De la philo ou du cochon
Vous est-il jamais venue une grande idée philosophique sous les draps ? Au xviiie siècle, le roman érotico-philosophique n’hésitait pas à suspendre le coït le temps de disserter sur la morale,etc. Dans ces récits scabreux, de longues dissertations interrompaient soudain les étreintes, un peu comme dans un film de Rohmer la digression littéraire cache le sein qu’on voudrait voir. Spécialiste de Diderot, Colas Duflo défend, dans l’intérêt historique et réflexif de ces livres clandestins dont la circulation sous l’Ancien Régime dessine une autre histoire des Lumières.Avec humour et brio, il analyse la collusion entre philosophie et obscénité, où les narratrices libertines – souvent des nonnes – s’excusent, le rouge aux joues, de raisonner plutôt que de s’ébattre. Mais que vient faire la philosophie dans le lit (ou en d’autres lieux plus surprenants car on est plus souvent au couvent qu’à l’hôtel) ? Loin d’une histoire édifiante du désir, celle qui mènerait de beaux corps aux belles idées, à la mode Platon, Duflo salue dans cette littérature pour militaires et clercs de notaire son « hybridité » : est-ce de l’art ou du cochon ? Du récit ou de la démonstration ? Ces textes ne tranchent pas, offrant des dispositifs narratifs originaux qui touchent le cœur et la raison tout ensemble, libérant d’un même geste l’un et l’autre. C’est d’ailleurs cette quête allègre d’une sagesse dans et par les plaisirs qui fait toute la différence avec, quelques décennies plus tard, l’œuvre du marquis de Sade, point limite du libertinage, achèvement paradoxal et renversement des Lumières. Cette confrontation finale, passionnante, à Sade rehausse encore l’intérêt de ces textes.
Vous lisez un aperçu, inscrivez-vous pour lire la suite.
Démarrez vos 30 jours gratuits