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Lettres de Platon
Lettres de Platon
Lettres de Platon
Livre électronique239 pages3 heures

Lettres de Platon

Par Platon

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À propos de ce livre électronique

Pour la première fois dans ses textes philosophiques, Platon parle à la première personne. Ce n'est plus un Socrate déguisé, un personnage fictif qui ne s'adresse qu'à un autre homme de fiction, mais bien un Platon désireux d'exposer, en lettres et à un conseil politique, son rôle politique et philosophique qu'il mènera à Syracuse ; c'est à dire, réformer la Cité-État gouvernée par des tyrans, pour la pousser à la démarche philosophique.Platon ouvre là une tradition qui servira d'exemple aux penseurs, de Descartes à Christine de Suède, ou Diderot et Catherine II : dévoiler au monde ses échanges personnels.Mais ce chef-d'œuvre expose surtout tous les éléments qui constituent la philosophie de Platon, et ouvre à la compréhension de sa pensée fondamentale, retrouvée dans « La République », « La politique », « Les Lois »...-
LangueFrançais
ÉditeurSAGA Egmont
Date de sortie28 déc. 2021
ISBN9788728083253
Lettres de Platon
Auteur

Platon

Platon wird 428 v. Chr. in Athen geboren. Als Sohn einer Aristokratenfamilie erhält er eine umfangreiche Ausbildung und wird im Alter von 20 Jahren Schüler des Sokrates. Nach dessen Tod beschließt Platon, sich der Politik vollständig fernzuhalten und begibt sich auf Reisen. Im Alter von ungefähr 40 Jahren gründet er zurück in Athen die berühmte Akademie. In den folgenden Jahren entstehen die bedeutenden Dialoge, wie auch die Konzeption des „Philosophenherrschers“ in Der Staat. Die Philosophie verdankt Platon ihren anhaltenden Ruhm als jene Form des Denkens und des methodischen Fragens, dem es in der Theorie um die Erkenntnis des Wahren und in der Praxis um die Bestimmung des Guten geht, d.h. um die Anleitung zum richtigen und ethisch begründeten Handeln. Ziel ist immer, auf dem Weg der rationalen Argumentation zu gesichertem Wissen zu gelangen, das unabhängig von Vorkenntnissen jedem zugänglich wird, der sich auf die Methode des sokratischen Fragens einläßt.Nach weiteren Reisen und dem fehlgeschlagenen Versuch, seine staatstheoretischen Überlegungen zusammen mit dem Tyrannen von Syrakus zu verwirklichen, kehrt Platon entgültig nach Athen zurück, wo er im Alter von 80 Jahren stirbt.

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    Lettres de Platon - Platon

    Platon

    Lettres de Platon

    SAGA Egmont

    Lettres de Platon

    Titre Original Eπιστολαί

    Langue Originale : Grec Ancien

    Image de couverture : Shutterstock

    Copyright © 1926, 2021 SAGA Egmont

    Tous droits réservés

    ISBN : 9788728083253

    1ère edition ebook

    Format : EPUB 3.0

    Aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, stockée/archivée dans un système de récupération, ou transmise, sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit, sans l'accord écrit préalable de l'éditeur, ni être autrement diffusée sous une forme de reliure ou de couverture autre que dans laquelle il est publié et sans qu'une condition similaire ne soit imposée à l'acheteur ultérieur.

    Cet ouvrage est republié en tant que document historique. Il contient une utilisation contemporaine de la langue.

    www.sagaegmont.com

    Saga est une filiale d'Egmont. Egmont est la plus grande entreprise médiatique du Danemark et appartient exclusivement à la Fondation Egmont, qui fait un don annuel de près de 13,4 millions d'euros aux enfants en difficulté.

    Notice générale

    I

    L’histoire des lettres platoniciennes

    Quand le corpus platonicum fut constitué, il comprenait treize lettres qui seules nous ont été transmises par la tradition manuscrite. Cinq autres proviennent de sources différentes. Hermann les a jointes, dans son édition, aux treize officielles et, dans les Epistolographi graeci, Hercher en a classé deux dans la collection platonicienne (la 17e et la 18e d’Hermann), trois parmi les épîtres socratiques (24, 25 et 26, qui sont respectivement les 14e , 15e et 16e d’Hermann). Mais ces cinq dernières sont trop évidemment des faux pour pouvoir être insérées dans les œuvres complètes de Platon. Nous les laisserons de côté, d’accord en cela avec la plupart des éditeurs.

    Au Ier siècle de notre ère, la tradition des treize lettres est déjà pleinement établie. Thrasylle les mentionne dans son catalogue et les qualifie de morales. Bien plus, il les identifie en signalant la formule de salutation, eu επράττειν, et en rappelant le nom des correspondants : « Une de ces lettres est adressée à Aristodème, deux à Archytas, quatre à Denys, une à Hermias, Érastos et Coriscos, une à Laodamos, une à Dion, une à Perdiccas, deux aux amis de Dion[ ¹] . »

    Mais nous pouvons remonter plus haut. À la fin du IIIe siècle avant Jésus-Christ, les lettres faisaient partie des éditions platoniciennes. Ce n’est pas seulement Aristophane de Byzance qui les inscrit dans ses trilogies, mais d’autres érudits, au témoignage de Diogène, adoptaient un catalogue et une disposition identique[ ²] . Or, pour en imposer à des critiques aussi consciencieux et aussi scrupuleux qu’Aristophane, il fallait que la tradition fût solidement établie. Du reste, il est infiniment probable que la source des savants byzantins est fort ancienne et remonte à une grande édition académique publiée dans le dernier quart du IVe siècle, c’est-à-dire une trentaine d’années après la mort de Platon[ ³] .

    Toutefois, le nombre des lettres se trouvait-il fixé, à cette époque, comme il le fut plus tard ? Il ne le semble pas. La 12e , comme nous le verrons, paraît bien n’avoir pris place dans la collection qu’aux environs du Ier siècle et tous nos manuscrits signalent son inauthenticité. Faut-il alors en dire autant de la 13e , et, sous prétexte que les œuvres apocryphes terminent généralement les collections, conclure que cette 13e lettre a dû être introduite plus tardivement[ ⁴] ? Le raisonnement supposerait que l’ordre de toutes ces lettres était bien déterminé, ordre qui aujourd’hui ne nous est connu que par les manuscrits. Or l’unanimité n’est pas absolument parfaite, et dans certains manuscrits, tel le Parisinus graecus 3009 (Z), qui se rattache à la famille du Vindobonensis 21 (Y), la 13e lettre vient au troisième rang et la douzième termine le recueil.

    Dans l’antiquité, si l’on excepte la 12e lettre, cette correspondance n’a très probablement provoqué aucun sentiment de suspicion. Cicéron la connaît, il en traduit des extraits, en résume ou paraphrase certaines pensées et les rapporte à Platon sans manifester la moindre défiance. L’orateur romain attribuait certainement à leur signataire les lettres VII et IX[ ⁵] . Plutarque, de son côté, a sous les yeux la 7e lettre quand il écrit la vie de Dion, il l’utilise en citant d’ailleurs sa source, transcrit presque textuellement des phrases entières et se réfère à ce document pour raconter les relations de son héros avec le philosophe athénien. Avant lui, un contemporain de Cicéron, Cornélius Népos, avait fait de même quand il composait la biographie de Dion. Mais Plutarque a mis également à profit d’autres extraits de la correspondance. Il explique un passage énigmatique de la 13e lettre, il se sert des termes mêmes de la 4e pour dépeindre le caractère rigide de Dion, et toujours en se retranchant derrière le témoignage de Platon[ ⁶] . Ailleurs, il revient encore sur cette formule de la 4e lettre, dont la force imagée paraît l’avoir séduit, et la présente comme une sorte de précepte moral[ ⁷] . Dans le De cohibenda ira et le De Uitioso pudore, il rappelle quelques lignes de la 13e ; dans le de audiendis poetis, il s’appuie sur une doctrine de la 3e[ ⁸] . Et partout, l’allusion ou la citation est accompagnée de sa référence.

    La tradition se continue ainsi durant les siècles suivants, sans qu’on puisse saisir la moindre hésitation. Dans la génération qui suit Plutarque, nous voyons Lucien invoquer l’autorité de la 3e lettre pour critiquer certaines formules de salutation[ ⁹] ; les écrivains chrétiens citent plusieurs textes où ils trouvent comme des pressentiments de doctrines révélées par le Christ. Plotin, au IIIe siècle, commente à diverses reprises, — et en les tenant pour authentiquement platoniciennes, — d’obscures sentences de la 2e lettre[ ¹⁰] . Au IVe siècle, l’empereur Julien rappelle que, de l’aveu même du philosophe grec, il n’y eut jamais d’ouvrage composé par Platon, mais que tous les écrits regardés comme tels ont Socrate pour auteur[ ¹¹] , idée que nous trouvons développée dans cette même seconde lettre.

    En un mot, jusqu’au ve siècle, la question d’origine n’est pas posée au sujet d’une correspondance qui depuis longtemps fait partie du corpus platonicum, fixé au moins depuis Thrasylle.

    Faut-il faire remonter à Proclus les premiers doutes ? Les Prolégomènes de la philosophie de Platon (ch. 26), œuvre d’Olympiodore, contiennent une phrase assez curieuse : « Ainsi, affirme le néo-platonicien, tous [les écrits de Platon] sont au nombre de trente-six. Parmi eux, le divin Proclus regarde comme apocryphe (νοθεύει)) l’Épinomis pour les raisons déjà données ; il rejette aussi (κβάλλει δκα) la République à cause de ses discours nombreux et non dialogués, ainsi que les Lois, pour le même motif, — et il rejette encore les Lettres, parce que le style est tout uni [sans doute parce qu’il est trop simple et manque d’ornements], en sorte qu’il laisse subsister trente-deux dialogues en tout. »

    Le mouvement du passage tend bien à établir une parité entre l’Épinomis, la République, les Lois et les Lettres, et je crois que, pour Olympiodore, νοθεύει et κβάλλει étaient vraiment synonymes. Mais l’étaient-ils pour Proclus ? car il est fort probable que l’auteur des Prolégomènes emprunte les termes au philosophe néo-platonicien[ ¹²] . La déclaration d’Olympiodore n’est pas ici très cohérente avec celle du chapitre précédent, où l’exclusion de l’Épinomis par Proclus suppose l’authenticité des Lois repoussée au chapitre 26, au même titre que la République et les Lettres. Mais, du reste, Proclus cite certaines lettres et les attribue à Platon : telles, par exemple, la 2e (313 e dans In Tim., 108 c et 119 f) ; la 7e (328 cin Tim., 19 e ; 342 et suiv., in Tim., 92 e...). Évidemment Olympiodore s’est mépris sur la pensée de Proclus[ ¹³] .

    Peu à peu, cependant, les difficultés surgirent. L’étude du texte même des Lettres, peut-être l’usage parfois intempérant qui était fait de leur témoignage, provoqua des hésitations et des méfiances. Il ne nous a pas été possible de suivre l’histoire de la collection depuis la fin du néoplatonisme jusqu’à l’époque de la Renaissance. Probablement les Lettres ont, durant cette période, subi le sort de tant d’autres œuvres dela littérature grecque : elles restèrent ignorées. On se mit à les relire au XVIe siècle quand de nouveau on se prit d’un bel engouement pour Platon, et dès lors aussi la critique commença à s’exercer sur elles. Sans doute, on ne jeta pas de prime abord la suspicion sur toutes, mais telle ou telle n’était accueillie qu’avec beaucoup de réserve, ou même était résolument abandonnée. Ainsi Ficin, plein de défiance pour la 13e lettre, n’en voulut pas donner de version. À cause d’une contradiction entre le Timée, où se trouve affirmée l’existence d’une multiplicité de dieux, et cette même 13e lettre, qui prétend donner, comme signe de l’importance relative des lettres, l’usage de la formule « Dieu » et non « les dieux », Cudworth, au XVIIe siècle, regarde cette 13e lettre comme un faux dont un chrétien serait l’auteur : « Quæ cum ita sint, non possum, quin decimam hanc tertiam Platonis ad Dionysium epistolam, quamuis ante Eusebii jam exstiterit tempora, Christiani hominis dolum et commentum esse, pronuntiem, cuius immoderatum erga religionem, quam profitebatur, studium exigua rerum ueterum temperauerit cognitio. Nec dissentiunt, qui Platonem ediderunt, doctissimi homines, uerum omnes epistolæ huic uocem νοθεύεται, ut fucatæ mercis signum, præfixerunt[ ¹⁴] . »

    La question se trouvait désormais posée. La tranquille possession de plusieurs siècles ne suffisait plus. On commençait à savoir avec quelle habileté les faussaires, pour des motifs très divers, vanité artistique ou appât du gain, avaient glissé parmi des œuvres connues un certain nombre de lettres, ou même avaient constitué de toutes pièces une correspondance complète. Bentley, le premier, ouvrait la voie à la critique par son étude définitive des lettres de Phalaris (1697), et sa perspicacité découvrait la supercherie du sophiste qui avait si maladroitement revêtu le personnage du tyran agrigentin. Et pourtant Bentley, comparant à ces exercices de rhéteur les lettres platoniciennes, n’hésitait pas à déclarer celles-ci authentiques, même la 13e , qu’il défendit avec une particulière énergie.

    Mais en 1783, Meiners attirait l’attention sur des traits qui semblaient en contradiction avec l’âge ou le caractère de Platon, et, pour ce motif, rayait du catalogue platonicien la collection entière[ ¹⁵] . C’était la première fois qu’une condamnation aussi absolue était prononcée. Aussi soulevat-elle des protestations. Des historiens de la philosophie, Tennemann[ ¹⁶] surtout et Tiedemann, s’appliquaient à répondre aux arguments de Meiners, mais leurs réponses médiocres ne suffisaient pas à rétablir la confiance ébranlée. Du reste, c’était à peu près l’époque où Schleiermacher allait agiter « la question platonicienne » et, à sa suite, les critiques devaient exercer leur ingéniosité sur l’œuvre entière du philosophe athénien. Je n’ai pas à rappeler ici toutes les étapes de cette brillante période, plus brillante que féconde, où l’on voyait, les uns après les autres, les Dialogues s’effondrer comme des châteaux de cartes, par le fait de méthodes souvent fort arbitraires et qui favorisaient les résultats les plus opposés et les plus inattendus. J’en retiens uniquement ce qui concerne l’histoire des Lettres. Ces dernières ne pouvaient évidemment pas échapper au jeu de massacre. Ast[ ¹⁷] les jugeait toutes indignes du nom dont elles se paraient et son jugement fut alors regardé comme décisif. On ne voulait pourtant pas dénier toute valeur à cette correspondance. On reconnaissait pratiquement son autorité en continuant à l’utiliser, à titre de source ancienne, pour raconter la vie de Platon. Mais on assignait comme auteur à certaines de ces lettres, surtout à la 7e , tenue toujours pour la plus importante, quelque disciple ou ami de Platon, tel Speusippe. Dès ce moment, à l’instigation de Socher[ ¹⁸] , on se mit à établir des groupes, où la lettre 7e occupait le premier rang, suivie immédiatement de la 3e et de la 8e .

    Grote, à peu près seul, osa vers cette époque réagir contre ces destructions excessives. On aurait trop craint de se compromettre, suivant la jolie remarque d’Apelt, en risquant de se prononcer en faveur de l’authenticité, et on préférait suspendre son jugement que de passer pour retardataire[ ¹⁹] . L’historien de la Grèce estima les arguments d’Ast moins impressionnants que les témoignages de Cicéron ou de Plutarque, et il pensa qu’il était de mauvaise critique de vouloir assimiler le genre des Lettres à celui des Dialogues et d’apprécier suivant une norme trop étroite la valeur littéraire d’œuvres aussi différentes. Il faut bien avouer que les raisons alléguées pour justifier la condamnation étaient surtout des raisons de goût, de psychologie, raisons très fines, j’en conviens, et d’un grand poids, mais qui n’emportent pas à elles seules la conviction, des affirmations toutes contraires pouvant leur être opposées en vertu d’indices analogues. Le problème avait besoin d’être examiné plus à fond et sur des bases plus larges.

    En 1854, Karsten écrivit sa Commentatio critica de Platonis quae feruntur Epistolis, praecipue tertia, septima et octava (Utrecht 1864). Après avoir étudié en détail la composition, le style de la correspondance, les faits historiques et les doctrines, l’auteur concluait : les treize lettres soi-disant platoniciennes, malgré leurs différences, trahissent une origine commune. Toutes dessinent un portrait de Platon peu conforme à ce que nous connaissons du philosophe. La principale est assurément la septième, et c’est d’après ce modèle que les autres ont été fabriquées. La 3e et la 8e surtout offrent avec elle de nombreux points de ressemblance, si bien que ces trois pourraient se réclamer du même auteur. Leur rédaction remonte probablement à la première moitié du IIIe siècle. Les sujets et la manière de les traiter rappellent étonnamment les déclamations des rhéteurs. Sans doute, on retrouve des réminiscences platoniciennes, mais le plagiat transparaît constamment, et la 7e lettre, en particulier, produit l’impression d’un recueil de centons empruntés aux Dialogues et dont le style est malheureusement gâté par des négligences et des fautes grossières contraires à la pure élégance attique. Quant aux faits rapportés, ils révèlent un homme peu au courant des choses athéniennes, et la doctrine prônée n’est qu’une déformation pythagoricienne des théories de Platon. Donc ces Lettres doivent être l’œuvre d’un ou de plusieurs rhéteurs, lecteurs plus fervents qu’intelligents du fondateur de l’Académie, et qui ont voulu entreprendre une apologie du philosophe, le montrer conforme dans sa vie et ses relations aux principes que proclamaient ses écrits. Cependant, un certain nombre d’entre elles, spécialement la 3e , la 7e et la 8e , comptent parmi les documents les plus anciens et les plus précieux que nous possédions sur les faits et gestes de Platon. Elles nous aident à illustrer les trop rares indications des auteurs, à discerner les renseignements vrais de ceux qui sont suspects ou faux, et elles nous apprennent enfin comment, peu après la mort du philosophe, sa doctrine et sa méthode ont pu être déformées par les commentaires et souvent traduites en un langage énigmatique.

    Les conclusions de Karsten furent adoptées par l’ensemble des critiques, et l’on peut dire que, depuis, les objections formulées contre l’authenticité des Lettres ont presque toujours été puisées dans cet arsenal merveilleusement approvisionné. Zeller souscrivait totalement à cette condamnation et la maintenait énergiquement contre toute tentative d’appel[ ²⁰] . Pour Zeller, la collection entière doit être considérée comme apocryphe.

    Mais un revirement d’opinion s’est produit durant la seconde moitié du XIXe siècle, dû en grande partie aux progrès des sciences philologiques. Les travaux stylistiques inaugurés par Campbell ont abouti à une connaissance assez précise de la langue de Platon. Ces méthodes appliquées aux Lettres ont été favorables à ces dernières. Plusieurs de ces lettres portaient avec elles leurs dates et se situaient d’une façon assez exacte dans telle ou telle période de la vie de Platon. Or, si l’on compare le style des différentes Lettres et celui des Dialogues écrits à la même époque, on découvre entre les deux une parfaite harmonie, à condition toutefois que les lettres soient assez étendues pour qu’une telle comparaison ait une portée valable. De plus, un bon nombre de soi-disant contradictions historiques tombent, à la lumière de témoignages mieux interprétés. Pour tous ces motifs, plusieurs critiques, tels Blass[ ²¹] , Meyer[ ²²] , Raeder[ ²³] , et récemment le dernier traducteur allemand des Lettres, Apelt[ ²⁴] , revendiquent l’authenticité de toutes les Lettres, sauf peut-être de la 1re et surtout de la 12e . La plupart cependant se montrent moins accueillants : ils opèrent un triage et tâchent de distinguer le bon grain de l’ivraie. Christ[ ²⁵] se prononce en faveur des lettres VII, VIII et XIII ; Rudolf Adam[ ²⁶] ne veut reconnaître comme légitime que VII ; Ritter[ ²⁷] , après une étude assez approfondie des critères linguistiques, admet l’authenticité de III, VII (au moins substantiellement) et VIII. Du moins, affirme-t-il prudemment, si ces épîtres ne sont pas de Platon lui-même, leur auteur les a composées d’après des notes du philosophe. Longtemps U. von Wilamowitz-Moellendorff avait paru sceptique et ne faisait d’exception que pour la 6e lettre, contre laquelle il avouait n’avoir pas d’objection sérieuse. Quant à la 7e et à la 8e , il les rejetait résolument, pour cette raison qu’il n’est pas dans les habitudes de Platon de s’exposer ainsi en public. Mais il fait amende honorable dans son grand ouvrage sur Platon (II² , p. 281) et se déclare désormais en faveur de VI, VII et VIII. Telle est aussi l’opinion récente de Howald[ ²⁸] .

    En Angleterre, la collection entière a été jugée apocryphe par H. Richards. Dans ses Platonica (1911), il avoue que si l’on tient compte uniquement de la pureté du grec et du caractère très platonicien de la correspondance dans son ensemble, il n’y a aucune raison de douter. Mais le contenu nous empêche de donner notre assentiment. Reprenant les arguments de Karsten qu’il ne se donne guère la peine de rajeunir, il fait ressortir les contradictions, les méprises historiques et même les inepties doctrinales qu’il croit discerner dans ces Lettres.

    Par contre, le dernier historien de la philosophie grecque, John Burnet, affirme que si les Lettres sont des faux, elles sont du moins l’oeuvre d’un écrivain sobre et bien informé, et son emploi du dialecte attique prouve qu’il a été le contemporain de Platon. Il eût été impossible de trouver, cinquante ans plus tard, quelqu’un qui fût capable de manier cette langue comme il l’a fait. Même les plus anciens des dialogues apocryphes, ceux qui ont eu le plus de succès, se trahissent à tout endroit sous ce rapport. On peut ajouter que le faussaire présumé dut être un homme d’une habileté littéraire incomparable, sinon il n’aurait pu reproduire tant de particularités insignifiantes qui caractérisent le style de Platon, à l’époque précise de sa vie où les Lettres sont censées écrites, en y mêlant les nuances que réclame le genre épistolaire. Aussi, ajoute-t-il, « je crois que toutes les Lettres de quelque importance sont de Platon et, en conséquence, j’en ferai usage[ ²⁹] ».

    En France, la question a été très peu étudiée. On a préféré avec raison utiliser pour la connaissance de la philosophie platonicienne des documents sûrs. Les rares traducteurs des œuvres complètes ont joint les Lettres aux autres apocryphes et les ont traitées assez dédaigneusement : « À quelque point de vue qu’on

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