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Trois nouvelles sur l'enfermement
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Livre électronique123 pages1 heure

Trois nouvelles sur l'enfermement

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À propos de ce livre électronique

Trois nouvelles sur l’enfermement.

Dans « L’escalier » qu’est-ce qui pousse les êtres humains à grimper ainsi sans fin ? Le désir ? La nécessité ? La fatalité ?
Si l’escalier eût pu parler, voilà ce qu’il aurait dit : J’en ai marre ! mare ! mare ! et plus qu’assez ! J’en ai marre de voir passer tous ces gens sans cesse ! Quoi ! Ils ne respectent même plus mon repos la nuit et ils n’ont de cesse de grimper, grimper, sans arrêt ! Qu’ils prennent donc l’ascenseur afin que je me repose un peu ! Mais non ! personne ne veut plus y aller, dans l’ascenseur, depuis que...
La deuxième nouvelle, « La statue de sel », évoque cet enfermement dans la perfection qui va pousser Paul Dubost à commettre un crime parfait. Non pas celui qui épargne au criminel sa condamnation, mais le crime parfait du point de vue esthétique...
La troisième nouvelle, « Ganesh », vous invite au restaurant et à y faire connaissance avec le bel Anselme, un bellâtre infatué de sa personne, enfermé dans un narcissisme mortel...
LangueFrançais
Date de sortie14 mars 2017
ISBN9782312050850
Trois nouvelles sur l'enfermement

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    Aperçu du livre

    Trois nouvelles sur l'enfermement - Eric Brès

    978-2-312-05085-0

    Présentation

    « Trois nouvelles sur l’enfermement » contient, en premier L’ascenseur qui convoque l’humanité à rester enfermée dans une cage d’escalier, condamnée à grimper sans cesse et sans but, sauf en ce qui concerne Till Keller, le facteur chargé de remettre un pli recommandé à Mlle Zoé. Au fil des rencontres étranges et oppressantes, il n’aura finalement qu’une dernière envie : s’échapper !

    La deuxième nouvelle La statue de sel évoque le cas de Paul Dubost, un médecin épris de perfection, à tel point qu’il en vient à commettre un crime parfait. Non pas celui qui lui permettrait d’échapper à la Justice, mais celui qui est esthétiquement parfait. Enfermé dans la prison d’Avignon, il en ressortira pour s’enfermer dans une statue de sel, inerte. Jusqu’au jour où Shakti…

    La troisième nouvelle Ganesh vous invite au restaurant et à y rencontrer le bel Anselme, un bellâtre infatué de sa personne, enfermé dans un narcissisme mortel.

    L’escalier

    Il s’appelle Till Keller. C’est un jeune gars plein d’énergie, musclé, résistant, et tout, et tout. Il travaille à La Poste ; il est chargé de remettre les colis quand ils sont envoyés en recommandé avec accusé de réception. C’est-à-dire qu’il doit les remettre en mains propres, faire signer le récipissé au récipiendaire, qui par là même prouve qu’il l’a bien reçu. Le colis. Ce jour-là, d’une banalité extrême, il doit se rendre au numéro 13 de la rue de, un immeuble bâti à la fin du siècle, pas celui-là : l’autre, avec balconnet et pignon sur rue, bourgeois, dans un quartier chic, dans une rue passante, sans problèmes. Till Keller est facteur. Il a un pli recommandé à remettre à Mlle Zoé Zyberman. Il est venu très tôt ce matin, car il compte bien finir très tôt son travail. Cet après-midi, il a rendez-vous avec ses amis du club de foot. Ils vont aller au stade municipal taper dans le ballon. Il est arrivé devant cet immeuble. Pas de numéro. Il a supposé être au bon endroit. Il a sonné au hasard. Un petit bruit sec et métalique a retenti. Sur le palier, il faisait sombre. Ses yeux mirent quelques instants à s’accommoder. Puis il vit un ange furtif passer. Il s’est retourné : l’ange était passé. Seule demeurait la traîne de son parfum qui… Ne sachant pas trop, il monte vers le premier étage, il grimpe les marches quatre-à-quatre, pressé de finir son boulot, et de rejoindre ses amis, pour jouer au foot-ball. Arrivé au 1e, personne. Il regarde les sonnettes. Pas de nom. Silence. Till reprend son ascension.

    Il s’appelle Max. Son truc à lui, c’est de séduire Germaine, une quasi-centenaire qu’il a repérée à son allure trainante, et comme Max a à peu-près le même âge, et qu’il n’a plus l’occasion de draguer les filles comme il le faisait jadis devant l’institut Valsainte, dans la rue juste à côté, quand elles sortaient et qu’elles profitaient d’un peu de temps libre avant de rentrer chez papa-maman, alors Max en profite. Il voit Germaine hésiter à traverser la rue ; elle s’arrête ; elle tente de redémarrer, hésite encore… Son courage revenu, elle reprend sa marche, tapotant de sa canne le bord du trottoir qui… Comment va ma chérie ?… C’est Maxime « Max » Lagoutte qui l’interpelle, juché sur ses deux cannes, le sourire aux lèvres, qui démasque son unique dent, qui orne, éclatante, sa large figure rubiconde. Mais Germaine fait semblant de ne point avoir entendu. Bénéfice de l’âge qui fait croire que… alors que… Germaine poursuit son chemin vers les arènes et, péniblement, parvient à la première intersection. Danger. Traverser. Problème. Elle lève alors sa canne d’un air sévère et elle s’élance à l’aventure, suivie de quelques longueurs derrière elle par Max « Maxou », à qui on ne la fait pas… Et Max accélère, et il se rapproche de Germaine, les deux coureurs sont côte-à-côte, mais Germaine reprend l’avantage, une voiture coupe le trajet de Lagoutte, Ce con ! Il écraserait un estropié !… hurle l’homme, qui perd du terrain à rouspéter ainsi, et pendant ce temps-là Germaine a repris de l’avance, elle tire sur ses jambes, appuie sur sa canne, son esprit est tout pris, sa respiration cadencée s’essouffle, ses pulsations, régulières, s’accélèrent, tandis que Max est au plus mal, il perd de la distance, Ho ! Mais dites-donc !… Une énergie toute masculine l’anime et mobilise tout ce qu’il reste à mobiliser, tout ce qui lui reste de muscles, tendons, veines, veinules ; son pas s’accélère, il se balance sur les deux cannes, il fait des petits bonds de kangourou, il progresse !, l’écart se resserre, il va la rattraper, Germaine faiblit, sa vitesse décroit, l’homme rattrape la femme devant l’agence de Dubon, l’assureur marron, à quelques mètres du no 13 ; Ma chérie ! Ma chérie ! Quelle allure !… et Germaine, confuse, en colère contre elle et son grand âge, contre son manque d’agilité et de vitesse, bien obligée de lier conversation, ne trouve rien à dire, entre deux spasmes et trois sanglots, et puis si !, elle dit Et bien monte donc boire l’apéro ! Il y a un ascenseur, tu prendras bien l’ascenseur !… Germaine rentre dans le hall ; elle appelle l’ascenseur. En panne ! Décidemment, ce n’est pas son jour ! Elle traine ses cent ans en grimpant péniblement les deux étages de l’escalier. Putain d’escalier !… dit-elle à chaque fois quand se dressent devant elle les marches rutilantes qui mènent à… Et puis la rampe, trop grosse, trop haute, trop loin… Elle préfère s’appuyer sur le mur, et monter tout doucement les deux étages jusqu’au palier. Et souffler. Essoufflée. Son voisin, un type bizarre doté d’un nom impossible, a mis sur le pas de sa porte un immense yuka qui encombre le passage et pompe toute la lumière. Sa copine – ils ne sont même pas mariés !… mais que veux-tu ma vieille !… c’est comme ça maintenant !… ils ne se gênent plus, et ça fornique à tout va… lui répond Max qui peine à… – sa copine a foutu son camp !… Foutu le camp, ma chérie, le camp !… rigole Max, en dévoilant sa dent… Comme tu veux ! Mascarelle !…

    L’escalier s’appelle cage. Une cage posée au-dessus d’eux, mais personne ne peut voir le haut de la cage. Y-a-t-il un plafond ? Du plafond on ne voit rien, rien qu’une zone d’ombre lointaine. Et d’ailleurs jamais personne ne regarde vers le haut. Tout le monde finit par regarder ses pieds, à force d’ahaner et de souffler ; parfois certains s’arrêtent pour souffler un peu ; et là ils regardent par-dessus la balustrade. Germaine regarde vers le bas et elle voit le colimaçon qui s’enfonce loin, loin, très loin, à l’infini, vers le bas qu’elle a quitté, mais qui lui est désormais impossible à reconnaître. En face d’elle, à quelques mètres, l’escalier descend vers le sous-sol, caché derrière les grilles de la rambarde qui… Vide, seul, silencieux… Elle tourne alors son regard vers le haut ; elle tourne sa tête, la porte en arrière ; elle est prise d’un vertige ; elle ne voit pas le haut. Elle se raccroche à la rampe ; ses jambes lâchent ; elle s’assied sur les marches ; et elle se rappelle. Ça va, ma chérie ?… Pas trop !… Pourquoi tu ne prends pas l’ascenseur ?… Il est en panne ! Ce n’est pas mon jour…

    Il y a un palier à atteindre, avec, sur ce palier, un grand appartement fait de pièces si grandes que les enfants jouent dedans comme s’ils étaient dans une cour d’école. Dans l’appartement résonne le bruit de leurs pas, de leurs bonds, de leurs criailleries… jeux de ballon, courses, énergie jubilatoire des jeunes qui… Germaine s’en était plaint toute sa vie, et maintenant qu’elle avait atteint ce palier, elle aimerait bien les voir, au moins une fois dans sa vie, ces enfants qui… Elle sonne. Le brouhaha continue. Elle re-sonne encore une fois, cette fois-ci en frappant la porte avec le bout de sa canne. Toc ! Toc ! Toc ! C’est la toquée qui toque, ouvrez ce portique !… Germaine a retrouvé sa voix de soprano, la porte s’entrouvre, le vacarme des pas diminue, une petite tête frêle, pleine de taches de rousseur, un air de Pierrot lunaire, ou de Petit Prince, Qu’est-ce que c’est ! Maman n’est pas là !… Laisse-moi rentrer !… Mais Maman m’a interdit de… C’est moi, c’est Germaine, je suis fatiguée de monter sans cesse cet escalier, j’aimerais bien faire une pause, et me reposer… Alors l’enfant lui ouvre la porte, et Germaine est entrée. Dans le grand appartement, le calme tout-à-coup. Tous les enfants sont agglutinés dans le hall, pressés de voir enfin le visage de la Toquée qui toque tout le temps en donnant des coups de balai au plafond. Certains ne peuvent réprimer une grimace de dégoût en voyant ce visage décrépi, ces rides qui creusent les joues, ces cheveux qui ne persistent que ça et là sous forme de touffes, ce sourire qui n’en n’est plus un, un rictus de sorcière, plusieurs fillettes s’enfuient dans le fond de l’appartement en criant Une sorcière ! Une sorcière !… Germaine reste sur le seuil de la porte ; elle sourit de toute sa dent, la seule qui lui reste, Bonjour les enfants !… Elle avance dans le hall, canne en avant, Comment ça va ?… Elle continue sa progression, Vous aurez bien un fauteuil pour moi !… Les enfants se sont tous enfuis, qui dans la cuisine, qui dans les chambres. Les fillettes effarouchées se sont enfermées dans la salle de bains ; le silence s’installe, comme quand on joue à loup-y-es-tu… Germaine quelque peu désemparée continue à avancer. Elle tâte le sol du bout de sa canne. Brinquebalante et vaille que vaille. Sur sa droite, c’est la cuisine. Elle y entre. Trois figures furtives se dérobent. Germaine avance et se dirige vers la table. Tire une chaise. Grincement de la chaise qui. Germaine s’assoit dessus et elle s’installe. Vous me donnerez bien un café !… Mais personne n’est là pour entendre son souhait. Germaine reste assise,

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