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UN REMPART CONTRE LA TYRANNIE

On a longtemps parlé de « l’opposition stoïcienne » comme d’un mouvement politique dirigé contre la tyrannie de Néron (37-68 ap. J.-C.), soutenu et inspiré par les idées des plus éminents représentants du stoïcisme romain. Ce terme regroupe une série d’événements, de personnages et de conceptions dans l’entourage de Rufus Musonius, ami de Sénèque et maître d’Épictète, et de Thrasea Paetus, chef de file du mouvement, dont l’intérêt est de déjouer notre manière de concevoir la politique, de nous représenter des philosophes, et donc d’appréhender les rapports entre philosophie et politique. Illustré par des figures qui marquèrent l’imaginaire occidental, ce mouvement fut cruellement persécutée, mais ses membres s’illustrèrent d’autant mieux par leur force et par leur courage.

L’EXERCICE DE LA LIBERTÉ

Si l’existence de « l’opposition stoïcienne » est aujourd’hui controversée, c’est parce que nous ne disposons pas d’un corpus de doctrines politiques tel que les universitaires contemporains aimeraient en avoir. En effet, dès lors que l’on conçoit la philosophie comme un système de propositions articulées, on attend des stoïciens qu’ils fournissent des éléments susceptibles d’être rangés sous le chapitrerédigés par les deux grands représentants du stoïcisme grec, Zénon et Chrysippe. D’autre part, les stoïciens romains ne conçoivent pas leur engagement philosophique à partir d’un corpus idéologique; la division entre théorie et pratique serait pour eux la négation même de leur philosophie; et de la même manière qu’ils insistent sur le rôle de l’exemple et de l’imitation pour pratiquer une vie morale et progresser dans son chemin individuel vers la sagesse, ils abordent la politique à partir de grandes figures exemplaires, dont l’imitation oriente leurs pratiques. S’il n’y a donc rien à classer sous le registre « politique » dans le stoïcisme romain, c’est que l’action politique est conçue par eux comme immédiatement éthique, c’est-à-dire inscrite dans un cadre cosmique plus large que les institutions. Dans cette perspective, la cité où l’on vit n’est qu’un « hasard de naissance », l’univers lui-même étant conçu comme une cité plus vaste où cohabitent les dieux et les hommes (Sénèque, IV, 1). Il est donc possible et nécessaire de discuter des lois et de participer à la vie commune – ce qui oppose frontalement, et souvent violemment, les stoïciens aux épicuriens, partisans du retrait de la cité dans une communauté de philosophes – à condition de garder son objectif en tête : tenir dignement le rôle attribué par les destins, autrement dit remplir son devoir cosmique.

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