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Backstage: Thriller
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Livre électronique287 pages4 heures

Backstage: Thriller

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À propos de ce livre électronique

Alex et son groupe de rock vont vivre un rêve éveillé jusqu’à ce qu’un imprévu vienne chambouler tous leurs plans.

Emmené par son charismatique leader Alex, le groupe de rock vaudois Blackout est appelé pour remplacer au pied levé une tête d’affiche lors du Venoge Festival. C’est le point de départ d’une ascension irrésistible qui, grâce à l’efficacité redoutable de leur manager Léo Steiner, mènera Alex, Nils, Éric et Leila aux portes d’un succès international et de la signature d’un contrat avec une major. Mais un grain de sable pourrait bien compromettre la réalisation de leur rêve… Plongeant dans les méandres de l’âme humaine, Pascal Parrone fait du monde musical romand la toile de fond idéale de son nouveau thriller.

Plongez-vous dans ce thriller passionnant qui vous fera découvrir le monde musical romand !

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

"Le résultat est un ouvrage captivant, qui se lit d’une traite, et réserve au fil des pages son lot de surprises et autres retournements de situation." - Sylvain Muller, 24 heures

"Dans ce thriller passionnant, plein de rebondissements et de coups de théâtre, Pascal Parrone m'a baladé derrière la scène, dans les coulisses et fait vivre avec de jeunes musiciens talentueux." - Fandol, Babelio

"Après nous avoir fait vibrer avec les chansons de ce groupe, puis angoisser et flipper avec la conduite du chanteur,  Pascal Parrone imagine un scénario digne des meilleurs thrillers et maintient un suspense jusqu'à la dernière ligne." - Cancie, Babelio

À PROPOS DE L'AUTEUR
Né en 1975 à Échallens, Pascal Parrone travaille dans une institution spécialisée dans le traitement des dépendances. Il est également musicien et dessinateur de presse pour divers médias. Après Outback publié en 2015, Backstage est son deuxième roman.

LangueFrançais
Date de sortie7 avr. 2021
ISBN9782832110652
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    Aperçu du livre

    Backstage - Pascal Parrone

    Isabelle

    CHAPITRE 1

    Penthalaz, vendredi 24 août 2018, 22h 42

    –Ça va être à vous dans trois minutes !

    – Merci, Freddy…

    La porte de la loge se referma. Alex se leva du canapé et jeta le coussin frappé du logo du groupe sur le fauteuil à côté de lui.

    – Venez, les gars.

    – Eh ! moi je ne suis pas un gars ! protesta Leila.

    – Excuse-moi, sourit-il. Venez les gars… et Leila.

    Les quatre membres du groupe se réunirent en cercle en se tenant par les épaules. Alex martela son discours à la manière d’un coach sportif.

    – L’album sort cet automne. Ce soir on a une chance incroyable de jouer sur une grande scène, il faut la saisir même si on n’est pas tout à fait prêts. Ces morceaux, on les connaît. Si le public kiffe, il kiffera notre album, le bouche-à-oreille fera le reste. Alors on se lâche, on y va à fond et surtout on prend un maximum de plaisir ! Okay, les gars… et Leila ?

    – Les gars tout court ça ira, se moqua-t-elle.

    – On donne tout ! vociféra Éric.

    Ils lâchèrent un cri d’encouragement et sortirent de la loge immaculée. Chacun se mit en condition dans son coin, à sa façon. Les yeux fermés, Leila prenait de profondes respirations en agitant les mains dans tous les sens. Éric répétait mentalement les solos dont il était le moins sûr. Le grand Nils, quant à lui, semblait imperméable à la pression. Il caressait sa barbe en plaisantant et se comportait comme s’il s’apprêtait à grimper dans le bus. Il était le musicien le plus doué du groupe, le plus expérimenté aussi. Alex partit aux toilettes. Comme à chaque fois que le trac le terrassait, sa vessie ne tenait pas le choc. C’était la huitième fois qu’il allait uriner de la journée. Il déboutonna son pantalon et se soulagea en pensant aux paroles qu’il allait prononcer à son entrée sur scène. Après avoir tiré la chasse d’eau, il sortit de sa poche un petit sachet dont il versa le contenu sur le couvercle des toilettes. Il forma une ligne avec sa carte bancaire avant de renifler la cocaïne grâce à un billet de vingt francs roulé comme une paille. La drogue et l’argent réunis dans un seul geste, tout un symbole ! Il ressortit des toilettes, prêt à bouffer le monde, et rejoignit ses camarades de jeu au bar des artistes. De magnifiques plantes vertes entouraient un jacuzzi qui, s’il avait pu parler, aurait eu bien des histoires à raconter. Les hôtesses et les serveuses bénévoles du bar leur souhaitèrent bonne chance. Ils marchèrent jusqu’à l’escalier de la grande scène en longeant les containers blancs servant de loges aux artistes. Le murmure impatient de la foule bourdonnait en continu, comme un monstre affamé prêt à les dévorer. Léo attendait au pied des marches, flanqué de Freddy. Le trac et l’excitation livraient bataille dans un combat sans merci.

    – Vous êtes prêts ? lança Léo avec un grand sourire.

    – J’espère ! fit Alex, qui ne tenait plus en place.

    – Ça va très bien se passer. Vous êtes des challengers, alors lâchez les chiens, donnez tout, et surtout amusez-vous !

    – Merci, Léo.

    – Je vous dis merde ! fit Freddy avec un clin d’œil entendu.

    – Merde toi-même ! répliqua Nils en rigolant.

    Jean-Luc Morel, animateur vedette de la radio LFM, partenaire du festival, les rejoignit au pied des escaliers.

    – Ça va ? Pas trop tendus ? lança-t-il, tout sourire.

    – Un peu quand même…

    – Ne vous inquiétez pas, tout va bien se passer. Je vais vous présenter et dès que je reviens vous entrez sur scène, okay ?

    Ils hochèrent la tête. Freddy lui tendit un micro sans fil. Morel leur adressa un clin d’œil, grimpa les quelques marches et s’élança sur l’immense scène sous les acclamations. C’était vendredi soir. Il faisait encore très chaud pour une fin août. Le festival affichait complet et le public avait hâte que ça commence. Tout était réuni pour un concert mémorable. Morel se présenta à l’avant de la scène et contempla le public.

    – Waouh ! Vous êtes si nombreux !

    Le public répondit bruyamment.

    – Il fait très chaud ce soir et ça va continuer. Comme vous le savez, les membres du groupe Shaka Ponk prévu en tête d’affiche ont eu un accident avec leur tour bus hier soir près d’Avignon. Ils sont très déçus de ne pas pouvoir être présents ce soir, et nous aussi, parce qu’on les adore. Mais tout le monde va bien, je vous rassure.

    La foule exprima un mécontentement compréhensif…

    – Mais… mais… le Venoge a tout mis en œuvre pour être en mesure de vous proposer une magnifique soirée malgré les circonstances. Ce matin, Gaëtan, le programmateur, a décroché son téléphone et a appelé en catastrophe le manager du groupe que vous allez découvrir maintenant si vous ne les connaissez pas déjà. Ses membres ont accepté de venir au pied levé. Leur album sortira cet automne. Je vous conseille vivement de vous plonger dans leur univers. Ils sont jeunes. Ils sont beaux. Ils sont du coin. Ils sont un peu tendus, mais ils font du rock et ça déchire ! Ils vont retourner cette magnifique scène du Venoge Festival. Merci de faire un maximum de bruit pour le groupe Blackout !

    Une ovation monstrueuse enveloppa tout le site du festival. Les membres du groupe eurent soudain envie de mourir. De peur. De trac. D’excitation. Sauf Nils toujours aussi détendu. Morel rejoignit les coulisses au pas de course et redonna le micro à Freddy. Il s’adressa au groupe avec son éternel sourire.

    – C’est à vous. Ils sont chauds, vous allez tout faire péter ! Bon concert et merde à vous !

    – Merci, Jean-Luc…

    Le Venoge Festival, autrefois nommé Rock’n’Air, avait lieu chaque été à la fin du mois d’août dans la commune de Penthalaz. On disait de lui qu’il était le plus petit des grands festivals ou le plus grand des petits festivals. Une chose était sûre, il était le plus grand du Gros-de-Vaud et de la région lausannoise, avec ses trois cent cinquante bénévoles sur le pied de guerre chaque soir. La première édition avait eu lieu en 1995 sur la place des fêtes de Penthalaz. La première scène était une semi-remorque, aussi approximative que les groupes locaux qui s’y produisaient. Année après année, le festival avait évolué jusqu’à devenir la grosse machine actuelle, mais il avait su garder son caractère régional et rester proche du public.

    Les jambes tremblantes et le ventre en apesanteur, Leila pénétra la première sur cette immense scène de quatorze mètres de large sur douze de profondeur, suivie de près par Éric et Nils. Des acclamations jaillirent aussitôt de la foule ainsi que des sifflets admiratifs de jeunes mâles échauffés tant par la bière que par le physique de la jeune fille. Le groupe avait fait plusieurs concerts dans des petites salles pour tester les morceaux, mais jamais ils n’avaient eu l’occasion de se frotter à un monstre pareil.

    Leila ne leva pas la tête. Elle marcha en ligne droite et vint s’installer derrière sa batterie minimaliste. Elle s’assit, saisit ses baguettes avant de lever enfin les yeux sur le public qui applaudissait à tout rompre. Le choc ! Des milliers de têtes l’observaient. Elle balaya du regard le tapis de foule devant elle. Impressionnant ! Une bouffée d’angoisse s’empara d’elle. Elle eut soudain peur d’imploser, un sentiment terrifiant : « Ne pas paniquer ! Surtout ne pas paniquer ! » se dit-elle.

    Nils vint se placer juste à côté de la batterie. Il lui jeta un regard complice qui disait : « Ne t’inquiète pas, tout va bien se passer. » Sa présence apaisa Leila. Il souriait. Il était dans son élément. Il agrippa sa basse, passa la sangle sur son épaule et se mit en position. Éric fit de même avec sa guitare. Il appuya sur ses pédales d’effets, opéra un dernier réglage avant de relever la tête. Il était concentré, prêt à jouer. Il lança un regard à Leila, qui prit une grande respiration et se mit à taper frénétiquement sur sa grosse caisse. Un rythme carré et lourd. Après quelques mesures, elle ajouta la caisse claire et le charleston. Dans le public, les têtes se mirent aussitôt à battre la mesure. Des sourires s’affichèrent. Éric balança un riff hargneux et saturé sur sa guitare. Répétitif, entêtant. Nils compléta l’armada de sons avec sa basse puissante. Leila sentit aussitôt la pression s’envoler. Un sentiment jouissif. Elle sut dès cet instant qu’elle allait vouer entièrement sa vie à la musique dans l’espoir de revivre de tels moments. L’introduction musicale dura une trentaine de secondes, avant qu’Alex ne débarque sur scène telle une pile électrique. La foule l’acclama comme une vraie rock star. Avec sa silhouette dégingandée, ses jeans slims, ses cheveux noirs et raides en bataille dont une mèche dissimulait en partie son visage émacié, ses grands yeux verts et son T-shirt Nirvana blanc laissant deviner le tatouage sur son torse, il avait la dégaine ! Alex n’avait encore rien fait, mais sa présence électrisa immédiatement la scène. Il attrapa sa guitare en se déhanchant puis approcha du micro.

    – Salut, Venoge ! Vous êtes là ?

    Le public se manifesta bruyamment.

    – J’entends rien, vous êtes là ?

    Les acclamations redoublèrent.

    – Vous êtes magnifiques, et nous on s’appelle Blackout !

    Il se mit à plaquer les accords sur sa Telecaster¹. Des bras se levèrent. Des bières se levèrent. C’était parti pour de bon. Il se mit à chanter et là… stupéfaction dans la foule. Sa voix était rocailleuse, puissante, claire et juste à la fois. Une voix dans la plus pure tradition rock, un vrai don de la nature. Alex faisait toujours cet effet, il le savait. Mais il ne l’avait jamais expérimenté à une telle échelle. Le morceau d’ouverture s’intitulait I’m done. Il balança le premier couplet avec conviction, dans un anglais parfait contrairement à beaucoup de groupes francophones évoluant dans la langue de Shakespeare et dont l’accent parasitait si souvent la crédibilité.

    I’m losing my way

    I’m wasting my time

    Need a new start

    Need a new day

    Somewhere to shine

    Puis il envoya le premier refrain comme si sa vie en dépendait, comme s’il allait mourir le lendemain…

    Caus’I’m done, I’m done, I’m done

    I’m done, I’m done, I’m…

    Sa voix éraillée faisait mouche. Ils diminuèrent volontairement l’intensité pour le second couplet…

    Now it’s over

    Too hard to fight

    Nothing to wait for

    I raise my finger

    Get out of sight

    Pour mieux repartir sur un refrain qui aurait pu envoyer Bon Scott² dans les cordes… ou presque.

    Caus’I’m done, I’m done, I’m done

    I’m done, I’m done, I’m

    I can’t stay

    No way, no way

    Caus’I’m done

    La fin du morceau approchait, Alex adressa un regard entendu à Leila…

    Cause I’m done

    I’m done…

    Il clama une dernière fois « I’m done », et les quatre musiciens s’arrêtèrent net sur ces derniers mots. Une salve impressionnante d’applaudissements monta aussitôt de la foule, prenant le groupe aux tripes. Le concert était lancé et plutôt bien lancé !

    Ils avaient construit le set en catastrophe le matin même. Les treize morceaux du futur album permettaient de tenir à peine une heure, durée minimum requise par le festival pour les concerts sur la grande scène. Léo avait négocié avec Gaëtan Müller une durée d’une heure quinze. Pour cela, il avait fallu ajouter à la setlist deux vieux morceaux de leur premier EP³ sorti en 2015 dans l’indifférence générale, une reprise acoustique de Daft Punk, ainsi qu’une longue partie instrumentale sur leur morceau phare, le dernier du concert.

    Après la première chanson, ils enchaînèrent avec Porn Fire et sa touche électro, puis trois titres aussi énergiques que diablement efficaces. La voix d’Alex fit le reste. Le public était conquis. Ce petit groupe du coin assurait comme de vieux routards, attrapant le public aux tripes sans jamais desserrer l’étreinte. Au fil du concert, l’énergie de la foule nourrissait leur enthousiasme et réciproquement dans un parfait cercle vertueux. Les planètes étaient alignées, ce soir était leur soir !

    Au moment du rappel, dopés par l’adrénaline et les applaudissements, ils rejoignirent les coulisses sur un petit nuage. Alors que Freddy déposait deux tabourets de bar au milieu de la scène, Éric et Alex réapparurent quelques secondes plus tard sous les vivats. Ils s’installèrent tranquillement sur les tabourets, Alex s’adressa au public :

    – Quel accueil ! Venoge, vous êtes incroyables. C’est un peu spécial et inattendu pour nous d’être ici, de jouer à la maison. Éric et moi nous venons d’Échallens, juste à côté ; Leila et Nils, de Lausanne. On est ravis de pouvoir fouler cette magnifique scène. On a dû ajouter à l’arrache quelques morceaux à notre set. Le prochain est une reprise de Daft Punk que vous connaissez peut-être : Lose yourself to dance.

    Éric arpégea les accords de la chanson sur sa guitare acoustique. Alex mit tout son talent d’interprète, son âme et sa voix magique au service du morceau. L’émotion flottait sur le site, envoûtant les six mille spectateurs plongés dans un silence presque religieux. Le monde entier était suspendu aux doigts d’Éric et aux cordes vocales d’Alex. Le morceau prit une dimension astrale dans cette réinterprétation acoustique. Si le public n’avait pas été déjà debout, ils auraient sans doute eu droit à une standing ovation.

    La section rythmique les rejoignit sur scène pour le dernier morceau. Ils avaient gardé Last la bien-nommée pour la fin. Ce titre flirtait avec l’univers du groupe anglais Radiohead. Le public reconnut immédiatement cet air entêtant qui passait plusieurs fois par jour sur les ondes. La radio Couleur 3 en avait fait un de ses « repérages » grâce à son efficacité et au travail remarquable de leur manager, Léo Steiner.

    Au moment de plaquer le dernier accord, une immense ovation s’éleva du parterre et vint frapper le groupe de plein fouet. Ils posèrent leurs instruments, se prirent par les épaules et saluèrent les spectateurs avant de rejoindre les coulisses en courant…


    1 Modèle de guitare électrique de la marque américaine Fender.

    2 Chanteur originel du groupe australien AC/DC décédé en 1980.

    Extended Play, format musical plus long qu’un single, mais plus court qu’un album.

    CHAPITRE 2

    Penthalaz, samedi 25 août 2018, 0h 03

    Baigné d’un sentiment d’euphorie indescriptible, les membres du groupe s’étreignaient chaleureusement. L’adrénaline pulsait dans les corps. Le concert avait été énorme, ils le savaient. D’ailleurs, le public était toujours en train de les rappeler, mais mieux valait le laisser sur sa faim que tenter un retour sur scène approximatif. Freddy les rejoignit :

    – Vous avez assuré comme des pros, c’était d’la balle, quoi ! lança-t-il de sa voix nasillarde, des étincelles plein les yeux, ce qui ne lui arrivait pas souvent.

    – Merci, Freddy. Et merci pour ton aide, répondit Leila en le serrant amicalement dans ses bras.

    – De rien, ma belle, je suis là pour ça.

    Jean-Luc Morel et Gaëtan Müller débarquèrent en même temps.

    – Bravo, Blackout ! lança Gaëtan visiblement heureux de ce qui venait de se produire dans son festival. C’était magique !

    – On revient quand tu veux, répliqua habilement Alex.

    – Promis ! Mais je ne sais pas si nous aurons toujours les moyens de vous engager. Après ce que j’ai vu ce soir, vous allez exploser dès la sortie de votre album, c’est sûr !

    – Ce serait tellement cool… commenta Nils.

    – Vous avez fait un excellent concert, ajouta Morel. Si possible, j’aimerais bien vous avoir en interview en direct d’ici une dizaine de minutes, est-ce que ça irait pour vous ?

    – Aucun problème, fit Alex.

    – Après l’interview, revenez ici, on boit un verre ensemble, c’est moi qui régale, annonça Gaëtan.

    – Avec plaisir…

    De retour de l’interview, le groupe, toujours sur son petit nuage, fut accueilli au bar des artistes par Gaëtan qui commanda une bouteille de champagne. Il était fasciné par l’alchimie et le talent de ce jeune groupe. Léo Steiner arriva au même moment. Sa silhouette svelte, sa démarche légèrement boiteuse et son bras gauche paralysé le rendaient immédiatement reconnaissable. Ancien directeur d’un label indépendant, à présent manager du groupe le plus prometteur de la scène suisse, il était une figure bien connue du milieu musical romand.

    – Léo, une petite coupe ? demanda Gaëtan.

    – Non merci. Je passe juste les féliciter, après je m’en vais.

    – Ça me fait plaisir de te revoir dans le milieu. Avec ce groupe, tu as déniché une vraie pépite, affirma le boss du festival.

    – Je viens de m’en rendre compte, figure-toi, avoua Léo en regardant fièrement ses poulains.

    – Je voulais te remercier d’avoir répondu si vite à ma demande ce matin. C’était le stress total, on aurait été vraiment mal si vous n’aviez pas pu venir. Vous avez sauvé la soirée… Et de quelle manière !

    – Merci à toi, Gaëtan. C’était une superbe opportunité, je crois qu’ils ont su la saisir…

    Léo serra de son bras valide les membres du groupe tour à tour avec un petit mot de félicitation pour chacun. Il savait déjà qu’ils étaient pétris de talent, mais mesurait pour la première fois ce soir leur énorme potentiel sur une grande scène. Énorme et international ! L’avenir leur appartenait.

    Munis d’une seconde coupe de champagne, Alex, Éric, Nils et Leila plongèrent en sous-vêtements dans l’eau bouillonnante du jacuzzi à disposition des artistes. Ils relâchaient la pression avec le sentiment jouissif du devoir accompli.

    Leur manager et le boss du Venoge discutaient du bon vieux temps, puis ce dernier dut s’éclipser. Gérer une aussi grosse machine n’était pas une mince affaire, les sollicitations s’enchaînaient sans répit avant, pendant et après le festival. Il remercia une dernière fois le groupe qui se prélassait dans le bain bouillonnant et donna l’accolade à Léo en se réjouissant de leur prochaine rencontre. Ce dernier se retrouva seul au bar avec la fin de son Perrier.

    – Vient faire trempette, Léo, elle est bonne ! lança Alex.

    – Merci, je ne vais pas tarder, répondit-il, amusé.

    – Allez, tu ne vas pas nous laisser comme ça, viens boire un verre avec nous à Lausanne, on va fêter ça, fit Nils.

    Léo rit de bon cœur.

    – Je vous laisse entre jeunes. Mais je tenais à vous le dire encore une fois, vous m’avez bluffé ce soir, c’était juste parfait ! Vous n’auriez pas pu mieux jouer. C’est de bon augure pour la suite. Dès demain, on se remet au travail. On va tout faire pour que ça marche pour vous.

    – Pour nous, tu veux dire ! On est une équipe et tu en fais partie, corrigea Éric.

    – Pour nous tous, tu as raison. Bon je vous laisse… Pas de bêtises à Lausanne et doucement avec l’alcool. On se voit demain au local pour débriefer.

    – Merci, Léo, à demain.

    Alex prit son téléphone et regarda ses nombreux messages. Beaucoup de leurs amis et connaissances avaient assisté au concert. Les félicitations inondaient sa messagerie.

    – Oh ! il y avait même Mélissa et Sophie ce soir…

    – Ça t’étonne ? fit Leila d’un air moqueur.

    Éric éclata de rire.

    – Pas vraiment, s’amusa ce dernier.

    – On va les faire venir ici, déclara Alex.

    – Ouais, ça pourrait être fun. Proposons-leur de venir à Lausanne avec nous, suggéra Nils.

    – Bonne idée !

    Alex fit signe à Freddy de s’approcher. Ancien toxicomane, ce dernier était un vieil ami de Léo, que la situation ne laissait pas insensible. Il lui avait proposé de donner un coup de main lors des concerts de Blackout. Freddy prenait son rôle très à cœur. Tantôt régisseur de plateau ou assistant technique, tantôt porteur d’amplis ou homme à tout faire, il était astucieux et bricoleur. De plus, il connaissait bien le milieu de la musique. Sa présence pouvait se révéler très utile. Léo avait l’intention de le tester sur quelques dates et, si la collaboration se passait bien, de l’intégrer à l’équipe pour les concerts et les tournées à venir. Dans une autre vie, le manager avait été éducateur dans un foyer pour jeunes, période qui avait nourri sa fibre sociale. Il savait bien qu’avoir une occupation et se sentir valorisé pouvait aider son ami à surmonter ses vieux démons malgré ses fragilités. Il savait aussi que partir en tournée avec un technicien débrouillard et dévoué était un atout très précieux pour un groupe.

    Alex tendit discrètement son badge « Artiste » à Freddy. Nils fit de même.

    – Peux-tu aller chercher Mélissa et Sophie au stand merchandising, s’il te plaît ? Elles attendent là-bas. Je leur ai dit que tu arrivais avec les badges. Ensuite, tu les fais entrer ici, okay ?

    – No problemo, Alex.

    Cinq minutes plus tard, les deux filles débarquèrent dans les coulisses. Visiblement, la perspicacité de l’agent de sécurité au crâne rasé posté à l’entrée laissait un peu à désirer. Il y avait fort à parier que, si les fraudeuses avaient été de jeunes hommes basanés, barbus ou alcoolisés, la supercherie n’aurait pas fonctionné si facilement…

    Mélissa et Sophie étaient deux jolies jeunes filles dans la vingtaine. Une blonde, une brune. Elles avaient découvert le groupe lors d’un concert au Bleu Lézard à Lausanne. Devenues fans – surtout d’Alex –, elles ne manquaient aucune actualité, aucune publication sur les réseaux sociaux ni aucun de leur concert. Et Alex avait bien l’intention de profiter de son nouveau statut dès ce soir.

    Ils sortirent du jacuzzi et allèrent se sécher dans les loges, invitant les filles à les suivre. Ils burent encore une bière au bar puis demandèrent à l’hôtesse de commander un runner pour les conduire à Lausanne. Les runners étaient des chauffeurs bénévoles chargés de véhiculer les artistes où bon leur semblait. Il y en avait dans presque tous les grands festivals. Avant de partir, ils chargèrent leur matériel dans le van de Nils et décidèrent de

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