LES ENFANTS DU CAPITAINE DREYFUS
LEUR AÏEUL, ALFRED DREYFUS, FUT UN MARTYR DE LA JUSTICE PUIS UNE ICÔNE DE LA RÉPUBLIQUE
QUAND JÉRÔME SALOMON, L’ARRIÈRE-ARRIÈRE-PETIT-FILS, EST VISÉ PAR UNE ENQUÊTE DE LA COUR DE JUSTICE, LA FAMILLE CRAINT UNE MALÉDICTION
« Si tu veux que je vive, fais-moi rendre mon honneur. » Cette supplique à son épouse, ses héritiers n’ont jamais cessé d’y être fidèles. Aujourd’hui et pour la première fois, ils racontent ce que signifie être un Dreyfus : porter une mémoire illustre et vivre un lien particulier avec la France, tissé d’amour et de méfiance. Appartenir à un clan, avec ses drames et ses désaccords, mais se montrer déterminé quand il s’agit de préserver une dignité.
La mère de Jérôme Salomon y a vu un signe : le domicile et les bureaux de son fils ont été perquisitionnés un 15 octobre, jour de l’arrestation du capitaine. Convaincu de trahison au profit de l’Allemagne, Alfred Dreyfus est dégradé, condamné à la déportation. L’opinion majoritairement antisémite est contre lui. Quatre ans plus tard, Emile Zola et son « J’accuse » donnent à « l’affaire » une aura inédite. Dreyfusards contre antidreyfusards, la France s’embrase. Un séisme dont les répliques politiques se feront sentir au long du siècle.
Au cœur du chaos, quand le coronavirus a bouleversé l’existence, qu’il a fallu armer les hôpitaux, compter les morts chaque soir devant les Français puis, presque aussitôt, répondre aux accusations de négligence, affronter les polémiques, les plaintes, les attaques aux relents antisémites, Jérôme Salomon, le directeur général de la santé, a pensé à lui. Dreyfus, « ce cher Alfred » comme il l’appelle, l’arrière-arrière-grand-père qui le suit dans tous ses bureaux, en photo, avec ce regard bleu pâle, infiniment triste et digne. «Il m’aide à relativiser le climat actuel, il a toujours été un modèle, confie le professeur en infectiologie, qui a conseillé
