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J'ai bien connu ta mère
J'ai bien connu ta mère
J'ai bien connu ta mère
Livre électronique183 pages2 heures

J'ai bien connu ta mère

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À propos de ce livre électronique

Une femme recherche le premier amour de sa mère à partir des carnets qu'elle a trouvés après sa mort. Un retour dans les années de la deuxième guerre mondiale. L'écriture comme fil rouge d'une vie...
LangueFrançais
Date de sortie27 oct. 2014
ISBN9782312017389
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    Aperçu du livre

    J'ai bien connu ta mère - Claude-Sophie Gibrat

    cover.jpg

    J’ai bien connu ta mère

    Claude-Sophie Gibrat

    J’ai bien connu ta mère

    LES ÉDITIONS DU NET

    22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes

    © Les Éditions du Net, 2014

    ISBN : 978-2-312-01738-9

    Cet ouvrage est une fiction.

    «  La fiction est le mariage

    de ce qui est vrai et de ce qui ne l’est pas. »

    Georges-Olivier Châteaureynaud

    Carcassonne - mars 2006

    ÉLOGE FUNÈBRE DE SUSAN - PAR CAMILLE

    Elle me disait :

    À Axillan, pendant la guerre d’Espagne, on entendait le canon de l’autre côté des Pyrénées et j’avais peur.

    Quand j’ai perdu ma mère, en 1938,  je ne suis plus retournée à l’école, je suis restée avec mon père ; je n’ai pas trop souffert de la mort de ma mère, mon père était très présent pour moi.

    La guerre de 40 a été une période qui m’a beaucoup marquée, mais nous n’avons jamais eu faim à Axillan, ton grand-père allait s’approvisionner à la montagne.

    En décembre 1942, nous avons dû héberger deux soldats allemands à la maison et mon père a placé un verrou sur la porte de ma chambre.

    Plus tard, nous avons eu un parachutage des Américains, des sacs entiers de raisins secs ; j’avais fait un petit trou dans l’un d’eux et la nuit, j’allais en manger en cachette ; pour la première fois, j’ai mâché des chewing-gums.

    Je ne pensais pas que je pourrais avoir un enfant et puis un jour, longtemps après mon mariage, j’ai été enceinte ; j’étais persuadée que j’accoucherais d’un garçon, c’est peut-être pour cela que je t’ai appelée Camille ; j’avais choisi également Dominique ou Claude ; ton père voulait t’appeler Annie, mais j’ai tenu bon.

    C’est à ce moment-là que nous avons quitté la vieille maison, j’ai été épatée par le confort de notre nouvelle demeure ; ton grand-père est venu vivre avec nous, tu grandissais bien, tu étais sage et fantaisiste à la fois, je crois que cette période a été la plus heureuse de ma vie.

    Quand ton grand-père est mort, je suis tombée malade et tu venais me voir à l’hôpital avec ton père.

    J’ai toujours écrit, depuis mes 19 ans, l’écriture a vraiment été la compagne de ma vie ; avec les chats, les chats sont les amis silencieux des gens qui écrivent.

    J’ai été heureuse quand tu m’as dit que tu aimais René Char.

    Je pensais que tu écrirais, toi aussi, mais tu as trouvé la peinture, et la psychologie. 

    Plus tard, elle m’a dit :

    J’aime repasser, c’est une activité calme et solitaire, qui laisse de la place pour penser, et puis j’adore l’odeur du linge propre dans la vapeur du fer.

    Je n’aime pas l’automne, je crois que c’est la période de la guerre qui m’a fait détester cette saison ; je suis toujours angoissée en automne.

    J’ai toujours écrit mon prénom Susan, à l’anglaise, mais je suis la seule à le faire, avec toi, de temps en temps ; d’ailleurs ça ne plaît pas à ton père…

    J’ai vu à la télé « Sur la route de Madison », j’ai adoré ce film, je l’ai acheté en cassette et je l’ai revu de nombreuses fois.

    Une vie passe vite, tu sais, essaie de profiter de tous les instants.

    Plus tard encore :

    J’ai une jolie chambre à l’hôpital, tout le monde est gentil avec moi et les transfusions ne sont pas douloureuses.

    Ton père vient me voir tous les jours, il se débrouille bien, seul à la maison. Les derniers temps, avant mon hospitalisation, nous allions promener en voiture tous les après-midis, dans les coins que nous parcourions en vélo pendant la guerre, j’ai bien aimé ces promenades.

    Je ne pensais pas que tu viendrais me voir chaque semaine, tu habites si loin, mais quand tu entres dans ma chambre, c’est comme si le soleil m’inondait, je te trouve magnifique et si sereine !

    L’infirmier m’a levée et m’a montré une biche qui courait sur la colline, un moment merveilleux…

    Je pense au chat, j’espère qu’Étienne s’occupe bien de lui…

    Je ne crois plus en grand-chose, tu sais, religion, politique, tout s’est évanoui, tout a été trop sali… »

    Le printemps reviendra, c’était sa saison préférée.

    Le soleil envahira à nouveau la vallée et ses rayons éclaireront le vide de la maison.

    Les violettes refleuriront au bord du chemin qui longe la rivière, la promenade que nous faisions toutes les deux, les après-midis de mon enfance.

    Mon père repartira à la pêche.

    Jean et moi retournerons en Italie, pour nos vacances, et nous nous remettrons à peindre.

    Et, sur le mur du jardin de la maison d’Axillan, dans une tache de soleil, le chat gris l’attendra encore…

    Marseille - février 2012

    5ÈME SÉANCE D’HYPNOSE DE CAMILLE

    « …Peut-on faire le point ? Vous sentez-vous maintenant dans votre état habituel ?

    –   Oui, d’ailleurs, je ne pense pas l’avoir quitté, un moment de léger flottement, tout au plus.

    –   Avez-vous des images de cette entrevue ?

    –   Je portais un pull rose, pas vraiment un pull, un tricot en coton, avec un décolleté un peu arrondi et un petit col. C’était au bar de l’hôtel, je revois la forme en ellipse de son comptoir, la barre argentée qui le longeait. Des petites tables étaient disposées près d’un mur, en face. Nous étions assis à l’une d’elles. Un jeune homme brun servait les boissons, il était grand, mince, le teint mat. Il avait l’air d’être méditerranéen, peut-être italien...

    –   Et votre interlocuteur, que voyez-vous de lui ?

    –   Peu de choses, il est assis en face de moi à l’une des petites tables rondes, il me semble que nous buvons des cocas. Je le trouve un peu vieux, mais j’étais très jeune, il devait avoir une cinquantaine d’années, guère plus. Pas très grand, un pull sans manches comme c’était à la mode dans les années 70, vert foncé il me semble, avec un décolleté en V, sur une chemise peut-être à carreaux. Un visage plutôt rond, un teint clair. Des cheveux assez longs, un peu plaqués sur le crâne. Pas très grand, assez costaud. Des yeux bleus, me semble-t-il. Il était venu seul. Nous ne sommes que deux dans la salle, de ça, j’en suis sûre.

    –   Des souvenirs de votre conversation ?

     –   Il s’est présenté comme un ami de ma mère, il a dû me donner son nom et son prénom, mais je ne m’en souviens pas, et c’est bien là le problème... Il m’a dit que j’étais jolie mais moins que ma mère à mon âge, j’ai été un peu vexée, je me rappelle très bien de cela. Un entretien chaleureux, mais un peu étrange pour moi, je ne comprenais pas trop pourquoi il était venu me voir. Il me semble que c’était le printemps en Lorraine.

    –   Et l’année, en êtes-vous sûre ?

    –   Je dirais 1974, je n’en suis pas certaine, mais je suis quasiment sûre que j’avais moins de 20 ans, alors c’est probablement 1974. Ma mère évoque cet entretien dans ses carnets, mais bien plus tard, au cours des années 80. En tout cas, c’était entre 1973 et 1975, je suis arrivée à Nancy en septembre 1973 et je n’ai plus habité dans ce vieil hôtel transformé en résidence universitaire, celui où je situe ma rencontre avec cet homme, à partir de décembre 1975.

    –   Vous souvenez-vous d’autres phrases de la conversation ?

    –   Non, je revois son sourire, mais à part cette phrase sur ma mère et sur moi, je n’ai plus rien en mémoire. D’ailleurs, je crois que je me souvenais déjà de tout cela avant nos séances.

    –   Vous ne croyez pas trop en l’hypnose, n’est-ce pas ? C’est la cinquième séance et vous ne vous détendez pas complètement, comme si vous vouliez contrôler vos souvenirs.

     –   Ah, le contrôle, une constante de ma vie… J’ai essayé d’y travailler durant mon analyse. A dire vrai, ces séances avec vous m’ont tout de même un peu aidée, j’ai retrouvé des couleurs de cette rencontre, certaines postures que nous avions, lui et moi, lors de cet entretien.

    –   Parlez-moi de ces postures.

    –   Il me semble qu’il est un peu penché vers moi, une posture empathique, une recherche de contact, sans doute.

           –   Et vous ?

    –   Peut-être un peu plus en retrait, je ne voyais pas l’utilité de cette rencontre, un peu comme si je m’ennuyais… Je pense que j’avais d’autres centres d’intérêt, une histoire sentimentale qui occupait mon esprit, j’avais envie que cet entretien se termine rapidement. Comme disait ma mère, la jeunesse occulte tout ce qui n’est pas elle… Il me semble qu’il m’a parlé d’un village, Montfort, un petit village près de celui où ont résidé mes parents. Ou alors est-ce parce que ma tante avait fait allusion, elle aussi, à ce village, un jour où elle a évoqué avec moi la relation de ma mère avec cet homme ? Ma tante est morte également et cette discussion est très lointaine dans mon esprit.

     –   Est-ce vraiment important pour vous de retrouver ces souvenirs ?

     –   C’est la seule piste que j’ai, à ce jour, pour retrouver cet homme, j’ai épuisé toutes les autres, elles n’ont rien donné, ou si peu de choses… Il faudrait que je parvienne à me souvenir de son nom, mais cela m’est impossible. Quand j’essaie d’entendre ce qu’il m’a dit lorsqu’il s’est présenté à moi, des images se superposent et brouillent le message.

    –   Quelles images ?

    –   Des images de ma mère en train d’écrire, penchée sur sa page… Ce « R » par lequel elle le désigne dans ses carnets. Je suis obnubilée par ce « R » et je ne parviens pas à lui associer un prénom, cette lettre se substitue à son image… Ou alors, je décline tous les prénoms commençant par « R », Raymond, René, Raoul, Robert, Romuald, Roland, Raphaël, Richard, que sais-je encore, mais la correspondance ne s’établit jamais. Qui plus est, ce « R » est peut-être un stratagème de ma mère pour masquer encore plus l’identité de cet homme…

    –   Essayez de préciser pourquoi il est si important pour vous de retrouver cet homme.

            –   Je croyais que vous m’auriez posé cette question plus tôt. Pour la comprendre, pour la retrouver à travers lui.

           –   Vous parlez de votre mère ?

    –  Bien sûr, peut-être aussi pour faire mon deuil. J’ai l’impression de ne pas l’avoir fait immédiatement après sa mort, je me suis sentie presque soulagée,

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