Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

In memoriam
In memoriam
In memoriam
Livre électronique259 pages3 heures

In memoriam

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Un vieil homme arrive dans un espace médicalisé, il se plaint de sa mémoire, il ne sait pas trop ce qu’elle a, il a peur d’oublier... On va s’occuper de lui. Ce sera alors une descente dans un labyrinthe mémoriel qui nous conduit dans l’histoire révélée de notre Humanité, notre passé, notre futur, notre fin du monde... Mais tout cela n’est qu’une sauvegarde de notre propre histoire qu’il faut raconter et lire... Rien ne s’arrête tout recommence par-delà le temps et l’Histoire...
LangueFrançais
Date de sortie24 nov. 2014
ISBN9791029001789
In memoriam

Lié à In memoriam

Livres électroniques liés

Fiction générale pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur In memoriam

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    In memoriam - Laurent Robillard

    cover.jpg

    In memoriam

    Laurent Robillard

    In memoriam

    Les Éditions Chapitre.com

    123, boulevard de Grenelle 75015 Paris

    © Les Éditions Chapitre.com, 2014

    ISBN : 979-10-290-0178-9

    Prologue

    « Bonjour, que pouvons-nous faire pour vous ?

    – Je suis un vieux, très vieux… oublié… ma mémoire est pleine, ce n’est pas que j’oublie mais j’ai tant de souvenirs, tant d’images… J’ai la sensation que mon cerveau est plein à craquer et je n’arrive pas à tout remettre en ordre, j’ai peur d’oublier l’essentiel… Il faut que vous m’aidiez à retrouver la mémoire avant que tout soit définitivement perdu, égaré, oublié… Vous comprenez ? Je suis vieux, très vieux, trop vieux, beaucoup trop vieux et oublié…

    – Allongez-vous, nous allons nous occuper de vous… Vous n’avez rien contre le jaune ? »

    Il venait d’arriver, seul, dans cette pièce, trois femmes l’accueillirent… Elles s’occupèrent de lui…

    1

    Un

    À ce début, le mien, celui auquel je pensais et celui auquel ma mémoire se référait, il s’appelait J.… D’abord, il fallait qu’il naisse. C’est ce qu’il fit, plutôt bien puisqu’il pesait plus de quatre kilogrammes le jour dit… Le mot « bien » n’est peut-être pas celui qui convient le mieux au regard de ce qui s’était passé les neuf mois précédents. Sa mère, femme simple, femme d’une époque désormais révolue, alors âgée d’une quarantaine d’année, mariée à un homme plus âgé qu’elle, dont je vous parlerai plus lointainement dans le déroulement de cette histoire, ne souhaitait pas ce quatrième enfant. Il arrivait certainement par hasard, par inopportunité ou une interruption ininterrompue. Ainsi quand il naquit, lors d’un bref instant d’une dernière journée de printemps où il pleuvait et faisait froid, il venait de passer son temps de gestation, et sur ce point lui comme de nombreux autres, dans un liquide amniotique quelque peu hostile et comme vous le savez, semblable à l’eau de mer. Sa mère, dont on aurait pu dire qu’elle donnait l’impression de vivre cette grossesse comme un poids, terme qui permet de mettre en relation l’image du ventre distendu et la notion physique à laquelle le mot poids fait référence, accoucha dans une clinique, ce qui en soi n’a rien d’original et ne mérite pas qu’on s’y attarde plus longuement. Il n’y eut aucune erreur commise, pas d’échange post-natal, il était bien le fils de sa mère. Celle-ci dit, par la suite, qu’elle ne l’avait pas senti à sa place au sein de son utérus, ce put donc expliquer qu’elle ne le laissa pas nager aussi librement qu’il aurait dû ou pu. Il se trouva donc toujours mal à l’aise face aux océans et autres mers déchaînées qu’il put rencontrer sur la planète. Il expliquait cette peur, proche d’une angoisse fondamentalement existentielle, par ces longs mois mal vécus à se métamorphoser cellulairement dans le ventre de sa mère, cependant, il ne se noya jamais.

    Il naquit, simplement ; certainement dans la douleur de sa mère ; personne ne se souvient de la douleur de sa mère. Il est certain que le temps passé lui avait permis de passer en revue et en détail les moindres circonvolutions de son ADN paternel et maternel. Du côté de son père, originaire du Perche, région intermédiaire entre la Normandie et la Beauce, il n’y avait qu’une longue histoire paysanne enracinée dans un cercle d’une petite quarantaine de kilomètres de diamètre. L’une de ses sœurs, généalogiste de cœur, avait remonté le long fleuve tranquille de cette branche familiale jusqu’au dix-septième siècle, effleurant quelque extraction de basse noblesse dont le nom avait un lien avec l’une des dernières templeries de la fin du moyen-âge. On trouvait aussi dans son histoire, un écuyer de roi, des tâcherons, des vignerons… que de merveilleux anonymes. Du côté de sa mère, le vide était encore plus grand, puisqu’elle n’avait pas connu son père, tout du moins son géniteur. Cela limitait donc les recherches possibles. La grand-mère de J. était née au tout début du vingtième siècle, elle avait eu deux enfants d’un homme qui ne laissa aucune trace dans l’histoire de cette famille, ses deux filles furent reconnues par un homme qu’elle épousa, sans vraiment l’aimer. De l’intérieur de ce ventre, J. eut beau chercher dans tous ses chromosomes, il ne put reconnaître qu’une vague lignée du sud de l’Europe, un agencement qui le rapprochait de l’Asie moyen-orientale, tout en l’enracinant fortement dans une terre de terroirs… Il était humain, c’était certain.

    Le père de J., né tout au début de la première guerre mondiale, était aussi un homme d’un autre siècle ou presque ; son propre père était né dans la dernière décennie du dix-neuvième siècle. Il prit cependant le temps de passer dans le vingtième pour y mourir au bois le prêtre, derrière son canon qui explosa le tuant lui et tous les serveurs de la batterie de 75. Le père de J. fut donc orphelin. Sa grand-mère paternelle, veuve de guerre, mit au monde un autre enfant d’un autre homme qu’elle épousa… La guerre inventa le concept de la famille recomposée et de la décomposition des personnalités face aux atrocités normales qu’elle engendre. Son père, petit campagnard, apprit très tôt, dès l’âge de huit ans, la valeur du travail. Il rencontra lui aussi, jeune, la guerre, deuxième du nom. Peu de temps avant celle-ci, alors qu’il avait été démobilisé suite à deux années de service militaire, puis remobilisé très rapidement pour cause de mobilisation générale ; à l’occasion d’une permission, il croisa celle qui deviendrait sa femme et mère de ses enfants… Pendant six années ils s’écrivirent des lettres où ils se disaient qu’ils s’aimaient, s’appelaient tendrement de noms doux. Six années, prisonnier de guerre, pendant lesquelles il traversa l’Europe, prisonnier des uns, échappant aux autres et enfin libéré. Ils se marièrent à son retour, lui traumatisé, elle certainement heureuse. Leur premier enfant naquit un an plus tard, leur fils, J., le dernier enfant, quinze ans après. Son père fit la gueule assez longuement à sa femme, certainement contrarié par l’arrivée de ce quatrième enfant, trop éloigné des trois filles… un petit dernier et un garçon de surcroît. Il naquit, inscrits dans ses gènes, deux siècles d’une histoire récente, écrite, connue mais qui lui paraissait si lointaine… Arrivé à un âge certain, lui, homme du vingt et unième siècle, se laissait à rêvasser en imaginant que son arrière-grand-père était né l’année où Karl Marx avait écrit le manifeste du parti communiste et Louis Napoléon Bonaparte élu président sous la deuxième République. Une famille de vieux qui faisaient des enfants vieux… J. Pouvait-il voir, plus spécifiquement, les gènes de la sagesse acquise par ce temps dépassé et cette histoire lointaine, dans le ventre de sa mère, alors qu’il les contemplait tous, ces gènes enchevêtrés, mélangés, indifférents… non sans une certaine inquiétude, vu leur nombre effarant ? Si l’on considère qu’elle puisse se transmettre ainsi à travers quelques morceaux microscopiques, J. avait eu neuf mois pour chercher à comprendre, à travers cette sagesse, qui il allait être et comment il allait organiser cette vie qui se présentait, nouvelle. Il avait en lui un temps et une histoire qui n’étaient systématiquement pas ceux avec lesquels il aurait à vivre. Cette présence ressentie dans son être allait l’accompagner, sans pour autant le rendre différent de ce que son code génétique avait prévu qu’il fût, juste un peu plus attentif à certains moments, pouvoir choisir qui il allait être. Il avait le sentiment de pouvoir faire ce choix, là dans ce ventre, cette sagesse l’accompagnait, ce temps de réflexion lui permettrait donc de passer les neuf mois à se construire. Malheureusement ce qui aurait pu être un délicieux moment introspectif que chacun ressent aux premiers instants de sa vie se transforma en un vaste chaos. Le bordel identitaire s’inscrivit en lui au fur et à mesure de chacun de ses possibles choix. Au moment où il aurait pu dire quelle serait sa personne, le rapide schéma de division cellulaire, stratifia toutes les couches de ses personnalités potentielles pour en faire une seule totalement polymorphe et tentaculaire, accrochée à un devenir temporel qui était la plus exacte expression du chaos et de l’entropie. Il ne sut pas non plus combien il serait. Il ne sut pas encore pourquoi il serait. Il ne le sut donc pas et plongea dans le long sommeil qui vous mène à la naissance avec la certitude que ce temps qui se présentait à lui ne l’aiderait nullement, bien au contraire. Son handicap serait totalement invisible et imprévisible, indéniablement positif certains jours quand il existerait comme un autre sans prévenir, terriblement négatif quand il serait incapable de dire exactement pourquoi il vivait et qui il était. Mais tout n’était pas si noir, tout n’était pas si dissocié de et dans sa personne. Quoi qu’on eût pu en dire sur le fond, sa forme terrestre était là, bien vivante. Il allait devoir vivre, comme tout bon terrien… C’était un temps, c’était un espace… C’était ce début simple, sans cette terrible capacité à être plus que lui-même, qu’il aurait fallu pour que cela existe comme on aurait souhaité dans un monde passé et attendu : le vôtre, le mien, le nôtre… Mais il n’en fut pas ainsi, car c’est autrement et différemment que tout se passa ; un autre monde en quelque sorte, une autre fois certainement.

    2

    Deux

    Il naquit donc, vers treize heures. Il ne cria pas, non pas parce qu’il ne pouvait respirer, simplement parce que toute l’énergie consciente qu’il avait en lui le poussait à regarder autour de lui. C’est ce que remarqua la sage-femme, qui comme une parfaite technicienne de la maïeutique procéda à tous les contrôles nécessaires suite à son arrivée silencieuse, donc inquiétante. Tout était cependant normal, si ce n’est cette absence de cri et un regard par trop insistant et scrutant qui lui fit dire que ce bébé était bizarre. Il était bizarre si on le comparait aux quelques milliers d’autres qui étaient nés le même jour, au même instant que lui dans le monde ; mais J. était différent, différent par cette capacité à regarder, différent par ce silence. Pour tout vous avouer, il savait déjà parler mais il préférait se taire, il avait tant à regarder et à voir qu’il décida à l’instant où il passa la tête par la vulve de sa mère, de se taire jusqu’à un âge relativement avancé afin qu’il puisse essentiellement se consacrer au visionnement de son espace extérieur et à l’agencement de celui-ci. Il remarqua de suite que ces femmes en blanc, tout aussi gentilles soient-elles, s’occupaient plus de lui que d’autres bébés dont il entendait les braillements épuisés, significatifs de leur douleur à se trouver sur Terre. Ces petites choses violacées et hurlantes étaient vides de tout sens, elles n’étaient que des enveloppes physiques, odieusement fragiles dont les parents allaient devoir assurer une protection constante et procéder à leur remplissage intellectuel. Ces bébés étaient livrés vides, sans aucune connexion évidente avec leur entourage. Même si pour certains il y avait un réel intérêt à les observer, parce que providentiellement colorés d’un rose que l’on qualifierait de vieux, ce qui était une de leurs rares qualités ; pour la majorité d’entre eux J. pensa qu’ils étaient laids et insignifiants, boudinés, repliés tels des excréments. Le pire fut quand il vit son image dans la glace qui était face à lui alors qu’une infirmière s’efforçait de provoquer un réflexe de marche à son corps incontrôlable. Il était considérablement plus laid que les autres, à son sens, d’une couleur rouge purpurin et affublé d’une touffe de cheveux noirs, que cette docile infirmière, formée pour ce genre d’action, se pressa de coiffer avec une mèche bien lissée sur la droite de son crâne alors qu’il était évident qu’elle eût été mieux sur la gauche. Quand elle eut fini sa préparation physique et capillaire, elle le retourna face à elle et l’observa des pieds à la tête, ce qui ne fut pas très long, puisqu’en plus d’être laid, il était petit. Elle prononça par deux fois le mot « bizarre », dubitative, sentencieuse dans son silence qui sépara l’un et l’autre des mots, puis elle prit peur quand elle croisa ses yeux. J. la regardait fixement avec un sourire narquois, qui n’était visiblement pas celui d’un petit de quelques minutes. D’ailleurs elle faillit le lâcher, de peur, tant le regard scrutateur de l’enfant provoqua en elle un doute sur la réalité terrestre de ce petit bébé qu’elle avait cependant sorti des entrailles de sa mère quelques minutes auparavant. Elle s’empressa de le coller sur le ventre de celle-ci qui le regarda sans sourire, son père n’était pas là. L’infirmière prononça un troisième « bizarre » en sortant de la pièce, J. l’entendit et mit en mémoire le visage de cette infirmière, bien décidé à explorer le comportement de cette femme autant que faire se peut, plus tard. Mais être bébé, nouvellement né avait des inconvénients dont le plus handicapant est celui qui vous plonge dans des séquences de sommeil qui ne sont coupées que par des faims terribles. S’endormir sans prévenir, se réveiller pour manger et pleurer parce que le corps ne sait moduler que ce cri primal associé à l’envie de manger. J. n’était pas différent des autres pour ce qui était de manger, il aurait pu demander à boire son biberon dans un français châtié, mais il savait très bien qu’il aurait traumatisé ses parents et qu’il aurait perdu cette paix intérieure qui lui permettait parfois de se trouver dans un état méditatif, juste avant de sombrer dans des phases hypnotiques. De toutes façons cette faim passait par ailleurs que son cerveau, ce cri sortait en longeant sa moelle épinière, il s’entendait crier, il avait faim, il mangeait goulûment.

    Dès ses premiers jours il se rendit compte de sa profonde capacité empathique. Il avait envie d’en savoir plus sur les autres : les Êtres communicants. Il avait beaucoup plus envie de s’intéresser aux femmes qu’aux hommes. Il était né dans un corps d’homme et avait les sensations inhérentes à celui-ci. Il était donc fortement captivé par les femmes. Il n’en n’avait jamais vu mais sentait violemment qu’elles avaient un intérêt supérieur aux hommes. En premier lieu, il regrettait que sa mère ne put lui donner le sein. J. sentait et savait intimement combien le contact de cette peau, plus fine, plus chaude pouvait apporter un plaisir merveilleux, inversement proportionnel au caoutchouc des tétines, écœurant. Il usa d’un stratagème, une nuit, alors que sa mère dormait, il n’avait peut-être que trois jours, il avait remarqué qu’une infirmière était depuis quelques jours particulièrement attentive à sa petite personne, toujours pour les même raisons que celles qui avaient opéré le jour de sa naissance : petit, laid, observant fixement, voir même inquiétant. Il pleura finement au moment où celle-ci passa dans le couloir. J. sentait l’odeur de cette femme jusqu’au fond de son cerveau, il sentait sa profonde disponibilité sexuelle, son évidente moiteur et son désir coïtal immédiat… J. était un homme avant d’être un bébé. Il pleura de façon à ce qu’elle soit seule à l’entendre, sur une fréquence que sa propre mère n’aurait pas entendue, un son que cette femme ne captait consciemment mais qui rentra en résonance avec chacune de ses cellules. Elle passa donc la tête par la porte, se dirigea vers le bébé, ce salopard, le prit dans ses bras et lui proposa le sein droit. J. était plus petit que ce sein. Il n’avait pas faim, se désintéressait totalement du besoin de manger. Il voulait sentir l’odeur, l’odeur de la peau de cette masse ronde à la densité véloce qui s’opposait fermement à la petite main de J., elle se mélangeait aux effluves qui émanaient du dessous de son aisselle et, apothéose finale se faisait recouvrir par le parfum envoûtant de son sexe humide. Il savait qu’elle venait d’avoir un rapport sexuel avec un des médecins de la clinique, son odeur était l’odeur d’une femme qui avait un désir d’enfantement, mais la chaleur, le goût, l’odeur de la peau de son sein offert plongeaient ce bébé, nouvellement conquis par la chair féminine, dans une extase profonde. Ce fut merveilleux… pour eux deux. J. téta, sans besoin de lait, l’infirmière jouit pour une seconde fois, en silence mais si profondément, presque religieusement, c’était un moment sacré… Dans une pénombre certaine, la lumière affaiblie de l’ampoule d’un couloir long et glauque illuminait par l’arrière le chignon brun de cette femme charnelle et charnue. Ce fut un moment de silence total. J. s’endormit profondément, envoûté par cet assemblage d’odeurs…

    À son réveil, il n’avait qu’un vague souvenir de cette glissade phéromonale, tout au plus il lui semblait avoir conservé un lien olfactif avec l’infirmière nocturne et noctambule. Mais c’était déjà si loin et sa petite mémoire de petit homme n’avait retenu que le contact doux du sein. Ses neurones mémorisèrent quelques sensations visuelles, sobrement, profondément, sur une des zones les plus sensibles de son cortex cérébral. Puis il regarda comme à son habitude, fixement, autour de lui. Il était visiblement temps de rejoindre le domicile familial puisque tout le monde s’agitait, sa mère n’était plus dans son lit, son père était là, la cigarette éteinte au bec. Il se retrouva dans ses bras. L’infirmière nourricière insista pour le prendre en photo avec son fils. Ce serait certainement une de ces petites photos noir et blanc au tour découpé en zigzag, au flou tremblé évident et à l’exposition approximative, mais grâce à elle, la charmante dame soigneuse et laiteuse se souviendrait de ce bébé, petit et laid, surtout qu’il regarda fixement vers l’objectif à une seule lentille de cet appareil photo à soufflet. Il la regarda elle et sa poitrine galatéenne. Cette walkyrie de la maternité en fut une fois de plus toute retournée, au sens propre comme au sens figuré, puisqu’après le départ de la famille de J. elle rejoignit son médecin favori qui la prit adroitement dans une position arrière, expiante, le visage transfiguré. À cet instant, elle n’était pas sans rappeler la Vierge, Marie de son prénom, laissant partir son fils pour un au-delà éventuel. Le voyage fut plus rapide et moins exotique, puisqu’il se fit dans le landau familial gris, aux roues usées par trois naissances précédentes. Le confort n’était pas au rendez-vous, mais la tradition était présente. Il faisait subitement beau en cette fin de printemps brutal, tout le monde avait déjà oublié que trois jours auparavant il avait fallu allumer le chauffage. L’enfant, petit frère, fut accueilli par ses trois sœurs, ravies

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1