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Aux Frontières du Temps: Après Cilmeri, #13
Aux Frontières du Temps: Après Cilmeri, #13
Aux Frontières du Temps: Après Cilmeri, #13
Livre électronique442 pages5 heuresAprès Cilmeri

Aux Frontières du Temps: Après Cilmeri, #13

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À propos de ce livre électronique

Mars 1294. Le destin de l'Irlande est en jeu. Les luttes incessantes entre les différentes factions—irlandaise, danoise, anglaise—déchirent le pays. Dans l'espoir d'imposer la conclusion d'un traité, David convoque le parlement irlandais. Malheureusement, certains seigneurs préfèrent le langage des armes à celui des mots et la situation ne tarde pas à s'envenimer. Alors que se joue l'avenir de l'Irlande, David se trouve piégé au cœur d'une vaste conspiration qui met en danger non seulement sa propre vie, mais aussi celle de toute sa famille.

LangueFrançais
ÉditeurThe Morgan-Stanwood Publishing Group
Date de sortie15 déc. 2021
ISBN9798201264789
Aux Frontières du Temps: Après Cilmeri, #13
Auteur

Sarah Woodbury

With over two million books sold to date, Sarah Woodbury is the author of more than fifty novels, all set in medieval Wales. Although an anthropologist by training, and then a full-time homeschooling mom for twenty years, she began writing fiction when the stories in her head overflowed and demanded that she let them out. While her ancestry is Welsh, she only visited Wales for the first time at university. She has been in love with the country, language, and people ever since. She even convinced her husband to give all four of their children Welsh names. Sarah is a member of the Historical Novelists Fiction Cooperative (HFAC), the Historical Novel Society (HNS), and Novelists, Inc. (NINC). She makes her home in Oregon. Please follow her online at www.sarahwoodbury.com or https://www.facebook.com/sarahwoodburybooks

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    Aperçu du livre

    Aux Frontières du Temps - Sarah Woodbury

    Personnages principaux

    ––––––––

    David (Dafydd)—Voyageur du temps, roi d’Angleterre

    Llywelyn—Père de David, roi du Pays de Galles

    Meg—Voyageuse du temps, mère de David

    Christopher Shepherd –Voyageur du temps, cousin de David

    Callum—Voyageur du temps, comte de Shrewsbury

    Huw ap Aeddan—Compagnon de David

    ––––––––

    Geoffrey de Geneville—Seigneur anglo-irlandais (château de Trim)

    Maud de Geneville—Dame anglo-irlandaise (château de Trim)

    Comyn le Rouge—Seigneur écossais

    Thomas de Clare—Seigneur anglo-irlandais (Lord de Thomond)

    Walter Cusack—Seigneur anglo-irlandais (châteaux de Kells, Killeen, Dunsany)

    Richard de Feypo—Seigneur anglo-irlandais (château de Skryne)

    John de Tuyt—Seigneur anglo-irlandais (châtelain du château de Drogheda)

    Aymer de Valence—fils de William de Valence

    James Stewart—Grand Sénéchal d’Ecosse

    William de Bohun—Seigneur anglo-normand

    Margery de Bohun—tante de William (château de Roche)

    Robbie Bruce—Seigneur écossais

    Magnus Godfridson—Maire d’Oxmantown

    ––––––––

    Niall MacMurrough—Seigneur irlandais

    Hugh O’Connor—Seigneur irlandais (château de Roscommon)

    Gilla O’Reilly—Seigneur irlandais (château de Cloughoughter, fort de Drumconrath)

    Matha O’Reilly—fils de Gilla

    Aine O’Reilly—fille de Gilla

    Prologue

    Kells, Irlande

    Janvier 1294

    Walter

    ––––––––

    « Encore un peu de vin ? » Richard de Feypo leva la carafe qu’il avait à la main.

    « Le vin ne va pas nous aider à mettre ce plan au point, Richard, » dit Walter Cusack. « A partir de maintenant, il nous faut garder l’esprit clair. »

    « Ça va marcher. » Alors qu’il était déjà l’un des vassaux les plus puissants de Geoffrey de Geneville, Richard était un homme avide et ambitieux au point de mettre son entourage mal à l’aise. De petite taille, avec des cheveux noirs et un nez crochu, il n’avait rien du physique typique d’un chevalier. Mais la taille de son cerveau faisait plus que compenser ses autres déficiences. C’était la raison essentielle pour laquelle Walter avait décidé de le suivre.

    « Geneville... »

    « —est un vieil homme, » dit Richard. « Son esprit n’est plus ce qu’il était. Il est physiquement affaibli et concentre son attention sur ses charges en Angleterre. Sais-tu qu’il n’est pas venu au château de Skryne une seule fois en cinq mois ? Il ne sait rien de ce que je fais. »

    « Il a des espions. » Thomas de Clare, le frère de Gilbert, récemment décédé, passa les mains dans sa chevelure encore épaisse et à peine grisonnante, remarquable chez un homme de son âge. En outre, il la portait longue, ce qui de l’avis de Walter n’était qu’un signe de fierté excessive. Pour sa part, Walter commençait à devenir chauve, et même si sa femme lui affirmait qu’il n’en était que plus séduisant, il regardait avec rage chacun des cheveux qui restait chaque matin dans son peigne.

    « J’ai retourné ses espions. » Richard avait réponse à tout, ce que Walter trouvait plutôt rassurant. C’était la raison pour laquelle il l’interrogeait. « Je vous ai donné le nom du palefrenier qu’il avait soudoyé à Killeen. Est-ce que vous vous êtes occupé de lui ? »

    « Il est mort. » C’était la propre ambition de Walter et son ardent désir de conserver à la fois ses terres et sa tête qui l’avaient amené à suivre cette voie. Il ferait ce qu’il avait à faire, même si cela s’avérait désagréable.

    « Comment ? » demanda vivement Thomas. « Rien qui puisse éveiller des soupçons, j’espère. »

    « Noyé dans la Boyne. Il s’est malheureusement avéré qu’il ne savait pas nager. »

    Richard approuva de la tête. « Alors, on peut avancer. »

    « Et qu’en est-il de Valence et de Comyn ? » dit Thomas. « Vous croyez pouvoir les contrôler ? »

    Richard répondit avec la plus grande assurance. « Valence est guidé par sa rage. Il ne voit rien d’autre que le cadavre du roi David à ses pieds et sa tête au bout d’une pique. Vous n’avez pas à vous inquiéter en ce qui concerne Aymer. »

    Walter était parfaitement d’accord avec le jugement exprimé par Feypo, ce qui le remplit d’aise. « Quant à Comyn, c’est l’appât du gain qui le motive. Il croit vraiment qu’on va lui confier le Trône Suprême. »

    Thomas s’esclaffa. « Il lui faudra engager un peu plus de cinq cents hommes en faveur de notre cause s’il s’attend à se voir remettre la couronne. »

    « Il dit qu’il fera venir davantage de troupes si cette première tentative est fructueuse, » dit Richard. « Le trône d’Ecosse se ralliera à nous. »

    « "Si c’est vrai, nous aurons une dette envers Balliol, » remarqua Thomas. « Vous pourriez voir toute cette affaire échapper très rapidement à votre contrôle. »

    « Vous aurez Thomond, alors qu’est-ce que ça peut vous faire ? » dit Richard.

    Thomas fronça les sourcils. « Ça m’intéresse parce qu’il y a des milles et des milles de possessions irlandaises entre Thomond et Dublin. Je veux être sûr que ces terres seront entre vos mains et celles de nos autres alliés, et que vous ne reculerez pas à l’instant crucial, par exemple au moment de nous débarrasser de David. »

    « Les hommes qui sont chargés de s’occuper de lui feront leur devoir, » dit Richard. « Pourquoi hésiteraient-ils ? »

    Thomas éleva la voix, incrédule. « Peut-être parce qu’il incarne le retour du grand roi Murtagh Mac Ecra, venu sauver les Irlandais de leurs oppresseurs et les mener au pays où coulent le lait et le miel ! »

    « Ce qui pour vous veut dire le Roi Arthur, Richard. » Walter frappa la table de la main pour souligner son accord avec la déclaration de Thomas. « C’est la même légende, seul le nom est différent. Une histoire que j’ai apprise sur les genoux de ma nourrice, même si ce n’est pas votre cas, et à laquelle toute la population locale est profondément attachée. Ecoutez moi bien et souvenez vous de ce que je dis, en fin de compte, personne n’acceptera d’endosser la responsabilité de sa mort. »

    « Mes hommes seront bien payés pour ce qu’ils ont à faire. » Richard écarta la question d’un geste négligent. « Je ne m’attends à aucun problème. »

    Walter exprima son accord d’un grognement, même si les assurances de Richard ne l’avaient pas complètement convaincu. La mort de David n’avait rien d’un détail comme Richard le prétendait. Cependant, ce n’était qu’une partie du plan général et il acceptait de mettre cela de côté pour l’instant. Si rien ne se passait comme prévu, Walter s’occuperait lui-même de David. Ou bien Aymer s’en chargerait.

    « Qu’en est-il de ces alliés irlandais ? » demanda Thomas. « J’espère que lorsque le temps viendra vous n’avez pas l’intention de les associer au gouvernement de l’Irlande ? »

    « Bien-sûr que non. Ils vont se battre pour nous, puis nous les isolerons et nous nous débarrasserons d’eux l’un après l’autre. » Richard regarda alternativement Walter et Thomas. « Deux mois vous semblent-ils suffisants pour vous permettre de vous préparer ? »

    « Plus que suffisants. J’ai déjà du mal à retenir O’Rourke. Je vous avais dit que nous ferions mieux de ne pas l’inclure dans le plan avant le dernier moment. » Thomas vida sa coupe et se leva. « Pour cette seule raison, il vaut mieux agir le plus tôt possible. En outre, la santé de Geneville décline un peu plus chaque jour. En l’absence d’héritier mâle, s’il meurt avant la réunion du parlement, David pourrait très bien reprendre ses terres et les donner aux Irlandais avant même que nous nous en apercevions. D’ici le printemps, nous pourrions bien nous retrouver les dindons de la farce. »

    Ils savaient tous les trois que David se servirait de la moindre excuse pour les dépouiller de leurs domaines. C’était la raison même de leur décision. La simple idée que le Seigneur d’Irlande s’empresserait de récupérer les terres pour lesquelles ils s'étaient férocement battus et de les rendre aux autochtones était pour eux un anathème, une trahison de tout ce qu’ils représentaient et de ce pourquoi ils avaient tant lutté. Mais ce roi ne ressemblait à aucun des souverains qui l’avaient précédé. En réalité, tout cela était sa faute. C’était lui qui les forçait à agir.

    « On ne peut rien faire plus tôt. Il nous faut attendre que David arrive en Irlande. » Richard posa une main sur l’épaule de Thomas et l’autre sur l’épaule de Walter. « Alors, si vous n’avez pas d’autres questions, on est bien d’accord ? On va jusqu’au bout ? »

    Ses deux interlocuteurs acquiescèrent d’un hochement de tête, mais Thomas ajouta, « et le cousin du roi, cette fripouille qui a tué mon frère et qu’on célèbre maintenant comme le Héros de Westminster ? Il va vraiment venir en Irlande lui aussi ? »

    « On m’assure qu’il sera là, et il est tout à vous, Thomas. On fait ce qu’il faut pour l’emporter, et vous serez libre de venger la mort de votre frère. »

    Premier Chapitre

    Au-delà du Pale, Irlande

    12 mars 1294

    Christopher

    ––––––––

    A la droite de Christopher, Huw demanda, dans son anglais chantant, « Qui est-ce ? »

    Christopher se retint de répondre comment diable pourrais-je le savoir ? Cependant, son expression en entendant la question dut montrer son incrédulité, car Huw lui tapota l’épaule et se tourna de l’autre côté, là où Robbie Bruce observait la scène devant eux avec une paire de jumelles médiévales qui, aussi incroyable que cela puisse paraître, fonctionnaient plutôt bien. Christopher venait de les utiliser et il savait ce que Robbie voyait : une douzaine de bateaux remontaient la rivière Boyne en direction de la ville de Drogheda. Compte tenu de leur taille, chaque navire transportait au moins cinquante hommes et leurs chevaux. C’était une petite armée. Même Christopher n’était pas assez naïf pour imaginer qu’il s’agissait d’une promenade d’agrément.  

    « Mon Dieu, » dit Robbie. « Ils arborent la bannière de Comyn le Rouge ! »

    « Tu te fiches de moi ! » William de Bohun, le dernier compagnon de Christopher, saisit les jumelles et les arracha à Robbie qui lui donna une claque sur la main mais le laissa les prendre. Christopher pensa qu’il n’avait pas servi à grand-chose au cours des neuf mois écoulés depuis son arrivée au Moyen-Âge, à part apprendre à ses amis quelques expressions typiquement américaines. William aimait particulièrement celle-ci et l’appliquait pratiquement à toutes les situations. Il était par ailleurs, parmi les nouveaux amis de Christopher, le plus difficile à cerner. La plupart du temps, il était impossible de déchiffrer ce qu’il cachait, s’il cachait vraiment quelque chose, derrière ses vives réparties et sa fierté.

    Il ne lui avait pas fallu plus de vingt secondes au Moyen-Âge pour comprendre qu’il pouvait dire adieu à toute forme de confort. Ce n’était pas seulement parce qu’ici les lits étaient plus durs qu’à la maison, parce que son fauteuil lui manquait, ni parce qu’il avait fini chaque jour des neuf derniers mois dans un tel état d’épuisement qu’il pouvait à peine lever les bras. Les douleurs physiques étaient le cadet de ses soucis. Le problème venait du fait que tout ce qu’il avait toujours tenu pour acquis s’avérait faux et risquait en outre de lui coûter la vie.

    Il n’avait certes jamais pensé que ses batailles au sabre-laser avec ses copains ressemblaient de près ou de loin à un combat à l’épée dans la cour d’un vrai château. Il avait su, avant même les douze semaines d’entraînement intensif que lui avait infligées Bevyn, l’ancien instructeur de David, que le jeu de jambes élégant des combattants dans le film The Princess Bride était, pour l’essentiel, inutile. Mais savoir, théoriquement, que le but d’un combat était de renverser son adversaire et de lui enfoncer son épée dans le ventre et être confronté à cette réalité étaient deux choses complètement différentes. Bevyn se moquait de savoir comment Christopher gagnait un combat, pourvu qu’il le gagne.

    Le fait que Christopher ait tué Gilbert de Clare avec sa voiture le premier jour, à la première seconde de son arrivée au Moyen-Âge aggravait en fait la situation. Après cela, tous lui avaient accordé un respect qu’il ne méritait en rien. A la différence des gars qu’il avait commencé à fréquenter depuis qu’il était là, qui tous avaient tué au moins une fois, Christopher n’avait jamais tué personne autrement que par accident.

    Cependant, accroupi avec ses trois amis derrière le muret de pierre qui délimitait le champ d’un pauvre fermier, il avait l’horrible pressentiment, aussi désagréable que la sensation de sentir ses bottes s’enfoncer dans la boue causée par la pluie incessante, qu’il pourrait bientôt se retrouver à égalité avec ses nouveaux amis. En fait, cette opportunité pourrait bien se présenter à lui dès cet instant, qu’il soit prêt ou non.

    Tandis qu’à travers le rideau de pluie de cette fin d’après-midi il observait la rivière, Christopher sentit son estomac se serrer en réalisant ce que l’arrivée du Rouge impliquait. Instinctivement, sa main se referma sur la médaille de Saint-Christophe qu’il portait autour du cou. Le pendentif était accroché au rétroviseur de sa voiture lorsqu’il était arrivé au Moyen-Âge. Sachant que Saint-Christophe était à la fois son saint patron et celui des voyageurs, des tempêtes, des célibataires et (bizarrement) des maux de dents, il s’était dit qu’en le portant il se protégeait plus ou moins de l’essentiel des menaces susceptibles de peser sur lui. Dans le monde où il était né, il n’était même pas catholique, mais ici, c’était la seule église chrétienne en existence. Tout le monde était catholique, et tout le monde portait en permanence un talisman ou un autre.

    « Messieurs, il est temps de partir. » James Stewart frappa légèrement Christopher à l’épaule. Il avait fallu un temps infini à Christopher pour le comprendre malgré son accent écossais, mais lorsqu’il y était parvenu, il s’était aperçu qu’il avait tendance à l’imiter. James Stewart était exactement le genre de chevalier que Christopher aspirait à devenir. Il admirait tout en lui, jusqu’à son pas souple et rapide. Il était mince mais musclé, intelligent, séduisant et riche. Il élevait rarement la voix, mais Christopher avait tout de suite remarqué que lorsqu’il parlait, on l’écoutait. Il n’hésita donc pas à obéir à James, reculant tout en prenant soin de rester à l’abri du mur.

    James se trouvait avec eux parce que David lui avait demandé de garder un œil sur Christopher, comme une sorte de chaperon, ce qui signifiait qu’il servait également de chaperon à William et Robbie. Lorsqu’on l’avait prévenu, Christopher avait voulu que Rupert, son ami journaliste, un autre voyageur, les accompagne aussi, mais celui-ci était à Dublin occupé à installer la première station de radio d’Irlande, et il savait à peine monter à cheval. Rupert, l’une des seules personnes de son entourage qui comprenait vraiment ce que c’était de se retrouver là par accident, avait aidé Christopher à surmonter les moments les plus durs de ces neuf derniers mois. Son humour, les commentaires sarcastiques que lui inspiraient toutes les situations manquaient à Christopher.

    David se trouvait lui aussi en Irlande. Cependant, le roi d’Angleterre et Seigneur d’Irlande était trop occupé à faire de la politique pour avoir le temps d’accompagner Christopher. Il avait passé ces trois dernières semaines à discuter avec les barons irlandais pour essayer de trouver un moyen de les empêcher de se battre entre eux en permanence. Jusque-là, rien de ce que lui ou d’autres avaient dit ne semblait avoir le moindre effet. Christopher soupçonnait que James avait accepté de garder un œil sur lui parce qu’il était las de tous ces vains discours et avait sauté sur cette occasion de se balader en Irlande pendant quelques jours.

    William fut le dernier à s’éloigner du mur. Il jeta un dernier long regard avec les jumelles puis se hâta de les rejoindre. « Que veut Comyn le Rouge ? Pourquoi a-t-il amené une armée à Drogheda ? »

    James répondit sans se retourner. « Aucune idée. » Avec quelque chose comme un sixième sens que Christopher espérait bien acquérir un jour, James trouva un sentier qui les rapprochait des remparts de la ville tout en les dissimulant de la vue d’un éventuel guetteur qui aurait décidé de braver la pluie.

    Aucun d’entre eux, pas même Christopher, n’avait eu à demander qui était Comyn le Rouge. Avant de l’emmener en Irlande avec William et Robbie, David avait donné à Christopher une interminable leçon sur les liens complexes qui unissaient (ou non) les principales familles de la noblesse et la place de ses compagnons en leur sein. Non seulement William et Robbie étaient-ils cousins, mais ils descendaient tous les deux de William Marshal, le plus célèbre des chevaliers, devenu comte de Pembroke ET roi du Leinster. Mais il en était de même de Comyn le Rouge, l’ennemi juré de Robbie. William était même l’un des héritiers en ligne directe du trône d’Ecosse. Il ne cessait de taquiner Robbie à ce propos, mais il avait refusé de faire valoir ses droits lorsque le trône s’était trouvé vacant.

    David avait expliqué à Christopher, avec force détails, comment, dans l’histoire d’Avalon, Robbie assassinerait le Rouge dans une église écossaise, dans une dizaine d’années. Puis il avait fait jurer à Christopher de ne jamais en parler à Robbie. Christopher devait bien admettre que si les leçons dispensées par son cousin semblaient parfois particulièrement fastidieuses, elles avaient le mérite de vous rentrer dans le crâne et d’y rester. Par exemple, il savait à présent que le meurtre du Rouge par Robbie avait incité la famille de Comyn à faire enlever la future épouse de Robbie, Elizabeth de Burgh, et à la garder prisonnière durant huit ans. Il pouvait même dire qu’Elizabeth, âgée de dix ans à ce jour, se trouvait aussi être la fille du comte d’Ulster et la nièce de l’épouse irlandaise de James Stewart, Gilles. Christopher se gratta la tête. Comment David pouvait-il supporter de vivre avec toutes ces informations dans la tête, sachant sans pouvoir le dire ce que l’avenir réservait peut-être à ses amis ?

    Les cinq compagnons arrivèrent à l’endroit où ils avaient laissé leurs chevaux brouter tranquillement, au milieu d’un bouquet d’arbres qui les rendait invisibles depuis le sommet des remparts de Drogheda. Christopher n’était pas un cavalier aussi expérimenté que les autres, mais de tout ce qu’il avait dû apprendre ces neuf derniers mois, monter était ce qui lui avait paru le plus naturel. Il pouvait suivre ses amis à cheval sans difficulté. En fait, il était déjà meilleur cavalier que Huw, qui n’avait pas non plus pratiqué depuis son enfance, même s’il était né au Moyen-Âge. Cela dit, il savait que Huw ne se trouvait pas avec eux pour ses talents de combattant ou de cavalier. Il était là pour la même raison que James : protéger Christopher.

    Les autres considéraient Huw comme un serviteur, mais l’idée de se faire servir ainsi mettait Christopher mal à l’aise et il s’était résolu à traiter Huw comme ce qu’il était, un ami de son cousin qui à l’occasion l’aidait à revêtir son armure. Mais là où Huw lui était vraiment utile, en fait, c’était pour le guider dans le brouillard des noms et des visages rencontrés dans tous les châteaux, toutes les régions que David visitait. Christopher n’avait aucune mémoire des noms, ce qui n’était pas le cas de Huw. Il entretenait à l’oreille de Christopher un constant murmure sur l‘identité de tel ou tel seigneur ou de telle ou telle dame et il n’hésitait jamais à lui expliquer précisément comment il était supposé se conduire en société.

    Cette région de l’Irlande était essentiellement constituée d’une alternance de champs cultivés et de pâtures. Drogheda, où les navires de Comyn étaient en train de s’amarrer, se trouvait à vingt milles au nord-est du château de Trim où le parlement irlandais était réuni. James avait choisi Drogheda comme le but de leur excursion ce jour-là et ils avaient prévu de passer la nuit au château ou dans la maison d’hôtes du monastère dominicain situé au sommet de la ville, sur la rive nord de la Boyne.

    Avec l’arrivée de Comyn le Rouge, leur plan était à l’eau. Il n’était pas question de laisser Robbie passer la nuit à proximité de l’un quelconque des Comyn.

    Le château se trouvait sur la rive sud de la Boyne, mais la ville s’était étendue sur les deux rives, avec un pont qui reliait les deux parties. Des murailles massives de vingt pieds de haut encerclaient le tout, ponctuées de tours trois fois plus hautes que les remparts.

    Selon James, la ville était uniquement peuplée d’Anglais. Lorsque les barons anglais avaient conquis cette partie de l’île, ils avaient expulsé tous les Irlandais et les avaient forcés à vivre à la campagne, tout en leur imposant de payer des impôts aux conquérants. A Avalon, lorsque le roi Edward avait conquis le Pays de Galles, il avait traité les Gallois de la même manière, faisant d’eux des étrangers dans leur propre pays.

    En fait, si l’on en croyait Tante Meg (dont le talent pour vous raconter l’histoire dans ses moindres détails rivalisait avec celui de David), l’Angleterre avait utilisé la même tactique, encore et encore, dans le monde entier. Ici, en Irlande, la rivière Boyne servait de frontière entre la partie de l’île soumise à l’autorité de l’Angleterre, que l’on nommait le Pale, et les terres qui étaient soit sous le contrôle des Irlandais, soit faisaient l’objet de conflits réguliers entre les deux parties et que l’on désignait par l’expression beyond the Pale, littéralement au-delà des bornes. Ces mots étaient restés dans le langage moderne pour décrire une personne ou une situation qui dépassait les bornes. Au cours de l’année précédente, la guerre n’avait jamais cessé, ce qui était l’une des raisons principales pour lesquelles David avait choisi ce moment pour venir en Irlande et mettre en route le processus de paix.

    Chaque famille se battait contre les autres, quelle que soit leur origine. C’était comme si chacun des seigneurs, pris d’illusions de grandeur, essayait de se tailler son propre royaume.

    « Il nous faut découvrir quels sont les plans de Comyn avant de retourner à Trim, » dit Robbie.

    « Robbie a raison, » ajouta William. « On ne peut pas repartir maintenant ! »

    William et Robbie étaient toujours prêts à prendre des risques. Robbie était plus âgé que William, et un peu plus raisonnable, mais les deux ensemble formaient ce que Tante Meg appelait un mélange explosif. Plus précisément, ils avaient tendance à agir d’abord et à réfléchir ensuite.

    Christopher attendait encore la réponse de James. C’était lui leur leader et en fin de compte ce que chacun d’eux voulait faire n’aurait pas d’importance ; ils suivraient la décision de James. Cependant, après quelques secondes de silence, Christopher laissa percer son impatience. « Etes-vous vraiment inquiet ? »

    « Si c’était le cas, est-ce que ça changerait quelque chose ? » James secoua brusquement la tête. « Oui, je suis inquiet, et c’est pourquoi nous allons faire ce que Robbie suggère et essayer de découvrir tout ce que nous pouvons sur la raison de la présence de Comyn, pour pouvoir le rapporter à votre cousin. »

    « Vraiment ? » s’exclama William. « Comment ? »

    « On pourrait s’infiltrer dans le château pour écouter ce qu’ils complotent, » dit Christopher. « Se cacher dans une charrette à foin, comme le cheval de Troie. »

    William et Robbie, qui connaissaient bien la mythologie grecque, approuvèrent vigoureusement de la tête.

    Puis Christopher fronça les sourcils. « Cela dit, en y réfléchissant, il serait probablement plus facile d’aller simplement sur le quai. Même si Comyn est là pour semer le trouble, il ne va sûrement pas nous attaquer, surtout pas vous, James. Vous êtes le Grand Sénéchal d’Ecosse ! »

    « J’ai le regret de vous dire que je ne suis d’accord avec aucun de ces plans, » dit James. « Si Comyn a décidé de se joindre à la partie qui se joue ici, vous laisser approcher de Drogheda pourrait faire de vous un pion de choix dans son jeu. »

    Christopher ne put s’empêcher de soupirer. On revenait toujours à ça, son statut particulier simplement parce qu’il était le cousin de David. Christopher avait pensé que ce devrait être lui ou Huw qui s’introduirait au château dans une charrette à foin, parce que personne ne les reconnaîtrait. Il oubliait régulièrement que David était le roi d’Angleterre, l’homme le plus puissant d’Europe. Même le pape ne pouvait lui donner des ordres. Jamais James ne permettrait à Christopher de courir le moindre risque. Il avait de la chance que James ait considéré leur excursion à Drogheda comme une promenade de santé, ou bien ils n’auraient jamais pu venir.

    « Cela veut-il dire que Comyn conspire avec le châtelain ? » demanda William. « John de Tuyt est censé être loyal à Geoffrey de Geneville ! »

    La mâchoire de James s’était crispée. « Peut-être l’est-il toujours. »

    « Mais... » William réfléchit à ce que James impliquait. « Cela voudrait dire que Geneville... » Il s’interrompit, incapable d’aller au bout de sa pensée.

    « Pourrait ne pas être loyal. Oui. » Une force tranquille émanait de James, ce qui était une bonne chose car Christopher ne ressentait rien de comparable. Il avait fait la connaissance de Geoffrey de Geneville devant le cadavre de Gilbert de Clare, ce premier jour à Westminster. C’était l’un des barons en qui David avait confiance et il se sentit pris de nausées à la pensée que Geoffrey n’était peut-être plus l’ami qu’il paraissait être.

    « On devrait confronter le Rouge tout de suite. » Un feu intérieur faisait briller les yeux de Robbie.

    Christopher décida qu’il se moquait de passer encore une fois pour un ignorant. « Une alliance entre le Rouge et Geneville n’aurait aucun sens. Même moi, je sais qu’ils n’ont rien en commun. Comyn ne possède même pas de terres en Irlande. »

    « Mais comme moi, sa femme en possède, donc lui aussi. » James regarda Christopher. « Le roi n’a pas caché le fait qu’il n’approuve pas la manière dont ses barons gouvernent en Irlande. S’ils craignent qu’il les oblige à abandonner leurs terres à leurs rivaux irlandais, ils pourraient trouver avantageux de rallier à eux des étrangers tels que Comyn le Rouge, des hommes qui n’éprouvent aucune loyauté à l’égard du roi et n’en éprouveront jamais. »

    « Des cousins vont se battre les uns contre les autres ! Et même des frères ! » L’expression horrifiée de William montrait, pour une fois, qu’il n’était pas aussi blasé qu’il aimait le faire croire.

    James adoucit sa voix. « C’est déjà le cas, William. C’est pour cela que nous sommes ici. » Il les incita d’un geste à tous se rapprocher de lui. « Ne sautons pas directement aux conclusions. J’ai évidemment tendance à penser que Comyn n’est pas venu avec de bonnes intentions, mais il est possible qu’il ait fait voile vers l’Irlande comme membre de la délégation écossaise au parlement irlandais. Et même si l’arrivée du Rouge n’a rien d’innocent, peut-être s’agit-il d’une affaire interne qui ne nous concerne pas. »

    Ignorant le ricanement sarcastique de Robbie, James étudia le visage de chacun des jeunes gens qui l’entouraient. « Robbie et moi allons nous approcher de la ville et essayer de voir plus clairement ce qu’il se passe sur le quai. Huw et William vont longer la rivière à pied ; le terrain là-bas ne convient pas aux chevaux. Je veux savoir si une partie du groupe de Comyn débarque avant d’arriver à Drogheda. »

    William ouvrit la bouche pour dire quelque chose—le connaissant, sûrement pour protester—mais James l’arrêta d’un geste avant qu’il ne puisse prononcer un mot. « Il nous faut savoir si c’est vraiment Tuyt qui accueille Comyn, et si d’autres troupes sont en route. Si Tuyt dispose lui aussi d’une armée, ou s’ils se sont alliés à d’autres seigneurs, le roi devra ajuster sa réponse. On se retrouve ici dans une heure. » Il pointa Huw du doigt. « Personne ne tire. Ces flèches restent dans leur carquois. »

    Huw sourit, mais il acquiesça. Puisqu’il n’était pas chevalier, il ne portait pas d’épée, mais il était armé de deux couteaux, un grand coutelas et un autre plus petit, passés dans sa ceinture, et il tenait son grand arc dans la main gauche. Ce qui laissait sa main droite libre pour sortir les flèches du carquois qu’il portait dans le dos.

    Enfin, James se tourna vers Christopher. « Vous gardez les chevaux. »

    Christopher ne prit même pas la peine de se plaindre. Il avait su, dès que James avait ouvert la bouche, qu’il devrait rester en arrière. James aurait insisté sur le fait que ce n’était pas parce qu’il n’avait pas confiance en Christopher, mais parce qu’il était nécessaire que l’un d’eux reste avec les chevaux. Mais encore une fois, Christopher réalisa qu’on ne lui accordait le respect dû à son rang que par pure politesse. Lorsque les choses devenaient sérieuses, il n’était qu’un nouveau venu, étranger au monde médiéval, et donc peu fiable.

    Il ne put cependant s’empêcher de montrer son agacement et lorsqu’il prit la parole, ce fut sur un ton belliqueux. « Ce que vous n’avez pas expliqué, c’est la raison pour laquelle Tuyt conspirerait avec Comyn. Ce n’est pas un grand seigneur. Il n’est que le châtelain. Rien ici ne lui appartient. »

    « Les ancêtres de Tuyt sont arrivés en Irlande avec Strongbow, tout au début de la conquête, » dit James. « Il n’a jamais connu d’autre pays que l’Irlande. »

    Et cette explication toute simple de James permit enfin à Christopher de comprendre pourquoi l’Irlande posait un tel problème. L’île était devenue le pays, la patrie disait l’Américain en lui, de ces anciens Normands ou Anglais tout autant que le pays des Irlandais ‘de souche’. A certains moments, Christopher sentait son propre pays lui manquer à tel point qu’il le ressentait comme une douleur physique. Personne ici n’allait renoncer au sien sans se battre.

    Chapitre Deux

    Château de Trim

    David

    ––––––––

    La prédilection de David pour observer le monde depuis le sommet d’une tour ou des remparts d’une ville allait bien au-delà de la satisfaction de savoir que cela lui permettrait, le cas échéant, de se jeter dans le vide au péril de sa vie. Cela dit, il avait constaté avec plaisir que le château de Trim était situé au creux d’un des nombreux méandres de la Boyne. La rivière, le fleuve en réalité, coulait plus ou moins du nord vers le sud le long de la façade est du château, avant de se frayer un chemin vers le nord-est pour se jeter dans la mer d’Irlande. En raison de la position précaire du château, une autre rivière,

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