Mystérieuse Tipaza: Roman
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À propos de ce livre électronique
En Août 1947, dans la chaleur d’une fin de journée, Pierre Bellegarde Inspecteur à la P.J. d’Alger, se baigne dans l’eau d’une crique en contrebas des ruines. Son amoureuse, Nelya, restée sur la rive est kidnappée par deux individus. Pierre, assiste impuissant à la scène.
Cet enlèvement le plonge dans un profond désarroi. Culpabilisé, il est convaincu que c’est lui que l’on cherche à atteindre. Le flic décide de faire appel à son ancien compagnon d’enquêtes, Léon Battesti, reconverti en détective privé. Les méandres de leurs investigations les mèneront des bas-fonds de la casbah aux hauts plateaux de Kabylie.
Jusqu’où peuvent-ils aller pour découvrir la vérité ? Vérité inattendue et surprenante jusqu’au bout de l’enquête… En quatorze jours chrono !
À PROPOS DE L'AUTEUR
Jean-Pierre YVORRA est né dans la banlieue d’Alger. Il regagne les Hautes-Pyrénées en 1962, puis Toulouse, où il obtient un diplôme de l’École des Beaux Arts. Il réside désormais à Cannes où il consacre l’essentiel de son activité à l’écriture et à la fiction policière. Il a déjà publié la saga algérienne La Maltaise et Sable rouge. L’auteur récidive avec ce troisième roman Mystérieuse Tipaza.
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Avis sur Mystérieuse Tipaza
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Aperçu du livre
Mystérieuse Tipaza - Jean Pierre Yvorra
Les ruines de Tipazza
C:\Users\Mme YVORRA\Pictures\dessins tipaza\ruines de tipaza no 1.jpg1er Août 1947
Fin d’après-midi Pierre Bellegarde
En cette fin d’après-midi, les derniers visiteurs du site s’étaient éloignés depuis peu, les derniers baigneurs aussi. Dans le silence installé, seuls les gravillons multicolores roulaient sous l’écume, la chaleur encore pesante m’avait incité à plonger dans l’eau cristalline de la petite baie. Nelya se prélassait à l’ombre d’un olivier pendant ma baignade, ignorante de la menace qui la guettait.
Pierre !...Pierre !... Au loin sur la rive, des cris, des cris de détresse, hurlements me glaçant d’effroi. J’entendis à nouveau son appel, son exhortation, s’atténuant peu à peu pour devenir une plainte. J’avais la sensation de dériver, j’étais à une trop grande distance de la plage discrète qui s’étalait dans cette anse du littoral.
Je distinguais entre les vagues la silhouette de deux hommes qui tentaient de maîtriser Nelya. J’assistais impuissant à la scène, gêné par la salinité de l’eau qui me brûlait les pupilles. Je devinais à peine les acteurs de l’enlèvement qui se profilaient à l’ombre des pins maritimes.
En quelques secondes, ce petit paradis s’était transformé en cauchemar, je battais la vague de toutes mes forces, mais déjà les kidnappeurs s’éloignaient entraînant mon amoureuse sur le chemin. Ce sentier caillouteux desservait les vestiges de cette ancienne cité romaine, qui à quelques centaines de mètres, rejoignait les routes côtières de Mostaganem, Oran, Alger, et au sud les routes de Médéa et Affreville.
Comme j’atteignais le rivage, j’entendis son dernier cri… Pierre !… un claquement de portières, le toussotement d’un moteur souffreteux qu’ils tentaient de démarrer. Je sortis de l’eau ruisselant, essayant d’éviter les pierres du raidillon, qui me lardaient la plante des pieds tels mille aiguillons, ce qui eut pour effet de me transformer en une espèce de funambule voulant trouver son équilibre. Ruisselant comme mon slip kaki, extrait d’un vieux stock de l’armée américaine, une espèce de suspensoir en coton, qui mouillé ne suspendait que son propre poids, oubliant sa fonction première. Contrairement à la théorie d’Archimède où : Tout corps plongé dans un fluide au repos, entièrement mouillé par celui-ci ou traversant sa surface libre, subit une force verticale, dirigée de bas en haut et opposée au poids du volume de fluide déplacé, dans mon cas cette fameuse poussée s’orientait plutôt vers le bas, ralentissant ma course. Ah ! Il n’était pas très beau à voir le flic athlétique de la P. J. d’Alger, avec ses quelques kilos en trop ! Mais l’instant dramatique devait faire place à l’efficacité, peu importait la forme !
Sous le tapis de raphia, je réussis à démêler mon holster de mes vêtements, saisis fébrilement mon fidèle browning 6.35, quelquefois efficace, mais dans l’instant inutile. Mon rassurant pistolet à la main, je courus vers le véhicule pétaradant qui, dans un dernier soubresaut, toussa en expulsant un nuage de fumée noirâtre et s’éloigna lentement dans un crissement d’essieux. Je ne pris pas le risque de vider mon chargeur sur la camionnette. J’identifiais une Citroën à la couleur indéfinissable, vert armée, marron boueux, plutôt utile à un maraîcher ou à un poissonnier qu’à une bande de malfrats expérimentés. Le silence était revenu, spectatrices de l’action les cigales se sont tues, déçues par ce dénouement soudain. Pas un bruit, seulement en contrebas dans les rochers le clapot de la vague, le soleil sur son déclin, transcendait les couleurs du grès et de la pierre calcaire, vestiges du comptoir Phénicien. Moi, j’étais comme un couillon, le mot est juste, car mon maillot brun-jaune toujours dégoulinant, toujours soumis à l’attraction terrestre, s’était encore distendu, étiré par ma cavalcade. À cloche-pied, car en redescendant sur le chemin j’avais récupéré une douloureuse épine d’acacia ou d’arbousier, j’accrochais ma poche kangourou inutile et encombrante sur l’extrémité d’une feuille d’agave, où le slip entreprit sans pudeur un goutte-à-goutte prostatique. Nu comme un ver ou comme Adam, c’est plus poétique, donc nu comme Adam, difficilement, en équilibre sur une patte tel un flamand rose, je réussis à enfiler mon pantalon malgré la sueur qui brouillait ma vue.
Je remarquais que le sac que j’avais offert à Nelya, chez un boutiquier de la rue de la Lyre, avait disparu. Sac en laine et coton tressé, plus proche d’une musette fourre-tout, qu’elle portait en bandoulière, très près d’elle et d’où elle extrayait quelquefois, délicatement, ses produits de maquillage : son khôl, sorte de poudre grise qui donnait plus de profondeur à ses grands yeux verts, d’un vert lumineux tels deux émeraudes cernées par de lourdes boucles rousses, sa boîte de poudre couleur coquelicot, ou ses petits flacons d’huile d’olive et d’huile d’argan. Dans cet inventaire intime, je percevais souvent le cliquetis de pièces de monnaie contre son porte-bonheur, souvenir de sa maman me disait-elle, talisman qu’elle protégeait précieusement. J’avais osé il y a quelques mois, sur un ton ironique, faire un trait d’esprit à propos de ses croyances, la colère et la bouderie qui ont suivi, stoppèrent définitivement mes tendances à la plaisanterie sur ce sujet.
Pierre !… Pierre !... son dernier appel bourdonnait encore dans ma tête, l’air semblait vibrer autour de moi, le vent chaud et sec venu du sud faisait danser les tilleuls, les eucalyptus libéraient mille odeurs sucrées. À ma droite, un peu plus haut à l’ombre des palmiers, j’aperçus plusieurs chèvres réunies sans doute autour d’un point d’eau, elles aussi accablées par la chaleur qui plombait les collines du sahel Algérois. Une serviette-éponge sous le bras gauche, mon tapis de raphia enroulé sur l’épaule droite, l’holster battant le flanc, claudiquant, je regagnais ma voiture. Oublié, le slip kangourou qui se balançait encore sur la feuille d’agave…
Les deux roues avant perdirent de l’adhérence et firent gicler quelques cailloux sous la poussée des six cylindres en ligne de ma traction, la 15 comme la nommait un mécano de la préfecture. Dans ma précipitation après un dérapage plutôt incontrôlé, je faillis percuter un rocher qui bordait la route. Au loin, le massif du mont Chénoua s’estompait dans la tombée du jour…
Un cabanon, mi-épicerie, mi-bistrot, calé entre deux oliviers, me permet de téléphoner à la gendarmerie de Blida et de Staouéli, pour signaler l’enlèvement. Le maréchal des logis Sanchez semblait être en pleine digestion. Apathique, paraissant accablé par je ne sais quel problème de transit, il me répondit qu’il était en effectif réduit… mais qu’il allait essayer de faire quelque chose pour moi ! À mon deuxième appel à Staouéli, le brigadier-chef Pétruse me laissa peu d’espoir, la seule équipe disponible était partie dans l’arrière-pays pour résoudre un différend entre deux maraîchers qui avaient réglé leur querelle à coups de fourche. En réalité, j’étais comme un con avec un grand C. La situation m’échappait complètement. Qui étaient ces deux individus ? Des loubards opportunistes en quête de quelques billets ? Des détraqués sexuels ? Des truands cherchant à se venger, reliquats de la prison de Barberousse ? Des revanchards ?
Pierre !… Pierre !… Son appel de détresse, de bête blessée me hantait. Sur la route côtière, seuls les phares de ma fidèle traction éclairaient les 70 km qui me séparaient d’Alger. Derrière moi, les ruines de Tipaza, le forum, les fontaines taries, les sarcophages assoupis. De la grande nécropole et sa basilique funéraire jaillissaient les cris des morts…
Pierre !... Pierre !... Elle me parlait rarement de son passé, éludant certains sujets, ses parents, son enfance, son ambivalence entre culture chrétienne et musulmane. L’arabe et la bonne maîtrise de la langue française faisaient d’elle une parfaite bilingue. Souvent, elle me surprenait par son intérêt, son goût pour la littérature, toujours friande de poésie. Je me souviens qu’un soir face à l’espace argenté, sur une plateforme rocheuse de la Pointe Pescade, elle appuya délicatement sa tête sur mon épaule, puis doucement, dans une étonnante simplicité, me déclama des vers de Théophile Gautier.
La lune de ses mains distraites,
A laissé choir, du haut de l’air,
Son grand éventail à paillettes.
Sur le bleu tapi de la mer.
Pour le savoir, elle se penche
Et tend son beau bras argenté ;
Mais l’éventail fuit sa main blanche,
Par le flot qui passe emporté.
Au gouffre amer pour te le rendre,
Lune, j’irais bien me jeter,
Si tu voulais