Flammarion, 1997
omme son nom l’indique, il s’agit d’une histoire de l’Empire russe, des origines plus ou moins mythifiées de la aux derniers soubresauts de l’empire de Nicolas II. D’une certaine façon, l’empire soviétique qui le prolonge apparaît également en est extrêmement complet, même si l’on aurait souhaité disposer de plus de cartes. Il est, de ce fait, assez long (le texte se termine en page 940), mais c’est le prix à payer pour apprivoiser tous ces personnages que nous pensions bien connaître (d’Alexandre Nevski à Catherine II), ou que nous ne connaissions pas ou mal (comme Joseph de Volok ou les décembristes). Né en URSS, devenu historien puis envoyé en camp de travail de 1950 à 1956, Michel Heller (1922-1997) a fini par émigrer en France où il deviendra professeur à Paris IV. Il possède donc une connaissance intime de son sujet, mais il a su assez s’en éloigner pour le traiter avec le moins de subjectivité possible. C’est cette honnêteté et une culture immense, servies par une écriture limpide, qui assurent la durabilité de ce livre. Michel Heller interroge l’histoire russe pour en déterminer les permanences, au premier rang desquelles la notion d’empire. Mais on retrouve également la question du servage et de sa (très, très) difficile abolition, la dimension messianique d’une nation qui finit par se percevoir comme la « Troisième Rome », ce rapport amour/haine qu’elle entretient avec l’Occident ou bien cet « impérialisme défensif » qui, dans un mélange de naïveté et de chauvinisme, fait encore aujourd’hui croire aux Russes qu’« ». Non, la transformation de la petite principauté moscovite en État russe puis en véritable empire (encore de nos jours le plus vaste pays au monde) n’aurait été qu’un « mouvement naturel »… Un ouvrage référence comme celui-ci aurait dû bénéficier de plusieurs éditions mises à jour. Malheureusement, quelques mois seulement après avoir terminé ce travail titanesque, l’auteur nous a quittés. Et pourtant, cette reste incontournable, pour ne pas dire indépassable. Non seulement pour étudier le passé de l’Empire russe, mais également pour comprendre la Russie d’aujourd’hui, expliquée sans doute mieux ici que dans les ouvrages actuels qui lui sont consacrés.