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Fraude: Thriller médical
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Livre électronique377 pages13 heures

Fraude: Thriller médical

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À propos de ce livre électronique

« Je ne sais pas par quel sang raconter cette histoire. Beaucoup de ceux qui l’ont approchée de près ou de loin ont fini dans leur propre hémoglobine ». 

Quand une scientifique coréenne est retrouvée assassinée dans des conditions étranges au cœur de l’animalerie du Centre de Recherche BioStratégique, alors le biologiste Romain Maldone reprend du service, sollicité par l’inspecteur Bussière pour son expertise scientifique. Parallèlement, l’histoire s’initie au début des années soixante-dix, et nous entraîne dans la fuite éperdue de deux jeunes épris de liberté, impliqués à leur insu dans une machination qui les dépasse.
Au nœud d’une affaire de fraude scientifique, dans laquelle les enjeux s’avèrent autant politiques qu’idéologiques, Romain Maldone va devoir naviguer à vue dans un voyage qui l’emmènera jusqu’en Corée du sud, face à des individus au dessein ambitieux, et aux méthodes expéditives.

Un thriller médical à couper le souffle !

EXTRAIT

— Ah, Maldone, vous tombez bien, s’exclama-t-il, les yeux rivés sur sa montre. Vous avez vu l’heure ?
— Impossible de faire mieux sans prendre le risque de finir comme donneur d’organes…
— Votre cynisme m’étonnera toujours, Maldone, mais je dois cependant vous présenter au Préfet de police, et aux huiles de la gendarmerie et de la police judiciaire. Après tout, vous êtes mon directeur adjoint, et qui plus est chargé des affaires militaires, non ? Alors, de grâce, gardez vos réflexions pour vous.
— Avant les salamalecs, vous pourriez peut-être me donner des explications…
— Plus tard, plus tard…
Le vieux grigou… Il ne s’était pas bonifié avec le temps ; pas un bonjour, ni de serrage de pognes, même pas une petite tape amicale sur l’épaule, rien d’affectif. Un coureur de fond, le genre à traverser le pôle Sud en chiens de traîneaux, un bouquetin fonçant tête baissée contre l’enclos. Efficacité, rentabilité et pugnacité, trois maîtres mots qu’il imposait à tout son entourage.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Bruno Lassalle est biologiste à l’Inserm (Institut National à la Santé et à la Recherche Médicale) depuis 1978. Dans ce deuxième roman, il évoque en filigrane comment, dans un paysage géopolitique explosif, la science peut être pervertie quand les ambitions personnelles flirtent avec un idéal scientifique au discours prophétique.
LangueFrançais
ÉditeurEx Aequo
Date de sortie30 janv. 2017
ISBN9782359627985
Fraude: Thriller médical

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    Fraude - Bruno Lassalle

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    Table des matières

    Résumé

    Épilogue

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    Résumé

    « Je ne sais pas par quel sang raconter cette histoire. Beaucoup de ceux qui l’ont approchée de près ou de loin ont fini dans leur propre hémoglobine ». Quand une scientifique coréenne est retrouvée assassinée dans des conditions étranges au cœur de l’animalerie du Centre de Recherche BioStratégique, alors le biologiste Romain Maldone reprend du service, sollicité par l’inspecteur Bussière pour son expertise scientifique. Parallèlement, l’histoire s’initie au début des années soixante-dix, et nous entraîne dans la fuite éperdue de deux jeunes épris de liberté, impliqués à leur insu dans une machination qui les dépasse.

    Au nœud d’une affaire de fraude scientifique, dans laquelle les enjeux s’avèrent autant politiques qu’idéologiques, Romain Maldone va devoir naviguer à vue dans un voyage qui l’emmènera jusqu’en Corée du sud, face à des individus au dessein ambitieux, et aux méthodes expéditives.

    Bruno Lassalle est biologiste à l’Inserm (Institut National à la Santé et à la Recherche Médicale) depuis 1978. Dans ce deuxième roman, il évoque en filigrane comment, dans un paysage géopolitique explosif, la science peut être pervertie quand les ambitions personnelles flirtent avec un idéal scientifique au discours prophétique.

    Bruno Lassalle

    Fraude

    Thriller

    ISBN : 978-2-35962-798-5

    Collection Rouge

    ISSN : 2108-6273

    Dépôt légal janvier 2016

    ©Ex Aequo

    ©2016 Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction intégrale ou partielle, réservés pour tous pays. Toute modification interdite.

    Éditions Ex Aequo

    6 rue des Sybilles

    88370 Plombières les bains

    www.editions-exaequo.fr

    A Laurence ma compagne de coeur, souvent pour le meilleur

    et surtout en amour.

    A Luan et Lola mes deux petites fleurs.

    ****

    1

    Je ne sais pas par quel sang raconter cette histoire. Beaucoup de ceux qui l’ont approchée de près ou de loin ont fini dans leur propre hémoglobine. En fait, tout est parti d’une mouche verte, la Lucilia ceasar, bien connue des entomologistes forensiques, le premier janvier 2013, jour de la Sainte Marie mère de Dieu, et au beau milieu des vrombissements d’un millier de ces diptères au vol frénétique. Ce matin-là, Antoine Parison, animalier, était d’astreinte au Centre des Recherches Bio-Stratégiques, le CRBS. Il prit son service vers 8 h 10. Dans le sas de l’animalerie, il enfila comme tous les jours la tenue réglementaire à usage unique qui lui donnait l’allure d’un épouvantail : combinaison, masque chirurgical, surchaussures, charlotte couvrant les cheveux, gants en latex. Après ce long week-end de fête, une forte odeur d’urine murine avait supplanté celle pourtant tenace du désinfectant utilisé quotidiennement par les animaliers pour se prémunir d’une épidémie, susceptible de décimer les précieux élevages. Antoine ouvrit la porte du sas, et pénétra dans le couloir aux murs vides et blancs avec la sensation récurrente de plonger dans un monde aseptique de salle d’opération. Un instant ébloui par la lumière blafarde des néons, il reprit sa progression vers les salles des élevages. Comme un gardien de prison dans sa ronde de surveillance, il avait l’habitude de commencer son travail par un rapide tour des geôles murines, jetant un coup d’œil expert sur les cages depuis la porte vitrée donnant accès à chaque module, dans le but de déceler la moindre anomalie. C’est en débouchant dans le dernier couloir qu’il entendit le bourdonnement, d’abord léger puis intense. En s’approchant du dernier module, Antoine fut stupéfait par l’importance de la masse grouillante qui recouvrait la vitre de la porte : des mouches, des milliers de mouches aux reflets métalliques vert-émeraude stroboscopés au gré de leur activité hystérique. Dans l’impossibilité de voir ce qui se passait à l’intérieur du module, prudemment, il entrebâilla la porte. Avant qu’il n’ait eu le temps d’évaluer la situation, une volée de mouches vertes s’était évanouie dans le couloir, entraînant dans son sillage un fumet putride de cadavre en décomposition. Il referma brusquement la porte d’un geste réflexe. Antoine vomit dans son masque le petit-déjeuner avalé une demi-heure plus tôt, et se précipita, paniqué, au fond du couloir pour déclencher l’alarme.

    Paris, 01 janvier 2014

    Une cité entière en démolition, un chantier titanesque ; je rampe comme un ver sur des éboulis de béton déchiquetés, dardés de tiges de fer rouillées et tordues ; mes mains sont lacérées par le métal coupant ; des égouts éventrés suintent leur jus vicié et grouillant de vermine, des rats me mordent les joues au passage ; des marteaux-piqueurs me déstructurent le cerveau, des bulldozers pilonnent mes neurones, les transformant en charpie ; les sirènes déclenchent leur puissant hurlement funeste annonçant l’imminence d’une terrible catastrophe. Je me glisse dans une bouche d’égout pour m’y réfugier ; je pleure de peur, recroquevillé dans la bourbe putréfiée.

    Malgré l’oreiller écrasé sur ma tête, je ne parvins pas à étouffer la sonnerie dissonante du téléphone du salon qui me perçait les tympans depuis trois bonnes minutes. Puis, après un silence éphémère et réparateur, je sursautai sur les arpèges de « Californication » des Red Hot Chilli Peppers interprétés par mon iPhone posé près du lit. Je décrochai à tâtons, mais les sons refusèrent de sortir de ma gorge.

    — …

    — Allô ! Je suis bien chez le Docteur Maldone ? Le Docteur Romain Maldone ?

    La voix m’était inconnue et résonnait dans ma tête en une vibration désagréable. Je maudis la tentative du démarcheur sans scrupules en quête d’un pigeon, pour vendre une assurance bidon ou une cuisine high-tech, à neuf heures vingt du matin, un premier janvier. C’est à ce moment que j’aperçus la jambe fine à la peau d’ébène qui émergeait de la couette.

    — Mmm...

    — Ici la sécurité du CRBS…

    Cette annonce me fit l’effet d’une douche glacée. Je bondis et m’assis sur le bord du lit. En un coup d’œil rapide, j’entrevis la chevelure noire et ondulante plongée dans l’oreiller.

    — Maldone à l’appareil… On a un problème ?

    — Oui, Docteur, à l’animalerie… C’est… C’est très important !

    — Encore la clim qui a lâché ? Une inondation ?

    — Pas que la clim cette fois… Venez vite, tout le monde vous attend Docteur.

    — C’est qui tout le monde ?

    — Le directeur du centre, le Préfet de police et les gendarmes…

    — Waouh ! Il y a eu un attentat ou quoi ?

    — Non, un crime…

    — T’en fais du bruit le matin, mon petit chou… balbutia la chose sombre enfouie sous ma couette.

    Un crime ? Il ne manquait plus que ça, et pour ma pomme en plus. J’étais d’astreinte du 30 décembre au 2 janvier au matin. En général, il fallait pallier les problèmes d’intendance, et intervenir sur place à n’importe quelle heure de la nuit, mais pour un crime, mes compétences s’arrêtaient là.

    En soulevant la couette, je découvris la silhouette fine et musclée de Victoire, avec ses petits seins comme deux poires, bercés au rythme de sa respiration. Victoire surgissait de ma mémoire anesthésiée, accompagnée d’un flux d’images sexuelles et de l’odeur épicée de sa peau. De la nuit de la Saint-Sylvestre, je n’avais plus aucune conscience, par contre, mon corps, lui, n’avait pas oublié cette nuit de folie, particulièrement bien arrosée, au point de sombrer dans un coma éthylico-extasique. Mes tympans palpitaient encore après le pilonnage des rythmes technos des DJ qui s’étaient succédé aux platines toute la nuit.

    Après une douche trop froide et vite expédiée, je sautai dans mon jeans, et avalai d’un trait un expresso strettissimo, qui me fit aussitôt un effet amphétaminique. Je griffonnai un mot rapide à Victoire avec mon numéro de téléphone, m’excusant de l’urgence de mon départ et lui demandant de claquer la porte quand elle partirait. Je chaussai mes Caterpillar, puis endossai mon cuir noir déformé par les coques de kevlar, avant de prendre l’ascenseur, harnaché comme un cosmonaute, sous le regard perplexe de mes voisins de palier. La rue de la Convention était plombée sous un ciel gris, et traversée par un air froid et humide. Un panache de fumée, digne d’une usine de retraitement des déchets, jaillit des pots d’échappement au démarrage de ma Buell XB-12S. J’enfilai mon casque intégral, et démarrai en tombe sur le macadam poisseux, libérant dans les rues de Paname, les 135 CV de ma machine débridée.

    L’horloge digitale de ma Buell indiquait 10 h 47 quand j’arrivai au Centre après quarante minutes glaciales à sillonner la départementale, entrecoupée de zones de brouillard à couper au couteau, les yeux rivés sur le bitume à la recherche des plaques de verglas parsemées çà et là dans les virages. La prudence avait été de mise et ma vitesse réduite. Très sécurisé comme le sont tous les sites dits « sensibles », le Centre se situait à quinze kilomètres au sud de Paris en pleine cambrousse, suffisamment isolé des villages voisins, et accessible par deux départementales.

    Au poste de sécurité, les vigiles avaient ce matin une nette tendance à faire du zèle, vérifiant les badges, inspectant le coffre des voitures. D’habitude, poser le badge sur le lecteur suffisait à actionner la barrière sous le regard débonnaire des agents de sécurité. Je levai la visière de mon casque intégral pour identification devant un jeune vigile athlétique au visage d’aigle. Il vérifia soigneusement mon badge, avant de déclencher l’ouverture de la barrière, et me laisser pénétrer dans le Centre sur ma machine pétaradante. Le Centre avait été placé sous alerte orange, et l’année 2013 venait à peine de commencer.

    Le hall d’entrée du CRBS était obstrué par un fourgon de l’Institut Médico-légal, clignotant de tous ses feux. Affublés de combinaisons blanches, de gants et de masques, des experts de la police scientifique vérifiaient du matériel dans des caisses, ou se dirigeaient vers le sous-sol, portant des mallettes noires, tandis que d’autres en remontaient, avec des masques à gaz relevés sur le front, se dirigeant à grands pas vers l’entrée pour respirer l’air du dehors. Au dring sonore annonçant l’arrivée du monte-charge provenant du sous-sol, tous les regards se tournèrent dans l’attente de l’ouverture des portes coulissantes, puis se figèrent sur le brancard qui en sortit. Une housse mortuaire en plastique noir reposait sur un chariot à roulette en aluminium, manipulé par deux agents de l’Institut Médico-légal. Ils traversèrent le hall avec leur funeste fardeau jusqu’au fourgon, laissant planer derrière eux un relent de charogne en putréfaction. Je tentai ma petite enquête auprès des experts de la police scientifique pour mieux cerner la situation quand Piéral m’interpella :

    — Ah, Maldone, vous tombez bien, s’exclama-t-il, les yeux rivés sur sa montre. Vous avez vu l’heure ?

    — Impossible de faire mieux sans prendre le risque de finir comme donneur d’organes…

    — Votre cynisme m’étonnera toujours, Maldone, mais je dois cependant vous présenter au Préfet de police, et aux huiles de la gendarmerie et de la police judiciaire. Après tout, vous êtes mon directeur adjoint, et qui plus est chargé des affaires militaires, non ? Alors, de grâce, gardez vos réflexions pour vous.

    — Avant les salamalecs, vous pourriez peut-être me donner des explications…

    — Plus tard, plus tard…

    Le vieux grigou… Il ne s’était pas bonifié avec le temps ; pas un bonjour, ni de serrage de pognes, même pas une petite tape amicale sur l’épaule, rien d’affectif. Un coureur de fond, le genre à traverser le pôle Sud en chiens de traîneaux, un bouquetin fonçant tête baissée contre l’enclos. Efficacité, rentabilité et pugnacité, trois maîtres mots qu’il imposait à tout son entourage.

    — Monsieur le Préfet, je vous présente le Docteur Romain Maldone.

    — Ah ! Docteur Maldone, ravi de faire votre connaissance. Nous connaissons vos exploits en Afghanistan.

    — De la chance, Monsieur le Préfet, beaucoup de chance… répondis-je, saluant les autres huiles qui me congratulèrent à leur tour.

    Les yeux de Piéral me lancèrent des éclairs de feu.

    — Ne soyez pas si modeste Docteur Maldone, reprit le préfet. J’aime le courage. C’est dans l’adversité que se révèlent les héros et les lâches, ne croyez-vous pas ?

    — Vous avez probablement raison, Monsieur, dis-je, coupant court à cette discussion.

    Piéral nous fit entrer, l’inspecteur, le gendarme gradé et moi-même, dans son vaste bureau aux fauteuils de cuir, où tout était soigneusement rangé, ordonné, étiqueté, numéroté. Sur le bureau d’acajou trônaient un ordinateur portable 17 pouces aux lignes épurées, une lampe au pied d’albâtre surmontée d’un abat-jour beige en peau craquelée, ainsi que deux cadres dorés exhibant les photos de sa femme et de ses enfants, entourés d’une ribambelle de petits chiens. Devant lui, le sous-main de cuir rouge était cerné par un téléphone design avec écran, et une collection impressionnante de stylos rangés par couleur dans deux muges, l’un portant la mention « I Love NY » et l’autre « I Love My Chihuahua ».

    Piéral fit signe de nous asseoir, prenant soin de suivre un ordre hiérarchique.

    — Nous attendons d’un moment à l’autre le Procureur de la République. En attendant qu’il se joigne à nous, souhaitez-vous un café, Messieurs ?

    À l’exception de l’amateur de café que je suis, les deux flics répondirent par la négative. Du coup, Piéral en oublia mon café, engageant la conversation sur le mode mondanité. Je sortis le plus discrètement possible vers le bureau de la secrétaire m’envoyer un espresso rapido que je bus d’un trait, apercevant le procureur de la République arriver à grands pas dans le couloir. Il passa devant moi sans un regard, précédé par la secrétaire au petit trot, qui se dépêcha d’ouvrir la porte pour nous faire entrer, puis la referma derrière moi.

    Après les présentations d’usage, Piéral entra dans le vif du sujet.

    — Messieurs, tôt ce matin, une jeune femme a été découverte morte dans l’animalerie du CRBS par Antoine Parison, un animalier. Elle ne fait pas partie du personnel du Centre. C’est un chercheur coréen portant le nom de Na Yung Shim, comme indiqué sur le badge provisoire qui lui a été délivré en octobre 2012. Elle était présente sur notre site dans le cadre d’une collaboration avec l’équipe du Docteur Joaquim Kessler, à l’Institut de Recherche en Médecine Régénérative de Nancy. Maintenant, je laisse la parole à l’inspecteur Bussière.

    Paul Bussière était un jeune quinqua obèse à la peau glabre et au visage poupin, arborant de beaux yeux bleus rieurs. Engoncé dans le fauteuil de cuir qui lui compressait les hanches, il relut ses notes sur son iPad mini, puis commença :

    — Nous sommes arrivés sur les lieux aux alentours de neuf heures. Nous avons découvert un corps en décomposition avancée dans une gaine de ventilation d’une pièce contenant des cages de souris…

    — Il s’agit bien d’un homicide, affirma le procureur Amaury de Forant. Mais j’imagine qu’elle n’y est pas entrée toute seule dans cette gaine de ventilation ?

    — Le meurtrier a tout simplement cherché à la dissimuler, expliqua l’inspecteur. Quatre vis seulement maintenaient la grille de ventilation, un jeu d’enfant.

    — Peut-être, mais introduire un individu dans une gaine de ventilation, c’est une autre paire de manches ? s’étonna le procureur.

    — Dans de ce genre d’animalerie, précisai-je, il y a une ventilation haute qui pulse l’air dans la pièce, et une basse qui l’aspire. Le conduit d’aspiration fait environ soixante centimètres de large sur trente de hauteur…

    — Les Asiatiques sont souvent menues, continua l’inspecteur, et puis en diagonale, on arrive à soixante-dix centimètres de large.

    — Bon, conclut le procureur. Nous pouvons donc affirmer que la femme a été tuée, puis placée à l’intérieur de cette ventilation par son meurtrier. Continuez inspecteur.

    — Le médecin légiste a estimé la mort à une semaine, voire dix jours, informa l’inspecteur. Ce qui nous amène au week-end avant Noël… le 24 décembre étant un mardi, nous pouvons donc penser que le meurtre aurait été commis sur une période allant du vendredi 20 au lundi 23…

    — Docteur Piéral, proposa le procureur, pouvons-nous faire venir le légiste, s’il est encore dans vos murs, pour qu’il nous éclaire ?

    Piéral appela aussitôt sa secrétaire. Le procureur reprit :

    — Inspecteur, avons-nous un mobile ?

    — Rien d’évident, pas d’arme du crime pour le moment… Il faut attendre le résultat de l’autopsie pour avancer dans cette voie. Nous allons fouiller l’histoire personnelle et professionnelle de madame Shim. Ça risque d’être compliqué… juste avant la réunion, j’ai reçu un coup de fil de l’ambassadeur de Corée.

    — Du sud…

    — Oui, du sud, Docteur Maldone, continua l’inspecteur. Il souhaite vivement que toute la lumière soit faite sur cette affaire, ainsi que l’arrestation rapide du meurtrier.

    Le médecin légiste, un petit homme replet, chauve, et emphysémateux pénétra dans la pièce, la secrétaire referma la porte derrière lui.

    — Docteur pouvez-vous nous donner d’avantage d’informations sur les causes de la mort ?

    — Nous avons trouvé sur les lieux deux sortes de mouches, la lucilia ceasar verte, et la calliphora vicina bleue. Ces mouches font partie de la première escouade, c’est-à-dire celles qui pondent leurs œufs les premières dans les orifices naturels ou les plaies, quelques minutes à quelques heures après la mort. Étant donné les conditions de température élevées de la pièce, du fait de l’obstruction de la ventilation par le cadavre, le cycle de reproduction a probablement été fortement accéléré…

    En visualisant les asticots grouillant dans la chair en décomposition et gesticulant au bord des orifices, l’espresso de la secrétaire commença à me tisonner sérieusement l’estomac.

    — … d’où les milliers de mouches, qui, soit dit en passant, provenaient aussi des cadavres d’un grand nombre de souris mortes de chaleur, ou intoxiquées par la putréfaction. Nous pouvons estimer l’IPM, l’intervalle post mortem, à environ dix à douze jours, peut-être moins… D’autre part, nous espérons ne pas avoir perdu trop d’indices en sortant le cadavre de la gaine de ventilation, étant donné l’état avancé de décomposition. D’autres questions ?

    — Merci docteur pour vos précisions, dit le procureur. Nous attendrons vos résultats d’autopsie. Vous pouvez disposer maintenant.

    Le légiste se leva, salua d’un signe de tête, et repartit comme il était venu.

    — Comment des mouches auraient-elles pénétré dans une animalerie par la ventilation ? interrogea le procureur.

    Piéral répondit que la nature n’aime pas le vide, et que malgré les précautions, les filtres, le nettoyage régulier des gaines techniques, un petit monde animal s’était réfugié dans ces espaces souterrains et parfaitement adapté malgré l’environnement hostile. L’inspecteur Bussière, les yeux rivés sur l’écran de sa tablette, coupa net les explications de Piéral sur le bestiaire des canalisations du CRBS :

    — J’ai noté que madame Shim était employée par le laboratoire de l’Institut de Recherche en Médecine Régénérative de Nancy pour travailler chez vous Docteur Piéral ?

    — Oui, à l’IRMR de Nancy, répondit Piéral, dans le labo du docteur Kessler.

    — Vous connaissez le Docteur Kessler ?

    — Nous nous sommes croisés dans des symposiums, des réunions au Ministère…

    — Et vous Docteur Maldone ?

    — Jamais rencontré, mais je connais le personnage au travers de ses thématiques de recherche, mais aussi par ses prises de position, disons idéologiques.

    — Pouvez-vous nous éclairer là-dessus ?

    — Kessler travaille avec le CHU de Nancy sur des protocoles expérimentaux en médecine régénérative, et en particulier sur la reconstitution de la moelle épinière et de la peau. Son discours est proche des idées prônées par les transhumanistes, qui considèrent que la convergence de technologies aussi variées que la biologie, l’informatique, les nanosciences, contribuerait à améliorer l’humain, au point de le faire grimper d’un niveau sur l’échelle de l’évolution. Rien que ça !

    — Mais vous, vous en pensez quoi de ce trans… humanisme ? s’interrogea le procureur.

    — Ambitieux, mais mon avis sur le sujet n’a aucune importance, monsieur le procureur.

    Piéral voulut intervenir, mais n’afficha qu’un regard menaçant.

    — Vous avez autre chose sur Kessler ? continua Bussière.

    — Oui, je crois savoir qu’il collabore avec les centres de recherche des armées, l’équivalent de l’AFIRM aux US, Armed Forces Institute of Regenerative Medicine, sur un projet de « biomasque » pour soigner des brûlures faciales ; mais là, nous pénétrons dans le monde sécurisé et paranoïaque des militaires.

    Un instant, je crus que Piéral allait succomber à une attaque.

    — Je vois, intervint le procureur avec un léger mépris. C’est tout de même passionnant. Vous pourriez nous être très utile, docteur Maldone, en vous joignant à l’inspecteur Bussière, pour une visite de courtoisie au docteur Joaquim Kessler.

    C’était reparti comme en quarante. Ma dernière collaboration avait commencé au Pakistan, à « superviser » l’injection intraveineuse d’une bombe biologique sur des prisonniers afghans, et s’était terminée comme otage des talibans en Afghanistan (Ref : A Feu et à Sang). Merci.

    — Le docteur Maldonne se fera un plaisir de vous accompagner, balança Piéral. N’est-ce pas Maldone ?

    — OK, j’accompagne l’inspecteur, on parle avec Kessler, et on rentre au bercail.

    — Merci pour votre collaboration, docteur Maldone, s’exclama le procureur. Votre expertise scientifique nous sera d’un grand secours, à l’inspecteur et à moi-même pour élucider cette affaire.

    — Attention, je vais finir par y prendre goût.

    Piéral, sentant une pointe d’ironie dans ma réponse, rebondit :

    — Cette nouvelle contribution vous honore, Maldone, et conforte l’image du CRBS. Une affaire de quelques jours, tout au plus, et vous retrouverez votre cher laboratoire.

    — Je n’en doute pas.

    Je savais au fond de moi-même qu’en remettant le couvert, j’allais direct vers les emmerdes, mais ma curiosité naturellement exacerbée avait déjà choisi l’option : foncer droit dans le mur.

    Le trajet en TGV jusqu’à Nancy, en compagnie de l’inspecteur Paul Bussière, fut expédié en une heure et trente minutes plutôt agréables. Malgré sa corpulence, l’allure de Bussière paraissait légère, presque aérienne dans ses mouvements. Sa démarche sensiblement chaloupée avait la souplesse de l’hyppopotamidae, version amphibie.

    La cinquantaine, marié à une enseignante, et père de deux enfants, l’inspecteur était un homme jovial, à l’humour décapant, qui dans sa jeunesse, avait aimé jouer au foot et au tennis, activités rapidement abandonnées, quand l’importance de son physique avait supplanté sa volonté. Pendant ses études de droit, il s’était tourné vers le théâtre par amour des beaux textes, répétant deux soirs par semaine dans la troupe de la fac Paris-Dauphine. Il y avait rencontré Agnès, une jeune étudiante en sociologie, qui était devenue par la suite sa femme. Puis la vie l’avait contraint à rentrer dans le rang, celui de la police. Amateur de cigares et de rhum cubain avant son infarctus, il compensait aujourd’hui en mâchonnant des bâtons de réglisse et en buvant un litre de thé par jour ; cocktail d’ailleurs fortement déconseillé aux hypertendus par le corps médical. L’inspecteur sortit de son sac à dos une thermos de thé et deux petits mugs de voyage. Nous bûmes le breuvage bouillant et parfumé en regardant défiler les plaines champenoises recouvertes d’un fin manteau blanc.

    Le taxi nous déposa dans une zone industrielle dans la proche périphérie de la ville, devant un bâtiment futuriste à l’architecture de verre et d’aluminium. L’accueil était du même design, avec l’impression d’entrer dans une start-up de la Silicone Valley plutôt que dans un laboratoire de recherche. Derrière un comptoir de verre fumé et d’acier brossé, une brune sexy à la garde-robe sophistiquée pianotait face à un écran d’ordinateur. Une vidéo valorisant les activités de l’Institut de Recherche en Médecine Régénérative était diffusée sur un écran géant et ultra plat. Les images hautes définitions et les reconstitutions 3D étaient dignes d’une méga production hollywoodienne de science-fiction. Notre entrée dans cette cathédrale de verre actionna l’automatisme des caméras de surveillance, qui nous prirent aussitôt en chasse avec leurs petits yeux craintifs de cyclope.

    — Merci de patienter un instant dans le hall, dit l’hôtesse, après avoir raccroché le téléphone. Le Docteur Kessler descend pour vous accueillir.

    Elle désigna le canapé et les deux fauteuils de cuir blanc, à côté des ascenseurs. Après cinq bonnes minutes d’attente monacale dans ce hall aseptisé, nous entendîmes le dring cristallin de l’ascenseur, précédant l’arrivée à grands pas d’un homme svelte aux cheveux longs et gris. Un sourire américain d’une blancheur d’iceberg lui illuminait le visage, s’harmonisant parfaitement aux lignes épurées du building, et lui donnait l’air irréel du petit copain de Barbie.

    — Bienvenus Messieurs, Joaquim Kessler.

    — Paul Bussière, inspecteur de police judiciaire.

    En une fraction de seconde et un microrictus éclair, Kessler venait de jauger l’inspecteur au gabarit si opposé du sien.

    — Romain Maldone, biologiste.

    — L’affaire doit être de la plus haute importance pour qu’un inspecteur de police de Paris et un biologiste renommé se déplacent en binôme jusqu’à Nancy.

    — En effet, l’affaire, comme vous dites Docteur Kessler, est d’importance, répondit l’inspecteur, et en particulier par sa nature funeste. Pouvons-nous discuter en toute discrétion ?

    Le sourire du bellâtre se flétrit, se refermant sur l’alignement de dents immaculées. Kessler redevint en un instant humain.

    — Certes. Allons dans mon bureau si vous le voulez bien.

    Le trajet en ascenseur fut silencieux, dans un recueillement de circonstance. L’antichambre du bureau de Kessler était gardée par une secrétaire, une bombe blonde siliconée et botoxée, certainement Barbie, la copine de Ken. Un coup d’œil complice avec l’inspecteur m’apprit qu’il avait pensé la même chose. Le bureau de Kessler était un vaste loft contemporain du style baie vitrée et béton brut. Une peinture monumentale de David Salle représentant un nu féminin se prélassant sur la pelouse d’un jardin fleuri occupait un mur entier. Nous nous affalâmes dans de confortables fauteuils baquets de cuir blanc face à Kessler. Derrière lui, une œuvre du peintre américain John Kacere proposant le postérieur hyperréaliste d’une jeune femme en petite culotte bleu pâle, attira mon attention. Un large parallélépipède de verre posé sur des tréteaux d’acier lui servant de bureau, était peuplé d’objets curieux en silicone et en latex, dont la fonction et la provenance de certains, me furent dévoilées plus tard par Bussière, apparemment, lui aussi, fin connaisseur en accessoires de sex shop. Tout ici transpirait une esthétique vraisemblablement kesslerienne, l’empreinte d’un mâle dominant bourré de testostérone.

    — Docteur Kessler, connaissez-vous le Docteur Na Yung Shim ?

    — Qui ça ? interrogea Kessler, retrouvant rapidement la mémoire. Oui, bien sûr, où ai-je la tête ?

    — Elle est bien employée ici, à l’Institut de Recherche en Médecine Régénérative ?

    — Je crois bien que oui. Un instant, je vous prie.

    Kessler décrocha son téléphone blanc.

    — Vanessa, pouvez-vous m’apporter le dossier de recrutement du Docteur… euh…

    — Na Yung Shim, compléta l’inspecteur.

    — Du Docteur Shim, répéta Kessler à sa secrétaire. Faites vite Vanessa, merci.

    Kessler raccrocha, l’expression de son visage révélant un certain agacement.

    — Un problème avec son permis de travail, son passeport ?

    — Non, rien de tout cela, répondit l’inspecteur.

    — Alors, elle a fait une connerie, du trafic, c’est ça ?

    — Non… elle est morte.

    — Morte ?

    La porte s’ouvrit laissant apparaître une Vanessa à la démarche chaloupée. Elle déposa le dossier sur le bureau, puis tourna ses talons de quinze centimètres en direction de la sortie, sous le regard aux rayons X de Kessler.

    — Elle est morte comment ? reprit Kessler, quand la porte fut refermée.

    — Assassinée.

    Kessler émit une série de borborygmes.

    — Elle a été retrouvée morte dans l’animalerie du CRBS, ajouta l’inspecteur. Dans des conditions plus que troublantes. Son corps avait été caché dans un conduit de ventilation de l’animalerie.

    — Dans un conduit…

    — Elle travaillait sur quel genre de projet ?

    — C’est un peu compliqué à expliquer à un néophyte…

    — Le docteur Maldone a bien voulu m’accompagner, Docteur Kessler. Il est, pour ainsi dire, mon interprète.

    — Bon, dans ces conditions. Il faut commencer par bien saisir ce que signifie la notion de médecine régénérative. C’est bien sûr la réparation de lésions ou d’organes défectueux, en remplaçant les parties endommagées par un nouveau tissu provenant de la thérapie cellulaire. Schématiquement, des cellules somatiques ou souches

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