MERVEILLES DU ROCK ET DE SA LANGUE DE NAISSANCE. Spoon, mince, qu’est-ce que ça sonne bien. Il semble que ça ait à voir avec un vieux single de Can, autre groupe à une syllabe, ceux qui clashent et kinksent agréablement à nos oreilles. En français, ça donnerait “cuillère”. Au moins une syllabe à café en trop. Certaines incompréhensions transatlantiques tiennent à peu de chose.
Vrai? Faux?
Britt Daniel (guitare, chant) et Alex Fischel (claviers) sont en tournée promo européenne. Le quinquagénaire et son petit lieutenant, de vingt ans son cadet, qui a rajeuni le groupe et su mettre son grain de sel — mais pas de sable — dans la mécanique créative du duo originel constitué de Daniel et du batteur Jim Eno. Vrai? Faux? (sourire) Est-ce que ce changement de centre de gravité s’entend sur le disque? Il y a peut-être davantage d’harmonie(s), moins de brutalité frontale, mais l’essentiel est toujours là, inchangé, la puissance dévastatrice des chansons et cette façon qu’a Daniel de marteler (maltraiter) sa guitare comme un forcené. Fischel confirme. On ne le revérifiera pas de sitôt. La veille, ils étaient en show-case acoustique à Londres, et à Dublin le jour d’avant. A Paris, rien, pas de concert en vue. Ces jours-ci, il fait beau, très beau, presque trop. Ils sont clairement contents d’être là, à boire des coups en terrasse dans le quartier de Belleville. Mais d’en être là où ils en sont? Le rock 2022 reste une façon de vivre et de gagner sa vie, plus vraiment une façon de devenir célèbre. Cette part-là du métier, essentielle, quintessentielle même, s’est dissipée comme un mirage quelque part à la fin du siècle précédent, qui se fait de plus en plus lointain. Quand Spoon a été élu en 2010 par… Spin, ce genre de distinction n’empêchait déjà plus de se promener tranquille dans la rue.