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Quittons-nous heureux: Roman
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Quittons-nous heureux: Roman
Livre électronique163 pages2 heures

Quittons-nous heureux: Roman

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À propos de ce livre électronique

L’action se passe en 2040 dans le monde des maisons de retraite où un conflit éclate entre la direction générale et quelques résidents. Ces retraités totalement désinhibés, au nombre de huit, défient, sans le vouloir, le pouvoir économique. Celui-ci est articulé autour d’un seul objectif : trouver de nouvelles ressources pour continuer un enrichissement mis à mal par la disparition des recettes traditionnelles. Le marché du « vieux » est donc à conquérir et les sociétés privées se livrent une guerre sans merci pour s’attribuer le monopole. La directrice de l’établissement, au risque de tout perdre (déclassement, exil…), va outrepasser les ordres donnés par sa hiérarchie et prendre fait et cause pour ces anciens afin de leur permettre de s’exprimer et d’envoyer un message joyeux aux jeunes générations.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Né en 1958 à Toulon, Jean-Marc Grenna est depuis toujours passionné de littérature. C'est ainsi que depuis ses quinze ans, il tente l'aventure de l'écriture par le biais de pièces de théâtre et de poèmes jamais édités. Il désire vivre au-delà de l’ordre établi, défiant les limites de l’âge par un mental heureux.
LangueFrançais
Date de sortie16 juin 2021
ISBN9791037724748
Quittons-nous heureux: Roman

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    Aperçu du livre

    Quittons-nous heureux - Jean-Marc Grenna

    Chapitre 1

    « Vous êtes charmant, monsieur, mais comprenez que je souhaite mieux vous connaître avant d’aller plus loin dans notre relation. Vous savez, j’ai tellement été déçue dans ma vie, qu’aujourd’hui, je suis très réticente avant de m’aventurer dans une histoire nouvelle », exprima une vieille femme toute ridée à un vieux monsieur tout flétri qui ne demandait qu’un peu de douceur.

    Lui ne cherchait rien du tout, si ce n’est un peu de chaleur auprès d’une femme, même vieille. De toute façon, ils avaient tous les deux le même âge, ils étaient du même millésime, nés en 1954, lui en février, elle en juin, pour l’un le 23 pour l’autre le 18. La vieillesse les avait surpris un beau matin alors que rien ne laissait supposer que leur tour arrivait. Et pourtant ! il fallait se rendre à l’évidence, lui avec ses articulations bloquées et sa hanche en titane, elle avec sa ménopause obsolète tellement elle était vieille, ils avaient pris le chemin du bagne pour vieux comme quatre-vingts ans en arrière ils avaient pris le chemin de l’école. C’était un choc mais aucun psy n’aurait voulu écouter ces vieilles carcasses raconter le traumatisme de cette rupture. Alors, par la force des choses, ils s’installèrent vaille que vaille dans cette nouvelle vie qui, en fait, était une ultime vie. Aucune évasion possible, aucune échappatoire, les grilles en fer forgé vert-de-gris (déjà annonciateur de la suite…) étaient difficilement surmontables et la chute aurait eu des conséquences dramatiques, non pas à cause de la mort probable, mais par l’humiliation ressentie dans le regard des autres en cas de survie. Alors, résignés, ils firent comme bien d’autres, ils s’assirent sur un banc et regardèrent sans voir, sentirent sans aspirer, bougèrent sans se lever.

    La petite vieille au prénom charmant mais désuet d’Odile regardait à peine son compagnon répondant lui au doux sobriquet de Jeannot. Elle minaudait comme une enfant, ses yeux gris avaient les reflets du souvenir, ils étaient fixes et légèrement ironiques. Au contraire, Ses mains usées par le temps et le travail bougeaient sans cesse. Jeannot insistait, il voulait une réponse rapide, il n’était pas du genre à attendre trop longtemps. Son regard d’un bleu d’azur scrutait toutes les réactions de cette octogénaire récalcitrante.

    « Vous savez, lui dit-il sur un ton obséquieux, avec ce qu’il nous reste à vivre, il est légitime de prendre du bon temps et puis il faut bien s’occuper, non ? Qu’en pensez-vous ? »

    La mamie fit une moue dubitative.

    Jeannot écarquilla ses yeux d’étonnement. Elle lui avouait à demi-mots qu’elle fut une belle coquine dans sa jeunesse et cela l’émoustilla un peu plus (enfin un peu plus que pas grand-chose). « Vous êtes en train de me dire que durant votre jeunesse vous avez eu de multiples aventures ? »

    Elle rétorqua du tac au tac :

    « Pas que dans ma jeunesse, mais aussi dans ma vie de femme. »

    Jeannot semblait un peu désorienté :

    Son ton montait sans qu’il ne s’en aperçoive et devenait même moraliste. Cette confession le déstabilisait car il pensait vraiment qu’elle était une vieille coincée et, du coup, avait parié avec son copain JB qu’elle serait dans son lit avant le 14 juillet. Il la regardait différemment, se demandant si elle lui racontait des craques pour l’endormir ou si elle avait réellement vécu des histoires croustillantes.

    Tout cela devenait brumeux dans son esprit rétréci d’homme aux moyens limités et recherchait la meilleure façon de clore cette discussion dans les délais les plus brefs. Ce fut Odile qui reprit : « Ben oui, cinquante ans de mariage avec le même homme, je pense que j’avais la liberté de m’octroyer quelques vacances en répondant positivement aux avances que me faisaient les hommes ».

    Elle suspendit volontairement ses propos quelques secondes afin d’observer Jeannot, toujours éberlué, et reprit à voix basse :

    Il tourna la tête brusquement et fixa Odile en lui disant avec les yeux :

    Elle comprit tout de suite :

    Cette dernière phrase finit par achever le vieil homme. Il était dépité car il ne trouvait aucun argument à opposer à cette vieille carne qui se foutait ouvertement de sa gueule. Il se leva sans tarder et fut surpris par la vitesse et la précision de ses gestes. Normalement, il lui fallait quelques longues secondes pour retrouver la station debout alors que là, ses membres avaient répondu présents dans un ensemble parfait (ou presque).

    Depuis qu’elle avait rejoint cette unité pour vieux appelée pudiquement le Centre des Anciens du Sud et de ses Environs, elle n’avait que peu d’occupations. Elle qui fut une femme de tête et de décision, elle vivait ce moment comme une punition divine. Comment pouvait-elle accepter son sort ? C’était impossible et la dépression aussi paradoxale était-elle, lui donnait autant l’envie de se supprimer que de s’accrocher encore et toujours à cette survie. Les mois s’écoulaient et son mari, Jean-Paul, la lâcha définitivement. Elle savait depuis longtemps que celui qui survivrait à l’autre aurait une vie faite de peur et de vide sans que rien ni personne ne puisse intervenir. Elle pressentait que ce serait elle la sacrifiée. Pourquoi ? Une impression floue et rien d’autre. Une pensée tout d’abord incertaine puis une réflexion plus assurée et enfin la solitude qui consacre l’individu comme le dernier représentant de sa génération. Elle pensa à voix haute :

    Elle reprit la lecture de son livre préféré, le seul qu’elle réussisse à lire, celui écrit par son mari. Il n’avait jamais eu d’autre lecteur qu’elle. Il avait édité un unique exemplaire et dans son testament, il figurait en bonne place. Elle fut étonnée car elle n’avait pas connaissance de cet objet unique. Quand le notaire le lui remit, elle songea à toutes ces années passées à côté de cet homme qui restait un mystère. Cette sensation était merveilleuse car l’homme « nature » qu’elle aimait, était en fait complexe. Depuis qu’elle l’avait entre les mains, elle en était à la vingtième lecture. Il était le seul lien du présent avec son passé. D’ailleurs, elle ne parlait pas de futur, il était déjà mort avant d’exister. Elle continua sa lecture mais ses yeux s’embrumèrent d’un léger voile nostalgique.

    Jeannot se rendit au plus vite dans la salle commune où tous, prenaient leur repas ensemble. Il retrouva son copain JB. Celui-ci portait bien ses quatre-vingt-quatre ans. De haute stature et la tête bien droite, il promenait sa crinière blanche avec beaucoup de fierté. C’était le coq de cette basse-cour et qui plus est, il n’avait pas beaucoup de concurrents directs. Il y avait ceux qui, volontairement, ne cherchaient plus de relations avec le sexe opposé et les autres qui par manque de moyens physiques avaient définitivement capitulé. Jamais dans sa vie il n’avait connu de situation plus favorable. C’est vrai que plus jeune, peu servi par son physique, Il compensait par l’humour et il avait connu un certain succès mais c’était resté fort limité. Alors, aujourd’hui il savourait ces petites victoires sur le sort et le physique ingrat, convaincu de sa force de séduction. Lui et Jeannot s’étaient connus à l’école maternelle. Cela faisait plus de quatre-vingts ans qu’ils se fréquentaient. On les appelait « le vieux couple ». En effet, ils avaient toutes les attitudes de deux personnes se connaissant sur le bout des doigts. Ils étaient ainsi faits que chacun dans la maison riait de leur réaction à la jalousie, aux petites intrigues amoureuses, à la dérision qu’ils mettaient dans la plupart de leur propos et surtout à la belle complicité qui les unissait. JB et Jeannot étaient la mémoire de ce lieu. Ne supportant pas la solitude surtout au moment de faire le repas et le ménage, ils avaient décidé ensemble de gagner cet établissement qui leur avait été chaudement recommandé. Le veuvage de JB était postérieur au divorce de Jeannot. Contre toute attente, sa femme le quitta le jour de leurs cinquante ans de mariage. Elle invoqua la lassitude du couple et surtout elle ne voulait pas lui changer les couches le jour où il deviendrait incontinent, dit-elle avec dédain. Jeannot fut perplexe. Il crut tout d’abord à la crise de la vieillesse, celle dont on ne se rend peut-être pas compte mais qui fait d’énormes dégâts dans les populations aux âges avancés. Il téléphona à JB, qui pour le réconforter lui dit :

    — Eh ben putain ! Elle en a mis du temps pour se barrer cette vieille conne !

    Jeannot ne sut quoi répondre et lui sortit cette phrase qui resta gravée dans leur mémoire :

    Le temps passa mais « frangine », comme il l’appelait, ne donna plus de signes de vie. Les seules nouvelles il les avait par des amis communs. Cela les amusait plus qu’autre chose et ne nourrissait aucun sentiment d’empathie envers Jeannot. Puis le chat mourut, puis la vie continua. Lui et JB se rapprochèrent un peu plus et depuis quelques années ils vivaient ici dans une belle harmonie.

    — Je te dis qu’elle a couché avec des femmes dans sa jeunesse !

    Jeannot était excité comme une puce et avait pris pour argent comptant les propos d’Odile. JB le regardait, incrédule, persuadé que la vieille l’avait roulé dans la farine.

    Il se tut car au moment où il allait formuler le reste de sa phrase en des termes crus, apparut à ses côtés Gwen la bigote. Il gardait en souvenir de sa mère une tendresse particulière pour ces femmes aux croyances un peu folles. Il était mécréant mais quand même, il n’arrivait pas à se moquer totalement d’elles et encore moins à débiter des énormités en leur présence. Et puis, la vieille Gwen avait quelque chose de sa mère dans son regard et sa taille minuscule la rendait touchante. Il reprit à voix basse :

    — Essaie de visualiser la scène et tu t’apercevras que c’est impossible.

    L’autre réfléchit un instant :

    — Si je fais comme tu me dis, il est impossible ici, d’imaginer une quelconque scène scabreuse, regarde toutes ces nanas, elles ont été, à un moment de leur vie, désirables mais aujourd’hui dis-moi ce que tu vois à part des vieilles ridées ! Alors, ton raisonnement à la mords-moi-le-nœud, tu peux te le carrer où tu veux.

    JB resta stoïque et ses yeux regardèrent le reste de la table. Il fit une grimace et reprit :

    — T’as raison, l’imagination c’est comme un faux ami, elle te fait croire à plein de choses et au bout du compte c’est du vent.

    Jeannot approuva sans toutefois tout comprendre.

    Autour de la table de huit se trouvaient, outre les deux amis et Gwen la bigote, quatre autres résidents. Il y avait Christian et Bruno un vieux couple amoureux comme au premier jour et fier d’avoir été les premiers (disaient-ils) à se marier après l’adoption de la loi. Ils gardaient le souvenir de cette grande fête comme un adulte se souvient avec nostalgie de ses premiers Noëls. Dès que des nouveaux s’installaient, ils leur racontaient en détail les fastes de ce jour pas comme les autres réinventant à chaque fois de nouvelles anecdotes comiques. Ils étaient tous deux du même âge, avaient occupé les mêmes fonctions, furent mariés à une femme pendant vingt ans (pas la même) et eurent un enfant chacun. Comble du bonheur le fils de Christian vivait avec la fille de Bruno qui leur avaient donné un petit fils prénommé Léo. Ils étaient de vrais jumeaux de la vie et leur complicité plaisait à certains et dérangeait d’autres. Même en 2040 l’esprit réduit et étriqué des « pisse bénitiers » était encore vivace. Eux s’en moquaient comme de leur première communion. Ils avaient tellement entendu d’horreurs durant leur vie que maintenant ils étaient blindés contre toutes les attaques. Puis, ils savaient aussi compter sur le soutien inconditionnel de vieux copains encore éclairés par l’esprit de la tolérance et du non-jugement. Cela suffisait à leur bonheur. Ils s’étaient juré fidélité pour des raisons d’amour et non de religion et ils s’en tinrent à leur promesse.

    Ils avaient comme voisin un couple de nonagénaires encore valide et lucide. Isabelle et Guillaume. Ils étaient inséparables et fusionnels, heureux et surpris d’être encore ensemble dans ce monde sans avoir vécu de véritable drame. La vie les avait épargnés comme elle s’acharne sur d’autres. Ils n’en tiraient pas de gloire mais simplement une joie de tous les instants qui leur permettait de ne croire en rien. Ils étaient convaincus que le simple sourire donnait autant de force que n’importe quel dopant. Non pas le sourire commercial ou forcé mais celui que l’on offre à l’autre comme on offrirait son cœur. Pour eux, le secret de leur longévité trouvait (en partie et non attesté par le corps médical) sa source dans cette faculté de regarder les gens avec douceur et mansuétude. Leur physique était celui de gens de quatre-vingt-dix ans et ne mérite pas qu’on s’y attarde. Cependant, leurs yeux et leurs mains semblaient animés par une force continue et cela ne se décrit pas, ça se respecte.

    Ils entendaient les propos des deux compères car même s’ils

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