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Mémoires Du Capitaine Duthilt
Mémoires Du Capitaine Duthilt
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Livre électronique514 pages6 heures

Mémoires Du Capitaine Duthilt

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À propos de ce livre électronique

« Ces souvenirs, bien que rédigés tardivement et souhaitant être avant tout l’histoire du régiment, contiennent d’intéressants détails sur l’armée de Naples et la campagne des Calabres (ch. X-XI). Après avoir surtout combattu en Italie, Duthilt a participé à la bataille de Waterloo dont il donne un vivant récit (ch. XVIII). Il a un sens aigu de la description (cf. ses excursions à Naples, pp. 220-224, ou à Vérone, pp. 257-259) et indique avec précision ses étapes. Il reproduit des chansons et des hymnes maçonniques (p. 266) » p 56-57 - Professeur Jean Tulard, Bibliographie Critique Sur Des Mémoires Sur Le Consulat Et L’Empire, Droz, Genève, 1971
LangueFrançais
ÉditeurWagram Press
Date de sortie6 nov. 2015
ISBN9781786254221
Mémoires Du Capitaine Duthilt
Auteur

Capitaine Pierre-Charles Duthilt

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    Aperçu du livre

    Mémoires Du Capitaine Duthilt - Capitaine Pierre-Charles Duthilt

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    Text originally published in 1909 under the same title.

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    Publisher’s Note

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    We have also made every effort to include all maps and illustrations of the original edition the limitations of formatting do not allow of including larger maps, we will upload as many of these maps as possible.

    Mémoires du Capitaine Duthilt

    Publiés par

    CAMILLE LÉVI

    CHEF DE BATAILLON BREVETE A L’ETAT-MAJOR DU 1er CORPS D’ARMEE

    PRÉFACE

    Les mémoires du capitaine Duthilt commencent au bombardement de Lille en 1792 et se terminent à la bataille de Waterloo en 1815.

    Ces mémoires, ou pour parler plus exactement, ces Campagnes et Souvenirs , ont donc ceci de particulier qu’ils nous montrent l’existence d’un de ces glorieux volontaires, n’en déplaise à M. Camille Rousset, du premier coup de canon de la Révolution au dernier coup de canon de l’Empire.

    Duthilt a reçu une instruction générale très supérieure à celle de la plupart de ses contemporains, ce qui a une première conséquence : il n’écorche pas les noms propres, ce qui était rare à l’époque, moins rare dans le Nord que dans le Midi, suivant une remarque assez curieuse.

    Deuxième conséquence : il apprécie, commente, fait des excursions jusque dans le domaine de la politique.

    Enfin, après être entré en matière par un précis historique qui n’est pas de lui, il se complaît aux harmonieuses périodes, aux phrases à perte d’haleine et si, précurseur judicieux, il découpe son texte en nombreux paragraphes, il croit devoir le « lier » par des extraits d’historiens classiques, ce qui en augmentera la valeur, croit-il, par modestie ou plutôt par respect pour les idées ou la mode de son temps.

    Nous n’en sommes plus là heureusement et si, suivant mon habitude, je me serais fait un scrupule de changer un mot au texte de l’auteur, j’ai sabré avec bonheur le précis historique et la majeure partie des « déjà vus » entre guillemets.

    Je mettrai également sur le compte de son temps, l’abus des dédicaces et des adieux, des réminiscences et des citations, des avertissements et des introductions.

    Chemin faisant, il taquine la muse, trouve le temps d’aimer, visite les curiosités et en fait des descriptions vaporeuses.

    Les « Campagnes et Souvenirs » ont une réelle valeur documentaire, ils mettent en lumière des phases quelque peu obscures des campagnes de la Révolution et, pour terminer, élucident le point de la bataille de Waterloo peut-être le moins bien tiré au clair jusqu’à présent : l’attaque de la Haie-Sainte par la brigade bourgeois.

    J’y ai, en outre, trouvé d’utiles enseignements.

    Ils constituent enfin l’historique de cet extraordinaire bataillon de chasseurs du Mont Cassel dont Vandamme fut l’organisateur.

    De 1793 à 1801, Duthilt, célibataire, poète et cœur d’artichaut, sème ses vers au gré de ses amours, du Zuyderzée au Pô, ne manquant jamais, et de très bonne foi, je crois, célébrer sa constance !

    Marié en 1801 à la fille d’un lieutenant alors âgée de 17 ans, il l’emmène avec lui, au prix d’aventures souvent périlleuses, au fond de la botte d’Italie comme au cœur de la Styrie.

    Nous avons peine aujourd’hui à nous représenter les pérégrinations de ces couples militaires dont la moitié féminine n’était pas la moins brave ; eux-mêmes, du reste, s’en fatiguaient et ils finissaient souvent par rechercher des situations moins vagabondes, devenant alors, comme ils disaient, « les bourgeois de l’armée ».

    Le retour de l’île d’Elbe rendit au capitaine Duthilt sa pleine activité, puisque c’est comme aide de camp d’un général de brigade, ce qui n’était pas une sinécure, qu’il fut blessé, fait prisonnier et repris sur le champ de bataille de Waterloo « à ces grandes funérailles des restes des armées de la République et de l’Empire ». Il rentra à Saint-Omer, sa ville natale, ayant perdu jusqu’à son porte-manteau.

    Pendant la Restauration, Duthilt compta parmi les hommes d’élite, les « non girouettes » comme on disait alors, qui restèrent fidèles aux souvenirs de la Révolution et de l’Empire. Vivant au milieu des « blancs », il ne cessa d’être un « bleu » et même d’amusants détails que j’ai relevés, chemin faisant, dans ses mémoires, montrent que, dans les plus petites choses, c’est toujours le grand souffle de 1793 qui prédomine dans cette âme généreuse.

    COMMANDANT LÉVI.

    1er RÉGIMENT D’INFANTERIE LÉGÈRE

    MES CAMPAGNES ET MES SOUVENIRS de 1792 à 1815

    PAR

    PIERRE-CHARLES DUTHILT

    CAPITAINE

    LETTRE DU AUTEUR

    À Monsieur le Général Gobrecht, à Saint-Omer.

    Mon Général,

    Dès les premiers moments de ma rentrée dans ma famille, à Saint-Omer, et de mon admission à la pension de retraite, aidé de mes notes, de quelques ouvrages militaires et de mes souvenirs, j’ai entrepris la rédaction du journal de mes services et de mes campagnes a l’ex-1er régiment d’infanterie légère, que vous avez vu former au commencement de notre gloire militaire puis licencier après la catastrophe de Waterloo ; favorisé par ces documents, j’ai pu donner à ce travail, du moins autant que mes facultés purent me le permettre, une forme historique, susceptible de fixer l’attention des militaires qui ont fait partie de ce régiment, dont la formation est due au général Vandamme, son premier chef, qui a su lui communiquer sa bravoure et son dévouement.

    Persuadé que mon journal rappellera à votre mémoire des faits et des personnes qui vous sont agréables, je prends la liberté de vous le soumettre, moins pour vous faire connaître ce qui m’est relatif que pour avoir l’occasion de vous prouver ma vive reconnaissance du bon accueil que vous avez toujours eu la bonté de me faire, et pour vous assurer que j’attache un bien grand prix à la possession de votre estime.

    Chaque jour, disparaissent ceux que la renommée s’était plu à inscrire dans nos fastes historiques, et que le fer de l’ennemi avait épargnés sur le champ de bataille ; chaque jour, l’impitoyable mort vient enlever quelques-uns de ces braves que l’on admirait pour leur talent, leur courage et leur gloire ; aussi je m’attache plus fortement que jamais au peu qui en reste, et c’est pour moi une grande joie que de m’occuper d’eux, et de pouvoir quelquefois me rappeler à l’affection de ceux dont j’ai le bonheur d’être connu.

    C’est dans ces sentiments que je suis,

    Mon Général,

    Votre tout dévoué serviteur.

    DUTHILT

    AVERTISSEMENT

    Né le 19 février 1773, je me trouvai en 1789 sous l’influence de la Révolution, dès ses premiers moments déjà homme et susceptible d’en ressentir les bons et les mauvais effets.

    La guerre, dernière raison des rois, était devenue le palladium de la France ; tout Français aimant sa patrie voulut s’armer pour la défendre, et le nombre en fut prodigieux.

    Destiné, dès ce moment, à mener une vie errante et aventureuse, je me suis dit que les événements de la guerre, et que les contrées que j’aurais à parcourir, pouvaient m’offrir quelques faits dignes de mes souvenirs, si ma destinée voulait que je survécusse aux périls que j’allais affronter ; je pris donc la résolution d’enregistrer toute les marches que je serais dans la nécessité de faire et toutes les rencontres de guerre auxquelles j’allais prendre part ; et c’est à l’aide de ces notes que je suis parvenu à rédiger mon journal, dans lequel j’ai consigné par ordre tous les faits de ma vie militaire, mes impressions, mes souvenirs et les remarques locales que j’ai été à même de faire.

    Persuadé que l’historique de mes campagnes serait dénué de tout intérêt si je m’étais borné à ne le représenter que sous la forme monotone d’un journal qui n’offrirait qu’une série, une forme de dates et de faits peu détaillés, sans aucune liaison avec les grandes actions qui ont occupé l’Europe étonnée, je n’ai point hésité à prendre dans l’histoire un précis succinct des actions, des événements et des motifs qu’elle relate, et de les rattacher aux faits qui me concernent.

    Tout en paraphrasant ces différents faits et en les soumettant à ma propre rédaction, j’aurais pu m’attribuer le mérite de leur composition ; mais j’ai préféré les transcrire tels que je les ai rencontrés et indiquer mes emprunts par des guillemets ; en ce que provenant d’une autre source, ils doivent inspirer plus de confiance.

    J’ai voulu aussi que mon journal fût en même temps celui du Jr régiment d’infanterie légère, depuis son origine par petits corps, jusqu’à l’année 1808, époque où je m’en suis séparé, lui, passant de l’Italie à l’armée d’Espagne, et moi allant à Nice prendre le commandement du recrutement des Alpes-Maritimes.

    INTRODUCTION

    Lorsque je me livrais au mécanisme de l’horlogerie, avec le zèle dont la jeunesse est capable, j’étais loin de prévoir que j’abandonnerais cette profession honorable et lucrative au moment où j’y aurais acquis assez de connaissances pour qu’elle devînt la base de mon établissement. Mais la France, alors en travail de la plus laborieuse des Révolutions, était devenue si inquiétante pour les têtes couronnées, par l’exaltation de ses principes subversifs, qu’elle les porta toutes à s’armer contre elle pour l’arrêter dans sa fougue ; de là, cette guerre on ne peut plus opiniâtre, qui dura tout un quart de siècle. Elle mit fin à mes projets de bonheur en m’enlevant à mon établissement, à ma famille et à mes douces affections, en me forçant de subir tous les hasards auxquels elle expose ceux qu’elle appelle à servir d’instruments et de victimes à ses fureurs, en leur montrant au loin la gloire qu’ils peuvent acquérir, seul et triste dédommagement des innombrables sacrifices qu’elle leur impose.

    Dans l’âge d’effervescence où j’étais on se résigne aisément ; aussi je me laissai conduire et j’entrai dans la carrière des armes avec autant de résolution que si elle eût été celle de mon choix. J’avais cependant à regretter de ne m’y être pas préparé par une instruction spéciale, mais je me consolai en me disant que la vie d’un soldat pouvait n’être que d’un jour et que, malgré tout le savoir convenable, n’étant point en évidence ni appuyé par un protecteur élevé, je devais nécessairement m’essayer sur le sol avant que de monter l’échelle hiérarchique des grades militaires, et surtout apprendre à obéir pour savoir mieux commander ; j’attendis tout du temps et de ma bonne fortune.

    Mais avant que d’avoir été mis en activité, j’avais déjà préludé au service militaire dans la garde nationale sédentaire et mobile de la ville de Saint-Omer, depuis sa création ; et ce service, tout pacifique, me donna néanmoins l’idée de celui que j’étais appelé à fournir à l’armée car, vu l’insuffisance de nos troupes, la garde nationale était fréquemment requise de fournir des contingents importants pour être joints à des garnisons de places fortes ou à des corps agissant au-delà de nos frontières.

    C’est ainsi que j’allai, en octobre 1792, au secours de la ville de Lille, dont les Autrichiens faisaient le siège...

    Dès que la municipalité de Saint-Omer fut informée que la ville de Lille était assiégée, elle s’empressa d’y envoyer un bataillon de sa garde nationale, formé de jeunes gens, et elle y joignit deux de ses pompes à incendie avec leurs accessoires ; les pompes furent introduites dans la place où elles arrivèrent à propos, mais le bataillon fut arrêté à Lomme, la garnison de Lille, aidée des habitants, ayant été jugée suffisante pour sa défense, présumant d’ailleurs qu’il était prudent de ménager les vivres de la place dans le cas où l’investissement deviendrait complet. Ce bataillon ne quitta Lomme, pour rentrer à Saint-Omer, qu’après la levée du siège, vers la fin d’octobre.

    Je concourus ensuite au tirage au sort pour le contingent des 300.000 hommes à fournir à l’armée du Nord, d’après la réquisition du général Marassé, mais n’ayant pas été désigné pour faire partie de cette levée active, je fus bientôt compris dans le bataillon que dut fournir la ville de Saint-Omer pour tenir garnison temporairement dans une des places que Dumouriez voulait conserver dans la Belgique.

    Ce bataillon, fort de 800 hommes, fut levé et mis en marche en peu de jours ; sa destination était Anvers ; sa marche ayant été rapide, il était sur le point d’y arriver au moment où Dumouriez perdit la bataille de Neerwinden, le 18 mars 1793.

    À peine arrivé à Saint-Nicolas, ce bataillon reçut l’ordre de rétrograder en tête de la colonne française partie d’Anvers et qui fut immédiatement suivie par un corps autrichien dont l’avant-garde communiquait fréquemment et paisiblement avec notre arrière-garde comme si nous eussions été deux portions de corps d’une même armée.

    Nous ne rentrâmes dans nos foyers qu’après que le général Dumouriez eut effectué sa retraite sur le camp de Bruille et transféré son quartier-général aux Boues de Saint-Amand ; toutes les places de la frontière lui étant fermées, au lieu de se soumettre aux ordres de la Convention qui l’appelait à sa barre pour rendre compte de sa conduite, il fit arrêter le Ministre de la Guerre et les quatre Commissaires chargés de lui transmettre cet ordre, les livra en otage aux Autrichiens ; il fit ensuite quelques tentatives inutiles pour s’emparer de Lille, de Valenciennes et de Condé ; puis il mit le comble à sa trahison en se jetant en transfuge dans les rangs des coalisés, emmenant avec lui tout le régiment des hussards de Berchiny ; mais bientôt il se vit méprisé autant qu’un traître devait l’être.

    C’est par suite de cette monstrueuse désertion, du désordre qu’elle introduisit dans l’armée, et des nouvelles ressources que le génie de cet homme procura à l’ennemi, que la France se vit alors sur le point d’être envahie et accablée. Pour la préserver du démembrement dont la menaçait la grande coalition européenne formée contre elle, et pour repousser les corps ennemis qui voulaient s’emparer de nos importantes places du Nord, la Convention mit en réquisition tous les jeunes gens de l’âge de 18 à 25 ans, non mariés ou veufs sans enfants, pour servir activement aux armées, sans limiter la durée de leur service.

    Cette formidable levée servit à compléter douze grandes armées, employées sur tous les points de la France menacée par l’Espagne, le Piémont, les princes d’Italie, l’Autriche, la Prusse, la Hollande, l’Angleterre, la Russie, et par l’insurrection vendéenne, cette hideuse guerre civile.

    Elle donna aussi des sujets pour tous les grades et pour tous les emplois militaires ; elle fit la gloire de la France en contribuant puissamment à repousser ses innombrables ennemis, et surtout en conquérant presque tout le continent armé contre elle ; elle fut admirable par son courage, sa persévérance, et par son héroïque dévouement.

    En même temps que la Convention créait de nouvelles forces pour lutter avec avantage contre la coalition, elle complétait l’œuvre de la régénération de la France par des institutions qui n’étaient aucunement en rapports avec celles des autres États ; elle fit mettre à exécution son décret du 5 octobre 1793 qui abolissait le calendrier grégorien, ère vulgaire, et ses fêtes religieuses en le remplaçant par celui dit républicain, à dater du 22 septembre 1793 pour la deuxième année, remontant pour la première déjà écoulée au 22 septembre 1792, première année de la liberté française.

    Par ce nouveau calendrier, l’année fut divisée en douze mois égaux de trente jours chacun ; plus cinq ou six jours complémentaires selon que l’année était ou non bissextile, et que l’on appelait aussi sans-culottide.

    Les mois furent nommés conformément à la température et aux travaux de la campagne ; pour l’automne, vendémiaire, brumaire et frimaire ; pour l’hiver, nivôse, pluviôse, ventôse ; pour le printemps, germinal, floréal, prairial ; et pour l’été, messidor, thermidor et fructidor.

    Chaque mois fut divisé en trois parties égales appelées décades. Le repos du dimanche fut aboli et transféré au décadi, dixième jour de chaque décade, dont les noms dérivaient de l’ordre numérique.

    Les noms des saints furent remplacés par ceux des animaux, des plantes et des instruments utiles, dont l’usage est plus particulièrement approprié à chaque saison.

    Au lieu des grandes fêtes de Dieu, de la mère du Christ et des saints, il y eut des fêtes pour la jeunesse, l’adolescence, l’âge mûr, la vieillesse, la vertu, la raison, et pour les anniversaires de quelques évènements révolutionnaires : du 10 août 1792, au 21 janvier 1793, etc... Ainsi ce calendrier supprima les cérémonies religieuses et remplaça des noms par des indications dignes de l’idolâtrie égyptienne ; mais il avait l’avantage de ne laisser subsister que des mois égaux, et d’enlever à ces mois les noms païens qu’ils portaient ; mais ils froissaient les mœurs, l’histoire et les coutumes de tous les peuples pour obtenir un bien médiocre résultat.

    Ce fut donc au moment le plus critique de la Révolution, lorsque tout ordre dans l’intérieur était interverti, que nos frontières étaient entamées et nos places fortes du Nord au pouvoir de l’ennemi, nos armées affaiblies, démoralisées et absolument désorganisées par l’incurie ou la trahison de ses chefs, que je fus appelé au service.

    Mais bientôt ces armées, semblables à des machines parfaitement coordonnées et formées de matériaux résistants, qui n’attendaient que de bons moteurs pour être mises en mouvement, ces moteurs trouvés et mis en leur place, nos armées fonctionnèrent habilement. Je les ai vu grandir ces armées, renouvelées, et j’ai aussi pris part avec elles à bien des combats mémorables, depuis les points les plus rapprochés de nos frontières, jusque dans des contrées lointaines où je ne pensais guère que nous porterions jamais nos armes victorieuses.

     « Avec peu de regrets j’ai vu couler mes ans, La Patrie et l’amour eurent tous mes instans. »

    PREMIÈRE PARTIE — JOURNAL DE 1792 à 1801

    CHAPITRE I — ARMÉE DU NORD

    1. — MON ENTRÉE AU SERVICE

    J‘étais dans ma vingt-et-unième année lorsque la loi relative à la première réquisition fut décrétée. En conséquence, le 27 septembre 1793 (6 vendémiaire an II), je fus compris dans le contrôle de la 8© compagnie du 1er bataillon du district de Saint-Omer (alors appelé Morin-la-Montagne) et j’y entrai en qualité de capitaine commandant cette compagnie ; ce grade me fut conféré, selon le vœu de la loi, par mes camarades appelés comme moi à marcher ; j’en pris les insignes et j’en touchai les émoluments. Ma bonne fortune, en cette occurrence, avait dépassé toutes mes prévisions ; mais sachant que les organisateurs de la République promettaient plus qu’ils ne pouvaient tenir, je n’osais pas trop compter sur la continuité de cette faveur. En effet, je ne tardai pas à être convaincu que l’organisation de nos bataillons, annoncée d’abord comme définitive, n’était qu’un leurre, comme toutes les promesses de nos gouvernants n’étaient que fallacieuses.

    2. — PREMIER SERVICE ACTIF AUX ARMÉES

    Immédiatement après l’organisation de ce premier bataillon, formé de huit compagnies de fusiliers et d’une compagnie de canonniers desservant deux pièces de quatre, quelques compagnies, dont était la mienne, furent escorter jusqu’à Abbeville des prisonniers de guerre hanovriens pris à la bataille d’Hondschoote le 8 septembre, après quoi, ces compagnies rentrèrent à Saint-Omer et se réunirent à leur bataillon déjà caserné au grand quartier.

    Le 1er novembre, 11 brumaire, ce bataillon se rendit à Cassel, en seconde ligne ; là, il commença à faire un service plus actif conjointement avec les troupes du camp. Un officier et quelques sous-officiers de la ligne furent chargés de son instruction théorique et pratique ; deux fois chaque jour, on l’exerçait aux différentes écoles, au service de place, à celui de campagne ; il reçut aussi ses effets de linge et de chaussure, son habillement complet consistant en un pantalon, un gilet et un habit-veste ; et comme l’administration ne peut se procurer une assez grande quantité de drap d’une même couleur, chaque compagnie en eut une particulière.

    Animés du désir de se mesurer avec l’ennemi, en peu de temps nos jeunes soldats se virent assez instruits pour prétendre à l’honneur de rivaliser avec les anciens établis au camp de Cassel et sur la frontière ; aussi attendaient-ils impatiemment l’ouverture de la campagne, espérant d’être employés à l’avant-garde sous le commandement du général Vandamme pour lequel ils avaient déjà une affection toute particulière, le considérant comme citoyen de Saint-Omer, quoique né à Cassel. Mais à la grande stupéfaction de tous, ils virent arriver à Cassel le 22 décembre, 2 nivôse, le général Gigot (sans doute Gigaux), avec un détachement d’officiers et de sous-officiers du bataillon des chasseurs du Mont Cassel, un escadron des hussards de Chamborant, et deux pièces de canon qui furent aussitôt braquées sur la place ; faisant aussi garder les avenues par ses hussards, le général Gigot fit en même temps battre la générale pour nous rassembler avec armes et bagages ; puis il nous donna connaissance de sa mission et nous fit partir immédiatement pour Steenworde, où nous fûmes incorporés indistinctement comme chasseurs, chacune de nos compagnies dans celle correspondante du Mont Cassel. Beaucoup de nos jeunes gens se soumirent à cette mesure acerbe sans trop de répugnance, mais les récalcitrants ne tardèrent pas à rentrer chez eux, bien décidés à s’y cacher, et d’autres s’empressèrent de passer dans des corps de leur choix. En raison du numéro de la compagnie que je commandais dans le bataillon de réquisition, j’entrai dans la 8e du Mont Cassel, mes épaulettes dans ma poche, bien résolu à faire tout ce qui dépendrait de moi pour les récupérer.

    3. —BATAILLON DES CHASSEURS DU MONT CASSEL

    Le bataillon des chasseurs du Mont Cassel avait été organisé au bivouac du Mont des Chats (Mont des Cattes ou Mont des Cats) près de Bailleul, peu après la bataille d’Hondschoote, livrée le 8 septembre 1793, bataille qui délivra Dunkerque et qui causa la décapitation du victorieux et bien infortuné Houchard, général commandant l’armée du Nord, pour ne s’être pas opposé à la fuite du duc d’York et de ses Anglais, en occupant à temps les routes de Flandre par lesquelles il se retira, car alors on ne disait pas : faites un pont d’or à l’ennemi qui fuit ; il fallait le vaincre et le détruire pour n’avoir plus à le rencontrer une autre fois.

    Le bataillon du Mont Cassel était un des plus beaux de l’armée ; il avait été formé des compagnies franches mises sous le commandement de Vandamme, promu expressément au grade de chef de bataillon, en raison de sa bravoure et de ses connaissances militaires.

    1° De celle du Mont Cassel qui lui donna sa dénomination, ayant été levée et formée à Cassel en juillet 1792, composée de presque tous anciens soldats de la ligne ; elle fut dite d’abord compagnie franche de Dumouriez, ayant été formée sous ses auspices ; puis de Vandamme après la désertion de Dumouriez ; et enfin du Mont Cassel par décision du gouvernement.

    2° De deux autres compagnies formées à Paris, l’une de l’Oratoire, l’autre de l’Observatoire, du nom de leur première caserne.

    3° De la compagnie franche de Desaulty formée à Anvers, du nom de son premier capitaine.

    Pour porter au nombre de huit ces quatre compagnies primitives, on les dédoubla, puis elles fournirent chacune leurs meilleurs tireurs pour former celle des carabiniers.

    Plus tard, ce bataillon fut complété par les débris des bataillons de réquisition de Saint-Omer et de Bergues, puis de quelques centaines de Bretons enlevés aux insurgés vendéens.

    Après Vandamme, le commandement de ce bataillon fut donné à Monsieur Detamacker qui le commandait encore lors de notre incorporation.

    Le sous-lieutenant Gobrecht de Cassel faisant aussi partie de la compagnie Vandamme fut alors promu au grade de lieutenant et choisi par Vandamme pour être l’un de ses aides de camp, pour sa conduite distinguée pendant la campagne de Dumouriez dans la Belgique, et surtout à la bataille d’Hondschoote.

    Bataillon des chasseurs du Mont Cassel

    À CASSEL 1793

    (Couplets notés par M. Bincteux, de Saint-Omer)

    Ne perdons point de temps

    Exerçons-nous sans cesse

    Profitons des instans

    Que l’ennemi nous laisse.

    En vain pour nous frapper

    Augmente-t-il sa rage

    Nous verrons succomber

    Son aveugle courage.

    Donne-nous ta valeur,

    Dieu puissant de la guerre

    Que nos bras pleins d’ardeur

    S’arment de ton tonnerre ;

    Triomphans, satisfaits,

    Nos noms couverts de gloire

    Se liront à jamais

    Au Temple de mémoire.

    4. — QUARTIERS D’HIVER DE 1793-94

    Pendant que nous occupions nos quartiers établis dans les bourgs et villages du Nord de la France, durant l’hiver de 1793-94, le général Vandamme, sous les ordres duquel nous nous trouvions, nous fit faire plusieurs reconnaissances tantôt sur un point, tantôt sur un autre, notamment sur l’Abeele et au-delà sur la route de Poperinghe, tant pour connaître les positions de l’ennemi que l’espèce et le nombre, et aussi pour nous préparer par de petits combats aux grandes actions qui devaient avoir lieu aussitôt que toutes les dispositions seraient faites pour l’ouverture de la campagne.

    Ces reconnaissances se faisaient alternativement par brigade ; celle qui avait été de service un certain temps sur la ligne qui exigeait une grande surveillance, allait ensuite se reposer à Hazebrouck, Saint Sylvestre Cappel, Flêtre, Cæstre et autres lieux voisins.

    En février (pluviôse) dans une de nos reconnaissances sur Poperinghe, notre bataillon, marchant en avant-garde, fut attaqué inopinément et traversé par un escadron de grosse cavalerie hollandaise, qui blessa de coups de sabre et enleva quelques-uns de nos chasseurs, mais ces cavaliers ne s’en retournèrent pas aussi nombreux qu’ils étaient venus : ils perdirent des hommes et des chevaux dans cette espèce d’échauffourée.

    Le 3 mars 1794 (13 ventôse an II), à Hazebrouck, j’ai été promu au grade de caporal-fourrier à la 8e compagnie, en remplacement du sieur Charpentier passé sergent. Ainsi la durée de mon service comme chasseur n’a été que de deux mois et quelques jours, mais ce temps m’a paru bien long en raison des gardes fréquentes qu’il nous fallait monter, et de la surveillance incessante à exercer sur tous les points de la ligne, dans une saison rigoureuse, parcourant des routes défoncées où nous laissions notre chaussure, en présence d’un ennemi perfide qui sans cesse tentait d’égorger nos postes, guidé fidèlement par les habitants des communes limitrophes, la plupart fanatiques, dont chaque maison comptait, du côté de la France un émigré et de celui de la Flandre un volontaire servant dans le bataillon de Poperinghe, qui ne voyaient en nous que des perturbateurs, des rebelles et des réprouvés, leurs nobles et leurs prêtres, ennemis jurés de notre Révolution, nous ayant dépeints tels à leurs yeux.

    5. — DISPOSITIONS POUR LA CAMPAGNE DE 1794

    Cet hiver de 1793-94 avait été employé à faire les préparatifs de la nouvelle campagne qui devait s’ouvrir dès les premiers jours du printemps ; tout en France était d’une activité extraordinaire.

    La réquisition permanente allait produire tous ses effets ; par elle, 800.000 hommes avaient été levés ; ils portèrent la force de nos armées, les garnisons comprises, à 250.000 hommes au Nord, à 40.000 dans les Ardennes, à 200.000 sur le Rhin et la Moselle, et à près de 300.000 hommes aux armées des Alpes, des Pyrénées et de la Vendée, indépendamment des dépôts et garnisons.

    Pichegru était général en chef de l’armée du Nord, Jourdan de celle de la Moselle, et Michaud de celle du Rhin. Cobourg commandait toujours en chef les coalisés. L’Empereur d’Allemagne s’était rendu en personne dans les Pays-Bas pour exciter l’émulation de son armée.

    La campagne allait s’ouvrir sur le grand théâtre du Nord ; là, 500.000 hommes allaient se heurter depuis les Vosges jusqu’à la mer. Les principales forces des Français étaient vers Lille, Guise et Maubeuge.

    6. — OUVERTURE DE LA CAMPAGNE DE 1794

    Le bataillon du Mont Cassel, le 14e léger, le Mont des Chats et le 16e de ligne, sous les ordres de Vandamme, se portèrent le 24 avril 1794 (5 floréal an II) sur le village de Bœschepe, rendez-vous de la brigade, et en chassèrent l’ennemi.

    Malheur en ce moment à tout habitant qui, se trouvant aux champs ou sur la route, fuyait à notre approche, nos éclaireurs le considérant comme espion ou mal intentionné à notre égard, tiraient sur lui sans pitié.

    Le 25 (6 floréal) à 5 heures du matin, nous attaquâmes le Mont Noir, où les Autrichiens étaient retranchés ; la fusillade fut vive et les mouvements impétueux ; en peu d’instants nous forçâmes l’ennemi à abandonner cette forte position et nous lui fîmes des prisonniers.

    Les Autrichiens se retirèrent sur la route d’Ypres et nous les poursuivîmes jusqu’au village de Kemmel.

    Le 26 (7 floréal), la division Moreau se rassembla dans la plaine de Comines, où l’ennemi s’était aussi porté dans l’intention de nous livrer bataille ; l’attaquer et le repousser fut l’affaire d’un instant.

    7. — RÉPRESSION DU PILLAGE ET DU VIOL

    La campagne était ouverte et notre début très heureux ; l’enthousiasme que les soldats montrèrent, dès le premier jour, allait toujours croissant.

    Mais en même temps les mauvaises passions commencèrent à se développer, surtout parmi quelques anciens, effet du peu de discipline observé dans les corps vers la fin de la campagne de Dumouriez ; la maraude, le meurtre et même le viol attestaient le passage de quelques misérables d’une nature perverse, et dont les crimes restaient impunis.

    Les officiers inférieurs, sortis depuis peu des rangs des soldats, fermaient les yeux en gémissant sur la conduite répréhensible de ces forcenés, pour ne point s’exposer à leur vindicte.

    Il était temps d’arrêter ce désordre et d’atteindre les coupables, qui semblaient ne faire la guerre que pour leur compte et pour assouvir leurs passions brutales. Moreau sévit enfin rigoureusement contre eux en les livrant à la Commission militaire qui leur infligea les peines les plus graves.

    8. — INVESTISSEMENT DE MENIN

    Le 27 (8 floréal), nous reprîmes la route de Menin, passant par Werwick, où nous rencontrâmes un parti ennemi qui se retira promptement. La légion de Royal-Émigré et quelques chasseurs hanovriens de la garnison de Menin vinrent défendre les approches de cette ville ; nous les forçâmes à rétrograder. Plusieurs colonnes arrivèrent en même temps sur Menin par diverses routes et resserrèrent la place très étroitement. Tout l’hiver avait été employé à la construction d’un grand nombre d’ouvrages qui la rendait susceptible d’une longue défense.

    Dans la nuit du 27 au 28 (8 au 9 floréal), la brigade du général Vandamme tourna Menin ; le bataillon du Mont Cassel se porta en tête de colonne, sur la route de Bruges ; il se subdivisa pour parcourir deux chemins différents ; le demi-bataillon de droite, en l’absence du chef de bataillon Detamacker resté malade à Steenvorde, fut conduit par le capitaine des carabiniers Lauvray, et celui de gauche par le capitaine Lange ; celui de droite arriva vers minuit dans un champ en arrière du faubourg de Bruges, près de la chaussée qu’il avait à sa gauche après qu’il eut fait face à la place ; celui de gauche vint ensuite dans le même champ et prit position, mais au lieu de se placer derrière à quelque distance ainsi qu’il en avait coutume, trompé par son guide, il rabattit trop tôt, de manière qu’il se trouva placé en avant sur le même terrain ; bientôt ils s’aperçurent et se prenant réciproquement pour ennemis, ils se tirèrent quelques coups de fusil ; l’obscurité ayant empêché de

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