Mon ami Sherlock Holmes
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Aperçu du livre
Mon ami Sherlock Holmes - Martine Ruzé-Moëns
Mon ami
Sherlock Holmes
Martine Ruzé-Moëns
Mon ami
Sherlock Holmes
LES ÉDITIONS DU NET
22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes
Ce livre est dédié à Jeremy Brett, décédé le 15 septembre 1995. Inoubliable Sherlock Holmes de la série de Granada Television de 1984 à 1994
© Les Éditions du Net, 2016
ISBN : 978-2-312-04134-6
img1.pngMon premier livre
Les Vacances de Sherlock Holmes
fait partie de la Collection SHERLOCK HOLMES,
Éditions Mycroft's brother – dirigée par Thierry Saint-Joanis,
Président de la Société Sherlock Holmes de France,
Membre des Baker Street Irregulars de New York. http://www.mycrofts.net
E-mail : mail@mycrofts.net
Merci cher Thierry pour ce beau livre qui m'a encouragée à écrire d’autres aventures holmésiennes.
Un grand MERCI à Philippe Ruzé pour son aide précieuse apportée au long travail de relecture et de mise en page.
Couverture : Camille Ruzé
Illustrations tirées du Strand Magazine
et diverses autres publications victoriennes
img1.pngimg2.png COLLECTION
Les Passe-temps de Madame HUDSON
img1.pngMartine Ruzé-Moëns est baptisée Mrs Hudson
dans le milieu holmésien. Elle est :
- membre d'honneur de la Société Sherlock Holmes de France
- membre de la Sherlock Holmes Society de Londres
- marraine de la Société Sherlock Holmes de Belgique
- fondatrice de l'association HOLMES.
img1.pngSite internet : http://mrs-hudson.monsite-orange.fr
img3.pngLe Carnet
img4.jpgPrologue
Le noyé de la Tamise
img5.pngNovembre touchait à sa fin. La tempête de ces derniers jours avait apporté beaucoup d'eau et les chaussées restaient encore boueuses et glissantes. Le bon feu qui crépitait dans la cheminée réchauffait agréablement l'appartement de Baker Street que je partageais une nouvelle fois avec Sherlock Holmes. Dès son retour en avril, en apprenant le décès de mon épouse, il m'avait proposé de reprendre notre cohabitation. Mais après trente-six mois d'absence et de silence, je le trouvais perturbé et souvent taciturne. Son métier de détective l'accaparait et la surcharge de travail de ces derniers mois l'avait énormément fatigué. Ses enquêtes s'étaient succédé tout au long de cette année ; j'avais fini par constituer trois énormes volumes manuscrits qui contenaient l'ensemble de notre travail pour 1894. Depuis quelques temps, je tentais de lui faire comprendre qu'il risquait la dépression s'il ne se ménageait pas. Cependant, la semaine dernière encore, il s'était rendu dans le Kent, chez le professeur Coran. Une curieuse affaire d'espionnage où la passion se mêlait à la politique et aux tentatives nihilistes visant à supprimer le tsar. Je terminais de rédiger l'article pour mes lecteurs du Strand Magazine. De son côté, mon ami détective parcourait les journaux du matin. Soudain, on frappa à la porte.
– Lestrade, quel bon vent vous amène ? demanda-t-il aussitôt en repliant rapidement son journal, qu'il jeta sur le sofa.
– Monsieur Holmes, je sais que vous êtes très pris ces derniers temps, mais me voilà face à un cas bien particulier : un homme d'une quarantaine d'années a été retrouvé noyé dans la Tamise. J'ignore encore s'il est tombé tout seul ou si on l'a poussé. Je l'ai fait transporter à la morgue de St-Bartholomew's mais l'individu repêché par des dockers ne porte aucun papier sur lui.
– Pas de blessures apparentes ?
– Hormis une plaie au niveau du crâne, dit-il en nous désignant le derrière de sa tête, que l'homme aurait pu se faire en glissant, et quelques ecchymoses sur le visage, je n'ai rien décelé de particulier. J'ai pensé qu'en l'examinant de plus près vous pourriez nous donner des indications sur son métier ou ses activités.
– Pas de cicatrices, ni tatouages ?
– Si. J'ai remarqué qu'il portait un tatouage : un serpent entoure son avant bras droit.
Le visage du détective s'illumina et je savais où il voulait en venir. Sans faire aucun autre commentaire à l'inspecteur, nous prîmes tous les trois la direction de l'hôpital où reposait le pauvre bougre. À la morgue, nous n'eûmes aucune difficulté à identifier l’inconnu. Il s’agissait bien d’une de nos anciennes connaissances, un certain Alfred Miller, palefrenier de métier. Nos chemins s'étaient croisés en 1888. À cette époque, le brave Alfred passait ses soirées dans un pub de Whitechapel, que nous fréquentions occasionnellement, Holmes et moi, pour le besoin d'une de ses enquêtes. Imbibé jusqu'aux os, Alfred quittait régulièrement les lieux en titubant pour retrouver son minable logement, un taudis qui se situait en bordure des berges.
C’est ainsi que, grâce aux informations que le détective avait bien voulu lui fournir, Lestrade avait conclu que le palefrenier, certainement ivre mort, avait trébuché sur des cordages qui traînaient sur le quai, puis était tombé dans la Tamise. Pour Scotland Yard, le cas du mystérieux noyé était ainsi bouclé et l'inspecteur le remercia chaleureusement de son aide précieuse. Nous ne lui en dîmes pas plus et le quittâmes rapidement. Mais Sherlock Holmes restait cependant assez sceptique sur les circonstances du décès, car il connaissait parfaitement bien l'individu en question. Pour des raisons bien précises, l'affaire de 1888 ne devait pas sortir des murs de Baker Street, et je m'étais alors engagé à n'en rien dévoiler à mes lecteurs. Mais aujourd'hui, il me serait très difficile d'évoquer cette aventure, sans vous en faire connaître les rouages initiaux. Six années se sont écoulées, de nouvelles preuves ont été découvertes et des faits importants se sont déroulés. Aussi, certain que la divulgation des détails de cette enquête ne pourrait plus nuire à quiconque, Sherlock Holmes n'émit aucune objection à ce que j'en rédige un récit détaillé.
En quoi cette histoire vieille de six ans était-elle susceptible d'apporter une explication à la noyade du palefrenier ? Tout en m'interrogeant, je ressortis mes notes et documents conservés précieusement depuis cette inoubliable nuit du 30 novembre 1888. À mon humble avis, seul Sherlock Holmes saurait répondre à cette question.
I
Une cliente particulière
img5.pngLa calèche, gentiment prêtée par Madame Cecil Forrester, filait dans la campagne anglaise encore toute fleurie. Je tenais les rênes. Mary Morstan, sa dame de compagnie, était assise à mes côtés. Je l'avais rencontrée au cours de l'enquête menée au printemps par Sherlock Holmes pour retrouver son père disparu dix années auparavant. Ma jolie fiancée portait sur ses genoux le panier de notre déjeuner. Les oiseaux gazouillaient, le soleil était au rendez-vous et nous cherchions un endroit ombragé pour nous poser...
– Watson, WAT…SON, insistait Sherlock Holmes, en me secouant vivement. Réveillez-vous, mon ami. RÉVEILLEZ-VOUS !
Contrarié par cette subite intrusion dans mon rêve bucolique, j’entrouvris un œil ensommeillé. Holmes tenait un bougeoir à la main. La flamme oscillait dans ma chambre obscure. Je saisis ma montre gousset posée sur la table de nuit.
– Que se passe-t-il, Holmes ? demandai-je, en le regardant allumer la lampe à pétrole qui se trouvait sur mon bureau, il est une heure moins vingt du matin !
– Si cela peut vous consoler, madame Hudson vient aussi de me sortir de mon lit. Notre brave logeuse a été tirée du sommeil par une cliente qui s’acharnait sur sa clochette d'entrée.
– Une cliente ? En pleine nuit ?
img6.png– Il y a urgence, fit le détective qui me tendait déjà ma robe de chambre, cette jeune personne a été poignardée. Je viens de l'installer dans la chambre d'amis.
Tel un ressort, je me dressai sur mon séant, puis sautai hors du lit. En passant ma robe de chambre, je saisis ma valise médicale. Le temps de chausser mes mules et je lui emboîtai le pas. Guidés par la lueur de ma lampe à pétrole que portait Sherlock Holmes, nous descendîmes prestement les escaliers. Je me précipitai aussitôt dans la chambre du rez-de-chaussée. Madame Hudson, encore toute retournée, se tenait assise auprès de la blessée. Elle me raconta qu’à peine le seuil de sa maison franchi, la jeune femme s’était évanouie dans ses bras.
– Elle... elle ne va pas bien du tout, docteur, se lamentait-elle la voix toute chevrotante. Elle n’a pas encore repris connaissance, et elle respire très mal et… elle...
– Ne vous inquiétez donc plus, madame Hudson. La demoiselle est entre de bonnes mains. Allez donc boire une bonne tasse de lait bien chaud et retrouvez vite votre lit douillet.
Holmes accompagna jusqu'à sa cuisine la vieille femme qui tenait à peine sur ses jambes, pendant que j'ôtai délicatement la redingote de la jeune blessée. Une large auréole écarlate se dessinait sur le devant de sa robe bleu ciel. Le coup de couteau avait été porté au niveau du flanc gauche juste sous son sein. Je la dévêtis dans la pénombre de la chambre insuffisamment éclairée par l’unique lampe à pétrole posée sur le chevet.
– Apportez moi de l'éclairage Holmes, je n'y vois pas assez, dis-je en couchant la blessée sur le côté.
Je délaçai le corset qui la serrait fortement, corset préalablement rembourré au niveau de la poitrine, ce qui miraculeusement avait dévié la lame du couteau vers le poumon. Mes yeux se posèrent ensuite sur un tatouage placé au niveau de son épaule gauche : c'était un petit cœur. Gladys for ever
était inscrit juste au dessous. Je l’allongeai doucement sur le dos. Son torse montrait une légère pilosité brunâtre. J'émis un murmure de stupéfaction quand glissa sur l'oreiller sa perruque blonde et frisée qui dévoila des cheveux bruns, coupés très court. J'appelai immédiatement Holmes.
– Son état se serait-il aggravé Watson ? demanda-t-il inquiet, en entrant dans la chambre avec ma grande lampe à pétrole.
– Non, non. Venez constater par vous-même, mon ami.
Surpris, comme je pouvais l’être, Holmes se tenait debout à mes côtés en tentant de m'éclairer de son mieux. Sans prononcer un seul mot, il fixa longuement le jeune homme, pendant que j’examinai attentivement sa blessure en procédant aux premiers soins.
– Il a eu beaucoup de chance, dis-je en rompant le silence. L’entaille est bien moins profonde que je ne le redoutais, et ce grâce à tous ses rembourrages. Je suppose qu’il peut dire merci également aux baleines du corset qui ont dévié la trajectoire de la lame du couteau, ce qui lui a providentiellement sauvé la vie.
– Il portait ce corset, avec ce laçage dans le dos ? s’étonna aussitôt le détective.
– Oui. Et comme il était fermement serré, j’ai eu un mal de chien à le dénouer, répondis-je en sortant de ma mallette un flacon de phénol dilué.
J'en imbibai une compresse. Une fois la plaie désinfectée, j'entourai le torse du blessé d’une large bande. Je poursuivis l’auscultation par un examen des yeux. Ses pupilles très dilatées attestaient qu’il se trouvait sous l’emprise d’une drogue. Le ralentissement de son rythme cardiaque, ses difficultés respiratoires ainsi que le malaise qui se prolongeait ne laissaient aucun doute sur ce diagnostic.
– Il a certainement dû la boire, précisai-je, car je ne décèle aucune trace de piqûres sur ses membres. Il pourrait éventuellement s'agir de laudanum, une drogue devenue médication, qui sous forme de gouttes, peut facilement être diluée dans un liquide. Mais dans l'état où il se trouve, je penserais à quelque chose de plus fort : un puissant narcotique ou une forte dose de morphine.
– Certainement pas une solution à 7%, fit Holmes, qui parlait en connaissance de cause ; il est sacrément sonné !
– Oui. Et si un fiacre l'a conduit jusqu'ici, c'est qu'il ne souhaitait pas se rendre à l'hôpital. Malheureusement, je crains qu'un vomitif à l'Ipéca ne puisse plus lui être d'un grand secours : la drogue, absorbée certainement depuis plusieurs heures, a déjà produit ses effets sur son organisme. En revanche, s'il s'agit d'une surdose de morphine, il est fort possible qu'il ait ressenti des nausées en chemin, bien avant de venir ici, ou même des vomissements. Avez-vous remarqué Holmes comme ses avant-bras et ses mains, toutes deux griffées sans doute par un chat, sont aussi irrités par endroits ? La manipulation d’un produit chimique est certainement la cause de toutes ces petites marques rougeâtres. Ce baume de mon ami français, le Docteur Camille Miot, atténuera ces irritations, dis-je en sortant un récipient de ma valise médicale. Il a eu la gentillesse de m'en faire parvenir quelques pots.
Intrigué, Holmes disposa la lampe sur un petit guéridon, en ajoutant trois gros livres pour la surélever, puis dirigea le halo lumineux à mon niveau. Pendant que je continuais à m'occuper du blessé, le détective examina longuement ses deux mains encore légèrement souillées par son sang.
– En effet, docteur, cela ressemblerait bien à des griffes de chat. Ses doigts sont longs et fins. Les ongles sont parfaitement bien entretenus et limés. Il ne s’agirait donc pas d’un travailleur manuel. Seul l’index gauche a été rongé. Un anxieux. Il ne fume pas, je n’y décèle aucune trace de nicotine. Vu la callosité située au niveau de son majeur droit et la tache d'encre encore visible, j'en déduirais que nous avons affaire à une personne qui écrit beaucoup.
– Il me semble bien jeune, lui dis-je, pas plus d'une vingtaine d'années. Un étudiant ? Peut-être est-il étudiant en chimie ?
– Peut-être ou peut-être pas. L’extrémité de ses doigts, en spatule, me ferait plutôt penser à un pianiste, quoi que…
– Un compositeur peut écrire des notes de musique pour les jouer ensuite, Holmes, cela se tiendrait !
Le détective demeurait dubitatif. Il récupéra les vêtements du blessé.
– Il se pourrait aussi, Watson, reprit-il en palpant la redingote, que cette personne rédige d’autres notes qu’il taperait ensuite sur une machine à écrire. Pas de papiers pour l'identifier, précisa-t-il déçu en continuant à fouiller dans toutes les poches. Regardez, se sentait-il menacé ? Un petit revolver se trouve dans la poche du manteau.
Holmes vérifia le barillet puis porta l'arme à son nez.
– Deux balles ont été tirées récemment.
Il monta au premier pour chercher dans son armoire de chambre une longue chemise de nuit en flanelle.
– En attendant qu'il émerge, mettez-lui ceci Watson, et donnez moi tout le reste de ses vêtements. Je vais tenter de les faire parler... en espérant qu'ils m'en diront un peu plus sur le personnage. Cette énorme tache brunâtre qui recouvre tout le bas du manteau m'interpelle.
Il la sentit puis grimaça.
– C'est une sacrée tache, remarquai-je. Il s'est sans doute étalé dans de la boue au cours de son agression.
– Si jamais je trouve des choses intéressantes, je viendrai vous en faire part, docteur, rajouta-t-il en grimpant vivement les dix-sept marches qui menaient à son salon.
La chemise passée, j’appliquai des compresses d’eau fraîche sur le visage du jeune homme qui semblait endormi profondément, ne réagissant même pas aux sels que je lui faisais respirer. Je l'auscultai à nouveau. Les battements de son cœur reprenaient un rythme normal, ainsi que sa respiration : il était hors de danger. Je pris place dans la bergère qui se trouvait au pied du lit. Le sommeil commençait à me gagner quand la voix de mon ami me réveilla une nouvelle fois...
– Regardez, docteur, il doit s'agir de vêtements de location, dit-il en retournant la robe. Voyez par vous-même : un morceau de papier partiellement taché est fixé au bas de l’ourlet. Numéro 187 à la Royal...Company, décrypta-t-il. Il y a tout lieu de penser que tous ces vêtements proviennent de la Royal Shakespeare Company. J'ai déjà eu l'occasion d'y louer des costumes de scène pour mener certaines de mes enquêtes et je peux vous assurer que l’établissement n’est pas bon marché. Les bottines proviennent aussi du même endroit.
– Portait-il un chapeau quand madame Hudson l'a accueilli ?
– Non. Ce qui est surprenant. En général ces dames ne sortent jamais sans leur couvre-chef. Il l'a sans doute égaré au cours de l'agression.
– À quel jeu jouait-il, habillé de la sorte, vêtu en belle de nuit et armé ? m'étonnai-je, en regardant le blessé qui dormait profondément. Aucune pièce d’identité. Pas de sac à main.
– Effectivement docteur, ce jeune homme est un mystère à lui tout seul. Si nous ne parvenons