Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Paméla: Une passion occitane
Paméla: Une passion occitane
Paméla: Une passion occitane
Livre électronique255 pages4 heures

Paméla: Une passion occitane

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Paméla Calmonte est une élève assidue du lycée agricole Vaxergues à Saint-Affrique, dans le département de l'Aveyron. Passionnée d’équitation, elle y prépare un baccalauréat professionnel dans la spécialité Élevage et Valorisation du cheval. Cependant, son amour de la solitude, son mysticisme et surtout son admiration obsessionnelle pour les Templiers intriguent ses éducateurs ainsi que son entourage familial.
Paméla loue à une vieille dame un petit F2 pour la durée de ses études. Un jour, à l’invitation d’une amie, sa logeuse s’absente durant quatre jours à Villefranche-de-Rouergue, petite ville touristique du nord de l’Aveyron. À son retour, celle-ci ne peut que constater la disparition sans traces de Paméla. Les recherches entreprises durant plusieurs semaines par la gendarmerie restent vaines.
Plus de deux ans après ces événements, M. G. et sa femme, Carla, en vacances dans la région, sont mis fortuitement au courant de cette affaire étrange. Émus par la disparition de Paméla, ils décident d’en découvrir les raisons et les circonstances. Ils sont encore loin d’imaginer les obstacles et les scènes d’épouvante auxquels ils vont être confrontés avant d’accéder enfin à la connaissance de la vérité.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Christian Guého est originaire de Touraine. Il est marié et père de deux enfants. Docteur en Lettres et docteur en Droit, il a fait carrière dans la Fonction publique. Installé depuis peu en Aveyron et sensible à l’histoire et à l’identité occitanes, il s’est mis à l’écriture.
LangueFrançais
Date de sortie19 janv. 2021
ISBN9791037719379
Paméla: Une passion occitane

En savoir plus sur Christian Guého

Auteurs associés

Lié à Paméla

Livres électroniques liés

Détectives amateurs pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur Paméla

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Paméla - Christian Guého

    Avertissement

    Ce livre est un ouvrage de fiction. Les personnages cités et les événements relatés sont le fruit exclusif de l’imagination de l’auteur.

    Du même auteur

    I

    « Qu’est-ce que vous êtes venus faire dans ce trou ? »

    G. et sa femme, Carla, firent d’abord semblant de ne pas avoir entendu la question et continuèrent à siroter le café fort que venait de leur servir la patronne de la Brasserie des Sept Collines. Ils avaient quitté Tours vers deux heures du matin et avaient roulé toute la nuit pour éviter la chaleur et les encombrements de ce premier week-end du mois d’août 2006. Ils avaient enfin rejoint la petite ville de Saint-Affrique, leur ultime destination en Aveyron, et s’étaient attablés sous la pergola du premier bistrot qu’ils avaient aperçu en descendant de leur véhicule.

    La brasserie venait d’ouvrir. La patronne les avait vus se garer devant son établissement. Elle avait, de toute évidence, repéré les chiffres de la plaque d’immatriculation de la Clio de ses deux premiers clients, puisqu’elle leur lança :

    « Trente-Sept ! c’est quel département ? » Carla n’avait pu que répondre qu’il s’agissait de l’Indre-et-Loire, situé à 600 km de celui de l’Aveyron. Elle avait ajouté, peut-être imprudemment, que son mari et elle-même avaient l’intention de s’installer à Saint-Affrique.

    « Comment ? vous installer à Saint-Affrique ? Vous aimez vraiment les trous ! » insista la patronne, tout en finissant de nettoyer, avec une ostentatoire application, un verre à vin extrait d’un évier rutilant, dominé par deux robinets à bière joliment sculptés de grappes de raisins.

    En dépit de la fatigue du voyage qui lui burinait les joues et le front, et sans pouvoir dissimuler un rictus d’agacement, G. se crut, cette fois, obligé de lui répondre sur un ton ferme :

    « Madame, ce que vous appelez les trous sont davantage, aujourd’hui, Paris, Lyon, Lille ou Marseille, ces villes où l’on est confronté quotidiennement, non seulement à la pollution de l’air, au bruit, aux difficultés de circulation, au manque d’hygiène, mais encore à l’insécurité sous toutes ses formes ! Ne critiquez donc pas ainsi votre petite ville de Saint-Affrique où, à bien des égards, la vie doit être infiniment meilleure que dans ces grandes métropoles régionales. On voit que vous ne voyagez pas beaucoup. »

    La patronne accusa le coup. Elle haussa les épaules et disparut complètement derrière son comptoir. G. profita de ce moment de répit pour relire l’annonce immobilière qu’il avait relevée sur Internet : une maison était bien à vendre dans le quartier des Cazes, à Saint-Affrique. Carla et G. avaient fait ce long chemin pour la visiter et avaient pris rendez-vous, à cette fin, avec la propriétaire, madame Hélène Lombard.

    G. venait d’être, en effet, nommé à l’Université d’Albi en tant que maître de conférences d’Histoire du Droit¹. Son premier poste, pensez-donc ! Il n’était pas question d’y renoncer. La première réunion des enseignants-juristes était déjà fixée au 16 septembre 2006. Il lui fallait donc quitter sa Touraine natale et faire vite pour que leur installation, en Aveyron, soit terminée avant cette date.

    Leur choix s’était provisoirement porté sur ce département du sud de la France et en particulier sur la petite ville de Saint-Affrique, peuplée de quelque 8000 habitants. Ils avaient en effet traversé cette commune trois ans auparavant, durant leurs vacances d’été. La beauté et l’histoire du lieu les avaient émus et séduits.

    La guide locale, dont ils avaient alors suivi les commentaires avec attention, leur avait expliqué qu’à la fin du Ve siècle, l’évêque Affricanus, parti évangéliser le sud-ouest de la Gaule, avait dû renoncer à poursuivre sa mission face à l’hostilité des Wisigoths. Sur le chemin du retour, il s’était reposé dans ce vallon fertile entouré de sept collines boisées où coule une tempétueuse rivière à truites : la Sorgues. Charmé, il avait décidé de rester et de fonder ici une première église.

    C’est surtout le tempérament à la fois généreux et trempé des habitants qui les avait enchantés. Ainsi, le 14 septembre 1572, au lendemain de la Saint-Barthélemy, les habitants de Saint-Affrique, informés des massacres perpétrés à Paris, avaient refusé toute violence et scellé entre eux un « pacte de tolérance ». Un peu plus tard, en 1628, les femmes et les jeunes filles de la ville – alors à majorité protestante – avaient activement participé, du haut des remparts, à la bataille contre les troupes royales catholiques du Prince de Condé et du duc d’Épernon. Les assiégeants, après plusieurs assauts infructueux, avaient dû lever le siège.

    À cet instant, un homme, tenant en laisse un chien noir maigre et fripé, entra sous la pergola et s’assit à une table, non loin de G. et de Carla. Il était hirsute et portait une barbe de plusieurs jours. Sa veste de jean bleu délavée battait au vent, faute d’un nombre suffisant de boutons pour la maintenir fermée. Son pantalon de jean, dans la même étoffe que celle de sa veste, était troué en plusieurs endroits et ne pouvait masquer une large trace de mercurochrome sur le genou gauche. À l’évidence trop court, il laissait, en outre, apparaître des chaussettes aux motifs losangés rouge, blanc et noir, dont l’une semblait avoir été mise à l’envers. Il était chaussé de baskets blanches mais sales et dépourvues de lacets.

    Sans attendre que la patronne se soit approchée de lui pour connaître son souhait, il cria, à la ronde : « Un café, serré ; et qu’ça saute ! ».

    La patronne se présenta presque aussitôt, souriante. L’injonction qui lui avait été adressée publiquement par ce nouveau client ne paraissait pas l’avoir contrariée le moins du monde.

    « Marco, ça roule ce matin ? Je t’apporte ça tout de suite », lui dit-elle.

    Celui-ci ne répondit pas et se contracta les lèvres en une espèce de moue douloureuse. En moins d’une minute, le café fut prêt et servi à Marco, toujours seul devant sa petite table ronde. La patronne se tourna alors vers G. et Clara et dit, en les montrant du doigt :

    « Tu vois, Marco, ces deux-là veulent venir s’installer à Saint-Affrique. J’les comprends pas ! Moi, au contraire, si j’avais les moyens, je m’achèterais un commerce dans l’6e arrondissement… de Paris, bien sûr ; ou bien alors à Bordeaux… Pourquoi Bordeaux ? Eh ben, non pas parce que cette ville a, par la suite, donné le mot : bordel, mais parce qu’elle a donné son nom à des vins connus dans l’monde entier ! Et puis, c’est une ville sélecte, à moins de 4 h de Paris par le TGV. Enfin, la mer est là, toute proche. Nous, à Saint-Affrique, on n’a qu’un torrent étroit, boueux, minable. En tout cas, je quitterais ce trou. Non, vraiment, ils s’rendent pas compte. Ils vont mourir d’ennui ici ! »

    Le chien noir de Marco ponctua la sentencieuse appréciation de la patronne par un triple aboiement. Marco se tourna vers G. et Carla :

    « Où vous habit'rez à Saint-Aff. ? j’veux dire, dans quelle rue ? J’connais la ville par cœur, moi ! »

    G. se demanda un instant s’il devait donner suite à une sollicitation aussi indiscrète que familière. Mais il considéra que c’était par la patronne du café que Marco avait été informé de leurs intentions et que celui-ci n’avait donc pas pris, lui-même, l’initiative de les importuner. En outre, ce pauvre bougre, qui ne devait pas avoir beaucoup d’occasions de converser dans la journée, fit pitié à Clara.

    Elle souffla à G. de lui répondre, en faisant d’ailleurs valoir, à voix basse, qu’ils pourraient peut-être ainsi avoir quelques renseignements sur le quartier en question.

    « Nous ne sommes pas encore certains d’habiter la maison que nous devons visiter ce matin, à 11 heures, dans le quartier des Cazes. Nous devons être reçus ce matin par la propriétaire, madame Lombard », déclara alors G. avec une voix forte, de manière que la patronne entende aussi.

    « Quartier des Cazes ? Ah, si, j’connais. C’est l’quartier des bourges, des friqués ; y a beaucoup de maisons individuelles avec un p’tit jardin. Mais les gens sont radins ; j’y vais même plus y faire la manche ; ça m’dégoûte ! Lombard, vous avez dit ? Ça m’dit que'que chose. J’ai dû voir c’nom là sur une boîte aux lettres parce que, moi, j’lis les noms sur les boîtes aux lettres et j’les retiens, enfin, le plus possible. C’est comme un jeu. Euh… Lombard, ah oui, c’est là où y a des roses, mais des roses y en a partout ici ; les gens ne mettent que ça ; y en a tellement qu’on les voit même plus », s’exclama Marco.

    La patronne profita du silence qui suivit la dernière phrase de Marco pour enchaîner mais, cette fois, avec une espèce de déférence dans la voix :

    « Le quartier des Cazes ? Ah ! mais voilà des gens bien ! Vous savez, j’aurais tellement voulu, moi aussi, acheter dans c’quartier mais il n’y a ni entreprises ni commerces ; on n’a pas l’droit, c’est résidentiel, les Cazes ! Vous allez y trouver vot' bonheur, c’est sûr ; vous s’rez certainement plein sud ; le soleil toute la journée, vous imaginez ? Alors, bienvenue à vous deux dans cet écrin de douceur et d’verdure qu’est Saint-Affrique… Bon, ça fera 2, 60 euros ! »

    G. pensa que la patronne pouvait souffrir d’une légère schizophrénie. À peine cinq minutes auparavant, elle dénigrait sévèrement sa commune et, à présent, elle en vantait, sans réserve, l’un de ses quartiers. Et puis, elle voulait acheter partout : dans le 6e arrondissement de Paris, dans le quartier des Cazes, à Saint-Affrique, à Bordeaux aussi. Si la discussion avait concerné la ville de Saint-Tropez, elle aurait sûrement voulu acheter la Madrague de Brigitte Bardot…

    Une voiture de la Gendarmerie locale passa au ralenti devant la terrasse du café, ce qui entraîna aussitôt une nouvelle réaction de la patronne :

    « Ici, pas d’délinquance ; vous pourrez dormir tranquilles ; d’ailleurs, les gendarmes ont tellement peu d’boulot qu’on parle d’en réduire les effectifs. Alors, ils font parfois du zèle pour se justifier. »

    Le véhicule des gendarmes s’arrêta justement en face de la brasserie, à côté de l’Office du Tourisme. Les deux occupants en descendirent et se dirigèrent vers la terrasse ombragée où la patronne s’était assise au milieu de ses clients. Elle feuilletait un journal régional : Le Midi Libre. En voyant les uniformes, elle se leva et dit :

    « Bonjour, mes chéris ! Alors, on est en filature dès l’matin ? »

    Le gendarme le moins gradé arbora un large sourire et rendit le bonjour, mais l’autre resta de marbre. Au contraire, avec un air artificiellement soucieux, il demanda :

    « Rien à signaler, madame Chantal ? alcoolisme, incivilités ? »

    « R.A.S. mon adjudant, mais la journée ne fait qu’commencer. Quant à la soirée karaoké d’hier soir, un verre de cassé, c’est tout ! On sait plus faire la fête comme dans l’temps ! Ah ! j’ai des Tourangeaux, c’matin. Ils sont bien paisibles. Ils ont rendez-vous dans l’quartier des Cazes », répondit-elle.

    Le gradé se crut obligé de donner suite à l’information qui venait de lui être communiquée. Il considéra brièvement G. et Clara et dit :

    « Les Cazes ? Vous savez où c’est ? C’est tout près. Quartier très calme. Aucune délinquance à signaler depuis des mois. On n’y passe même plus. Je vous conseille d’y aller à pied. Vous suivez la Sorgues, enfin, je veux dire la petite rivière que vous voyez sur votre gauche qui fait un arc de cercle et rejoint le quartier des Cazes à 500 mètres d’ici, environ. Votre promenade sera bien agréable, je vous l’assure ! »

    G. et Clara remercièrent vivement ce gendarme si affable, réglèrent leur dû et se levèrent. Au moment où ils allaient sortir du café, ils croisèrent deux adolescents en short dont l’un essayait de faire tenir en équilibre un ballon de football sous son index droit.

    « Pas de tirs au but près de ma terrasse c’matin ; j’vous préviens ; j’ai des clients ; n’est-ce pas, Cédric ? » avertit la patronne.

    « Mais madame, on veut juste un diabolo fraise ; j’ai des sous, regardez ! » répliqua l’adolescent, tout en découvrant quelques pièces de monnaie soigneusement empilées au creux de sa main.

    G. et Carla étaient déjà loin. Munis d’un plan de Saint-Affrique, ils progressaient d’un bon pas vers le quartier des Cazes, le long du cours d’eau rapide et bruissant qu’est la Sorgues.

    L’eau était si transparente qu’on pouvait y voir d’énormes truites luttant sans répit contre le courant bouillonnant. Un peu plus loin, une dizaine de canards musqués, étendus sur le bord caillouteux de la rivière, se reposaient à l’ombre d’une rangée de chênes. Dans le ciel, un gypaète effectuait de lents et larges cercles dans l’attente de la découverte de quelque charogne. Une buse, aux yeux noirs et perçants se posa tout près d’eux, sur une proéminence rocheuse. De volumineux nuages blancs émergeaient des collines comme des volcans silencieux. Un soupçon de vent tiède les effleurait de temps à autre. Ils étaient bien.

    Brusquement, G. s’arrêta, leva les yeux et fit un tour sur lui-même. Il ne vit qu’un relief tourmenté qui lui interdisait toute perception de l’horizon. Il se rendit compte qu’il se trouvait, avec Carla au milieu d’une espèce de cirque montagneux parfaitement clos. Une vague sensation d’étouffement l’envahit. Il paraissait hébété. Il posa la main sur son cœur. Carla sentit aussitôt que quelque chose n’allait pas. Elle lui serra la main encore plus fort et lui adressa un regard aussi inquiet qu’interrogateur. G. s’adossa contre la rambarde et sortit machinalement, de la poche de sa veste, une boîte de cigarillos Café Crème qu’il affectionnait particulièrement. Il n’eut pas le temps d’allumer son cigarillo que Carla s’insurgea :

    « Nous avons rendez-vous à 11 h, rue de Beauséjour, avec madame Lombard. Nous sommes presque arrivés. Alors, pas question de temporiser maintenant, un cigare à la bouche, le temps que ton vertige disparaisse. Nous devons être à l’heure ! Mais, au fait, qu’est-ce qui t’a pris exactement ? »

    G. ne répondit pas. Il remit le cigare dans sa boîte et reprit lentement son chemin. Mais il se sentait fatigué. Rien à voir avec l’état de quasi-béatitude dans lequel il baignait quelques minutes auparavant. Il eut envie de faire demi-tour, mais pour aller où ? Retourner à la voiture ? S’établir dans une autre ville ? Une inconsciente angoisse était remontée à la surface : le cercle de collines qui l’entourait lui semblait constituer une sorte de prison à ciel ouvert. Sa claustrophobie naturelle reprenait le dessus…

    La rue des Bégonias apparut sur la droite. Encore quelques mètres, et ils arriveraient sur l’imposante place des Cazes. D’ailleurs, là, dans quelques jours, aurait lieu la grande fête annuelle du quartier. Des bancs et des tables seraient installés sous les platanes. On y dégusterait de l’aligot aux saucisses d’agneau, on y boirait du Marcillac, ce réputé vin rouge de l’Aveyron. Il y aurait aussi un orchestre de variétés, exclusivement composé de femmes, cette année : les Vénus de Millau.

    On danserait aussi au milieu de la rue. On y rapporterait des anecdotes et des moments de vie, en langue occitane, évidemment. Déjà, des guirlandes multicolores enrubannaient de nombreux luminaires. Une énorme affiche, placardée sur un panneau municipal, annonçait un Toro del Fuego qui serait embrasé le jour de la fête, à 23 h précises. Des gens simples auraient attendu toute l’année pour vivre ce moment, comme d’autres attendent Le Grand Soir.

    Pour l’instant, la place était occupée par des boulistes au verbe haut. Carla remarqua qu’ils portaient presque tous les mêmes casquettes et d’épaisses moustaches, ce qui la fit franchement sourire. Soudain, une boule lancée violemment par un « tireur » traversa la place, puis la rue où se trouvaient G. et Carla. Elle se dirigeait tout droit vers une bouche d’égout. G., d’un mouvement de pied, n’eut que le temps de dévier sa course vers la bordure du trottoir sur laquelle elle rebondit. Il en fut chaleureusement remercié et fut même invité à prendre un Pastis dont la bouteille était déjà bien entamée…

    G. refusa poliment, et précisa qu’il se rendait rue de Beauséjour où il avait rendez-vous avec madame Lombard. Le bouliste le plus corpulent, après avoir remis sa grosse perruque rousse à l’endroit, lui dit alors :

    « Vous y êtes ; c’est la première rue à droite, au bout de la place. Madame Lombard ? C’est une maison aux murs crépis en gris, presque à flanc de montagne. C’est pas tout près ! C’est même, je crois, la dernière de la rue qui est en cul-de-sac ! Et puis, vous verrez, dans son jardin, il y a, à peine dissimulés par trois lauriers roses, des massifs d’ancolies, ma foi bien jolies l’été, mais qui ont été, récemment, sérieusement abîmés par le vent et la tempête. »

    G. le remercia puis, main dans la main avec Carla, se présenta, quelques instants plus tard, au bas de la rue de Beauséjour. Celle-ci s’élevait, d’abord faiblement, puis très sensiblement, sur une longueur de deux cents mètres, environ avant de disparaître dans un ample virage, sur la droite. Elle était, en effet, comme leur avait dit Marco, bordée de pavillons charmants entourés de petits jardins très soigneusement entretenus. Après cinq bonnes minutes de marche, G. et Carla distinguèrent l’extrémité de la rue de Beauséjour.

    Visible de loin, madame Lombard trônait dans l’encadrement de sa fenêtre grande ouverte. Elle tenait une tasse encore fumante à la main. De toute évidence, elle guettait l’arrivée de ses visiteurs. G. et Carla s’immobilisèrent enfin devant un portail bleu égyptien, en tôle ondulée.

    « Entrez, entrez, madame, monsieur, soyez les bienvenus ! Je vous rejoins tout de suite par l’escalier intérieur », leur dit-elle immédiatement.

    Quelques instants plus tard, G et Carla pénétraient dans la propriété de madame Lombard. C’était une femme plutôt petite, menue, au sourire facile. Ses cheveux gris-blanc, vaporeux et soigneusement peignés, lui faisaient comme une aura. Elle était vêtue d’un chemisier vert pâle épinglé d’une rutilante broche et d’une jupe de soie orangée. Elle portait un large collier en argent d’où pendait une énorme croix protestante. Elle exhalait le thé.

    « Votre voyage s’est bien passé ? Voici donc la maison qui est à vendre », dit-elle, tout en refermant le portail.

    Puis elle ajouta :

    « Vous en observerez, d’emblée, le volume important et le toit de tuiles en pointe de diamant surmonté d’un paratonnerre. Il y a quatre grandes pièces à l’étage et deux pièces moins importantes au rez-de-chaussée, avec toutes les commodités, bien entendu. Il y a également une buanderie, mais pas de garage. Cela dit, vous pouvez aisément stationner près de la maison, dans cette rue qui est en cul-de-sac. Il y a toujours de la place.

    Le long du bâtiment, comme vous le voyez, il y a, côté Ouest, un petit jardin de moins d’une soixantaine de mètres carrés, traversé par une allée de vieilles pierres. Ah, la minuscule cabane de jardin en bois de sapin, dans le coin, est bien utile ! Mon chat y passe même ses nuits… Sinon, que puis-je vous dire ? Sur l’étroite bande de terre qui longe la façade et l’entrée, au sud, ce sont des lauriers. Ils souffrent de la chaleur, les pauvres ! Voilà. En somme, je suis un peu perchée, ici, et à l’écart de tout… Je vous ai vus arriver de loin, vous savez… »

    « Vous y habitez actuellement, madame ? » interrogea Carla.

    « Non. J’habite à six cents mètres d’ici, plein centre-ville, près d’un institut de beauté, figurez-vous ! J’ai encore la force de me déplacer à bicyclette, mais dès que ça commence à monter, je mets pied à terre. Pour venir ici, j’emprunte régulièrement la rue du général de Castelnau. Vous connaissez ce militaire ? » demanda madame Lombard.

    « Non, pas particulièrement », soupira Carla, un peu froissée de ne pouvoir répondre.

    « Il a été chef d’État-Major des Armées durant la Première Guerre mondiale. Il a été élu député en 1919, mais il est devenu, ensuite, président de la Fédération nationale catholique. Je l’ai un peu regretté car, moi, je suis protestante – et, vous savez, il y a encore beaucoup de protestants à Saint-Affrique. Mais il a lâché Pétain et s’est rallié au Général de Gaulle

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1