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Au clair de la mort mon ami Pierrot
Au clair de la mort mon ami Pierrot
Au clair de la mort mon ami Pierrot
Livre électronique145 pages2 heures

Au clair de la mort mon ami Pierrot

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À propos de ce livre électronique

Le spectacle du cirque en plein air avait été magnifique au pied des montagnes enneigées. La foule applaudissait les acrobates. Soudain, un murmure parcourut l'assistance. Sous son maquillage blanc, le Pierrot au visage lunaire semblait défaillir. Il vacilla et s'effondra, inerte. Une tache rouge s'agrandit sur le costume blanc et se fit ruisseau sur la neige immaculée. Ce fut le premier. Bientôt, à Athènes, à Londres, à Bruxelles, des Pierrots costumés s'écroulèrent en pleine représentation, terrassés par un mal mystérieux. Qui en voulait aux Pierrots ? Le buzz s'empara d'internet. D'un bout à l'autre de la planète, au même moment, sous le soleil ou à la lueur des flambeaux, des milliers de Pierrots et d'anonymes en blanc défilèrent en silence, pour conjurer cette étrange malédiction. Le lendemain, on déplorait 37 morts...
LangueFrançais
Date de sortie31 oct. 2013
ISBN9782312018331
Au clair de la mort mon ami Pierrot

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    Au clair de la mort mon ami Pierrot - Michèle Letellier

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    Au clair de la mort mon ami Pierrot

    Michèle Letellier

    Au clair de la mort mon ami Pierrot

    LES ÉDITIONS DU NET

    22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes

    © Les Éditions du Net, 2013

    ISBN : 978-2-312-01833-1

    Chapitre I

    Pourquoi ces rires d’enfants qu’on entend, au loin, font-ils si mal, ce soir ? Pourquoi ne peut-on revenir en arrière, reprendre l’écheveau, tisser sa vie différemment, remodeler les événements comme on recommence un numéro de cirque jusqu’à ce qu’il soit parfait ?

    La représentation du Chapiteau Leprince est en cours et les réactions du public parviennent jusqu’à la roulotte. Philippe Caron est près d’Estelle. Estelle, qui se cache derrière un maquillage de plus en plus délirant, va bientôt entrer en piste et, comme pour répéter son numéro… mais est-ce bien cela ?, elle semble si loin… la magicienne passe et repasse, devant ses yeux dans le vague, les trois anneaux magiques. On la sent lasse, indifférente. Son regard exprime la détresse de ceux qui ont tout perdu. Philippe Caron ne sait comment entamer la conversation. D’une voix mal assurée, il rompt le silence : « C’est la dernière représentation, ce soir ? » Comme par automatisme, Estelle répond : « la dernière pour la région. Demain, nous reprenons notre vie de nomade… J’aurai laissé beaucoup ici. » Son regard fixe semble se noyer dans l’image trop fardée que lui renvoie le miroir et qu’elle ne voit pas. Elle répète : « J’aurai laissé beaucoup ici », alors que les rires d’enfants éclatent au loin. Le spectacle continue.

    Comment toute une vie peut-elle basculer en si peu de jours ? Quel mécanisme irrémédiable peut faire que tout ce qui constituait la vie d’un être humain s’écroule ? Estelle a vu sombrer ici amour, amitiés et désir de vivre, jusqu’à sa passion pour la piste. Cette passion qu’elle a toujours sentie blottie au creux de son ventre, au plus loin que remonte sa mémoire. Toute petite déjà, elle savait qu’elle était sur cette terre pour ça : le cirque, les projecteurs, les paillettes, les numéros qui fascinent et restent mystérieux, les applaudissements et le travail dur des coulisses jusqu’à la perfection. Aujourd’hui, les applaudissements lui font mal. Alors, pour qu’ils l’atteignent moins, elle renforce la barrière entre elle et le public, elle se protège derrière ce maquillage hallucinant, comme un animal traqué qui se dissimule. D’ailleurs, ce visage, dans le miroir, est-il le sien ? Et le Juge Caron, de quoi parle-t-il ? À quoi bon l’écouter, lui répondre ? Demain, il sera sur une autre enquête. Il suit son chemin. Estelle suivra le sien, un chemin qu’elle n’aura pas choisi, cette fois. L’autre Estelle, celle qu’elle était, il y a encore quelques jours, restera à jamais enfouie sous cette neige, à l’ombre de ces montagnes.

    Pourtant, comme elle s’était sentie bien, en arrivant ici le 27 février dernier ! Après l’accident de Laura, ce paysage l’apaisait.

    Ciel bleu, sapins, neige, skieurs aux tenues multicolores, œufs jaunes et rouges, traîneaux et luges, tout respirait la gaieté, la vie. Affiches et banderoles annonçaient, depuis plusieurs jours déjà : « Chapiteau Leprince le 27 février à 15H «. La troupe s’était entraînée de façon intensive, à skis, dans une station proche, pendant une semaine, afin de ne rien laisser au hasard. Méthode Leprince. En bas des pistes, un terre-plein avait été aménagé et le public pouvait assister aux préparatifs de la troupe : fixation des portiques, du filin pour le funambule, derniers repérages, mouvements de mise en forme des acrobates, que les enfants, curieux et excités, essayaient d’imiter.

    Quand Gérard Leprince arriva dans un traîneau, caméras et micros l’attendaient. La cinquantaine sportive, visage ouvert, il parlait volontiers de son entreprise. Lorsqu’un premier journaliste lui lança : « Gérard Leprince, avez-vous conscience d’être un génie novateur ? «, il éclata d’un rire franc et sympathique.

    Le journaliste poursuivit : « Un chapiteau sans chapiteau, c’est un paradoxe et une idée originale. D’où vous est-elle venue ?

    − Je crois que j’ai voulu simplement retrouver mon âme d’enfant. J’ai grandi tout près d’ici, et je me souviens des petits cirques qui allaient de village en village. Malheureusement, mes parents ne m’y emmenaient pas. Derrière la toile, j’entendais les autres enfants rire, le public frémir, applaudir et je priais très fort pour que la toile s’envole… Voilà, j’ai attendu l’âge adulte pour la faire envoler ! Pour que tout le monde profite du spectacle. «

    Un autre journaliste nota qu’au moment où était annoncé partout le déclin du cirque, son entreprise connaissait un succès sans précédent.

    « Les gens n’allaient plus au cirque, j’ai décidé d’amener le cirque aux gens. C’est peut-être là, la vraie innovation jouer en plein air, profiter des éléments extérieurs, de la nature, de l’architecture locale, des monuments. Regardez autour de vous, c’est un décor merveilleux ! Ici, nous nous servons de la neige. Au printemps, nous jouerons sur les falaises à Étretat. Ensuite, à Annecy sur le lac…

    − Et vous touchez des droits d’auteur sur les autres chapiteaux que vous avez essaimés dans le monde entier ? »

    Gérard Leprince éclata de rire à nouveau, reconnut qu’il avait des droits, mais, surtout, des devoirs de responsabilité sur les trois Chapiteaux Leprince qui parcouraient le monde. Celui-ci restait en France. Le second était États-Unis, et donnait, hier, une représentation sur la statue de la liberté à New-York, avec retransmission à la télévision. Dans quelques jours, ils seront à Las Vegas, et le mois prochain à Monument Valley. Quant au troisième, il traversait l’Europe. Ce soir à Venise, sur les canaux, la semaine prochaine sur l’Acropole à Athènes, où il avait décroché une autorisation exceptionnelle pour trois représentations. Gérard Leprince en était très fier, car cela lui avait demandé des mois de démarches.

    Il quitta son traîneau pour aller surveiller les préparatifs, mais les journalistes ne voulaient pas le lâcher si vite :

    « On vous dit très exigeant sur les numéros.

    Il répondit en s’éloignant :

    − J’ai besoin d’artistes pouvant s’exécuter n’importe où, quitter le cocon du chapiteau couvert, adapter leur prestation. Cela suppose une très grande maîtrise de son art, un dépassement de soi et une remise en cause perpétuelle…

    − Pourtant, vous n’avez pu éviter l’accident ! »

    La question toucha Gérard Leprince comme une balle dans le dos, alors qu’il rejoignait ses artistes. Le visage assombri, il se retourna lentement vers les journalistes qui attendaient, silencieux, sa réponse.

    « Laura, notre trapéziste, s’est tuée, il y a dix jours, en exécutant son numéro. Un numéro exceptionnel… un accident stupide, le seul en quatre ans. Le cœur de toute l’équipe est endeuillé. Laura, nous l’aimions. »

    Visiblement ému, il ajouta plus bas : « Je l’aimais «.

    Puis Gérard Leprince se reprit, le show devait continuer pour le public, pour les enfants. La foule devenait très dense au pied des pistes, canalisée par un service d’ordre discret, mais efficace. En pleine effervescence, les plus petits guettaient l’entrée des premiers acrobates. La bonne humeur était générale, le soleil et la neige s’apprêtaient à être des faire-valoir scintillants.

    Une musique éclatante de cuivres sonna le début du spectacle. Un « Oh ! « d’admiration parcourut l’assistance, dès l’entrée de la troupe. Un véritable feu d’artifice humain s’offrit aux spectateurs : les acrobates sortaient de tous côtés, mouvements au sol, sur la neige ou dans les airs, à skis ou chevauchant des ballons, contorsionnistes, sauts périlleux, pyramides humaines slalomant à skis jusqu’aux premiers spectateurs, animaux en luge, jongleurs, équilibristes sur échelle sans appui, anneaux magiques enflammés disparaissant des mains de la magicienne pour réapparaitre au bras du funambule qui dansait, là-haut, sur son filin et faisait frémir la foule, otaries jonglant, un ballon sur le nez, éléphants avançant en équilibre sur un rouleau glissant sur la poudreuse, chevauchés par des clowns bombardant la foule de boules de neige… une avalanche ininterrompue de numéros époustouflants. La beauté des costumes, se détachant sur la montagne blanche et le ciel bleu, ajoutait à la qualité des exploits artistiques. Chaque spectateur, ébahi, avait conscience d’assister à une représentation exceptionnelle. La réputation du Chapiteau Leprince n’était pas surfaite. Les visages fascinés et rieurs des enfants étaient une récompense pour chaque artiste.

    Peut-être plus encore pour Estelle, qui, depuis des années, masquée sous un maquillage impressionnant, or et rouge, promenait un numéro unique de magicienne à travers le monde. Gérard Leprince l’avait repérée à Las Vegas et avait su l’intéresser à son projet. Elle fut sa première recrue. Elle n’en pouvait plus d’être enfermée dans cet hôtel de carton-pâte et de machines à sous, dans cette ville artificielle au milieu du désert. Elle avait tout de suite été passionnée par son idée de cirque à ciel ouvert, offrant liberté et accord avec la nature. Gérard Leprince avait également engagé son compagnon, Hervé, un équilibriste de renommée internationale. Les deux Français s’étaient connus, douze ans plus tôt, lors d’une audition où l’un et l’autre furent refusés. L’échec unissait souvent ceux qui étaient faits pour la réussite. Ils décidèrent de s’entraîner ensemble, de façon intensive, inventive, et d’être, l’un pour l’autre, le critique le plus féroce. Cinq ans plus tard, ils avaient réussi à s’imposer, chacun dans sa discipline, et leur amour s’était enrichi, approfondi, consolidé au fil des surpassements. Leur arrivée au « Chapiteau Leprince » leur avait permis d’ajouter, quand le décor s’y prêtait, des ponts entre leurs deux numéros, comme ces anneaux enflammés qu’Estelle faisait disparaître et qui réapparaissaient, plusieurs mètres plus haut, au bras d’Hervé sur son filin de funambule. Un clin d’œil complice et un effet spectaculaire.

    Seule déception à leur union, Estelle ne pouvait pas avoir d’enfant. Très marquée, au début, par cette stérilité, elle avait fini par l’accepter et même se persuader que c’était préférable pour sa profession. Son destin devait passer par ce manque. Puis, il y avait eu l’arrivée de Laura et d’Anna. Laura, la trapéziste canadienne, était très vite devenue son amie, et la petite Anna un peu sa filleule. Aujourd’hui, Laura n’était plus. Mais, il lui fallait tenir pour la petite, s’occuper d’elle, se dépasser pour elle. Comme Laura aurait aimé ce paysage de neige !

    Estelle venait de sortir de piste sous les applaudissements et se préparait, comme les autres, pour le final. Son funambule vint lui ajuster son chapeau : « Vite, Hervé, tu vas être en retard «. Il chopa son costume blanc du final et partit s’habiller rapidement. Les rires des enfants éclataient dans la station de sports d’hiver, ponctuant les glissades et les chutes des clowns. Mais quelles chutes ! Gérard Leprince avaient engagé les meilleurs skieurs artistiques : sauts périlleux, envolées, sauts écartés, double vrilles… Auguste et clown blanc s’en donnaient à cœur joie, et le public en redemandait. L’hilarité était à son comble quand toute la

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