SOCIÉTÉ
Voilà un livre qui apporte un message dont il convient de se réjouir : nonobstant la dont l’historien Christophe Granger a lui-même pâti au point d’y avoir consacré un essai –, la recherche en histoire et en sciences humaines, héritière de nos Marcel Mauss, Paul Veyne ou Alain Corbin hexagonaux, reste d’une richesse et d’une créativité exceptionnelles. Mais plutôt que de livre, peut-être serait-il plus juste de parler de comme d’un livre-outil, didactique et ludique. Prenant l’occasion d’une scène de combat pour nous plonger dans l’univers mental, le corps et le monde de deux boxeurs dont l’un sera amené à ne pas jouer le jeu, cet objet singulier contient une foule de photogrammes, textes, notes et archives qui sollicitent la réflexion, mais aussi le regard, l’imagination et l’émotion. Cette manière kaléidoscopique de transmettre un savoir pluriel (il embrasse l’histoire, les sciences cognitives, la linguistique, la sociologie, l’art pugilistique, etc.) fait irrésistiblement penser aux premiers numéros de la revue des que Pierre Bourdieu, Luc Boltanski et Rosine Christin bricolaient fiévreusement, la nuit, dans les sous-sols de la Maison des sciences de l’homme, à coups de ciseaux, scotch et Letraset, et à l’insu des pontes fonctionnarisés du CNRS. Ce n’est, du reste, pas un hasard si les Actes publièrent le premier travail ethnographique jamais réalisé sur le milieu de la boxe, celui du sociologue Loïc Wacquant. Granger lui rend un discret hommage dans cette enquête pugilistique qui, malgré l’originalité de sa méthode, suit à la lettre la règle d’or du métier d’historien, que Paul Veyne résumait en ces mots, dans :
