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Les dysfonctions sexuelles, 3e édition: Évaluation et traitement par des méthodes psychologiques, interpersonnelles et biologiques
Les dysfonctions sexuelles, 3e édition: Évaluation et traitement par des méthodes psychologiques, interpersonnelles et biologiques
Les dysfonctions sexuelles, 3e édition: Évaluation et traitement par des méthodes psychologiques, interpersonnelles et biologiques
Livre électronique1 637 pages17 heures

Les dysfonctions sexuelles, 3e édition: Évaluation et traitement par des méthodes psychologiques, interpersonnelles et biologiques

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À propos de ce livre électronique

Depuis la dernière édition de Dysfonctions sexuelles : Évaluation et traitement par des méthodes psychologique, interpersonnelle et biologique datant du début des années 2000, la publication du DSM-5 a modifié les diagnostics des difficultés sexuelles et de nouveaux traitements sexo-psychologiques comme les méthodes basées sur la pleine conscience sont apparus. De plus, de nouvelles interventions biomédicales et pharmacologiques chez les femmes et les hommes présentant des difficultés sexuelles ainsi que de nouvelles modalités de transmission des interventions sont maintenant accessibles. Il importait alors de rendre compte de ces innovations et de faire le point sur les nouvelles données empirique et clinique.

Se situant dans une perspective historique, ce livre résume les avancées dans le domaine depuis les pionniers du milieu du XXe siècle jusqu’aux plus récents développements. L’auteur commente l’ensemble des publications sur la problématique, l’évaluation et l’intervention en ce qui concerne les difficultés affectant le désir, l’excitation et l’orgasme tant chez les femmes que chez les hommes. Il aborde la complexité du fonctionnement sexuel, les rapports entre le fonctionnement conjugal et le fonctionnement sexuel, l’impact de la maladie et les changements au cours du vieillissement, tout en proposant un modèle d’évaluation et d’intervention multimodal mettant l’accent sur les dimensions psychologique, interpersonnelle et biologique. Des descriptions détaillées de protocole d’intervention et des questionnaires d’évaluation sont également inclus dans l’ouvrage.

S’adressant d’abord aux étudiants et aux professionnels en sexologie, psychologie, service social, médecine, psychiatrie, physiothérapie, soins infirmiers ou provenant d’un autre domaine relié à la santé, ou pour toute personne désireuse d’en savoir plus sur le fonctionnement sexuel et ses difficultés, ce livre constitue un ouvrage de référence indispensable qui présente l’ensemble des publications sur la problématique, l’évaluation et le traitement des dysfonctions sexuelles.

Gilles Trudel est professeur et chercheur au département de psychologie de l'Université du Québec à Montréal et psychologue à l'Hôpital Louis-H.-Lafontaine.
LangueFrançais
Date de sortie9 déc. 2020
ISBN9782760553545
Les dysfonctions sexuelles, 3e édition: Évaluation et traitement par des méthodes psychologiques, interpersonnelles et biologiques
Auteur

Gilles Trudel

Gilles Trudel est professeur et chercheur au département de psychologie de l'Université du Québec à Montréal et psychologue à l'Hôpital Louis-H.-Lafontaine.

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    Aperçu du livre

    Les dysfonctions sexuelles, 3e édition - Gilles Trudel

    PARTIE 1 /

    LES DÉVELOPPEMENTS RÉCENTS DANS LES ÉTUDES SUR LA SEXUALITÉ ET LES DYSFONCTIONS SEXUELLES, LES PRINCIPALES CONCEPTIONS DE LA RÉPONSE SEXUELLE ET LE MODÈLE MULTIMODAL

    CHAPITRE 1 /

    Les études sur la sexualité et les dysfonctions sexuelles depuis le début du XXIe siècle

    La dernière édition de cet ouvrage sur les dysfonctions sexuelles remonte au début du XXIe siècle (Trudel, 2000). Il était évidemment important de faire le point sur la situation de l’étude de la sexualité et des difficultés sexuelles et de regarder l’ensemble des nouveautés dans le cadre d’une mise à jour. C’est dans cette perspective que cette nouvelle édition commence par une synthèse des faits marquants, des études, des recherches et des publications sur la sexualité et les dysfonctions sexuelles à partir des années 2000. Dès le départ, mentionnons qu’en plus de certaines nouveautés importantes dans le domaine des dysfonctions sexuelles, il y a eu aussi depuis la dernière édition une période de consolidation des méthodes utilisées dans ce domaine, notamment par l’addition de données probantes. En plus du présent chapitre, nous présenterons tout au long de cet ouvrage de nouvelles références sur le sujet. Ce dernier prendra également en compte, entre autres, la publication du nouveau manuel diagnostique de l’Association américaine de psychiatrie, le DSM-5 (2013). De plus, comme mentionné dans l’avant-propos, la perspective multimodale, c’est-à-dire psychologique, interpersonnelle et biologique, restera prépondérante dans la présentation des informations sur ce sujet.

    La thérapie sexuelle a apporté une contribution importante au traitement des difficultés et des dysfonctions sexuelles. Avec le point de vue essentiellement comportemental de Masters et Johnson (1971), puis lors de la révolution cognitive des années 1970 et 1980, un ensemble de méthodes se sont développées qui ont permis d’élaborer des traitements comportementaux, puis cognitifs qui sont devenus les stratégies d’intervention sexo-psychologiques standards les plus répandues pour aider les personnes présentant des difficultés sexuelles. La plupart de ces méthodes ont été présentées dans les deux premières éditions de cet ouvrage.

    Pourtant, dès le départ, la thérapie comportementale et cognitive des dysfonctions sexuelles a été l’objet de plusieurs critiques. Celles-ci furent souvent d’ordre méthodologique. On a mentionné, surtout au début, le manque d’études expérimentales ou quasi expérimentales pour valider les traitements proposés. Certaines critiques ont aussi été adressées aux pionniers de la sexothérapie, Masters et Johnson, qui recevaient des clients dans un contexte différent de celui qu’on retrouve dans un milieu clinique habituel. Il s’agissait de clients sans doute extrêmement motivés qui devaient se déplacer à la clinique de Saint-Louis, payer des frais d’hébergement en plus de frais de traitements très élevés pour recevoir une intervention intensive pour leurs difficultés sexuelles. On peut supposer qu’en plus d’une très forte motivation, des particularités socio-économiques différentes caractérisaient les clients de cette célèbre clinique. Évidemment, il s’agissait d’une clientèle spécifique à cette clinique très renommée qui n’a pas son équivalent dans un milieu de consultation habituel.

    Au cours des années 1990, certains auteurs importants dans le domaine mentionnent qu’après l’éclosion de plusieurs méthodes pour traiter les divers problèmes sexuels dans les décennies antérieures, on observe un manque de développement de nouveaux traitements psychologiques des dysfonctions sexuelles. Deux auteures très célèbres dans le domaine des dysfonctions sexuelles, Schover et Leiblum, publient en 1994 un article intitulé The Stagnation of Sex Therapy (Schover et Leiblum, 1994). D’un côté, des commentaires et critiques sont formulés, non seulement sur le manque d’innovation dans ce domaine, mais aussi au sujet de la méthodologie, allant de considérations comme le fait que ces thérapies sont basées sur des études souvent réalisées avec un nombre limité de sujets, aux critères diagnostiques imprécis, à l’absence d’utilisation d’instruments psychométriques et valides, à l’absence de description précise et opérationnelle des traitements utilisés, à l’insuffisance d’études expérimentales ou quasi expérimentales et, finalement, à l’absence ou à l’insuffisance de relances à long terme.

    D’un autre côté, la dimension biologique des dysfonctions sexuelles a pris énormément d’importance avec l’arrivée de médicaments pris oralement et qui entrent dans la catégorie des inhibiteurs de phosphodiastérase type 5. Cette approche pharmacologique des dysfonctions sexuelles a considérablement influencé leur traitement, surtout chez les hommes dans un premier temps, et leur efficacité dans environ 70% des cas a soulevé un intérêt considérable et porté ombrage aux travaux effectués dans le domaine de l’intervention sexo-psychologique qui continuaient à s’effectuer. Ces médicaments ont suivi une autre classe de médicaments apparus plus tôt, très efficaces, mais moins appréciés parce qu’ils nécessitaient une injection dans les corps caverneux du pénis. Plus récemment, des traitements pharmacologiques pour les difficultés sexuelles féminines ont aussi été développés. La nouveauté de cette approche du traitement des dysfonctions sexuelles, sa simplicité apparente et son importance dans les médias ont contribué à mettre à l’arrière-plan certains développements qui se poursuivaient sur les approches davantage axées sur les dimensions sexo-psychologiques et interpersonnelles.

    Au début, la solution pharmacologique de médicaments pris oralement a été considérée comme la solution «simple et définitive» aux problèmes sexuels, mais l’enthousiasme initial fut tempéré par un ensemble de considérations. Comme nous l’avons mentionné dans l’édition antérieure, il est vite apparu qu’il y avait un taux important d’abandon de ces traitements, en raison notamment des effets secondaires désagréables, mais aussi pour d’autres motifs. La conception pharmacologique du traitement des dysfonctions sexuelles relève d’un point de vue plutôt mécanique de la dysfonction sexuelle qui postule que la présence d’une réponse sexuelle adéquate va automatiquement provoquer un plus haut niveau de satisfaction sexuelle chez une personne et à l’intérieur du couple. Or une perspective moins mécanique qui relève d’une conception plus globale de l’activité sexuelle chez un individu et chez le couple postule que la présence d’une réponse sexuelle adéquate est importante, mais n’est pas automatiquement synonyme de satisfaction sexuelle. La perception de la satisfaction sexuelle serait plus complexe que la présence d’une réponse sexuelle adéquate et il n’y a pas nécessairement d’équation totale entre les deux.

    Qu’en est-il dans les faits? Depuis la parution de la deuxième édition de Les dysfonctions sexuelles: évaluation et traitement par des méthodes psychologiques, interpersonnelles et biologiques, quelles sont les nouvelles avenues et les nouvelles méthodes qui se sont développées dans le traitement des difficultés sexuelles? Est-ce que le traitement pharmacologique maintient ses promesses et comment peut-on l’intégrer dans une perspective plus globale de l’activité sexuelle? Ce chapitre sera consacré à faire le point sur ces sujets.

    Mentionnons dès le départ qu’il est vrai que les dernières années ont été davantage une époque de consolidation sur le plan des traitements sexo-psychologiques et relationnels des difficultés sexuelles. Il n’y a pas eu une multiplication de nouvelles méthodes sexo-psychologiques, comme ce fut le cas dans les décennies antérieures. Bien que moins nombreuses, certaines innovations méritent d’être présentées, car de nouveaux domaines et de nouvelles stratégies d’intervention se sont développés. Nous allons mettre l’accent sur les aspects suivants comme éléments qui ont marqué le développement du traitement des dysfonctions sexuelles dans les dernières années: la combinaison des méthodes psychologiques et biologiques dans le traitement des dysfonctions sexuelles; la troisième vague et la pleine conscience dans le traitement des dysfonctions sexuelles; le modèle «Good Enough Sex» pour la satisfaction sexuelle des couples; l’approche sexo-fonctionnelle; les nouvelles technologies et leur utilisation dans le domaine de l’éducation sexuelle, leurs effets positifs et négatifs; le traitement des dysfonctions sexuelles par Internet; le traitement des difficultés sexuelles par réalité virtuelle; les rencontres de partenaires sur Internet et les médias sociaux et les effets sur la sexualité et les problématiques sexuelles; la baisse du désir sexuel chez l’homme; la baisse de désir chez la femme; le trouble lié à des douleurs génito-pelviennes ou à la pénétration; la vie de couple et sexuelle des retraités et des aînés; les attitudes par rapport à la sexualité des aînés; la vie sexuelle habituelle avec le vieillissement et la considération des changements dans le fonctionnement sexuel comme des dysfonctions ou comme une évolution normale de la sexualité; l’intervention conjugale et sexuelle avec le vieillissement; certaines critiques de la version récente du DSM-5 et, notamment, une certaine confusion sur les règles entourant le fait de poser ou non le diagnostic de dysfonction sexuelle, et aussi le fait que le DSM-5 ne tient pas compte de la complexité de l’ensemble des facteurs associés aux dysfonctions sexuelles; l’élargissement de la clientèle consultant pour des difficultés sexuelles

    Par ailleurs, nous avons mis à jour, dans les différents chapitres de cet ouvrage, les critères diagnostiques selon le DSM-5. Dans le présent chapitre et tout au long de cet ouvrage, nous parlerons de certaines critiques reliées à cette dernière version de l’Association américaine de psychiatrie (2013) qui, à certains égards ne fait pas l’unanimité.

    La combinaison des méthodes psychologiques et biologiques dans le traitement des dysfonctions sexuelles

    Les traitements biologiques des dysfonctions sexuelles se sont développés à partir des années 1980 et particulièrement dans les années 1990 à la suite de l’introduction de médicaments pris oralement, surtout chez les hommes, mais plus récemment chez les femmes. Cependant, même si les médicaments utilisés dans le traitement des dysfonctions peuvent améliorer certains aspects du fonctionnement sexuel, ils ne changent pas nécessairement la situation sexuelle dans son ensemble. Comme le mentionne Trudel (2018, 2019) dans son ouvrage intitulé Vie de couple, sexualité et bien vieillir, l’utilisation de médicaments ne va pas nécessairement rendre un partenaire plus habile et compétent dans l’ensemble de l’activité sexuelle. Un médicament va agir uniquement sur la capacité d’avoir une érection dans le cas de la dysfonction érectile ou sur celle de retarder l’éjaculation dans le cas de l’éjaculation prématurée, par exemple. Chez les femmes, il semble y avoir un effet de la flibansérine (2018) sur le fonctionnement sexuel. De plus, l’effet de ces médicaments est relié à leur utilisation. En général, à moins qu’il s’agisse d’un problème sexuel passager relié à des circonstances particulières, l’arrêt de la prise des substances utilisées dans le traitement des dysfonctions sexuelles va provoquer une réapparition de la problématique, ce qui a beaucoup moins de chances de se produire lorsqu’un traitement sexo-psychologique est appliqué. Évidemment, lorsque la cause d’une difficulté sexuelle est principalement médicale, l’usage d’un médicament est nécessaire, mais même là, l’addition d’autres méthodes sexo-psychologiques peut améliorer la situation dans son ensemble.

    En fait, la conception pharmacologique de l’activité sexuelle est une conception qui repose sur le fait que, par exemple, redonner une érection à un homme va être suffisant pour régler l’ensemble des problèmes sexuels qu’il vit lui-même ou à l’intérieur du couple. Il y a une part de vérité, car si l’homme, dans cet exemple, retrouve sa capacité érectile, il y aura des répercussions positives plus globales, notamment en ce qui concerne la diminution de l’anxiété reliée à la situation sexuelle. L’effet du médicament va donc dépasser la réapparition d’une érection. Par contre, est-ce qu’il sera pour autant un meilleur partenaire et est-ce que sa partenaire sera nécessairement plus satisfaite? S’il avait d’autres difficultés comme un contrôle éjaculatoire insuffisant, est-ce que cela va s’améliorer? Est-ce que cela va modifier la situation sexuelle dans son ensemble? La réponse à ces questions peut être négative dans bien des cas.

    Il est devenu courant dans plusieurs domaines de la psychopathologie de combiner les traitements pharmacologique et psychologique en croyant que les effets s’additionnent et sont donc souvent supérieurs à ces mêmes traitements utilisés séparément. Il y aurait un effet cumulatif des traitements combinés par rapport aux traitements seuls. Il y a plusieurs domaines de la psychopathologie dans lesquels la combinaison des traitements est souvent envisageable. C’est le cas notamment de la dépression et des troubles anxieux ou du traitement de la psychose. Des études indiquent que la combinaison des deux traitements pour des problématiques psychologiques donne souvent des effets additifs ou synergétiques supérieurs à un traitement unique (Furukawa, Efthimiou, Weitz, Cipriani, Keller, Kocsis, Klein, Michalak, Salanti, Cuijpers et Schramm, 2018; Wilkinson, Holzheimer, Gao, Kirwin et Price, 2018).

    Il est donc intéressant de se demander si la combinaison des traitements pharmacologique et sexo-psychologique peut avoir un effet positif dans le traitement des dysfonctions sexuelles. Comme l’indique le titre de cet ouvrage, il y a trois dimensions dans la sexualité: la dimension psychologique, la dimension interpersonnelle et la dimension biologique. D’une problématique à l’autre et d’une personne à l’autre, une dimension peut être plus prioritaire comme elles peuvent toutes être importantes. Nous pouvons donner plusieurs exemples de l’effet de chaque dimension. D’un côté, lorsqu’une personne a reçu une éducation conduisant à une conception très conservatrice de la sexualité, il est probable qu’elle aura plus de risques d’avoir des cognitions négatives reliées à la sexualité, qu’elle aura moins de cognitions positives sexuelles (fantasmes) et que des malaises reliés à la sexualité vont apparaître qui augmenteront les probabilités que des difficultés dans les réactions sexuelles se présentent. D’un autre côté, en présence d’une situation relationnelle difficile, il arrive souvent que des problématiques de désir ou d’autres difficultés sexuelles se développent. Pour donner un exemple portant sur la dimension biologique, les personnes souffrant de diabète peuvent présenter une neuropathie qui va diminuer, parfois de façon majeure, l’excitation sexuelle. Plusieurs autres problèmes de santé physique, de même que les effets secondaires de certains traitements médicaux pharmacologiques, chirurgicaux, radiologiques ou autres, peuvent provoquer des difficultés sexuelles importantes.

    Souvent, il va y avoir une interaction entre ces trois facteurs reliés aux dimensions psychologique, interpersonnelle ou biologique. Par exemple, lorsqu’un problème sexuel d’origine biogénique se présente, il peut après un certain temps générer de l’anxiété de performance qui va aggraver la difficulté sexuelle. Des idées négatives ou anxiogènes sur la sexualité vont alors apparaître et des difficultés conjugales se manifesteront peut-être, ce qui aura des répercussions supplémentaires sur les difficultés sexuelles. En fait, nous favorisons un modèle multimodal des dysfonctions sexuelles qui met l’accent sur l’interaction entre plusieurs variables qui s’influencent mutuellement. Elles peuvent aussi agir isolément, mais dans tous les cas, il est important de toutes les évaluer.

    L’inconvénient d’une approche exclusivement médicale, c’est qu’elle met l’accent sur le fait que, tant sur le plan de l’origine du problème que du traitement, on serait en présence d’un problème de nature physique. Or, en général, c’est beaucoup plus complexe que cela et l’avantage d’une approche combinée, c’est de considérer que les facteurs étiologiques des difficultés sexuelles sont souvent beaucoup plus compliqués que des difficultés purement de nature physique. La dimension psychologique et relationnelle doit aussi être envisagée et évaluée dans l’étiologie, dans l’évaluation et dans le traitement. Il y a un ensemble de facteurs qui varient d’une personne à l’autre et qui prédisposent, déclenchent et maintiennent une dysfonction sexuelle. Pour traiter l’ensemble de ces facteurs, il est important d’avoir une conception plus globale des problèmes sexuels et de développer également une conception plus extensive du traitement qui vont favoriser non seulement des résultats à court terme, mais aussi à plus long terme. Cette conception multimodale de la sexualité et des difficultés sexuelles a exhaustivement été exposée dans les versions antérieures du présent ouvrage.

    C’est dans ce contexte que des chercheurs ont suggéré qu’il serait important, dans le domaine de la sexualité, de proposer la combinaison des traitements biologique, sexo-psychologique et interpersonnel ou conjugal. Des études ont été réalisées dans le but de vérifier l’effet de la combinaison des deux traitements. Bach, Barlow et Wincze (2004) et Abdo, Afif-Abdo, Otani et Machado (2008) montrent que, chez des hommes présentant une dysfonction érectile, l’utilisation d’un traitement combiné utilisant le sildénafil et une approche psychologique entraîne une augmentation de l’efficacité du traitement médical, réduit le taux d’abandon et augmente la satisfaction par rapport au traitement, ainsi que la satisfaction sexuelle.

    Une étude d’Aubin, Heiman, Berger, Murallo et Yung-Wen (2009) compare deux groupes de couples dont l’homme présente une dysfonction érectile. Un premier groupe est formé de couples avec traitement utilisant le sildénafil (50 mg) seulement et le deuxième groupe est formé de couples dans lesquels le sildénafil est combiné à un traitement de couple de huit rencontres visant à améliorer le fonctionnement conjugal et sexuel. Cette recherche intéressante montre que le fait d’ajouter des rencontres visant à améliorer le fonctionnement conjugal et sexuel chez des couples, dont l’homme présente un problème érectile d’origine psychogénique traité par le sildénafil (sildénafil plus traitement sexo-conjugal), réduit la fréquence d’utilisation du sildénafil, améliore davantage plusieurs dimensions du fonctionnement sexuel des conjointes (amélioration du désir, de l’excitation subjective, de la lubrification, de l’orgasme, de la satisfaction et réduction de la douleur) par rapport aux conjointes du groupe sildénafil seulement où l’on observe uniquement une augmentation du désir. Le traitement combiné est aussi le seul qui améliore chez les femmes la perception de l’intimité sexuelle et réduit la présence d’idées négatives sexuelles. Par ailleurs, la satisfaction reliée au traitement est plus grande chez les membres des couples du groupe combinant les deux traitements. Enfin, une forte majorité des hommes et des femmes du groupe combinant le traitement médical et sexo-conjugal jugent l’addition de ce traitement au sildénafil «extrêmement utile». Parmi les stratégies d’intervention sexo-conjugales utilisées, les femmes considèrent le sensate focus et l’éducation sexuelle comme «extrêmement utiles» et les plus utiles parmi l’ensemble des interventions utilisées.

    Les études portant sur la combinaison de la pharmacothérapie et de la thérapie sexo-psychologique demeurent limitées, mais elles sont nécessaires pour plusieurs raisons. Premièrement, la pharmacothérapie, surtout dans le domaine du traitement de la dysfonction érectile, est associée, comme mentionné précédemment, à un taux assez élevé d’abandon du traitement. Il semble donc vraisemblable que l’addition d’une thérapie sexo-psychologique pourrait contribuer à réduire le taux d’abandon en permettant une amélioration plus globale de l’activité sexuelle avec comme conséquence un effet sur la motivation à maintenir un traitement. Même si les abandons sont souvent associés aux effets secondaires désagréables, il est plausible que le fait d’améliorer davantage la satisfaction sexuelle peut favoriser le maintien et la poursuite du traitement.

    Deuxièmement, l’étude d’Aubin, Heiman, Berger, Murallo et Yung-Wen (2009) montre qu’un des effets de l’addition de la sexothérapie à la pharmacothérapie est d’améliorer davantage la satisfaction sexuelle et la satisfaction par rapport au traitement. Le traitement sexo-psychologique est perçu comme très pertinent et permet aussi d’avoir des effets positifs significatifs chez la conjointe. En outre, il permet une réduction de la fréquence de l’utilisation du sildénafil, ce qui peut contribuer directement à la diminution des effets secondaires désagréables.

    Mentionnons en terminant que des traitements pharmacologiques sont aussi utilisés pour l’éjaculation prématurée, notamment par la clomipramine et les inhibiteurs sélectifs de la sérotonine (Assalian, 2008). Des substances sont maintenant offertes pour améliorer le fonctionnement sexuel chez les femmes, notamment la flibansérine (Baid et Agarwal, 2018) et le buproprion (Segraves, Croft, Kavoussi, Ascher, Batey, Foster et Bolden-Watson, 2001). Cependant, nous manquons encore d’études pour évaluer les effets potentiellement additifs d’un traitement combinant la sexothérapie et la pharmacothérapie pour ces problèmes et il serait souhaitable que, dans les prochaines années, plus d’études soient réalisées à ce sujet. Un peu comme chez les hommes, on peut postuler que l’amélioration provoquée par ces médicaments chez les femmes ne va pas nécessairement améliorer le fonctionnement sexuel au sein du couple dans son ensemble, mais la recherche à ce sujet reste à venir.

    La troisième vague et la pleine conscience dans le traitement des dysfonctions sexuelles

    La troisième vague constitue le plus récent développement en thérapie cognitive et comportementale et la méthode de pleine conscience est devenue une intervention extrêmement répandue qui est appliquée à plusieurs problématiques psychologiques notamment la dépression, les ruminations dépressives, l’anxiété, la douleur chronique et plus récemment les dysfonctions sexuelles. Inspirée du bouddhisme et de méthodes millénaires, la pleine conscience a été popularisée par les publications de Kabat-Zinn (2012). Cette méthode a notamment pour objectif de se centrer sur le moment présent sans porter de jugement. Souvent, une problématique psychologique a pour effet de générer des pensées négatives, des interrogations, des idées et des ruminations qui aggravent le problème. La pleine conscience permet d’enrayer les processus psychologiques, notamment des préoccupations, des interrogations successives et des jugements sur toutes sortes de choses qui aggravent le problème.

    Mentionnons sans équivoque que les méthodes de première et deuxième vague décrites dans l’édition antérieure de cet ouvrage demeurent les traitements de base des dysfonctions sexuelles. Par contre, l’évolution de la thérapie comportementale et cognitive a permis plus récemment de développer de nouvelles stratégies d’intervention qui deviennent de plus en plus répandues et qui ont des applications dans le domaine des dysfonctions sexuelles, surtout féminines.

    Si l’on examine le contexte dans lequel les thérapies de troisième vague se sont développées pour les problèmes sexuels, il faut d’abord mentionner que les méthodes de sensate focus de Masters et Johnson (1971), décrites en détail dans le présent ouvrage et qui restent, longtemps après leur première description dans les années 1960, l’un des fondements de la thérapie sexuelle, partagent des points communs avec des méthodes de troisième vague axées sur la présence attentive. En effet, l’un des rationnels de la thérapie proposée par ces pionniers était que, chez les personnes présentant des dysfonctions sexuelles, il y a le phénomène appelé «rôle de spectateur» ou «spectatoring». Le sujet devient préoccupé par sa performance et observe ses réactions sexuelles comme s’il les évaluait de l’extérieur. Il se détourne ainsi du plaisir sexuel et des stimuli sexuels au moment présent. Le phénomène de «rôle de spectateur» constitue une distraction de ce qui se passe sur le plan sexuel. La personne devient détachée de son expérience sexuelle comme un spectateur externe qui évalue et porte un jugement sur ce qui se passe. Le rôle de spectateur empêche de porter attention aux réactions sexuelles et au plaisir. La méthode de sensate focus vise à cibler l’attention sur les sensations corporelles et sexuelles du moment présent de manière à favoriser la conscience de l’expérience sensorielle, sensuelle et sexuelle, du plaisir et de se défocaliser ainsi des idées nuisibles à la sexualité, comme entre autres les pensées reliées à la performance, et de réduire le phénomène de «rôle de spectateur». On est donc très près de ce qui caractérise principalement les méthodes de troisième vague.

    En effet, dans le domaine de la sexualité, de nombreuses préoccupations, des idées négatives ou des interrogations sur l’activité sexuelle avant, pendant ou après celle-ci, sur ce que le ou la partenaire va penser, sur la capacité d’avoir une activité sexuelle adéquate, sur le fait d’avoir ou non des sensations ou des réactions sexuelles normales, sur l’aspect interpersonnel de la sexualité, sur la perception par le ou la partenaire des activités sexuelles sont décrites tout au long de cet ouvrage en rapport avec la sexualité et avec diverses problématiques sexuelles. Ces idées ont des répercussions négatives sur la vie sexuelle. Elles augmentent l’anxiété de performance et empêchent les réponses sexuelles normales de se produire. De plus, elles favorisent le processus d’auto-observation des réactions sexuelles qui augmentent les risques d’avoir des réactions sexuelles inadéquates.

    L’objectif de la pleine conscience est donc de réduire ce processus d’activation cognitif qui donne souvent lieu à une variété d’idées génératrices d’anxiété ou favorise des états dépressifs ou des émotions négatives et provoque des difficultés sur plusieurs plans, incluant le plan sexuel. Il s’agit d’entraîner une personne, notamment par la méditation, à se concentrer sur ce qui se passe au moment présent sans préoccupation et sans jugement. Le but est d’apprendre à cesser d’avoir des idées qui varient constamment, des pensées qui vont dans toutes les directions sauf dans l’appréciation du moment présent et qui nuisent à l’appréciation de ce qui se passe sur le plan sensoriel, sensuel et sexuel. Ces méthodes visent à reprendre contact avec l’expérience sexuelle.

    La pionnière de l’application des méthodes de troisième vague aux difficultés sexuelles est Laurie Brotto. Brotto, Basson et Luria (2008) appliquent les méthodes de pleine conscience chez des femmes présentant des difficultés d’excitation sexuelle. Dans une première étude, les chercheurs comparent le taux de base à diverses mesures sexuelles et les résultats à la suite d’une application en groupe d’une durée de trois séances avec des exercices à domicile d’une intervention de pleine conscience. Le tiers des femmes participant à cette étude étaient des survivantes d’agressions sexuelles survenues durant leur enfance. Les résultats indiquent une amélioration par rapport au niveau de base de l’Échelle désir sexuel de l’Index de la fonction sexuelle féminine (IFSF), de l’Inventaire de l’intérêt et du désir sexuel (IIDS) et des mesures de détresse. Les résultats obtenus s’avèrent surtout probants pour les femmes ayant été victimes d’agression sexuelle durant leur enfance. En effet, on observe chez ce sous-groupe un effet significatif qui se répercute sur toutes les échelles de l’IFSF, le score total de l’Échelle de détresse sexuelle féminine (EDSF) et l’Inventaire de dépression de Beck (IDB). On observe aussi une réduction de la détresse sexuelle par rapport aux mesures de réactions psycho-physiologiques durant l’observation de films érotiques.

    D’autres études de Brotto (Brotto, Erskine, Carey, Ehlen, Finlayson, Heywood, Kwon, McAlpine, Stuart, Thomson et Miller, 2012; Brotto et Basson, 2014) donnent des résultats qui confirment les précédents avec une amélioration de la méthodologie. Lorsque les résultats des sujets traités sont comparés à ceux placés sur une liste d’attente, on observe une amélioration du fonctionnement sexuel et une diminution de la détresse sexuelle et un maintien des acquis à six mois. Dans une autre étude (Patterson, Handy et Brotto, 2017) où la pleine conscience devient l’élément principal de l’intervention et non pas un élément parmi d’autres, les résultats indiquent plus clairement son efficacité. Une étude de Brotto, Chivers, Millman et Albert (2016) confirme aussi ces résultats et montre l’amélioration de la concordance entre la perception subjective de l’excitation sexuelle et la mesure génitale.

    La pleine conscience aiderait donc les femmes à être plus attentives aux sensations érotiques positives et à porter moins attention aux distractions reliées souvent à des préoccupations négatives et non érotiques. Cette méthode serait surtout utile chez des femmes avec des problèmes de désir et d’excitation. Elle aurait aussi un effet sur d’autres aspects de leur fonctionnement psychologique.

    Chez les hommes, une étude de Bossio, Basson, Driscoll, Correia et Brotto (2018) réalisée avec dix hommes présentant une dysfonction érectile situationnelle montre qu’une intervention incluant des méthodes de thérapie sexuelle, la psychoéducation et la pleine conscience est un traitement faisable et prometteur pour ce problème. Le rationnel de l’efficacité serait essentiellement le même que chez les femmes en permettant aux hommes d’être plus attentifs et ouverts aux sensations sexuelles positives et à porter moins attention à des pensées négatives ou non érotiques.

    En ce qui concerne la baisse de désir chez un couple dont la femme présentait ce problème, Géonet, Zech et De Sutter (2011) montrent que des stratégies effectuées durant 12 rencontres qui visaient la communication, mais principalement la pleine conscience s’avèrent très efficaces. Les auteurs parlent d’une «métamorphose» importante qui s’est effectuée chez cette patiente à la suite de ce traitement.

    Le modèle Good Enough Sex pour la satisfaction sexuelle des couples

    Dans le contexte de la médicalisation des dysfonctions sexuelles, Metz et McCarthy (2007), sans nier l’importance des traitements biologiques, proposent le modèle du Good Enough Sex. Pour eux, une dysfonction sexuelle n’est pas unidimensionnelle. Mentionnant d’abord que, suivant les statistiques, près de la moitié des couples vont présenter à un moment ou à un autre un problème de dysfonctions sexuelles, ils suggèrent que l’on doit envisager les problématiques sexuelles du couple dans un contexte biopsychosocial. Cette perspective rejoint largement celle du présent ouvrage qui se situe dans un contexte psychologique, interpersonnel et biologique. Suivant le point de vue de cette approche, la dysfonction sexuelle est un problème humain grave, un problème relationnel, qui implique une souffrance émotionnelle, de la détresse allant jusqu’à l’«agonie». Le but principal du Good Enough Sex serait d’aller vers la satisfaction sexuelle dans un contexte d’attente réaliste sur le plan du fonctionnement sexuel. Le plaisir sexuel est aussi important que le fonctionnement sexuel. Pour Metz et McCarthy (2007), il n’y a pas de solution simple aux problèmes sexuels parce qu’ils sont presque toujours reliés à plusieurs causes. La satisfaction doit être l’objectif principal et le fait de trop mettre l’accent sur la performance est contre-productif. Le concept du Good Enough Sex met plutôt l’accent sur l’aspect relatif, variable et propre à chaque couple en ce qui concerne le fonctionnement sexuel. Le traitement des dysfonctions sexuelles peut inclure une dimension médicale, pharmacologique, psychologique et relationnelle.

    Le modèle du Good Enough Sex a l’avantage de resituer le traitement des difficultés sexuelles dans un contexte élargi. Mentionnons une application de ce modèle conjointement avec la pleine conscience chez un couple avec des résultats intéressants qui se traduisent par une amélioration du désir, du fonctionnement sexuel et de la satisfaction (McCarthy et Wald, 2013). Nous y reviendrons, notamment au chapitre 20 qui abordera le traitement du trouble de l’érection.

    L’approche sexo-fonctionnelle

    L’approche sexo-fonctionnelle fait partie des innovations des récentes décennies. Elle constitue un apport original à la compréhension et au traitement des difficultés sexuelles. Cette approche est actuellement mise en évidence par les travaux et les publications de De Carufel (De Carufel, 2009, 2017; De Carufel et Trudel, 2006). Les travaux portant sur cette procédure ont surtout été diffusés dans le cadre du traitement de l’éjaculation prématurée. L’approche sexo-fonctionnelle peut cependant être appliquée à l’ensemble des difficultés sexuelles. Elle vise notamment la régulation de l’excitation sexuelle. L’étude rapportée dans le chapitre 21 sur le traitement de l’éjaculation prématurée indique que cette méthode permet d’obtenir d’aussi bons résultats que les méthodes traditionnelles de traitement de ce problème sans le côté rébarbatif, et dans une certaine mesure antiérotique, comme la pression pénienne.

    L’appareil à vacuum pour le traitement des dysfonctions sexuelles féminines

    Dans l’édition antérieure, nous avions parlé du traitement par vacuum pour les hommes utilisé surtout pour le traitement de la dysfonction érectile. Nous avions aussi mentionné qu’un appareil similaire avait été développé pour améliorer le fonctionnement sexuel des femmes. Il est maintenant approuvé par la Food and Drug Administration aux États-Unis et les quelques études sur son efficacité seront décrites au chapitre 17 portant sur le traitement des troubles de l’excitation et de l’orgasme chez la femme.

    Les nouvelles technologies: l’utilisation dans le domaine de l’éducation sexuelle et les effets positifs et négatifs sur le fonctionnement sexuel

    Au cours des dernières années, l’intervention psychologique a connu des développements importants sur le plan des moyens résultant de nouvelles technologies. Les traitements basés sur Internet, la vidéoconférence, l’utilisation des téléphones intelligents sont des moyens qui peuvent contribuer à l’intervention psychologique. Ces moyens ont aussi été appliqués au domaine de la sexualité.

    Une première question qu’on peut se poser est la suivante: est-ce que ces nouvelles technologies peuvent avoir un effet positif ou négatif sur la sexualité et la santé sexuelle en général? Internet et le téléphone intelligent sont devenus des moyens habituels dans notre société pour aller chercher de l’information sur la santé et les problèmes reliés à celle-ci. Déjà, au début des années 2010, des études indiquaient que la majorité des Américains utilisaient le téléphone intelligent et cette proportion était très élevée chez les plus jeunes, dépassant les 70% chez les 25-34 ans (Alptraum, 2013; Smith, 2012). La tendance actuelle est que l’usage du téléphone intelligent se généralise. Les applications pour les téléphones intelligents sont devenues un moyen courant de diffuser de l’information en réseau sur la santé et la santé mentale. De plus, des interventions sur Internet en santé mentale sont maintenant offertes pour différents problèmes. En fait, le concept de diffuser des informations psychoéducatives ou des interventions par des moyens alternatifs n’est pas nouveau. La bibliothérapie (manuels d’autotraitement) existe depuis longtemps et plusieurs études, dont certaines sont rapportées dans cet ouvrage, indiquent qu’elle peut être efficace pour améliorer le fonctionnement sexuel. En fait, l’information et les interventions sur Internet sont une extension du concept et des méthodes de diffusion de l’information et d’autotraitement.

    Comment Internet et les téléphones intelligents peuvent-ils contribuer à la santé sexuelle et à l’amélioration de plusieurs problématiques sexuelles? Internet peut fournir des moyens divers pour favoriser la santé sexuelle en donnant de l’information, en diffusant les services de santé sexuelle en permettant le partage d’expériences sur des forums (Bert, Giacometti, Gualano et Siliquini, 2014). Un des domaines ayant donné lieu au plus grand nombre de recherches sur la sexualité est la consommation de matériel érotique et pornographique.

    S’il est vrai qu’Internet peut contribuer à favoriser l’exploration de la sexualité, il peut aussi provoquer un problème important de dépendance au matériel pornographique (Eleuteri, Saladino et Verrastro, 2017). De plus, en présentant souvent une conception performante et irréaliste de l’activité sexuelle, les documents présentés sur Internet peuvent générer une conception non conforme à la réalité de la sexualité, faire en sorte que le spectateur en vienne à concevoir qu’il s’agit de la façon normale d’avoir des activités sexuelles et, en conséquence, générer ainsi de l’inconfort, de l’anxiété de performance et être à l’origine de divers problèmes sexuels dont la baisse du désir (Beck, 1988). De plus, l’excitation provoquée par ce genre de matériel pourrait réduire les réactions à une situation sexuelle plus habituelle.

    Daspe, Vaillancourt-Morel, Brassard et Lussier (2019) mentionnent que 56% des femmes et 90% des hommes auraient visionné de la pornographie dans les trois derniers mois. Ils précisent aussi que l’usage de la pornographie en solo par la conjointe est considéré comme normal par les hommes, mais est perçu comme de l’infidélité par le tiers des femmes. Chez certains couples, l’utilisation de la pornographie sur Internet peut générer des tensions qui peuvent affecter le fonctionnement sexuel, notamment le désir. Évidemment, le contexte dans lequel se fait cette utilisation comme l’aspect caché plus qu’ouvert, l’attitude d’un des partenaires face à la consommation de ce type de matériel sexuel et la situation générale du couple peuvent influencer le fait qu’il y ait ou non un effet défavorable sur le couple. Par contre, l’utilisation de matériel érotique en couple pourrait favoriser l’excitation sexuelle et être appréciée par celui-ci.

    Malgré certains aspects moins positifs de la sexualité sur Internet, on peut postuler que la transmission d’informations sur la sexualité, sur l’anatomie et la physiologie sexuelle, sur la contraception, sur les relations sexuelles, sur les soins et les interventions possibles dans le domaine de la sexualité et des problématiques sexuelles pourrait aider la santé sexuelle et prévenir le développement de problématiques diverses dont les dysfonctions sexuelles (Eleuteri, Rossi, Tripodi, Fabrizi et Simonelli, 2018). Une étude de Brayboy, Sepolen, Mezolan, Schultz, Landgren-Mills, Spencer, Wheeler et Clark (2017) effectuée chez des jeunes filles montre que tout au moins chez les adolescentes qui sont de grandes consommatrices d’Internet et de téléphone intelligent, les applications sur la sexualité ont contribué de façon efficace à donner de l’information claire sur la sexualité et la santé sexuelle. Les participantes se sont dites satisfaites de cette modalité de transmission de l’information sexuelle.

    Le traitement des dysfonctions sexuelles par Internet

    Un autre aspect intéressant de la transmission d’informations par Internet sur lequel nous allons insister davantage concerne les programmes d’autotraitement qui passait antérieurement par d’autres médias comme la bibliothérapie. L’arrivée d’Internet a permis le développement d’un nouveau média d’intervention pour traiter les dysfonctions sexuelles. Quoique ce domaine soit assez nouveau, un certain nombre d’études confirment qu’il est possible et efficace d’utiliser Internet pour traiter des problématiques sexuelles. Une première étude de Paula Hall (2004) a porté sur neuf hommes et trois femmes présentant des dysfonctions sexuelles diverses. Les exercices présentés sur Internet consistaient dans des méthodes habituelles décrites dans le présent ouvrage avec des aspects plus spécifiques aux problématiques sexuelles de chacun. Les sujets pouvaient s’exercer seuls ou éventuellement avec leur partenaire. Les résultats de cette étude pilote ont été jugés très positifs par l’auteure. Mentionnons entre autres que trois sujets ont précisé qu’ils n’auraient pas été possibles pour eux de faire ce travail dans un contexte de thérapie en face à face. Il y a plusieurs raisons à cela, mais mentionnons entre autres que les gens sont souvent plus mal à l’aise d’aborder les questions sexuelles plutôt que d’autres problématiques psychologiques. De plus, la thérapie sexuelle nécessite souvent la participation des deux membres du couple et, compte tenu des horaires complexes de la vie d’aujourd’hui, il peut être plus facile d’avoir recours à des traitements qui ne nécessitent pas des rencontres régulières à des moments précis.

    D’autres études, dont certaines étaient randomisées (Van Diest, Van Lankveld, Leusink, Slob et Gijs, 2007; McCabe, Price, Piterman et Lording, 2008; Van Lankveld, Leusink, Van Diest, Gigs et Slob, 2009; Jones et McCabe, 2011) et utilisant Internet comme média pour une intervention basée sur les procédures traditionnelles cognitive et comportementale de thérapie sexuelle et portant sur divers problèmes sexuels masculin et féminin ont suivi cette première recherche. Dépendant des études, les interventions sont plus ou moins totalement programmées et certaines offrent la possibilité de rencontrer un intervenant. Des interventions en vidéoconférence pourraient aussi être combinées aux interventions par Internet. Les résultats sont en général positifs et les avantages de la thérapie par Internet, notamment la flexibilité d’horaire et le fait de ne pas avoir à expliquer à un thérapeute dans un contexte face à face les difficultés sexuelles, sont mentionnés et appréciés positivement par des participants des études.

    Certaines recherches ont porté sur des cas de femmes ayant des dysfonctions sexuelles après un traitement pour le cancer (Schover, Yuan, Fellman, Odensky, Lewis et Martinetti, 2013; Hummel, Van Lankveld, Oldenberg, Hahn, Broomans et Aaronson, 2015) ou chez des hommes à la suite de traitements pour le cancer localisé de la prostate (Schover, Canada, Yuan, Sui, Neese et Jenkins, 2012). Les résultats sont en général positifs et indiquent la possibilité de réaliser par Internet des traitements sexuels après le traitement des cancers gynécologiques ou du sein chez les femmes et du cancer de la prostate chez les hommes.

    Faisant une recension des études sur les traitements basés sur Internet chez les femmes, Van Lankveld (2016) conclut que les études comparatives montrent des améliorations dans le fonctionnement sexuel et relationnel à la fin du traitement et les résultats à des relances de plusieurs mois sont généralement maintenus. Les résultats obtenus par des interventions par Internet se comparent à ceux obtenus par une thérapie sexuelle brève effectuée en face à face. Ces études confirment, selon l’auteur, la pertinence des interventions sexologiques par Internet, leurs avantages pour plusieurs personnes et leur efficacité pour le traitement des dysfonctions sexuelles. Il mentionne l’importance d’utiliser ce média d’intervention et de favoriser dans le futur leur développement.

    En somme, la diffusion par de nouveaux médias en ligne de documents sexuels de toute nature peut avoir des effets positifs et favoriser la connaissance sur la sexualité et la santé sexuelle. Il est possible aussi d’intervenir efficacement par Internet pour transmettre de l’information et pour traiter les dysfonctions sexuelles. Résumons les avantages d’intervenir par Internet:

    1Comme dans la bibliothérapie, il s’agit d’un traitement anonyme, ce qui peut être un avantage pour plusieurs personnes qui seraient embarrassées de parler de leur dysfonction à un thérapeute sexuel.

    2L’horaire est totalement flexible, ce qui permet aux couples qui ont souvent un horaire complexe de participer à un moment qui convient aux deux partenaires.

    3Les traitements par Internet peuvent être plus sophistiqués et plus individualisés que ceux basés sur la bibliothérapie.

    La contrepartie à ces aspects positifs, c’est que l’accès facile à une multitude de documents sur Internet montrant une conception non réaliste de la sexualité peut aussi avoir des effets négatifs qui vont de la dépendance à du matériel pornographique jusqu’au fait de favoriser l’apparition de problématiques sexuelles diverses.

    La réalité virtuelle

    La réalité virtuelle est une stratégie d’intervention qui est utilisée depuis plus de 20 ans pour traiter des troubles anxieux, des troubles alimentaires, de la thésaurisation pathologique, etc. Dans le domaine des dysfonctions sexuelles, la réalité virtuelle reste peu utilisée. Des études effectuées chez des hommes présentant une dysfonction érectile, l’éjaculation prématurée, par exemple celle de Optale, Marin, Pastore, Nasta et Pianon (2003), ont cependant permis de déterminer qu’il s’agit d’une approche qui s’avèrent prometteuse. Elle serait notamment indiquée pour les problèmes de douleur génitale et pour les problèmes sexuels dans lesquels la dimension anxiété est particulièrement importante (Lafortune, Dion et Renaud, 2019).

    Les rencontres de partenaire sur Internet et les médias sociaux: les effets sur la sexualité et les problématiques sexuelles

    Anzani, Di Sarno et Prunas (2018) revoient la littérature sur l’utilisation des téléphones intelligents pour trouver des partenaires sexuels. Chez les personnes qui se servent de ce moyen pour rencontrer des gens sexuellement, le taux de consultation de ces sites est élevé. Parmi les chiffres rapportés, qui varient beaucoup d’une étude à l’autre étant donné notamment la non-représentativité des échantillons, mentionnons que les utilisateurs de certains sites y passent en moyenne 1,5 heure par jour, que les objectifs de l’utilisation de ces réseaux sont généralement de trouver un partenaire sexuel, de se distraire, de rencontrer de nouveaux amis, d’avoir une aventure romantique. Les motivations semblent varier d’un site à l’autre, certains mettant davantage l’accent sur une dimension essentiellement sexuelle et la recherche d’une activité sexuelle occasionnelle et d’autres sur la recherche d’un partenaire de vie. En général, ces auteurs mentionnent que les études confirment une utilisation plus fréquente chez les gens vivant en milieu urbain et avec un niveau d’éducation universitaire.

    Quoique l’utilisation d’Internet et des médias sociaux pour des rencontres sexuelles occasionnelles ou pour des objectifs plus romantiques constitue un état de fait qui a pris de l’importance et qui est irréversible, certaines questions restent à préciser. Quel est le profil psychologique des personnes qui utilisent ces moyens pour avoir des rencontres sexuelles? Quel est plus spécifiquement l’effet de ces rencontres sur le fonctionnement sexuel des utilisateurs? Ces questions pourraient faire l’objet de recherches.

    Bien que nous ne mettrons pas ici l’accent sur les problèmes importants de dépendance que développent certaines personnes, il est important de préciser que l’utilisation répétitive de ces sites sur Internet peut traduire un problème plus ou moins sévère de cyberdépendance dans ce domaine. Cependant, les personnes qui consultent ces sites avec ou sans problèmes sévères de dépendance y trouvent des conséquences perçues comme positives, ce qui maintient leur consommation d’Internet dans ce domaine. Par ailleurs, chez certaines personnes plus vulnérables psychologiquement ou qui présentent déjà certaines difficultés sexuelles, il est possible que les expériences sexuelles de ce type puissent avoir un effet négatif et aggraver un fonctionnement psychologique ou sexuel déjà problématique. Elles pourraient ainsi favoriser, à la suite d’expériences négatives, l’apparition de malaises reliés à des situations interpersonnelles et sexuelles ou de l’anxiété de performance, des pensées dommageables par rapport à une sexualité fonctionnelle ou carrément le développement de difficultés et de dysfonctions sexuelles. L’utilisation d’Internet pour favoriser des rencontres romantiques et sexuelles va sans doute continuer à s’amplifier, et des recherches à ce sujet sont nécessaires pour vérifier les effets tant positifs que négatifs de ce phénomène.

    Mentionnons en terminant que la fréquentation des réseaux sociaux et de réseaux de rencontre chez des gens en couple ou la consultation persistante de photos d’ex-partenaires ou d’autres personnes peuvent favoriser des comportements défavorables au couple comme la cyber-surveillance. Elles peuvent être perçues chez certains comme de la cyberinfidélité, être un catalyseur de la jalousie et être, de façon plus générale, défavorables à la vie de couple et sexuelle et notamment affecter le désir sexuel (Daspe, Vaillancourt-Morel, Brassard et Lussier, 2019). Évidemment, le contexte dans lequel se fait cette utilisation comme l’aspect caché plutôt qu’ouvert, l’attitude d’un des partenaires par rapport à la consommation de ce type de matériel et la situation générale du couple peuvent influencer le fait qu’il y aura ou non un effet défavorable sur celui-ci.

    La baisse du désir sexuel chez les hommes

    Le DSM-5 a apporté un certain nombre de changements au diagnostic des dysfonctions sexuelles. L’un de ces changements est d’avoir fait un chapitre particulier sur cette thématique en la séparant des autres problématiques sexuelles qui apparaissent dorénavant dans d’autres chapitres. Parmi les changements importants apportés par cette version récente du DSM-5, il y a le fait qu’on réserve le diagnostic de la baisse de désir aux hommes, alors que chez les femmes les problèmes de baisse de désir ou de manque d’intérêt sont maintenant associés aux troubles de l’excitation. Dans notre édition précédente, nous avions consacré deux chapitres à la baisse de désir, mais dans les faits, l’essentiel des données et du traitement rapporté concernait ce problème chez les femmes. Même si les données de l’époque tendaient à indiquer que ce problème existait aussi de façon significative chez les hommes, peu d’études d’envergure avaient porté sur les hommes. Il y a encore un manque d’études sur ce sujet. Cependant, le DSM-5 a relancé l’intérêt pour cette problématique masculine et des publications sur ce sujet sont maintenant disponibles (Meana et Steiner, 2014; Nobre, Carvalho et Mark, 2020).

    On trouvera au chapitre 7 de ce livre, portant sur les problèmes de désir chez les hommes, les critères diagnostiques du DSM-5 qui sont très similaires à ceux du DSM-IV, à l’exception qu’il concerne maintenant exclusivement les hommes. Mentionnons ici que le DSM-5 suggère que, chez les hommes, on peut considérer les facteurs suivants dans l’évaluation de la baisse de désir masculine:

    1Les facteurs de tempérament. Sous cette rubrique, on mentionne par exemple que les hommes qui ont des antécédents psychiatriques sont plus susceptibles d’avoir des problèmes de désir sexuel lorsqu’on les compare à des hommes sans problèmes psychopathologiques antérieurs. On ajoute la perception du désir sexuel chez la partenaire, le bon accord émotionnel avec la partenaire et d’autres facteurs contextuels qui peuvent influencer négativement le désir.

    2Des facteurs contextuels comme un manque d’éducation sexuelle, des expériences sexuelles précoces négatives, la consommation d’alcool peuvent influencer le désir.

    3Des facteurs génétiques et biologiques, notamment hormonaux, entreraient aussi en ligne de compte. L’augmentation de l’âge serait également un facteur associé à la baisse du désir.

    De leur côté, Althof et Needle (2017) mentionnent les facteurs suivants comme pouvant être reliés à la baisse de désir chez l’homme:

    1Les facteurs reliés à la partenaire, tels que la présence de problèmes sexuels chez la partenaire ou des problèmes de santé.

    2Les facteurs relationnels, tels que les problèmes de communication et des différences importantes entre les partenaires dans la fréquence sexuelle souhaitée.

    3Les facteurs individuels de vulnérabilité, comme une image de soi négative, une histoire de sévices sexuels ou émotionnels ou encore des problèmes psychiatriques comme des problèmes d’anxiété, et finalement des stresseurs actuels comme une perte d’emploi ou un deuil.

    4Les facteurs culturels et religieux, qui peuvent entraîner une inhibition à propos des activités sexuelles.

    5Les problèmes médicaux, qui peuvent avoir un effet sur le désir.

    Althof et Needle (2017) mentionnent aussi que, parmi les problèmes suscités par le diagnostic de la baisse de désir chez l’homme dans le DSM-5, subsiste la problématique d’éliminer le diagnostic de baisse de désir lorsqu’il y a un problème de dépression. Pour ces auteurs, cette distinction entre la dépression et la baisse de désir n’est pas toujours facile à faire. Ils donnent l’exemple suivant. Un homme peut présenter une baisse de désir depuis une période plus ou moins longue et consulter principalement à ce sujet. Il peut aussi rapporter lors de l’évaluation avoir eu des périodes dépressives dans sa vie pour lesquelles il n’a jamais consulté. Est-ce que cet homme devrait recevoir le diagnostic de baisse de désir ou est-ce que le trouble dépressif en est la cause? Cette distinction reste confuse et les critères amenant à poser le diagnostic de la baisse de désir devraient être plus clairs et plus précis.

    En fait, d’autres aspects de ce diagnostic soulèvent de la confusion suivant Althof et Needle (2017). Le DSM-5 mentionne notamment dans la description de la baisse de désir sexuel masculine ce qui suit:

    […] la perturbation n’est pas mieux expliquée par un trouble mental non sexuel ou comme étant la conséquence d’une souffrance sévère reliée à une relation ou par d’autres facteurs de stress significatifs, et n’est pas due aux effets d’une substance/d’un médicament ou d’une autre affection médicale (p. 440).

    Mentionnons ici que, paradoxalement, dans la partie sur les facteurs de risque et prognostiques de la baisse de désir masculine, le DSM-5 mentionne la consommation d’alcool, des problèmes interpersonnels et avec la partenaire. Quand poser ou non le diagnostic de baisse de désir n’est pas toujours évident. C’est pour cette raison que nous sommes aussi d’avis qu’il y aurait lieu d’être plus clair à ce sujet. Nous verrons dans la section intitulée «Quelques remarques sur les facteurs associés à des problèmes sexuels dans le DSM-5», que cette confusion dans le DSM-5 soulevée par Althof et Needle (2017) s’applique aussi à d’autres dysfonctions sexuelles.

    Ce diagnostic devrait être revu et précisé dans les versions ultérieures du DSM. En fait, les cliniciens constatent généralement que la baisse de désir, comme d’autres problématiques sexuelles, est un phénomène complexe qui est au cœur d’un ensemble de problèmes en interaction les uns avec les autres. Cependant, le fait qu’il apparaisse comme un diagnostic séparé chez l’homme dans le DSM-5 va vraisemblablement avoir comme conséquence positive de susciter de l’intérêt chez les chercheurs.

    Une autre problématique porte sur la différence entre la baisse de désir et l’asexualité. Pour plusieurs, l’asexualité n’est pas un problème, mais une manière d’être qui n’est pas psychopathologique (Bogaert, 2012; Brotto, Knudson, Inskip, Rhodes et Eskine, 2010). D’autres (Althof et Needle, 2017) sont d’avis qu’il y a un recoupement important entre ces deux concepts et que la distinction n’est pas si claire que cela. Lorsqu’il y a un consensus au sein d’un couple sur une relation platonique, le problème ne se présente pas. Mais, pour reprendre un exemple donné par ces auteurs, lorsque le problème se situe au sein d’un couple où l’homme, par exemple, se définit comme asexuel, que la conjointe devient frustrée de l’absence d’intérêt sexuel de son partenaire et que celui-ci présente de la détresse en raison de cette situation, devrait-on poser ou non un diagnostic de baisse de désir masculine?

    Remarquons aussi que, même si le DSM-5 a décidé de séparer la question de l’absence d’intérêt pour la sexualité chez l’homme et la femme et d’en arriver à deux manières de voir les choses, il n’en demeure pas moins que plusieurs questions que nous venons de poser pour l’homme pourraient s’appliquer également à la question de la baisse de désir chez la femme.

    L’essentiel des informations exposées dans les chapitres sur la baisse de désir de l’édition antérieure s’applique à ce problème chez l’homme. Mentionnons certains aspects qui peuvent être pertinents en ce qui le concerne, particulièrement sur le plan cognitif. Par exemple, lorsque l’homme a des cognitions irréalistes comme être toujours prêt à avoir une relation sexuelle, être celui de qui dépend la satisfaction sexuelle dans le couple, devoir toujours donner la meilleure performance, etc., un processus néfaste risque de s’enclencher (voir les chapitres 6, 7, 16 sur la baisse de désir). Ce processus va augmenter les chances de créer un malaise par rapport à la sexualité qui va possiblement entraîner des comportements d’évitement sexuel. L’évitement des activités sexuelles permet de réduire ce malaise par rapport à la sexualité, mais en même temps, il se traduit par l’instauration d’une situation qui caractérise principalement la baisse de désir, notamment la diminution de la fréquence de ces activités. La baisse de désir chez l’homme est souvent associée à une conception non réaliste de l’activité sexuelle. Comme nous le mentionnons dans le chapitre 16 sur le traitement de la baisse de désir et en nous inspirant du célèbre cognitiviste Aaron T. Beck (1988), dans son ouvrage intitulé Love is Never Enough, le problème est souvent le suivant: lorsque quelqu’un souhaiterait agir en visant des performances sexuelles qui ne sont pas réalistes, mais qui peuvent être visionnées dans certains documents, il peut y avoir une démotivation reliée au fait de ne pas pouvoir atteindre un objectif non réaliste et, comme nous le mentionnerons au cours de cet ouvrage, le tout peut être à l’origine de la baisse de désir.

    Certains points peuvent concerner autant l’homme que la femme et sont reliés à la dimension biologique, comme la prise de certaines substances qui peut avoir un effet sur l’activité sexuelle. C’est le cas de certains antidépresseurs, par exemple, mais aussi de tous les médicaments dont nous allons donner un aperçu dans cet ouvrage et qui vont éventuellement provoquer un mauvais fonctionnement sexuel et entraîner un malaise par rapport à l’activité sexuelle et donc potentiellement réduire le désir.

    Des circonstances particulières reliées à l’augmentation de l’âge et à des problèmes de santé qui peuvent l’accompagner vont accentuer l’occurrence de certaines difficultés sexuelles souvent associées à la baisse de désir. En plus des problèmes hormonaux qui doivent être vérifiés, les conséquences de certains traitements peuvent avoir des effets sur le fonctionnement sexuel. Les traitements radiothérapeutiques, chimiothérapeutiques ou chirurgicaux pour le cancer de la prostate, par exemple, peuvent provoquer des problèmes sexuels et surtout une dysfonction érectile parfois temporaire ou permanente qui influence souvent le désir à la baisse chez des hommes qui avaient, au préalable, un niveau de désir adéquat.

    En conséquence, même si le DSM-5 a décidé de faire de la baisse de désir un problème en soi chez l’homme, plusieurs cliniciens pensent que la baisse de désir sexuel chez ce dernier se produit souvent lorsque d’autres difficultés sexuelles apparaissent. Lorsque le facteur principal est la présence d’une autre dysfonction sexuelle, il peut être important de régler ce problème lorsqu’il semble associé à la baisse de désir. Que la cause soit davantage biologique, psychologique ou, comme c’est très souvent le cas, une combinaison des deux, des traitements sont offerts: thérapie sexo-psychologique individuelle ou en couple, traitements biologiques ou combinaison des deux. Lorsque la cause est totalement biologique, il est souvent possible, presque sans exception, de régler le problème sexuel. Les traitements par médication orale, par injection intracaverneuse, par chirurgie, par l’utilisation du vacuum peuvent régler la plupart du temps les problèmes érectiles pour l’homme et d’autres médicaments sont utiles pour d’autres problèmes sexuels, dont l’éjaculation précoce. Les hommes ayant cette combinaison de problème de désir et une autre dysfonction peuvent donc trouver une solution en traitant en premier lieu la dysfonction sexuelle et voir l’effet de l’amélioration sur le désir. Mais ils doivent être informés de toutes les solutions possibles et, dans certains cas comme l’utilisation des injections intracaverneuses ou du vacuum, ils ont besoin d’être soutenus et rassurés à propos de l’utilisation de cette méthode. En fait, même lorsque la cause est biologique, un traitement sexo-psychologique est toujours utile et le traitement de la baisse de désir peut être nécessaire même lorqu’une autre difficulté sexuelle est traitée avec succès.

    Une approche sexo-psychologique permet aussi aux couples dont l’homme a, par exemple, une dysfonction érectile et une baisse de désir, d’apprendre à retrouver le plaisir et éventuellement le désir, l’excitation et l’orgasme sans nécessairement avoir une relation coïtale. Dans le cas plus particulier de l’éjaculation précoce, qui peut réduire le désir s’il n’est pas traité, des traitements sexo-psychologiques sont extrêmement efficaces et peuvent contribuer à régler ces difficultés. En fonction des circonstances, notamment de la motivation de l’homme ou du couple à appliquer des méthodes sexo-psychologiques, des traitements pharmacologiques sont également offerts. Comme nous l’avons mentionné plus haut, des méthodes combinant à la fois des stratégies biomédicales et psychologiques peuvent aussi être envisagées.

    Un certain nombre d’options sont donc possibles et peuvent être présentées et discutées avec les hommes présentant une baisse de désir et, le cas échéant, avec les deux membres du couple. Évidemment, les méthodes d’évaluation et de traitements rapportées plus loin dans les chapitres sur la baisse de désir peuvent aussi être pertinentes.

    Il convient, en résumé, de mentionner à nouveau que la baisse de désir chez l’homme est probablement complexe et reliée à plusieurs facteurs. Dans les faits, et comme nous le verrons dans cet ouvrage, pour ce problème comme pour d’autres difficultés sexuelles, une conception plus descriptive et dimensionnelle des difficultés sexuelles et de tous les facteurs associés nous apparaît beaucoup plus utile cliniquement qu’une conception dichotomique comme celle proposée en médecine par le DSM-5 et qui consiste à déterminer principalement s’il faut ou non poser le diagnostic.

    La baisse de désir ou le trouble de l’intérêt pour l’activité sexuelle ou de l’excitation sexuelle chez la femme

    Le DSM-5 a également modifié le diagnostic de la baisse de désir chez la femme en l’associant aux troubles d’excitation sous l’appellation trouble de l’intérêt pour l’activité sexuelle ou de l’excitation sexuelle chez la femme, ce qui correspond à une certaine tendance dans les écrits récents (Brotto, 2010; Brotto et Luria, 2014; Brotto et Velten, 2020), mais qui ne fait pas l’unanimité (DeRogatis, Clayton, Rosen, Sand et Pyke, 2011). On trouvera au chapitre 5 le détail de ce diagnostic. Mentionnons ici que, s’il est vrai que la baisse de désir cohabite souvent avec un problème d’excitation que le rationnel de la combinaison des deux diagnostics en un seul est justifié, il suscite certaines polémiques. Le DSM-5 ouvre aussi la porte à ce que seule la baisse de l’intérêt pour l’activité sexuelle soit présente puisqu’il est possible de poser le diagnostic en se basant sur la présence de seulement trois symptômes du critère A. Il n’en demeure pas moins que la présence de ce problème est souvent au centre d’une multitude de difficultés. Comme nous l’avons mentionné pour l’homme, il est parfois difficile de déterminer s’il s’agit d’un trouble sexuel ou d’un problème dépressif. De plus, ce diagnostic aurait pu aussi être associé à d’autres problèmes comme les problèmes orgasmiques, des douleurs génitopelviennes ou d’autres troubles reliés à la pénétration. Nous mentionnerons souvent dans cet ouvrage le caractère complexe de la baisse de désir.

    La baisse de désir sexuel chez la femme est donc aussi, comme chez l’homme, un problème relié à plusieurs facteurs. Parmi les facteurs favorisants, le DSM-5 mentionne comme chez l’homme les problèmes tempéramentaux qui incluent des antécédents de troubles mentaux. Mentionnons encore une fois que la distinction qui doit être faite avec des troubles dépressifs ou autre psychopathologie est souvent difficile à faire. Comme pour l’homme, poser ce diagnostic est exclu lorsqu’il y a «un autre trouble mental non sexuel» (p. 433) ou lorsque ce problème est «la conséquence d’une souffrance importante liée à une relation» (p. 433) ou encore lorsqu’il y a présence «de facteurs de stress significatifs …], l’usage et les effets de substance, de médicament» (p. 433) et, finalement, lorsqu’il y a «une autre affection médicale» (p. 433). Par contre, on mentionne plus loin dans les facteurs prédisposant «les difficultés relationnelles et les difficultés de fonctionnement avec le partenaire […]» (p. 435). On aura tous compris que ce qui est mentionné comme un facteur d’exclusion peut aussi devenir un facteur prédisposant. Il nous semble que ces contradictions apparentes pourraient être éclaircies dans des versions ultérieures. Finalement, toujours en lien avec ces apparentes contradictions, on mentionne des facteurs génétiques et physiologiques. Quoique les facteurs génétiques ne soient pas précisés, on mentionne que l’intérêt pour les activités sexuelles est parfois associé au diabète et à un dysfonctionnement de la glande thyroïde.

    Mentionnons en terminant que le diagnostic de baisse de désir ou d’intérêt sexuel chez la femme, qui est maintenant dissocié de la problématique masculine, demeure un phénomène complexe. En l’associant aux problèmes d’excitation, le DSM-5 a sans doute voulu montrer cette complexité. Par contre, comme c’est le cas chez l’homme, ce problème est plus complexe qu’une association avec l’excitation sexuelle et cette complexité pourrait davantage être mise en évidence dans le DSM-5. Nos études indiquent que les associations avec d’autres problématiques sexuelles sont fréquentes et pas uniquement avec les troubles de l’excitation (Trudel, Ravart et Matte, 1993). De plus, plusieurs études effectuées dans notre laboratoire ont montré que la baisse de désir est un motif fréquent de consultation chez les couples et qu’elle est souvent présente chez les femmes (associée ou non à d’autres problématiques sexuelles). Nous avons d’ailleurs à ce sujet développé un programme exhaustif d’évaluation et d’intervention de la baisse de désir qui met l’accent sur l’aspect complexe et multidimensionnel de la baisse de désir, tant chez la femme que chez l’homme (Trudel, 2003).

    Le trouble lié à des douleurs génitopelviennes ou à la pénétration

    Le DSM-5 a décidé de placer sous un seul diagnostic les deux dysfonctions qui apparaissaient dans le DSM-IV sous l’appellation de dyspareunie et de vaginisme. Il s’agit donc du trouble lié à des douleurs génito-pelviennes ou à la pénétration. Nous avions examiné dans la deuxième édition la difficulté de faire la distinction entre ces deux diagnostics. L’évolution

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