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Profession historien
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Livre électronique69 pages54 minutes

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À propos de ce livre électronique

Pour Pierre Bonnechere, l’histoire est le compte rendu raisonné d’une enquête scientifique dans un passé humain à jamais refermé sur lui-même, sous le regard amusé de trois fées retorses, nommées Vérité, Chance et Objectivité. Sensible aux questions de méthode, l’auteur prend ses exemples en des périodes et en des lieux divers, de l’Antiquité au XXIe siècle, de la Grèce et de Rome au Québec. Il réfléchit autant aux problèmes concrets rencontrés par les historiens qu’à leur statut dans l’histoire. Le paradoxe n’est qu’apparent : l’histoire est elle-même un objet d’histoire.

Enseignant l’histoire grecque à l’Université de Montréal depuis 1993, Pierre Bonnechere y dirige le Centre d’études classiques, consacré à l’histoire, à l’archéologie et à la littérature du monde gréco-romain. Il est titulaire d’un doctorat en Philosophie et lettres (Histoire ancienne) de l’Université de Louvain (Belgique). Ses principaux intérêts vont à la religion et aux mentalités de la Grèce antique. Il est plus particulièrement spécialiste des modalités de communication entre hommes et dieux, que ce soit par l’intermédiaire du sacrifice animal et de son corollaire mythique, le sacrifice humain, ou par la divination, à savoir les moyens de prendre connaissance des volontés divines.
LangueFrançais
Date de sortie30 mai 2011
ISBN9782760625778
Profession historien
Auteur

Bonnechere, Pierre

Bibliothécaire et spécialiste des sciences de l'information, Guylaine Beaudry est actuellement directrice de la Bibliothèque Webster de l'Université Concordia (Montréal). Elle a écrit avec Gérard Boismenu Le nouveau monde numérique, dans la collection « Champ libre » (PUM, 2002).

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    Profession historien - Bonnechere, Pierre

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    L’histoire : définition et finalité

    L’histoire est « connaissance et récit des événements du passé, des faits relatifs à l’évolution de l’humanité (d’un groupe social, d’une activité humaine), qui sont dignes ou jugés dignes de mémoire ; les événements, les faits ainsi relatés ». Cette définition du Petit Robert (2007) semble parfaite. À ce compte-là cependant, le premier venu doté d’une bonne mémoire pourrait se proclamer historien. Ouvrons le dictionnaire Robert des noms propres et nous y lirons que Louis XIII est mort en 1643. Pas besoin d’avoir passé des années sur les bancs de l’université pour cela. Mais, si le premier venu est capable de retenir les dates par cœur, il sera bien en peine, par contre, de ressusciter le passé. C’est là qu’on piège les apprentis et les dilettantes, qui s’arrogent le droit de faire de l’histoire en croyant que c’est facile. Épinglant les faits, ils mettent sur le même plan tous les types de documents et tous les détails qu’ils y trouvent, avec une minutie qui parfois tire au comique : ainsi nombre de contributions locales sur l’histoire des villages, pour attachantes qu’elles soient, sombrent dans une litanie généalogique des fondateurs et signalent avec un scrupule quasi religieux le nom de ceux qui ont contribué, le 12 août 1922, à réparer la clôture de la chapelle Saint-Antoine-de-Padoue à Sainte-Ermenontrude-des-Petits-Prés.

    Les faits, et les dates chères aux historiens, sont bien entendu une condition nécessaire. Mais, en dernière analyse, ils ne sont que les éléments de base avec lesquels l’historien doit faire la lumière sur le passé, comme la connaissance des organes est la base fondamentale de la médecine, mais non son but ultime. L’histoire, en tant que savoir, n’est que le fruit d’un travail de reconstitution mené selon une méthode rigoureuse, pétrie à la fois de science et d’intuition. Une méthode qui permet d’abord de trouver les témoignages pertinents à sa recherche, puis de les interpréter avec justesse, en les forçant à révéler tout ce qu’ils ont à révéler, mais pas une once de plus. Une méthode qui mène ensuite à replacer tous les faits les uns par rapport aux autres, en définissant leurs causes et leurs conséquences potentielles. Chaque nouvelle étude dresse ainsi le tableau d’un pan du passé qui s’imbrique dans le réseau de faits déjà connus et le précise, ou qui parfois le contredit en amenant les spécialistes à revoir ce qu’ils croyaient acquis. Grâce à toutes ces découvertes, petites et grandes, les historiens recomposent patiemment un passé qu’ils ne peuvent faire revivre que dans ses grandes lignes, et non dans son incommensurable complexité.

    L’histoire, c’est le compte rendu raisonné d’une enquête scientifique dans le passé humain à jamais refermé sur lui-même, sous le regard amusé d’une fée retorse, nommée Vérité.

    In historia veritas ?

    La vérité existe-t-elle ? Non : il s’agit d’une abstraction philosophique inaccessible telle une brillante étoile. S’il existe une vérité, ce serait le point de vue de Dieu, conscient du pourquoi et du comment de toute chose. Peu importe cependant qu’un chimiste ou un anthropologue ait la foi, car la vérité divine lui demeure inaccessible. L’historien, avec les moyens limités dont il dispose – son intelligence rationnelle –, n’a donc d’autre avenue qu’une vérité partielle, relativisée par autant de filtres irrémédiablement déformants : son éducation, ses convictions et ses peurs, en bref sa propre personnalité prisonnière des idées de son époque. Même les dictionnaires, ces temples sacrés de la vérité, ne sont pas innocents. L’excellent Robert des noms propres consacre ainsi toute une colonne à Ravel, pour moins de la moitié à Brahms, longtemps étiqueté « injouable » en France et dont les mérites artistiques ne semblent évoqués qu’à regret.

    Poussée à l’extrême, la relativisation de la vérité mène à la négation de toute connaissance objective. Les théoriciens se disputent encore pour savoir si les lois mathématiques traduisent une réalité cachée qu’ils découvrent ou si elles sont pures constructions logiques de l’intellect. Cette perception au début insécurisante concourt cependant à rendre toute science attractive, puisque chaque spécialiste à la recherche de la vérité toute nue ne peut jamais la présenter au monde que sous une robe différente. Fée espiègle, la vérité nue, que tout le monde connaît mais que personne n’a jamais vue, possède une gigantesque garde-robe. L’historien prend le parti de croire qu’on peut reconstruire le passé avec un minimum de sécurité, même si la vérité historique est résolument plurielle, plusieurs explications pouvant adéquatement rendre compte d’un même événement. Il a pour devoir, éthique en quelque sorte, de tenter d’approcher la vérité au mieux de ses possibilités : le temps, implacable juge, l’évaluera à l’honnêteté qu’il aura déployée pour y tendre.

    L’histoire et l’imperfection des sciences

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