Le grand déballage d'amour: Roman
Par Laurence Deverth
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À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTEURE
Laurence Deverth s’est fait diagnostiquer une leucémie en 2010, déclenchant ainsi moult évènements tragiques qui lui ont inspiré l’écriture de cet ouvrage. Son vécu fut le socle de différentes formes d’amour qu’elle tient à partager avec le plus grand nombre.
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Avis sur Le grand déballage d'amour
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Aperçu du livre
Le grand déballage d'amour - Laurence Deverth
Prélude
Joséphine, Clara, Adèle.
Trois femmes qui se racontent chacune au travers d’une tranche de leur vie. Tranche de vie marquée par la souffrance dont elles vont chacune à leur manière, essayer de tirer parti.
Seules, elles ne peuvent rien contre les coups du sort. Chacune va découvrir l’immense pouvoir de la bienveillance, de l’empathie, de l’humanité. Le pouvoir salvateur de l’humain dans ce qu’il a de plus beau.
Et si Joséphine, Clara et Adèle n’étaient qu’une ?
Une seule et même femme frappée de plein fouet par une maladie aux effets collatéraux détonants et dévastateurs.
Une seule et même personne condamnée à subir l’inacceptable.
Une seule et même personne qui refuse de se laisser abattre et découvre un allié de taille : « L’amour en trois dimensions ».
Acte 1
Leucémie chérie
Mai 2010, le cancer s’invite impoliment dans ma vie sans crier gare. Quelle insolence tout de même ! Quel manque de savoir-vivre !
Involontairement, il m’embarque dans une rencontre du 3e type et me catapulte bien malgré moi dans un monde surréaliste digne du meilleur Magritte.
Le diagnostic tombe comme un couperet : « Leucémie lymphoblastique aiguë ». Ma première pensée va directement pour la Grande Faucheuse.
S’ensuit un tourbillon, une tempête, un ouragan dans ma tête. Mes neurones, mes idées s’entrechoquent, secoués en tous sens comme quand, enfant, j’agitais avec ardeur la boule de verre ramenée d’excursion, pour voir tourbillonner la neige. Aucun scénariste ne pourra jamais égaler l’imagination et la violence du cancer.
Sans avoir vraiment le temps de reprendre mon souffle, me voilà embarquée sur la Planète médicale.
Je rentre dans un véritable microcosme, une sorte de fourmilière où le temps semble s’être arrêté, coupée du monde extérieur. J’ai l’impression d’entrer dans un sous-marin. Ma chambre va devenir mon vaisseau de survie. J’assiste totalement impuissante et dans une soumission totale au ballet des fourmis-infirmières. En deux temps trois mouvements, ces dernières me transforment en véritable pieuvre aux multiples tentacules de plastique, raccordées à une kyrielle de pochettes remplies d’un soi-disant remède miracle, appelé plus communément : « Chimio ». Ah, la chimiothérapie ! Qui n’en a jamais entendu parler ? Qui n’a pas une connaissance qui en a reçue ? Mais qui connaît vraiment les effets secondaires de cette avancée majeure dans le traitement du cancer ? En tout cas, pas moi. Je suis loin d’imaginer ce que je vais vivre. Je découvre que la chimio est un véritable Terminator qui dévaste tout sur son passage, à commencer par mon moral. Mes cellules cancéreuses sont littéralement bombardées, exterminées. Revers de la médaille, mes cellules saines le sont aussi. J’ai l’impression d’un no man’s land intérieur. Je navigue sur une mer agitée à me donner la nausée. La nourriture me dégoûte et ma balance s’affole à la baisse. Seule bonne nouvelle, je suis en rémission dès le premier traitement.
Dans ma chambre aseptisée, le réveil est pénible, je n’ai aucune envie de sortir de mon lit et je redoute l’entrée de l’infirmière avec mon petit déjeuner. Pourquoi me lever ? Je n’ai aucun but pour la journée et je suis condamnée à rester enfermée. Dans mon sous-marin, les secondes semblent des minutes, les minutes des heures et que dire d’une journée, indéfiniment longue, longue, longue. Très vite, je me rends compte que je ne suis pas prête de quitter mon sous-marin. Je vais devoir apprendre la patience, à vivre au jour le jour en huis clos pour éviter tout microbe.
Inexorablement, ma vie est suspendue et rythmée par le taux de mes globules rouges, globules blancs, neutrophiles, plaquettes mais aussi par les innombrables radios, scanner, pet-scan, IRM, échographies… On me surnomme d’ailleurs Miss Tchernobyl !
L’annonce de ma leucémie se propage comme une traînée de poudre au grand dam de ma famille qui pensait pouvoir garder le secret… de polichinelle. À mon grand étonnement, je découvre que mon cancer met souvent les gens mal à l’aise, ils ne savent pas comment réagir. Quoi que l’on dise, le cancer reste encore tabou. Pour moi, le plus simple est qu’ils restent eux-mêmes, qu’ils soient vrais et m’abordent en toute simplicité même si j’ai vu certains sortir de ma chambre en pleurs. Ceux qui m’aident le plus sont ceux qui me parlent de tout et de rien, de la vie extérieure et qui arrivent à me faire rire. Ceux-là me font oublier quelques heures durant, le bourbier dans lequel je me trouve. Mes vrais amis sont ceux qui bravent leur peur pour venir me voir, moi le squelette ambulant sorti tout droit du pire film d’horreur. Certains préfèrent m’écrire, m’envoyer des fleurs, m’offrir des livres ou me téléphoner. Certains s’avéreront une seconde famille pour mes enfants où ils tenteront d’oublier un peu l’hôpital. D’autres s’abstiennent. Je respecte le choix de chacun sans aucun jugement. Pour sûr, ma maladie ne laisse personne indifférent, il est clair qu’un grand nombre d’entre eux se projette dans ma propre histoire. Ça pourrait être la leur. En effet, je suis encore jeune et mes deux enfants sont de fragiles oisillons, loin de pouvoir quitter leur nid douillet.
Parmi les nombreuses marques de sympathie que je reçois, je pense que je garderai à tout jamais dans ma mémoire, la visite dans ma chambre stérile d’un collègue lui-même poursuivi par le cancer, dont je ne voyais que les yeux pétillants et souriants. Il avait capté que je me laissais aller et me dit : « Joséphine, tu ne peux pas abandonner, trop de monde t’attend dehors à commencer par tes enfants. Tu dois trouver la force de continuer, tu ne peux pas baisser les bras ». Cette phrase a eu l’effet d’un électrochoc et peu à peu, j’ai repris du poil de la bête. Si cette phrase a eu un tel impact sur moi, c’est par sa véracité et sa sincérité. Émanant d’un autre malade ayant expérimenté avec horreur la réalité et la souffrance indescriptible de la maladie, je savais qu’il parlait vrai. Aujourd’hui, mon collègue danse avec les anges…
En parlant de danser avec les anges, un soir où j’étais particulièrement angoissée, désespérée et me sentant dégringoler une à une les marches de mon existence, un homme est entré dans ma chambre. Un homme immense, vêtu d’une longue soutane à la Don Camillo. Mon sang ne fait qu’un tour, je m’affole et je pense : « Ce prêtre vient pour me donner l’extrême onction ! ». Avec le recul, j’en ris encore. Cependant, ma réaction montre bien dans quel état d’esprit, de fragilité, nous les malades sommes face à cette tuile qui nous tombe sur la tête.
Je garde aussi en mémoire les fraises de Wépion apportées à l’hôpital par une amie. Je ne me nourrissais presque plus, tout me dégoûtait et ces fraises rouge sang, juteuses, au goût divin sont venues chatouiller mes papilles. Enfin quelque chose de bon, enfin un peu de plaisir ! Elles avaient le goût de la Madeleine de Proust.
Il ne faut pas non plus oublier mon voisin fantôme derrière la cloison qui nous sépare. Il semble particulièrement aimer la musique de chambre. Je l’entends jouer du violon. Agréable et apaisant pour l’âme et le corps. Mon mélomane semble être virtuose… Un soir, je perçois la mélodie de « Let it be » des Scarabées, sur des accords de guitare, dans le couloir impersonnel à mourir de l’oncologie. Un mini concert rien que pour moi. Je serai la seule