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Le Virage ambulatoire: Défis et enjeux
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Livre électronique330 pages3 heures

Le Virage ambulatoire: Défis et enjeux

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À propos de ce livre électronique

Le transfert de soins à domicile est-il souhaitable, et si oui, à quelles conditions? Quels en sont les effets sur la population québécoise en général et sur certains groupes en particulier: les professionnels en milieu hospitalier, les employés à statut précaire, les femmes?
LangueFrançais
Date de sortie11 juil. 2011
ISBN9782760528697
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    Aperçu du livre

    Le Virage ambulatoire - Guilhème Pérodeau

    BIOGRAPHIQUES

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    INTRODUCTION

    LE VIRAGE AMBULATOIRE

    Défis et enjeux

    GUILHÈME PÉRODEAU

    Département de psychoéducation et de psychologie

    Université du Québec en Outaouais

    DENYSE CÔTÉ

    Département de travail social et des sciences sociales

    Université du Québec en Outaouais

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    Ce livre est un recueil d’articles de chercheurs appartenant à divers univers disciplinaires, accompagné de réflexions et de recommandations de quelques praticiens intervenant à différents niveaux stratégiques de la chaîne de soins. L’objectif est de faire l’analyse critique des effets du virage ambulatoire et de ses impacts sur la pratique professionnelle ainsi que sur la population en général.

    Les questions auxquelles ont réfléchi ces chercheurs et praticiens sont centrales à la compréhension des ondes de choc qui ont frappé le système sociosanitaire québécois : que doit-on retenir de ces réaménagements structuraux et de l’implantation d’une nouvelle philosophie de soins ? Quels en sont les effets sur les personnes qui requièrent des soins ? Quels en sont les effets sur la population québécoise en général et sur certains groupes en particulier : les professionnelles en milieu hospitalier, les employées à statut précaire, les femmes…? Le transfert de soins à domicile est-il souhaitable et, si oui, dans quelles conditions ?

    Il faut comprendre ici que ces réaménagements structuraux ont été opérés dans le cadre de l’objectif gouvernemental du « déficit zéro » et dans un temps très limité. Les nouveaux fonds fédéraux transférés aux provinces ont été amputés de sept millions de dollars entre 1996 et 1999.

    Ce qu’on a appelé au Québec « virage ambulatoire » s’est caractérisé par la réduction systématique de la durée du séjour hospitalier et la généralisation des services ambulatoires, la réduction du personnel et du nombre de lits dans les hôpitaux, l’alourdissement de l’ensemble de la tâche du personnel des hôpitaux et des CLSC. Tout comme le virage ambulatoire (ou phénomène de la désinstitutionnalisation) vécu dans le milieu psychiatrique depuis plusieurs décennies, ces revirements dans le domaine de la santé requièrent des ajustements à tous les paliers de soins. Cette nouvelle philosophie allait donc bouleverser les pratiques en milieu hospitalier ainsi que les mandats des CLSC. Le virage ambulatoire a aussi provoqué une réflexion sur la qualité des soins de santé, de même qu’un débat public sur l’avenir du système sociosanitaire : à tel point qu’il est devenu un thème central de l’élection provinciale de 1999. Le virage ambulatoire a aussi eu des effets profonds sur la structure des familles maintenant responsables des soins des personnes déshospitalisées plus rapidement, la surveillance médicale étant souvent effectuée à domicile par les malades et par leurs proches. Cette situation soulève quelques questions, notamment sur l’équité entre les genres, les procès et les conditions de travail en matière de soins à la personne et de soins de santé.

    Notre livre présente les concepts et mécanismes sous-jacents au virage ambulatoire, tant sur le plan théorique que pratique. Dans la préface, Frédéric Lesemann (Virage ambulatoire : virage paradigmatique, virage éthique) évoque les potentialités du virage. Il signale en particulier la mise de côté du carcan institutionnel pour aller vers des solutions faisant appel à la liberté individuelle et à la réinsertion sociale, plus en lien avec les valeurs et les attentes des usagers dans une société postmoderne. Son appel vibrant vers un virage libérateur et créateur d’alternatives aux anciens modèles est modulé par son constat des difficultés de parcours. Il nous exhorte néanmoins à maintenir le cap en considérant les avantages du virage à long terme. Nous le faisons tout en pensant qu’il est important d’en souligner les obstacles et déraillements possibles.

    Chaque article décrit les recherches effectuées par des spécialistes du domaine de la santé pour mettre en perspective les effets du virage ambulatoire sur les populations décrites de manière à susciter la réflexion. À cet effet, nous avons divisé le livre en trois parties. Dans la première partie sur la problématique du virage ambulatoire, Denyse Côté (Le virage ambulatoire : vers une humanisation des soins ?) s’interroge sur la manière dont le virage a été implanté et sur ses conséquences, en particulier sur deux groupes de femmes : les professionnelles de la santé et les aidantes dites naturelles. Elle appuie sa présentation sur deux recherches menées auprès de ces deux groupes. Le constat est sévère : faute des ressources adéquates qui auraient dû l’accompagner, le virage ambulatoire, loin d’humaniser les soins, impose de nouvelles contraintes et difficultés aux personnes (en majorité des femmes) assurant les soins quotidiens d’une personne malade ou en perte d’autonomie. Par la suite, Yves Carrière et ses collaborateurs (La viabilité de la désinstitutionnalisation face aux changements sociodémographiques) attaquent le problème sous l’angle démographique. La génération vieillissante des baby-boomers, sans un transfert de ressources financières et organisationnelles suffisant, et avec la désinstitutionnalisation des services dont fait partie le virage ambulatoire, risque de se heurter à des obstacles de taille engendrés par des changements dans la structure familiale, dans les modes de vie et surtout par l’entrée massive des femmes sur le marché du travail. Le passage de l’institution vers le milieu naturel signifie que c’est souvent la conjointe, la fille ou la belle-fille qui prend le relais. L’égalité des sexes est loin d’être atteinte en ce qui concerne le soin aux parents vieillissants. Comment vont réagir les nouvelles générations de femmes (et d’hommes) devant cette problématique ? L’État se doit de jouer son rôle s’il veut que ses politiques s’harmonisent avec cette réalité de plus en plus présente et pressante. Dans le chapitre suivant, Lise Lachance et son équipe (Le virage ambulatoire et la conciliation travail-famille) explorent plus avant l’un des effets du virage ambulatoire en fonction de la difficulté accrue de concilier les sphères professionnelle et familiale. Tout en gardant le virage ambulatoire comme toile de fond, les auteurs font une analyse approfondie des diverses perspectives théoriques sur l’interface entre le travail et la famille. L’impact du virage ambulatoire sur la travailleuse, l’aidante et l’usagère est présenté tour à tour. L’accent est mis sur l’importance de bien saisir les mécanismes qui sous-tendent l’interaction entre les rôles professionnels et familiaux afin d’être à même de mettre sur pied des dispositifs visant à minimiser l’impact des uns sur les autres dans un contexte de ressources rarissimes tant du côté formel qu’informel.

    La deuxième partie, Les enjeux sur le terrain, pose des constats précis à la suite d’études menées auprès de divers groupes, principalement composés de femmes. Ces dernières ont subi, de diverses manières, les effets délétères du virage ambulatoire. Dans une recherche sur les infirmières menée à l’échelle québécoise, Guilhème Pérodeau et ses collaborateurs (L’impact du virage ambulatoire sur les professionnelles de la santé en précarité d’emploi) présentent la teneur de groupes de discussion (focus groups) tenus à travers le Québec et formés d’infirmières inscrites sur des listes de rappel. Ce groupe très vulnérable, dont le nombre va en s’accroissant au fil des ans, a fortement ressenti le contrecoup du virage : des conditions de travail plus difficiles et un statut d’emploi d’autant plus précaire en ont résulté, tant et si bien que toute chance de stabilisation a été tuée dans l’œuf par le redéploiement d’une main-d’œuvre à statut permanent placée d’office dans les postes convoités de longue date. Le climat de travail pénible et le manque de reconnaissance de la tâche accomplie font en sorte que le niveau de détresse psychologique est élevé. Dans leur étude sur l’effet du retour précoce à la maison après une hospitalisation, Francine Ducharme et son équipe (Femmes et soins : l’expérience du virage ambulatoire à la vieillesse) en viennent à des conclusions similaires sur la santé des conjointes qui se trouvent seules à prodiguer des soins quasi médicaux à leur conjoint malade. Sans encadrement ou soutien adéquat, ces femmes apportent des soins qui étaient assurés par des professionnelles dans le passé. Tout en étant dévouées à leur conjoint, ces aidantes expriment leur fatigue, leur stress et leur désarroi face à une tâche qui les dépasse et que le virage les a soudain contraintes d’accomplir. De façon plus large, Mario Paquet (Les familles et le soutien aux personnes âgées dépendantes : une étude exploratoire sur le recours aux services) s’intéresse à la réticence des aidantes à utiliser les services formels. Selon la philosophie du virage ambulatoire, la personne, de même que son entourage, devrait avoir accès à un panier de services visant à la maintenir dans la communauté. Or, non seulement ces services sont souvent peu connus, mais les familles semblent, pour toutes sortes de raisons, réticentes à les utiliser. La peur de l’inconnu, une pudeur à faire appel à des « étrangers » sont autant d’obstacles à la demande d’aide. L’aidante se replie donc souvent sur elle-même et assume la majorité de la tâche au détriment de sa santé.

    Dans la troisième et dernière partie du livre, Ce qu’en pensent les praticiens…, trois gestionnaires représentants de groupes communautaires ou de syndicats prennent la parole pour faire les constats qui s’imposent et proposer des solutions, autant pour les professionnels que pour les aidants naturels. Ces derniers textes sont le fait d’acteurs au cœur de l’action, et ils apportent ainsi une perspective d’ensemble de la politique. Chantal Saint-Pierre, professeure en sciences infirmières (Les réseaux formel et informel en action), introduit ces trois textes et les commente à travers une lentille tour à tour anthropologique, politico-administrative, économique, féministe, légale, sociologique et sanitaire. De façon éclairante, elle émaille son discours théorique de diverses citations de praticiens sur le terrain. En tant que gestionnaire, Martin Bédard, conseiller en gestion des ressources humaines dans un grand hôpital psychiatrique à Québec, observe dans son chapitre (La réforme du système de la santé et la gestion des ressources humaines) l’ampleur des bouleversements organisationnels auxquels les travailleurs de la santé (en particulier ceux œuvrant dans le monde psychiatrique) ont dû faire face ainsi que le sentiment d’impuissance qui en a résulté. Il souligne la nécessité de redonner un sentiment de contrôle aux travailleurs, grâce à un style de gestion dans lequel ils seraient parties prenantes et à la mise sur pied de processus visant à améliorer les conditions de vie dans le travail et à la maison. Sa réflexion nous fait réaliser que le virage ambulatoire a eu lieu encore plus tôt dans le monde de la psychiatrie et qu’il se poursuit encore. Comme pour la problématique qui nous intéresse, le sous-financement et le manque de vision à long terme ont fait que la désinstitutionnalisation psychiatrique s’est heurtée à de multiples obstacles et a occasionné des stress tant dans le réseau formel que dans le réseau informel. Ainsi, les bénéficiaires se sont retrouvés sans les services appropriés, et cela, dans un système alternatif inadéquat. Dans le chapitre suivant (Les besoins des aidantes naturelles et les solutions pour un meilleur équilibre entre les ressources professionnelles et informelles), Nicole L’Heureux met l’accent sur le besoin qu’a l’aidante naturelle de recevoir des services directs et surtout d’être respectée en tant que personne. Elle souligne ainsi qu’une aidante n’est pas une soignante professionnelle et que la prise en charge ne devrait pas être imposée par un système déficient. Enfin, Sylvie Boulanger, première vice-présidente de la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec (FIIQ) (Virage ambulatoire et désinstitutionnalisation : exploitation du travail féminin), appelle à la vigilance des professionnelles de la santé et des aidantes devant la déresponsabilisation du réseau qui, par ricochet, alourdit le fardeau des soignantes professionnelles et naturelles.

    Le virage ambulatoire est un phénomène relativement récent qui reflète les changements politiques d’une société en évolution constante. Le vieillissement de la population, l’entrée massive et le maintien de la main-d’œuvre féminine sur le marché du travail, des services formels surtaxés sont autant de facteurs dans l’équation qui font que le pari du virage ambulatoire est loin d’être gagné. Il est donc important de s’y attarder, non seulement pour en jauger les forces et les faiblesses, mais également pour apporter des solutions constructives à un projet dont la philosophie de base pourrait conduire au bien-être des personnes en perte d’autonomie ou qui ont besoin de soins. Cela ne doit toutefois pas se faire au détriment de celles qui les soutiennent dans un contexte professionnel ou familial.

    Ce livre est un ouvrage de référence destiné aux étudiants, cliniciens, gestionnaires et intervenants communautaires. Notre souhait est que les lecteurs y trouvent non seulement des sujets de réflexion, mais également des pistes de solution.

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    PARTIE 1

    LA PROBLÉMATIQUE DU VIRAGE AMBULATOIRE

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    CHAPITRE 1

    LE VIRAGE AMBULATOIRE

    Vers l’humanisation des soins ?

    DENYSE CÔTÉ

    Université du Québec en Outaouais

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    Les nouveaux rapports entre l’État et la société civile se caractérisent, depuis plus d’une décennie déjà, par un désinvestissement du premier relativement à la seconde, par un désinvestissement de l’État dans le social. Plusieurs stratégies ont été mises en œuvre à cet effet et le virage ambulatoire fait partie au Québec de cette série de mesures qui mettent en scène l’État dans son nouveau rôle d’accompagnateur (Bégin et al., 1999). Les effets de ces transformations sur la société québécoise sont substantiels ; celles-ci ont donc fait beaucoup parler d’elles dans les médias et ont même constitué un enjeu majeur d’élections législatives. Cependant, peu d’analyses en profondeur ont été menées sur la dimension sociale. On commence en effet à peine à documenter les incidences de ce phénomène complexe, dont la nature et la portée varient selon les institutions et les acteurs : médecins, personnel médical, malades ou aidantes « naturelles ».

    Ce texte a pour objectif de remettre en contexte le virage ambulatoire comme phénomène de société. Nous nous appuyons à cet effet sur quelques résultats d’une recherche menée six mois après l’implantation du virage ambulatoire1. Cette recherche constitue en fait une chronique des transformations dans le domaine de la santé et des services sociaux au Québec relativement à la responsabilité qu’assument les femmes, soignantes2 et employées des services de santé, pour les soins des personnes malades et dépendantes. Cette recherche exploratoire a été menée dans cinq régions du Québec dans le cadre d’entrevues individuelles semi-structurées avec des travailleuses du réseau de la santé et d’entrevues de groupe réunissant des soignantes de malades ayant besoin de soins à domicile et déshospitalisés dans le cadre du virage ambulatoire. Les données présentées ici ont été recueillies en Outaouais.

    Le virage ambulatoire propose une transformation radicale du mode de fonctionnement, des habitudes et des conceptions entourant la prise en charge des personnes malades. Il institue un retour plus rapide des malades hospitalisés à leur communauté, à leur famille (CSF, 1999). Les résultats de cette recherche exploratoire mettent en lumière les effets du virage ambulatoire sur certaines catégories d’acteurs, ceux-là mêmes qui ont été appelés à mettre en place le virage, les travailleuses des établissements de santé, et les personnes qui ont été appelées à prendre en charge à domicile les soins requis par leurs proches, les soignantes. Le virage ambulatoire a-t-il été perçu par ces acteurs comme une forme d’humanisation des soins ?

    Il faut d’entrée de jeu rappeler que la collecte des données s’est effectuée peu après la mise en œuvre du virage ambulatoire et que les personnes que nous avons interviewées n’avaient pas encore pu réellement intégrer ces changements ; elle s’est faite avant que des solutions soient apportées aux problèmes les plus criants et pendant que des réformes structurelles avaient encore cours. Ce contexte colore donc les propos des personnes interrogées et devra être pris en compte par le lecteur. Cela dit, ces données nous permettent de mieux saisir une dimension du phénomène trop souvent laissée dans l’ombre.

    1. LE VIRAGE AMBULATOIRE : EXPRESSION POLYSÉMIQUE, TRANSFORMATION MAJEURE

    Mais qu’est-ce que le virage ambulatoire ? Les remous et les nombreuses réactions causées par sa mise en place en 1996 ont tendance à nous faire oublier la nature ambiguë et polysémique de cette expression. Car si elle s’est retrouvée rapidement sur toutes les lèvres, ses origines restent mystérieuses. Une recherche dans les journaux, les textes officiels ainsi que dans certains textes liés au domaine médical ne nous a pas permis de retracer quelque racine technique, médicale ou officielle à l’expression virage ambulatoire. Les textes gouvernementaux préparatoires à cette réforme n’y font même pas allusion, mais on la voit apparaître dans les médias vers 1996. Force nous est de conclure qu’il s’agit là d’une expression créée de toutes pièces par ceux-ci et dont la portée symbolique masque la multiplicité de sens qu’elle recèle.

    Car le virage ambulatoire renvoie à plusieurs éléments qui sont d’ailleurs indissociables. Il représente une réorganisation en profondeur du système sociosanitaire du point de vue de sa gestion. Il comporte ainsi en premier lieu un changement dans la philosophie de prestation des soins par le système public de santé. Ce changement de philosophie se traduit entre autres par la réduction systématique de la durée du séjour hospitalier, l’augmentation des chirurgies d’un jour et la généralisation des services ambulatoires rendue possible par les progrès de la technologie médicale : l’antibiothérapie peut maintenant s’administrer à domicile, certaines chirurgies sont maintenant beaucoup plus légères, etc. (Côté et al., 1998 ; Conseil du statut de la femme, 1999).

    Cette nouvelle philosophie des soins répond par la même occasion à certains besoins administratifs. Le virage ambulatoire vise donc, en deuxième lieu, à effectuer une série de compressions budgétaires rendues nécessaires, notamment, par la diminution des paiements de transfert du gouvernement fédéral aux provinces en matière de santé et par la réduction du budget québécois alloué à la santé et aux services sociaux qui en résulte (Bégin et al., 1999).

    Dans cette foulée, le virage ambulatoire correspond également aux fusions d’établissements réalisées à la même époque afin selon les autorités gouvernementales, d’être plus efficace sur le plan administratif et d’atteindre les objectifs de compressions budgétaires : déplacement de personnel des établissements hospitaliers vers les CLSC, conversion d’hôpitaux généraux en établissements de soins de longue durée ou de courte durée, fusion d’établissements (hôpitaux, CLSC et centres d’accueil), réduction du personnel et du nombre de lits dans les hôpitaux. Dans cette optique, le virage propose une transformation ou un resserrement des missions de plusieurs établissements du réseau de la santé et des services sociaux.

    Le virage ambulatoire favorise par la même occasion l’apparition d’une tendance à la privatisation de certains services, à une forme de sous-traitance vers le secteur privé (CSF, 1996, 1999). En diminuant les soins pris en charge en milieu hospitalier, il crée en effet une série de besoins que ne pourront plus combler les services publics de soins à domicile et que le secteur communautaire ne pourra ou ne voudra pas combler non plus. Bref, le virage ambulatoire prend appui sur la prise en charge des personnes malades par la « communauté », voire par leurs familles, tout en diminuant les budgets consacrés à la santé. Il s’agit d’une transformation majeure dans la structuration des soins que l’on observe partout au Canada, en Amérique du Nord et dans la Communauté européenne (Armstrong et Armstrong, 1996).

    Mis en place à partir de 1996, le virage ambulatoire constitue, certes, un changement radical du système sociosanitaire et il correspond en ce sens à la volonté exprimée par le gouvernement du Québec de donner un sérieux coup de barre. Mais il ne s’agit pas là de la première réforme du système sociosanitaire, loin de là. Parmi les nombreuses vagues de compressions budgétaires du réseau de la santé et des services sociaux, celle-ci n’est pas le résultat du hasard ou d’une génération spontanée : elle est le fruit d’une longue maturation ponctuée d’un ensemble de réformes législatives, politiques et financières. Les motivations administratives du virage ambulatoire ont vu le jour bien avant celui-ci, et plusieurs vagues de restrictions budgétaires l’ont précédé et l’ont suivi. Enfin, ce virage a été reçu par la population québécoise comme un changement imposé : le débat de société n’a pas précédé son implantation, mais l’a plutôt

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