.

    — Nous venons tout juste de pourvoir les postes vacants, mais je pourrais…

    — Oubliez ça, se rétracta Malcom. J’ignore pourquoi j’ai… Laissez tomber ! termina-t-il en adressant au cuisinier un air désolé avant de quitter les lieux rapidement.

    Il retrouva son oncle, attablé devant un plateau rempli de nourriture. Bien qu’il n’ait pas très faim, le jeune homme croqua dans une pâtisserie. Par courtoisie pour celui – le seul en fait – qui avait eu la délicatesse de lui offrir l’hospitalité, il s’arma d’un sourire.

    — Merci, lâcha-t-il tandis que Bill avalait une gorgée de café.

    Et parce qu’il n’avait pas besoin de plus de reconnaissance, son oncle posa une main clémente sur la sienne.

    — C’est tout naturel, mon garçon !

    Malcom fut soudainement distrait par une jolie brunette au sourire lumineux qui venait de faire irruption dans son champ de vision. Absorbé par la scène l’espace d’un instant, il retourna à sa discussion lorsque Bill s’apprêtait à se retourner pour voir ce qui retenait ainsi l’attention de son neveu.

    — N’empêche, tu n’étais pas obligé de m’accueillir, et je veux que tu saches que ça veut dire beaucoup pour moi !

    Bill se recentra sur Malcom.

    — Comment faire autrement ? Tu es ma seule famille, lança-t-il. Tu sais… j’ai moi-même vécu une période très sombre jadis !

    Intéressé, Malcom se pencha en avant.

    — Ah oui ?

    Bill approuva.

    — Et en dépit des parts d’ombre qui m’habitaient à l’époque, j’y ai aussi trouvé beaucoup de lumière !

    L’achalandage du bistro n’avait pas dérougi de la journée. Les pieds en compote, mais le cœur gonflé à bloc, Romane ressentait un amalgame d’émotions qu’elle avait du mal à gérer. Outre le sentiment du devoir accompli, elle était touchée par l’impact positif qu’avait eu un tel événement dans le quotidien des gens. Des gens démunis certes, mais les expressions de bonheur bien présentes sur les visages ne mentaient pas. À Table ! et Petites douceurs avaient rempli leur mandat : réchauffer les cœurs et remplir les estomacs.

    L’horloge affichait maintenant seize heures, et bien que la fatigue ait pénétré dans presque chacun de ses muscles, Romane était d’humeur joyeuse. Tous ces sourires, ces gestes de bonté lui insufflaient de l’espoir.

    — Je te l’avais bien dit ! s’exclama Véronique en rassemblant tout le matériel qui avait servi durant la journée.

    Et parce qu’elle comprit immédiatement ce que sa patronne insinuait, Romane plongea son regard dans le sien.

    — Merci.

    — Pourquoi ?

    — De m’avoir fait vivre un si beau moment ! Au risque de paraître un peu trop intense, je t’en suis immensément reconnaissante. Travailler pour toi est un véritable honneur !

    — À mes côtés, pas pour moi ! rectifia Véronique. On forme une équipe et, bien que dans les faits tu sois mon employée, je préfère dire que tu es mon alliée ! C’est un bonheur pour moi aussi, tu sais ? J’ai rarement vu quelqu’un d’aussi appliqué, et je sens que tu as vraiment mon entreprise à cœur !

    — C’est le cas !

    Une étincelle pointa dans l’œil de Véronique. Romane la remarqua et toisa la pâtissière avec curiosité.

    — Je vais profiter de cette envolée d’éloges pour te demander une faveur. Tu sais combien je suis impressionnée par ton talent naturel, la complimenta-t-elle.

    Flattée, l’aide-pâtissière cessa de ranger le matériel et planta ses iris foncés dans ceux de sa patronne.

    — C’est gentil !

    — Que dirais-tu de… et penses-y avant de refuser… que dirais-tu d’être la créatrice de mon gâteau de mariage ?

    Le doute inonda Romane, qui ne put le dissimuler. L’expression sur le visage de son amie étant beaucoup trop éloquente, Véronique se dépêcha de poursuivre :

    — Ne dis pas non tout de suite, s’il te plaît ! Je sais que la pâtisserie sera fermée à ce moment-là et que ça implique que tu doives travailler le jour de Noël, mais je te payerai évidemment les heures que tu investiras dans le projet !

    — Oh, je ne crains aucunement que tu abuses de mon temps, rigola Romane. C’est seulement que…

    — Le 26 décembre, souligna Véronique, oui, je sais que ça arrive vite !

    — Et je n’ai jamais créé une œuvre de cette envergure, ajouta la brunette. J’aurais peur de tout gâcher !

    — Impossible ! prononça la pâtissière. Ça fait six mois que je te regarde aller, et le progrès que tu as fait est prodigieux ! Tu avais déjà un don, mais aujourd’hui, je te confierais sans problème l’entreprise durant mon absence !

    — Ouf ! s’exclama Romane. Tu es trop gentille !

    — Je pense tout ce que je viens de dire ! martela Véronique. Sauf si tu as des plans pour le 25 décembre avec ta famille, je ne vois pas pourquoi tu me refuserais ce privilège, ajouta-t-elle, taquine !

    La jeune femme laissa échapper un petit rire nerveux, puis elle s’entendit accepter l’offre dans la foulée.

    — Un grand merci pour ta confiance ! Je t’avoue que ça m’angoisse incroyablement, gloussa-t-elle. Mais je ferai tout en mon pouvoir pour me montrer à la hauteur !

    — Yééé ! s’écria Véronique. Je ne te laisserai pas sans ressources. On va discuter de chaque détail ensemble, et si ça peut t’apaiser… j’ai des goûts plutôt sobres !

    — Fiouuu ! plaisanta Romane en mimant de s’essuyer le front.

    — Tout ira bien !

    En dépit de l’agitation naissante dans son sternum, ce défi, elle souhaitait ardemment le relever. Pour prouver ses compétences, mais surtout pour s’assurer d’avoir fait le bon choix. Elle avait postulé pour devenir aide-pâtissière alors qu’elle connaissait très peu de choses sur ce métier.

    — En tout cas, j’y mettrai tout mon cœur !

    Heureuse, sa patronne s’élança pour l’étreindre. De retour à la camionnette, les deux compères entreprirent de charger le coffre. Au même moment, James Jacob’s arriva presque en courant dans le stationnement.

    — Véronique ! héla-t-il la meilleure amie de sa copine. Je peux te parler deux minutes ?

    — Bien sûr, répondit-elle. C’est à quel sujet ?

    N’ayant pas pris le temps de se couvrir, le cuisinier galopa jusqu’aux deux femmes en se frictionnant les bras.

    — Il me semble t’avoir entendue dire que tu cherchais un livreur, l’autre soir !

    — Ce serait effectivement très pratique ! s’exclama Véronique. Je dois d’ailleurs afficher le poste en début de semaine !

    — J’aurais peut-être quelqu’un pour toi !

    — C’est vrai ?

    James opina du chef en se dandinant d’un pied sur l’autre dans l’espoir de se réchauffer. Laisse-moi juste joindre la personne en question et je vous mets en contact !

    — Super ! continua Véronique. On s’en reparle très bientôt alors ! Dépêche-toi de rentrer si tu ne veux pas attraper un rhume !

    Ils sortirent du bistro complètement repus. Bill avait réussi à faire sourire son neveu, et même à voir une certaine étincelle renaître dans ses yeux lorsqu’il lui avait raconté son histoire. Omettant volontairement certains détails, il lui avait quand même redonné suffisamment espoir pour qu’il ne sombre pas. Du moins, pour qu’il se sente moins seul dans son malheur.

    — Tu es certain que ma présence ne dérangera pas Rose ? voulut s’assurer de nouveau Malcom.

    — Fiston, commença son oncle, Rose et moi sommes heureux de t’héberger, n’en doute plus une seule seconde ! Tu te souviens peut-être de ce qu’on fait de nos journées ? le taquina-t-il. Si je peux redonner aux plus démunis à longueur d’année, je peux aussi aider mon plus cher neveu à retomber sur ses pattes !

    Démunis.

    Malcom tiqua en entendant ce terme, qui était employé pour désigner les gens en situation d’itinérance et qui lui avait toujours donné froid dans le dos. Parce qu’il s’était toujours cru invincible, parce qu’il refusait de mettre un genou à terre.

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