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Sur les traces des chamans de l'Orénoque
Sur les traces des chamans de l'Orénoque
Sur les traces des chamans de l'Orénoque
Livre électronique303 pages4 heures

Sur les traces des chamans de l'Orénoque

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À propos de ce livre électronique

Cet ouvrage est un hommage aux chamans de l'Orénoque, ces hommes qui ont su s'effacer devant la nature grâce à l'utilisation systémique de toutes les facettes cognitives du cerveau humain. C’est aussi l’expression d’une dette de sang vieille de plus de cinq cents ans, car là où beaucoup n’ont vu que du charlatanisme et de la supercherie, il y avait une profonde sagesse, très en avance sur son temps, qui a sombré à jamais par suite de la violence qui les a engloutis.


À PROPOS DE L'AUTEUR


Federico Cook est passionné par la culture dans son essence. Avec Sur les traces des chamans de l’Orénoque, il met en avant le fondement objectif et réel des expériences extrasensorielles des chamans, étroitement lié à leur capacité à superposer les ondes instinctives et réactives de leurs cerveaux archaïques aux ondes émises par les êtres vivants de leur entourage.
LangueFrançais
Date de sortie19 mai 2022
ISBN9791037755858
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    Aperçu du livre

    Sur les traces des chamans de l'Orénoque - Federico Cook

    Première partie

    L’univers des chamans

    1

    La forêt et l’homme

    Un peu d’histoire

    Tout indique que la constance et l’uniformité de la radiation solaire se trouvent en relation intime avec la persistance des formes les plus anciennes de vie végétale dans les régions intertropicales de la planète. Ceci paraît confirmé par les forêts de l’Amazone et de l’Orénoque, à cheval sur les deux hémisphères, qui ont montré une singulière immuabilité tout au long de leur histoire, exception faite, pendant le Cénozoïque, d’un certain réchauffement de trois à cinq degrés Celsius, suivi d’une augmentation du taux de dioxyde de carbone présent dans l’atmosphère.

    Il y a vingt-trois millions d’années, le déplacement des plaques tectoniques du Pacifique a provoqué un mouvement tellurique colossal à l’ouest du sous-continent sud-américain, faisant émerger la cordillère des Andes, obstacle infranchissable pour les grands fleuves qui la traversaient d’est en ouest avant de se déverser dans l’océan Pacifique. Les eaux, retenues à l’Est de ces nouvelles montagnes, ont créé une immense zone humide qui s’est agrandie jusqu’à approcher puis dépasser le niveau de la mer. Par la suite, il y a quelque dix millions d’années, l’excédent de masse liquide s’est frayé un chemin jusqu’à l’Océan Atlantique à travers des flux de ruissellement, dont l’Amazone et l’Orénoque, qui coulent en sens inverse des anciens fleuves du Crétacé Inférieur.

    Pendant les inondations provoquées par le soulèvement des Andes, la terre ferme de la forêt cénozoïque s’est transformée en un gigantesque marais, et les grands arbres, privés d’oxygène et d’un sol ferme, se sont écroulés et ont disparu. Pendant des millions d’années, les eaux fangeuses de l’Amazone et de l’Orénoque ont drainé toute l’ancienne richesse minérale de la forêt jusqu’à l’océan, et la végétation luxuriante primitive a été remplacée par une infinité de plantes aquatiques et semi-aquatiques de taille bien plus modeste, capables de s’adapter au nouvel environnement. Seules les espèces arborées abritées sur les terrains les plus hauts ont réussi à survivre.

    Les glaciations qui ont marqué notre ère se sont matérialisées dans la forêt par trois périodes relativement sèches, qui ont commencé il y a 65 000 ans, d’une durée de 15 000 ans pour la première, 5000 ans la deuxième et 25 000 ans la troisième, avec deux interruptions de 5000 ans chacune, caractérisées par une pluviosité importante.

    Il y a 12 000 ans, à la fin de la dernière glaciation, la forêt tropicale d’Amérique du Sud présentait un tableau assez singulier : même si les hautes valeurs d’humidité, chaleur et ensoleillement offraient les conditions idéales pour la végétation, les couches supérieures du sol se trouvaient pratiquement dépourvues de substances nutritives. C’était l’équilibre paradoxal que l’érosion du Cénozoïque avait laissé dans son sillage, ainsi que le lessivage produit par l’alternance de sécheresses interminables et de longues périodes de pluies torrentielles. En conséquence, et en dépit du fait que les vents qui traversaient l’Atlantique apportaient quotidiennement des quantités importantes de plancton fossile provenant du Sahara, la végétation a dû se transformer profondément pour survivre.

    Ces circonstances ont favorisé l’apparition d’un écosystème unique, composé des grandes espèces arboricoles qui se nourrissent des minéraux gisant au fond des sols, d’un sous-bois nettement plus modeste comprenant essentiellement des arbustes, des palmes et des lianes qui cherchent leurs rares nutriments dans les couches sylvestres supérieures, et d’une végétation commensale de moindre importance qui s’est réfugiée dans les arbres et le sous-bois, pour fuir les inondations. Comme elles n’ont pas de contact avec la terre, ces plantes ont dû apprendre à subsister en qualité d’épiphytes ou de parasites, selon qu’elles choisissaient de cohabiter pacifiquement avec leur hôte ou de précipiter sa destruction pour satisfaire leurs besoins, pendant que quelques autres se tournèrent vers le monde animal et devinrent carnivores, se nourrissant principalement d’insectes.

    Par leur origine même, les substances nutritives enfermées dans un organisme animal ou végétal sont limitées, provoquant de ce fait un état chronique de concurrence à mort entre les différentes espèces commensales. Au fil du temps, cette rivalité exacerbée les a conduites à assurer leur survie en adoptant un régime exclusif d’alimentation, composé en majorité de nutriments de peu d’intérêt pour les autres. L’énorme variété végétale de la forêt a été la conséquence ultime de cette stratégie, car pour pouvoir approcher le degré souhaité de spécificité alimentaire, les espèces mêmes ont dû se différencier profondément les unes des autres.

    Tout paraît indiquer qu’à travers la biodiversité, l’évolution a cherché à établir un système de grande stabilité, garantissant sa pérennité dans le temps et l’espace. Ainsi, le fort contraste entre la masse corporelle des arbres et des plantes commensales, par exemple, révèle la mise en œuvre de deux modèles de vie diamétralement opposés : pendant que les premiers ont développé une grande corpulence avec le double propos de fouiller les entrailles de la Terre à la recherche de nourriture et d’émerger sur la canopée pour convertir l’énergie solaire en matière organique par la photosynthèse, les autres ont réduit leur taille au minimum en vue de l’ajuster à la pénurie alimentaire découlant, tout d’abord, de leur absence de contact avec le sol.

    Le recyclage

    En dernière instance, le bien-être de la végétation du sous-bois et des plantes commensales dépend directement de la nécrophagie. Cet état de choses a provoqué l’apparition de diverses espèces végétales et animales, comme les termites, les champignons, les lichens, les mousses et les bactéries, spécialistes dans la dégradation accélérée des tissus morts. Simplement, leur mission consistait et consiste encore à traiter et réintroduire sans tarder dans la chaîne trophique les nutriments présents dans la matière organique, quand celle-ci arrive en fin d’existence.

    L’observation de l’interaction entre les arbres, les buissons du sous-bois et les plantes commensales révèle que chacun de ces grands blocs de végétation suit avec rigueur les lignes directrices d’un schéma global marqué par la complémentarité et la synchronie. Ainsi, les arbres extraient les minéraux enfouis dans la terre, les élèvent au niveau du sol et les accumulent dans leurs tissus, comme de grands réservoirs vivants, pour ensuite les libérer au moment de leur disparition, à seule fin de rétablir à long terme les nutriments qui se perdent par l’effet des eaux de ruissellement et du vent. Quant au sous-bois, il se charge de transformer et de réintroduire à moyen terme les substances d’origine minérale, végétale ou organique présentes dans les couches supérieures du sol. Enfin, la végétation commensale veille à la dégradation et au recyclage à court terme de la matière organique morte, dispersée dans les espaces aériens compris entre le sol et la cime de la forêt.

    Même si les diverses formes de végétation remplissent des fonctions très variées, ces différences disparaissent quand leur vie arrive à son terme, car elles sont toutes soumises, sans exception et sans retard, au même processus systématique et violent de désagrégation. La raison d’une telle urgence est que si les espèces survivantes devaient attendre pour s’alimenter toutes les phases du lent recyclage qui prime dans les forêts tempérées, très rapidement, la dynamique de la vie dans la forêt amazonienne s’arrêterait net, faute de combustible.

    Le volume et le nombre

    L’accomplissement minutieusement ordonné des multiples formes de vie dans l’écosystème de la forêt ne laisse aucun doute sur le fait qu’elles se sont parfaitement adaptées les unes aux autres. Peut-être que l’un des traits les plus saillants de cette cohabitation serait la relation, vérifiable de visu, entre la taille et le nombre des espèces. Elle est régie par une règle empirique très simple : plus l’individu est important, moins son nombre par unité de superficie est élevé et vice-versa.

    Il suffit d’une simple promenade à travers l’écosystème de la forêt vierge pour vérifier, par exemple, que la quantité de spécimens d’une espèce arborée donnée est très inférieure à celle des espèces commensales présentes dans la même surface. En outre, une arithmétique élémentaire confirme cette observation : compte tenu, en premier lieu, qu’un hectare comprend 10 000 m2, deuxièmement, qu’il y a dans la forêt en question environ 750 types d’arbres, et finalement que chaque arbre adulte a besoin d’approximativement (6 X 6 m) 36 m2, la surface de jungle requise pour abriter un représentant de chaque espèce est d’environ (750 X 36) 27 000 m2, alors qu’à première vue, les mêmes hectares renferment des milliers, voire des centaines de milliers d’espèces commensales.

    Comme la relation entre la densité et la taille est inversement proportionnelle, les arbres d’une même espèce poussent à des distances assez considérables les uns des autres, en laissant de vastes espaces libres qui sont occupés par d’autres espèces d’arbres bien distinctes, et par toute sorte de végétation basse et commensale. Le rideau végétal touffu et hétérogène qui se forme autour de chaque arbre sert en même temps de bouclier, car il diminue fortement les risques de contagion par contact direct. Comme on verra plus loin, cette stratégie a été parfaitement bien comprise par l’Indien de la forêt tropicale, qui l’applique systématiquement dans ses cultures.

    Par sa composition, la sève des espèces arborées favorise ou repousse diverses formes de commensalisme, ce qui fait que chaque arbre devient le support d’un univers miniaturisé singulier, composé des combinaisons infinies d’épiphytes, parasites et carnivores qui le recouvrent de haut en bas. Celles-ci abritent souvent d’autres espèces commensales plus petites, susceptibles d’héberger à leur tour d’autres espèces encore plus petites, créant ainsi des relations complexes de locataires superposés. Ce microcosme végétal bigarré et sophistiqué est colonisé par des larves, insectes, oiseaux, rongeurs, amphibiens, reptiles et même mammifères, de telle manière que certaines de ces espèces naissent et meurent à la cime des arbres sans jamais avoir foulé le sol de la forêt.

    Un modèle unique pour la végétation et les animaux de la forêt

    En observant le modèle développé par la forêt en vue d’optimiser les possibilités de survie de la végétation par un équilibre entre la densité des espèces et la taille de leurs représentants, on remarque que les animaux de la forêt en ont fait aussi leur principe, car indiscutablement soit ils sont nombreux et petits, soit plus rares et plus corpulents.

    À la différence des autres régions de la planète où les conditions naturelles permettent aux animaux supérieurs d’arriver à des proportions considérables et de former de grands troupeaux, il semblerait que l’état endémique de disette propre à la forêt vierge les a obligés à se contenter d’un physique bien plus discret et à mener une existence solitaire. C’est ainsi que le plus corpulent de ses mammifères, le tapir doit vivre assez loin des siens, comme l’indique la faible densité de sa population (0,4 individu par km2), et ceci en dépit de ses exigences diététiques modestes, car son poids adulte (250kgs) est à peine celui d’un veau d’un an. De plus, la capacité alimentaire du sous-bois sylvestre est si faible que, excepté le tapir et quelques petits mammifères et rongeurs, elle arrive seulement à couvrir les besoins de deux animaux de corpulence moyenne : le cerf de Virginie d’environ 60kgs, que son caractère très farouche oblige à vivre seul ou en petits groupes familiers, et le pécari à lèvres blanches pesant seulement 22kgs.

    Les carnivores ne sont pas davantage sociables. Du fait de la rareté des prises, le plus grand, le jaguar, domine un vaste territoire d’environ 130 km2. Et pourtant, sa crainte d’être privé de nourriture est telle, qu’il ne tolère aucun membre de sa propre espèce dans son entourage, à moins qu’il ne s’agisse d’une femelle en chaleur. À l’évidence, c’est le potentiel alimentaire réduit de la forêt qui a converti ce félin en un chasseur implacable, car dans la lutte quotidienne pour sa subsistance, il s’en prend à tous ceux qui croisent son chemin, y compris les caïmans… et les escargots !

    Il vaut la peine de signaler que les animaux de grande taille, ceux qui suscitent les images de gigantisme dans l’imagination de l’étranger, dépendent pour leur alimentation non pas de la forêt mais plutôt de ses cours d’eau. C’est le cas du lamantin et du capibara, qui se nourrissent de plantes qui poussent dans ou au bord des rivières, pendant que les carnivores comme le caïman, l’anaconda ou le chien d’eau (une des plus grandes espèces de loutres) se nourrissent de poissons, petits mammifères, oiseaux et, assez souvent, les uns des autres.

    L’Indien de la forêt et le modèle de son entourage

    Après l’optimisme débordant qui l’a saisi dans les premiers temps, quand l’exubérance de la forêt lui faisait supposer que ses ressources étaient illimitées, l’Indien se sera vite rendu à l’évidence que ses fruits, aussi variés fussent-ils, couvraient à peine ses besoins quotidiens. Comment faire pour survivre dans ce milieu si avare, où les plantes et les animaux avaient assuré leur pérennité en ajustant minutieusement la relation entre la densité des espèces et la taille de leurs représentants ?

    Pour connaître la réponse, il suffit d’observer cet Indien tant sur le plan physique que social. Il semble avoir lui aussi assimilé le modèle de vie dominant de son entourage, car il est de petite taille et ses communautés se composent d’à peine quelques douzaines de membres, bien qu’elles disposent d’un territoire vaste de plusieurs centaines de kilomètres carrés.

    2

    L’apparition des chamans de la forêt

    Les origines

    Il y a environ 12 000 ans, vers la fin de la dernière glaciation, l’homme américain fit irruption dans l’histoire universelle en traversant à pied sec la banquise du détroit de Béring, à la recherche du gibier dont il se nourrissait. Plus tard, lors d’une très longue migration qui le mena probablement à longer lentement la côte ouest du sous-continent nord-américain, il aura constaté que le climat devenait de plus en plus chaud à mesure qu’il descendait vers le sud. Ainsi donc, s’étant dépouillé progressivement de ses lourds vêtements d’hiver, il ne portait plus qu’un simple pagne quand il a foulé le sol de la forêt sud-américaine pour la première fois.

    Forgé aux situations extrêmes, aux températures arctiques et au péril des animaux sauvages rôdant dans les grands espaces en quête de nourriture, cet homme devait être stupéfait : il se trouvait devant un monde tiède, luxuriant, aux ressources pléthoriques, dans lequel il ne rencontrait aucun ennemi naturel à part le jaguar, bien moins dangereux que son cousin du nord, le tigre dent de sabre. Il en fut tellement impressionné qu’il décida de s’établir sous l’épais manteau végétal et de s’immerger dans ses secrets.

    Après avoir exploré la forêt au cours de plusieurs générations, l’Indien se serait rendu compte que non seulement elle était inhabitée, mais qu’en plus elle constituait un environnement idéal pour la chasse et la cueillette, en lui offrant tout au long de l’année un volume d’aliments d’origine animale et végétale pratiquement constant.

    Pour les premiers habitants, l’acclimatation à la forêt ne pouvait pas être une entreprise simple, car les hautes températures, l’humidité, l’exubérance des plantes et la pauvreté des sols formaient un cadre si insolite, si différent de ce qu’ils avaient connu jusqu’alors, que l’expérience accumulée par leurs ancêtres pendant leurs migrations en Asie et en Amérique du Nord ne pouvait pas leur être d’une grande utilité. Dès lors qu’ils se virent privés de cette précieuse sagesse, ils furent obligés de déchiffrer leur nouveau milieu en se fiant principalement à leurs instincts et leur intuition. Le lien qu’ils développèrent alors avec les animaux et les plantes de ce monde mystérieux devenait aussi élémentaire et direct que le cordon ombilical qui unit le fœtus à la mère.

    Le savoir des anciens guérisseurs

    Bien que l’évolution ait mis des millions d’années à préparer l’arrivée du genre humain, le regard introspectif qui sépare l’homme de la bête a dû apparaître en un laps de temps relativement bref, peut-être sous la forme d’éclairs d’auto-perception qui illuminaient de plus en plus fréquemment le cerveau des derniers hominidés. Il est probable que ces lointains ancêtres n’auraient jamais dépassé le stade de l’animalité, si au préalable ils n’avaient franchi définitivement le seuil de la conscience, en découvrant leur Moi interne ou métacognition.

    Vraisemblablement, ces êtres humains primitifs, dont la rationalité en pleine ébullition annonçait l’avènement d’une nouvelle espèce, ont dû former des groupes dirigés par un chef. Apparemment, ses dons naturels lui donnaient aussi le droit d’exercer les fonctions d’intermédiaire ésotérique ou de guérisseur du corps et de l’âme. C’est du moins ce qu’on peut rapprocher du fait qu’en Europe, jusqu’à une époque relativement récente, les rois étaient encore censés guérir en imposant les mains.

    Par leur proximité génétique avec les hominidés, il est légitime de penser qu’en plus de leur rationalité émergente d’Homo sapiens, les premiers guérisseurs possédaient encore une proportion non négligeable de perception extrasensorielle propre au règne animal. Par conséquent, leur Moi conscient pouvait gérer deux types très distincts d’information, à savoir, d’une part, les intuitions et prémonitions provenant de leurs centres neuronaux archaïques, siège de leur intelligence animale et, d’autre part, les raisonnements rudimentaires de leurs deux hémisphères néocorticaux en formation.

    Apparemment, dans leurs efforts pour résoudre cette situation schizoïde qui les exposait en permanence à deux visions très différentes d’un même fait, les anciens guérisseurs auraient créé un modèle cosmologique d’après lequel c’était la création entière qui était sujette à la dualité, et non leur cerveau. Ainsi donc, au fur et à mesure du développement de leur néocortex, le concept de deux réalités, l’une occulte et l’autre manifeste, leur aurait permis d’éviter un certain déséquilibre dans leur esprit, dû aux divergences chaque fois plus marquées et fréquentes entre leur rationalité naissante et leur ancienne intelligence animale.

    La transcendance historique de la dualité se révèle depuis l’Âge de Pierre dans différentes régions de la planète sous la forme de manifestations picturales dans lesquelles le guérisseur, représenté allégoriquement par un arbre qui enfouit ses racines dans la terre et projette ses branches au ciel, joue le rôle du médiateur entre la matière et la non-matière. Ce n’est pas un hasard si les trois éléments de cet archétype, que l’on nomme l’arbre de vie, correspondent en tout point aux trois dimensions présentes dans l’univers cognitif des anciens guérisseurs : un Moi conscient, qui intercède entre un socle stable d’intelligence animale et des impulsions éthérées provenant de la rationalité humaine en formation.

    On peut remarquer qu’au moyen de l’image de l’arbre de vie, les anciens guérisseurs ne cessent d’indiquer à l’homme moderne le chemin de l’autoréalisation. Leur symbolisme exprime de façon lapidaire que ni l’intelligence animale ni la rationalité humaine se suffisent à elles-mêmes pour arriver à la plénitude, et que le Moi conscient ne peut atteindre la véritable sagesse qu’en agissant comme médiateur entre ces deux dimensions.

    De guérisseur à chaman de la forêt

    Comme ils ne disposaient d’aucune information concernant l’idiosyncrasie de leur nouveau cadre de vie, les anciens guérisseurs n’ont eu d’autre issue que de s’attacher à l’intégration de leurs tribus à la forêt sud-américaine en se servant prioritairement de leur perception animale et en utilisant ensuite leur rationalité d’Homo sapiens pour traiter les informations ainsi obtenues.

    Cette pratique, soutenue pendant des générations, les a conduits à développer des techniques pour optimiser la captation extrasensorielle autant que l’interprétation des ondes émises par la biomasse de leur environnement. De nos jours, l’investissement personnel exclusif qui caractérise la figure du chaman mène à penser, qu’avec le temps, le volume toujours croissant des informations aurait obligé les anciens guérisseurs à se dédier chaque fois davantage à leur rôle de gardiens de la sagesse, ainsi qu’à former des jeunes de grande intelligence, mémoire et sensibilité pour qu’ils se dévouent corps et âme, depuis le plus jeune âge, à la conservation du savoir de leurs tribus respectives. Ces adolescents seraient, donc, les premiers maillons d’une chaîne innombrable et ininterrompue de sages particulièrement doués, qui se sont consacrés exclusivement à la conservation et au perfectionnement de la

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