Délices et limites de la raison
On ne sait si le soleil brillait sur les eaux froides de la Baltique en ce 24 mai 1543. Celui qui allait mourir à l’âge de 70 ans avait pourtant œuvré depuis des décennies à faire de cet astre le centre de l’Univers. Dans un dernier sursaut de lucidité arraché au coma où une énième crise d’apoplexie l’avait plongé, Nicolas Copernic put contempler, , son œuvre : la première édition de son (), achevé d’imprimer quelques semaines plus tôt à Nuremberg… Une histoire trop belle pour être vraie ? Ce qui est certain, c’est que la diffusion de cet ouvrage allait lancer la « révolution scientifique ». « », résume d’un trait le philosophe Francis Wolff (ENS, Paris). Ce « nouvel homme » est encore balbutiant dans cette première moitié du XVI siècle, mais la métamorphose est en cours, voire s’accélère. Là où il avait fallu plusieurs générations pour que l’idée de l’humanisme se répande dans la seule Italie, l’imprimerie permit à compter de 1451 sa diffusion européenne en une ou deux générations à peine. « , pointe le philosophe Jean-Michel Besnier (université Paris-Sorbonne). » Et en effet, depuis siècle ressuscitant les écrits du philosophe grec, et surtout depuis la synthèse opérée par Thomas d’Aquin (1225-1274) entre la philosophie aristotélicienne et celle des pères de l’Église, la figure de l’homme demeurait coincée entre Dieu et l’animal : « », résume Francis Wolff. Pour les chrétiens d’alors, comme pour Aristote, l’homme a été et sera à jamais ce qu’il est à présent. Son « essence » est à chercher dans ce qui le différencie du divin – la mort – et des autres êtres vivants – le « logos », la raison.
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