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« En avant avec joie »: Capitaine Adrien Moulis, « Beau chef de guerre »
« En avant avec joie »: Capitaine Adrien Moulis, « Beau chef de guerre »
« En avant avec joie »: Capitaine Adrien Moulis, « Beau chef de guerre »
Livre électronique354 pages4 heures

« En avant avec joie »: Capitaine Adrien Moulis, « Beau chef de guerre »

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À propos de ce livre électronique

Officier de légende chez les Tirailleurs marocains, Adrien Moulis a mené une vie de baroudeur hors du commun qui a vu un simple soldat, engagé volontaire en 1935, arriver au grade de capitaine couvert de blessures et de décorations après 27 années de combats.
Mais la vie d’un militaire, fût-elle glorieuse, ne se résume pas aux actes qui la jalonnent. Elle est aussi le fruit de rencontres. La plus importante pour lui fut celle de Micheline Allène en 1959, qui allait rapidement devenir son épouse et la mère de ses quatre enfants.
Ce livre retrace une partie de l’histoire de trois familles aux destins croisés : les Moulis, au travers de l’épopée d’Adrien ; les Allène et les Muteau, que les choix enthousiastes de leurs ancêtres au tempérament de pionner ont amené à vivre des évènements douloureux comme le déracinement de leur pays natal, l’Algérie, terre d’élection du patriarche François Allène en 1841, un lozérien d’origine arrivé avec les troupes du général Bugeaud.
Ce livre est également un hommage aux soldats français et à ceux d’Afrique du Nord, notamment les Tirailleurs Marocains.
LangueFrançais
Date de sortie21 nov. 2016
ISBN9782312048956
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    Aperçu du livre

    « En avant avec joie » - Bernard Cazeaux

    cover.jpg

    « En avant avec joie »

    Bernard Cazeaux

    « En avant avec joie »

    Capitaine Adrien Moulis,

    « Beau chef de guerre »

    LES ÉDITIONS DU NET

    126, rue du Landy 93400 St Ouen

    Romans parus aux Éditions du Net

    Pareille à la feuille morte.

    Le jour où Pépé a passé l’arme à gauche.

    Mauvais numéro.

    Au nom du Bien

    Roman Fantasy : Cycle Malthéas

    Malthéas Tome 1 – Les Briseurs d’âmes.

    Malthéas Tome 2 – L’enfant des rêves.

    Malthéas Tome 3 – La traque.

    Malthéas Tome 4 – L’épreuve.

    Malthéas Tome 5 – Les grottes d’Alfodus.

    Malthéas Tome 6 – Les voiles noires de Xarés.

    © Les Éditions du Net, 2016

    ISBN : 978-2-312-04895-6

    « En avant avec joie »

    Si j’ai choisi pour titre de ce livre la devise du 4e R.T.M., c’est aussi pour rendre hommage à tous les anciens camarades et les compagnons d’armes anonymes d’Adrien Moulis, soldats FSE (français de souche européenne) et FSAN (français de souche d’Afrique du Nord) comme on les appelait, qui ont combattu à ses côtés.

    De plus, il me semble que cette devise convient également à la famille Allène dont les ancêtres, notamment François qui en 1841 a posé le premier le pied sur le sol de cette Algérie qu’ils aimaient tant, sont eux-aussi allés « En avant avec joie » pour transformer au fil des années un lopin de terre désertique, où rodaient maladies et autres dangers nombreux et variés, en une propriété rentable où il faisait bon vivre.

    À tous donc !

    Avertissement

    Je ne suis pas historien et n’ai aucune prétention à le devenir à cette occasion. Ce livre n’est donc pas un livre d’Histoire, mais un livre d’histoires.

    Ceci résulte d’un choix découlant du but initial recherché : écrire un livre d’histoires afin de conserver la mémoire des personnes et des familles. Personnes qui, par leurs actes conscients et inconscients et les hasards heureux et malheureux de leurs vies, ont quand même participé à l’écriture de pages de l’Histoire.

    Malgré tout il appartient au lecteur d’aborder ces récits avec l’œil d’un historien. Par là j’entends qu’il ne faut en aucun cas regarder et juger de manière péremptoire les évènements survenus au cours de ces vies, à travers les lunettes conceptuelles de notre époque. Pour tenter de comprendre et non de juger, notamment pour les pages concernant l’Algérie et l’Indochine, il est nécessaire de « recontextualiser » ces évènements en tenant compte de l’époque, de la situation politique du pays et de la pensée politique ; des relations personnelles, du niveau d’information et d’instruction dont disposaient les populations. Il ne faut donc chercher dans ce livre aucune volonté de nier, de cacher, d’excuser, de convaincre ou de se repentir de quoi que ce soit. On y trouvera simplement ce qu’ont vu, perçu et vécu des personnes embarquées malgré elles dans l’Histoire à différentes époques.

    Prologue

    Le 19 janvier 2010 eurent lieu les obsèques d’Adrien Moulis, dont le véritable prénom à l’état civil était Dieudonné. En se présentant devant l’église Saint-Volusien de Foix dans l’Ariège, certains habitants furent étonnés de la présence de militaires du 1er R.C.P. (régiment de chasseurs parachutistes) de Pamiers installés devant l’entrée de l’église pour rendre les honneurs à Adrien dont le cercueil était recouvert du drapeau français. De nombreux responsables militaires du département étaient également présents. Le général d’armée Michel Roquejeoffre, retenu à Paris par des obligations, avait envoyé un courrier pour présenter ses condoléances en regrettant de ne pas pouvoir se joindre à l’hommage.

    Tout le monde ou presque savait qu’Adrien Moulis avait été militaire de carrière, mais très peu de personnes connaissaient la réalité de cette carrière qui a vu un simple soldat, engagé volontaire en 1935, arriver au grade de capitaine après une vie de baroudeur hors du commun. Pourquoi cet honneur réservé à Adrien le jour de ses funérailles ? Tout simplement parce que cet honneur lui était dû, car le 8 mai 2007 il avait été élevé à la Dignité de Grand Officier de la Légion d’honneur par le général d’armée Michel Roquejeoffre, lequel avait commandé l’opération Daguet lors de la première guerre du Golfe. Une distinction, comme me le confia alors le général Roquejeoffre, qu’Adrien aurait dû recevoir bien plus tôt puisque son élévation au grade de Commandeur datait de 1969. Mais tout le monde n’est pas un prince d’Arabie-Saoudite, un sportif ou un artiste « engagé »… Adrien, lui, avait pourtant fait plus pour la France, comme tant d’autres oubliés ou laissés pour compte ; « ces petits, ces obscurs, ces sans grades » dont parle si bien Edmond Rostand dans l’Aiglon ; ou encore ces « Centurions » comme les nommait Pierre Schoendoerffer dans ses livres.

    À l’occasion de cette cérémonie, le colonel Jean Mauger fit découvrir aux personnes présentes au repas et à sa famille, quelques éléments de cette vie militaire dont Adrien ne parlait guère. Lors de ses funérailles, le colonel Jean Mauger, très ému, fit à nouveau l’éloge de celui qu’il respectait, et rappela ainsi à l’assistance quel homme et surtout quel militaire avait été réellement Adrien Moulis. Nul doute pour lui qu’à l’époque des guerres napoléoniennes, Adrien aurait terminé Maréchal d’Empire car, si avant de nommer un officier général l’Empereur s’inquiétait toujours de savoir s’il avait de la chance, Adrien, lui, outre un courage et une résistance hors normes, avait incontestablement la baraka. Et même s’il n’a pas été épargné par les blessures, de la baraka il lui en a fallu car, fait rare, sur ses 27 années de carrière militaire, il a passé 13 ans et demi sur des théâtres d’opérations, toujours dans des régiments d’élite voués aux premières lignes.

    À la sortie de l’église, les officiers qui se trouvaient là, dont le jeune lieutenant qui commandait le détachement rendant les honneurs – un officier déjà bien décoré pour des faits d’armes en Afghanistan et ailleurs, comme les parachutistes qu’il commandait – me firent part de leur étonnement et de leur respect pour Adrien et son exceptionnelle carrière militaire.

    Mais la vie d’un militaire, fût-elle glorieuse, ne se résume pas aux actes qui la jalonnent. Elle est aussi le fruit de rencontres. La plus importante pour lui fut celle de Micheline Allène en 1959, qui allait rapidement devenir son épouse et la mère de ses quatre enfants.

    Au travers de ce modeste travail de mémoire que j’ai voulu mener à partir d’éléments historiques collectés, de propos recueillis auprès d’Adrien, heureux de me les communiquer malgré les lacunes dues à une mémoire qui s’émoussait, et de témoignages familiaux comme ceux de Micheline Moulis et Régine Muteau (sœurs nées Allène), j’ai tenté de retracer une partie de l’histoire de trois familles aux destins croisés : les Moulis, au travers de l’épopée d’Adrien, mais également les Allène et Muteau, que les choix enthousiastes de leurs ancêtres au tempérament de pionner ont amené à vivre in fine des évènements douloureux comme le déracinement de leur pays natal, l’Algérie, terre d’élection du patriarche François Allène en 1841. Ce Lozérien d’origine, arrivé avec les troupes du général Bugeaud, choisit de s’installer à Saïda où il fut le premier français à apparaître en 1851 sur le registre des mariages de la ville qui n’en était pas encore une à l’époque.

    Cet ouvrage tente de raconter partiellement les vies et le hasard qui les a gouvernées. Ce n’est pas un roman. Il est difficile de tenir une chronologie exacte et de donner une fluidité totale au récit. Il s’apparente donc à une mosaïque dans laquelle les familles, les époques et les évènements s’entremêlent pour restituer la réalité telle qu’elle fut vécue par celles et ceux qui en ont été et en sont encore les actrices et les acteurs, afin d’essayer de maintenir vivante leur mémoire pour les générations futures.

    L’élément déclencheur de ce travail a été Adrien Moulis et sa brillante carrière militaire. Dans cet ouvrage on trouvera donc principalement des éléments ayant trait aux campagnes qu’il a menées et pendant lesquelles il s’est illustré de manière glorieuse. J’ai tenu à rapporter du mieux possible les combats auxquels Adrien a participé pour que chacun puisse mieux appréhender ce qu’il a enduré à l’époque avec ses compagnons d’armes ; combats qui se sont tous soldés pour lui par des décorations, citations et blessures qui témoignent de son courage, de sa volonté et de son engagement exemplaires.

    Peu de personnes imaginent la dureté des combats et les conditions souvent dantesques dans lesquelles ils ont été menés. Les témoignages des participants sont éloquents et nécessitent d’être lus pour tenter d’imaginer l’enfer dans lequel ont plongé sans rechigner les troupes françaises ; notamment en Italie, rachetant ainsi la défaite d’une campagne de France durant laquelle ces mêmes hommes n’avaient pas failli, mais avaient subi l’humiliation de la défaite malgré leur sacrifice.

    Puis suivront l’éprouvante guerre d’Indochine et celle d’Algérie qui ont laissé des traces douloureuses et indélébiles dans la mémoire de ceux qui, civils et militaires, les ont vécues. Les témoignages de Micheline et de Régine, qui a vécu avec son époux Roland Muteau des épreuves angoissantes, ainsi que celui de Reine, apportent un éclairage particulier et personnel sur ce que fut le quotidien de nombreux pieds-noirs durant la guerre d’Algérie.

    J’ai donc tenté de conter cette aventure, pour ne pas dire cette épopée, comme le suggérait le rédacteur de l’article de la Dépêche du Midi qui, suite à l’élévation d’Adrien au grade de Commandeur de la Légion d’honneur, écrivait le 5 mars 1969 :

    […] « Cette vie de soldat jalonnée de faits d’armes et de blessures, de récompenses acquises sur les champs de batailles est belle et dense comme une légende brodée sur les trente dernières années de l’histoire de notre pays. Elle mériterait d’être contée dans ses détails pour les traits de bravoure de celui qui a été qualifié de Beau chef de guerre par un général de division lui décernant une splendide citation, ayant sa place dans l’odyssée moderne de nos armées. […]

    Élevé au grade de Commandeur de la Légion d’honneur le 14 février 1969, le capitaine Moulis est de ceux dont le pays peut s’enorgueillir et qui doivent servir d’exemple aux générations à venir. L’Ariège peut être fière de ce fils, véritable héros qui s’est retiré à Foix avec sa charmante épouse et leurs quatre enfants dont l’aîné a 7ans.

    Dans sa coquette villa Aux Coumes, le baroudeur veille sur ses enfants et cultive les roses avec la sagesse de celui qui a beaucoup donné et dont la cravate de Commandeur élève au plus haut rang des bons soldats et des bons serviteurs de la patrie.

    À nos compliments les plus vifs pour cette distinction, nous joignons nos vœux les plus sincères de très longue et paisible retraite ainsi que nos souhaits de prospérité pour les petits qui pourront se vanter d’avoir un si exceptionnel et glorieux papa. »

    Au fil de mes recherches, je faisais régulièrement part à Hélène de mes découvertes sur les campagnes et les épreuves subies par Adrien, son « si exceptionnel et glorieux papa ». Sa réaction fut de me dire : « Qu’est-ce qu’il devait penser de nous [ses enfants] quand nous nous plaignions pour rien ? »

    Installé au bureau qui fut celui d’Adrien, j’espère qu’il me donnera l’inspiration pour réaliser du mieux possible ce travail de mémoire et porter ses exploits à la connaissance de tous.

    En espérant que, s’il était encore là, Adrien me gratifierait d’une voix forte de son expression favorite qui amusait tout le monde, son célèbre : « C’est bien ! »… et surtout, que Cannelle ne dirait pas non !

    (Cannelle était sa petite chienne caniche qui passait sa vie avec lui, et à laquelle il imputait ses propres refus).

    Adrien Moulis

    – Grand-Officier de la Légion d’honneur

    – Croix de Guerre 39-40 : 2 citations

    – Croix de Guerre 39-45 : 3 citations avec attribution de la Médaille Militaire

    – Croix de Guerre T.O.E. : 8 citations avec attribution de la Légion d’honneur (Chevalier), puis promotion de la Légion d’honneur (Officier)

    – Croix de la Valeur Militaire : 2 citations

    Soit un total de 15 citations dont 9 avec Palme (à l’ordre de l’Armée)

    – Médaille Militaire

    – Médaille des évadés

    – Croix de la Vaillance avec Étoile de Bronze

    – Officier de l’Étoile Noire

    – Médaille coloniale avec agrafe Extrême-Orient

    – Médaille commémorative Indochine

    – Médaille commémorative A.F.N.

    Quatre fois blessé :

    – 11 juin 1940 à Reims (France)

    – 13 mai 1944 au Mont Faito (Italie)

    – 13 avril 1953 à Quan Dao (Indochine)

    – 14 janvier 1958 à Berthelot (Algérie)

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    Dieudonné Moulis dit Adrien

    Dieudonné, que tout le monde appelle Adrien, nait le 20 octobre 1915 à Fougax-et-Barrineuf dans l’Ariège.

    Fils de François Moulis, né le 13 janvier 1868, et de Anne Labatut, née en 1874, il est le septième enfant du couple. Il se retrouve donc dernier enfant d’une fratrie composée de trois filles et quatre garçons. Dans la famille, les enfants portent en général un prénom qui n’est pas celui de l’état civil mentionné entre parenthèses :

    Marinette (Marie, Rose) 1902

    Adeline (Joséphine) 1904

    Victorin (Jean-Baptiste, Louis) 1905

    Marcelle (Marcelline, Thérésine) 1907

    Augustin (François) 1911

    Albin (décédé à sept mois) ?

    Adrien (Dieudonné) 1915

    Outre le décès en bas-âge de son jeune frère qu’Adrien n’a pas connu, sa sœur Adeline décède assez jeune en 1937, d’une « maladie d’amour », comme il se dit à l’époque…

    Puis survient le décès de son frère Augustin, le frère qui le précédait et qu’il aimait beaucoup. Ce dernier est tué à la guerre le 2 mai 1945 dans un lieu inconnu d’Allemagne.

    Son frère aîné Victorin, engagé lui aussi dans l’armée, est envoyé au Maroc avec les troupes du Maréchal Lyautey. Il est blessé au cours de la campagne de France en 1940.

    Ses parents, agriculteurs, exploitent une petite ferme située dans la montagne au-dessus de Fougax-et-Barrineuf, au hameau du Pla de Narré. Les conditions de vie sont rudes. Le rez-de-chaussée de la ferme est dévolu au bétail, ce qui offre un chauffage au logement qui se trouve à l’étage. Les conditions de travail sont également très difficiles. Outre le travail de la ferme insuffisamment rémunérateur, François Moulis exerce le travail de débardeur pour les scieries alentour.

    Avec les parents, les filles de la famille assurent la plus grosse part du travail. Elles débardent comme des hommes et s’occupent des bêtes et des travaux des champs. L’expression « accoucher derrière la charrue » n’est pas vaine pour la mère, Anne, qui, sitôt après avoir accouché de ses enfants, reprend le travail.

    Adrien est un enfant chétif dont la santé inspire des inquiétudes. Sa grande sœur Marinette prend soin de lui et adopte une technique particulière pour lui faire ingérer la nourriture. Comme il le disait lui-même, il a été nourri dès son plus jeune âge au « mastagou », c’est-à-dire qu’avant de la lui donner, elle mâchait sa nourriture pour qu’il puisse l’absorber. Finalement il s’en sort et mène une vie heureuse de petit enfant dans une ferme, entouré d’animaux, notamment de son chien Pompon qui monte en sa compagnie un âne avec lequel ils vont chercher l’eau qui se trouve à bonne distance de la ferme. Comme le dit Reine, la fille de Marinette, compte tenu des difficultés d’approvisionnement il fallait économiser l’eau, et la lessive se faisait rarement. Quant à l’enfance « heureuse » d’Adrien, il faut dire qu’il ne connaissait rien d’autre.

    Si ses parents sont illettrés, son père veille à ce que ses enfants aillent à l’école. Quand on dit ses enfants, il faut préciser qu’il s’agit des garçons pour lesquels il estime qu’ils doivent « se faire une situation ». Les filles, elles, ne vont à l’école primaire que lorsqu’il y a de la neige qui empêche les travaux de la ferme, sinon, elles travaillent à la ferme et au débardage. Lorsque les filles vont à l’école, elles partent avec une omelette entre deux morceaux de pains que la maîtresse fait réchauffer à midi sur le poêle de la salle de classe. Elle libère ensuite les filles à 16 heures pour qu’elles puissent remonter à la ferme avant la nuit.

    Mais pour Adrien qui est le petit dernier, aller seul à l’école primaire depuis la ferme n’est pas une mince affaire. L’école se trouve à Fougax-et-Barrineuf. Pour s’y rendre il faut parcourir plusieurs kilomètres à travers la forêt, parfois avec une neige profonde durant l’hiver ; sans compter que le trajet qui s’effectue à cette époque avec la nuit n’est pas rassurant. Il n’est pas le seul enfant dans ce cas, et l’instituteur leur laisse la salle de classe ouverte à midi pour pouvoir prendre à l’abri le déjeuner que chacun apporte chaque matin. Peut-être l’omelette entre deux morceaux de pain comme ses sœurs avant lui ?

    Le retour le soir après l’école est plus dur encore car il faut remonter jusqu’à la ferme. Sans doute est-ce là qu’il a acquis dès son plus jeune âge son endurance, a forgé sa volonté et appris à dominer sa peur.

    Une fois les études primaires terminées, il est mis en pension au collège de Mirepoix, comme ses deux frères avant lui.

    À l’âge de 20 ans il s’engage dans l’armée par devancement d’appel le 21 octobre 1935.

    Il est affecté au 3e R.T.M. (régiment de tirailleurs marocains) d’Épinal dans les Vosges.

    Il est nommé au grade de caporal le 1er mai 1936 et au grade de caporal-chef le 1er janvier 1937.

    Il est rengagé pour deux ans au titre du 3e R.T.M. le 11 juin 1937 ; à l’Intendance de Saint-Dié à compter du 15 octobre 1937.

    Il est nommé sergent le 1er novembre 1937.

    Il suit des cours de langue arabe dispensés par l’armée qui forme ses cadres en vue de leur départ dans les colonies.

    Il est rengagé pour deux ans et six mois à compter du 15 octobre 1939, et désigné pour servir au Maroc le 8 juin 1939.

    Il embarque à Marseille le 9 juin 1939 et débarque à Casablanca le 12 juin 1939.

    Il est affecté au 4e R.T.M. le 13 juin 1939.

    L’ANNÉE 1937

    Cette année 1937 verra un certain nombre d’évènements dramatiques pour la famille.

    Le père, François Moulis, aime jouer aux cartes. Il descend parfois le soir à Fougax-et-Barrineuf pour retrouver des compères.

    Un soir, tandis qu’il remonte à la ferme, il a le sentiment d’être suivi par un ou plusieurs individus qui doivent supposer qu’il est porteur d’une somme d’argent gagnée aux cartes. Il parvient à regagner la ferme et s’en tire avec une bonne peur.

    Mais François Moulis est aussi un roublard.

    Un soir (hélas on ne sait plus quand), veille d’une vente aux enchères de parcelles de forêt, il se retrouve autour de la table de jeu avec ses « amis ». Chacun discute de la vente du lendemain en s’inquiétant de ne pas perdre les parcelles qu’il convoite, et s’entend avec les autres pour s’assurer que chacun aura ce qu’il veut lors des offres. François ne dit rien. Devant son mutisme ils l’interrogent.

    « Et toi François, tu n’as pas peur pour tes parcelles ?

    – Non, il n’y aura pas d’offre pour mes parcelles », dit-il de manière énigmatique.

    Et pour cause !

    Avant la vente aux enchères, il a emprunté de l’argent à quelqu’un du village, monsieur Peyre, et a acheté toutes les parcelles. Il ne reste rien pour les autres. Autant dire que lorsque ses compagnons de cartes découvrent le lendemain qu’ils se sont fait gruger par lui (couillonner comme on dit dans le sud-ouest), il ne peut plus les compter parmi ses amis.

    Mais comme il n’a pas l’argent et qu’il doit rendre celui qu’il a emprunté pour cette opération, dès le lendemain matin il envoie ses filles à la foire du village pour vendre ses vaches afin de rembourser le prêteur avec le produit de la vente. Les filles descendent donc de la ferme avant le lever du jour par les chemins de montagne, avec les vaches tenues au licol. Comme il l’espérait, la vente des vaches lui permet de rembourser sa dette.

    En revanche, s’il a gagné des terres, il a aussi gagné des inimitiés, et cette affaire ne restera hélas pas sans conséquences.

    Le jour du mariage de Marinette avec Jean Garros, le 26 octobre 1937, la ferme brûle entièrement pendant l’absence de la famille. Il n’y aura jamais de preuves contre quiconque, mais cet incendie n’a rien d’accidentel. Il est fort probable qu’il soit le fruit d’une vengeance qui prend sa source dans l’affaire des parcelles de forêt.

    Une année 1937 bien difficile, puisque quelque temps avant cet incendie a lieu le décès d’Adeline qui n’a que trente-trois ans.

    France : 1939-1940

    INTRODUCTION

    Pour beaucoup de français, la période allant du 3 septembre 1939, date de la déclaration de guerre par la France et la Grande-Bretagne à l’Allemagne, au 10 mai 1940, date de l’invasion de la Belgique et des Pays-Bas par les armées allemandes, est connue sous l’appellation de « drôle de guerre ». Cette expression, dont la paternité est attribuée au correspondant de guerre Roland Dorgelès, est due à l’inaction des alliés devant la

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