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Belgiques: Nouvelles
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Livre électronique109 pages3 heures

Belgiques: Nouvelles

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À propos de ce livre électronique

La Belgique dépeinte avec talent par Jean Jauniaux !

Belgiques est une collection de recueils de nouvelles. Chaque recueil, écrit par un seul auteur, est un portrait en mosaïque de la Belgique. Des paysages, des ambiances, du folklore, des traditions, de la gastronomie, de la politique, des langues… Tantôt humoristiques, tantôt doux-amers, chacun de ces tableaux impressionnistes est le reflet d’une Belgique : celle de l’auteur.

Découvrez la Belgique sous différentes facettes grâce à cette palette de nouvelles riches et variées !

EXTRAIT

En se rendant au Trappiste où il avait donné rendez-­vous à quelques amis pour leur raconter de vive voix son voyage manqué, il se souvint de la phrase de Jacques Brel qu’il avait mise en pratique, de manière involontaire : Aller en Chine, c’est simple. Le plus difficile, c’est de quitter Vilvoorde.
Il essaya de se faire pardonner sa supercherie en évoquant les grands voyages imaginaires d’Hergé, qui avait emmené Tintin en Chine sans jamais, lui-même, y avoir mis les pieds. Il évoqua aussi les pages de son blog où il avait relaté la construction de la ligne de chemin de fer Beijing-Hankou et évoqué son ancêtre Jules Morrel que l’on peut apercevoir aux côtés de l’ingénieur Jean Jadot. Sans doute Jules fut-il un protagoniste de ce chantier inouï que les Belges menèrent à bien malgré les guerres et les assauts du climat, reliant la capitale impériale à la ville de Hankou au confluent de la rivière Han et du Yangzi Jiang.
Les amis d’Albert, hypnotisés par le babil de l’infatigable fabulateur, oublièrent qu’ils avaient été dupes. Ils furent vite convaincus de la véracité de cet ancêtre, Jules Morrel, dont ils entendaient parler pour la première fois, en voyant un cliché qu’Albert leur décrivit avec force détails, s’inventant une nouvelle lignée et un aïeul aventurier.
Ils furent convaincus davantage encore de sa bonne foi lorsqu’Albert exhiba le billet de chemin de fer qui aurait dû lui permettre d’aller à Hankou à bord du TGV qui avait remplacé les locomotives à vapeur sur la ligne inaugurée, en grande pompe, en 1905. Si ce n’avait été pour rendre hommage à cet aïeul, quelle raison aurait eu Albert de se rendre à Hankou ?

À PROPOS DE L'AUTEUR

Jean Jauniaux est né dans le Hainaut, travaille à Bruxelles et apprécie la Flandre, en particulier la station balnéaire de Saint-Idesbald, près de la frontière française. Ces lieux lui ont inspiré des romans et nouvelles dont la critique a salué l’ironie douce, la souriante nostalgie et l’empathie. Le réel et l’imaginaire se confondent dans les destins de ses personnages. Ce volume de Belgiques ne fait pas exception…
LangueFrançais
ÉditeurKer
Date de sortie15 oct. 2019
ISBN9782875862556
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    Aperçu du livre

    Belgiques - Jean Jauniaux

    Une journée hors norme

    Tendu, angoissé, cet autodidacte qui professe qu’un journaliste « ne doit pas savoir, mais comprendre », décortique les dossiers, accumule les sources et les références, et s’informe avec acharnement et modestie, avant d’informer. (…) usant de toutes les potentialités de la radio, il se révèle un formidable « monteur » qui coupe et colle avec virtuosité, mélange les mots et les sons d’ambiance et télescope, comme autant de fragments réactifs, des bribes d’interviews et des commentaires acides.

    Yvon Toussaint, article consacré à Armand Bachelier dans La nouvelle biographie nationale, tome VII, 2003

    1830. C’était en 1830.

    Ou du moins dans le 1830 que la télévision belge avait décidé de commémorer 150 ans plus tard. Tous les vendredis soir de septembre 1980, un « faux » plateau de télévision, animé par le journaliste-­vedette-présentateur du JT de l’époque, rendait compte des événements qui avaient secoué les Provinces Unies du Sud. Une série de troubles éclatent à Bruxelles, à la sortie d’une représentation de l’opéra La Muette de Portici et déclenchent un effet domino qui conduira à la création du Royaume de Belgique et à la prestation de serment du Roi Léopold 1er, un an plus tard, le 21 juillet 1831.

    En 1978, j’achevais dix mois de service militaire, une prestation obligatoire à laquelle je n’avais pas pu me dérober à la fin de mes études. Mon seul acte de rébellion contre cette servitude fut de m’organiser pour ne pas porter les armes, mais pour offrir à la patrie mes récentes compétences de réalisateur de cinéma et de télévision acquises à l’INSAS, une des quatre écoles de cinéma que comptait la Belgique à l’époque. Les avantages de cette affectation étaient multiples : le « Service cinéma de la force terrestre », mon régiment en quelque sorte, se trouvait à Bruxelles. Il ne fonctionnait que cinq jours sur sept, aux heures de bureau, et libérait ainsi son personnel, y compris les « miliciens » comme moi, suivant des horaires qui n’avaient rien de comparable avec l’enfermement d’autres obligés de la nation envoyés dans de lointaines casernes belges en Allemagne de l’Ouest.

    Seul inconvénient : les septante-cinq francs quotidiens alloués pendant ces dix mois ne me permettaient pas de subvenir aux charges dont j’aurais été exempté si j’avais été caserné : loyer, chauffage, électricité, alimentation, etc. Une fois libéré de mes obligations militaires, je me retrouvai dans un état de quasi-pauvreté et obligé de trouver au plus tôt un emploi, quel qu’il fût.

    C’est là que surgit dans ma vie le miracle de la Révolution de 1830. Comme si le fait d’avoir donné le meilleur de moi aux forces armées m’avait valu une récompense, et avait inspiré à la patrie une manière de manifester sa gratitude de façon efficace, utile et concrète. À Jean Jauniaux la patrie reconnaissante, aurait-on pu graver sur le calendrier de cette ­année-là, le jour où…

    Le téléphone sonna. Un de ces lourds téléphones à disque dont l’utilisation se limitait aux échanges vocaux entre deux interlocuteurs. Je bénis encore le fait d’avoir été présent dans le minuscule appartement que je fuyais en général durant la journée, tant son exiguïté me rendait neurasthénique.

    — Jean Jauniaux ? Jean Brismée à l’appareil…

    M’appelait un de mes professeurs de l’INSAS que j’avais quitté dix mois plus tôt. Un de ces enseignants à l’ancienne : rigoureux, sévère, impressionnant. Il surjouait de cette austérité janséniste dans les classes peuplées de jeunes gens chevelus et imbus d’eux-mêmes auxquels il enseignait les matières arides, aux yeux de ces futurs génies du septième art, que sont la physique, l’optique et la chimie. Au fil des mois, pourtant, il révélait ce qui constituait sa vraie nature : la générosité, l’empathie et l’attention à l’autre. Je découvris en lui un de ces piliers de résilience qui ont balisé les étapes les plus difficiles de ma vie et leur ont donné une impulsion nouvelle.

    — Un de mes amis, Jacques Cogniaux, m’a demandé de lui présenter un ancien étudiant qui pourrait s’intéresser au projet sur lequel il travaille… J’ai pensé à vous.

    Jean Brismée vouvoyait ses étudiants.

    — Oui, bien sûr ! Merci d’avoir pensé à moi…

    Il coupa court aux remerciements.

    — Il prépare une série d’émissions consacrées à la Révolution de 1830. Voici son numéro de téléphone. Il attend votre appel. Tenez-moi au courant.

    Avant que je n’aie eu le temps de le remercier, ou de lui demander des détails, il avait raccroché. Il venait d’enclencher les deux plus belles années de ma vie professionnelle. Non seulement il me sauvait du chômage auquel j’avais fini par me résigner, mais il allait me permettre de participer à une de ces grandes émissions historiques que l’on attend de la télévision de service public. Il m’offrait surtout de rencontrer et de travailler avec une des personnalités les plus attachantes de la télévision : Jacques Cogniaux. Il y dirigeait à l’époque le service « Histoire ». On lui devait des évocations de la Grande Guerre et de la Deuxième Guerre mondiale. Après 1830, il réalisa encore des émissions sur l’extrême droite et Rex, sur Degrelle. Ses émissions lui valurent des récompenses saluant le talent de celui qui avait rejoint les rangs de la télévision belge naissante lors de l’Exposition universelle de 1958.

    Il me reçut dans le bureau qu’il occupait dans les locaux de la RTB, au boulevard Reyers. Je dus bien lui dissimuler le peu de confiance que j’avais en moi, la panique même qui me gagnait à l’idée de ne pas le convaincre de me recruter. Entre le coup de fil de Jean Brismée et mon rendez-vous avec Jacques Cogniaux, je m’étais installé à la bibliothèque de ma commune et j’avais épluché tous les livres consacrés à la Révolution belge qui m’étaient accessibles. Avant l’ère des moteurs de recherche, la recherche documentaire était un exercice intellectuel certes, mais surtout physique. Le transport sur des chariots des sept volumes reliés de l’Histoire de Belgique de Pirenne, de revues d’histoire et d’autres ouvrages de référence exigeait autant de capacité musculaire qu’intellectuelle ensuite pour les lire et les résumer. Le prix des photocopies était tel que je préférais utiliser le Bic et le cahier Atoma pour conserver la trace de mes lectures.

    Je n’eus ni le temps ni le besoin de faire étalage de ma récente et superficielle expertise de l’histoire belge lors de ce premier entretien. Jean Brismée, secondé par Jean-Jacques Péché, un autre de mes professeurs à l’INSAS, avait déjà convaincu le responsable du service de me recruter sans plus attendre. Lors de cette entrevue, Jacques Cogniaux me proposa d’aller à la rencontre de quelques collègues qui allaient aussi participer à l’aventure de cette « Chronique imaginaire d’une révolution ». Il me présenta ainsi comme « nouveau confrère » à quelques-unes des figures emblématiques de la télévision d’alors, que je saluais d’un air faussement détaché. Les Pierre Delrock, Jacques Bredael, Françoise Van de Moortel, Élisabeth Burdot, Philippe Dasnoy, Georges Konen, Jean Antoine et d’autres encore dont l’image (en noir et blanc) et la voix m’étaient si familières. Je me souviens avec un bonheur infini de ces instants de grâce où je signai mon premier contrat d’emploi et pris possession d’une carte d’accès aux bâtiments de la radio-télévision. De retour dans notre bureau du quatrième étage, Jacques – il m’avait demandé de le tutoyer et de l’appeler par son prénom dorénavant – me tendit le scénario des cinq émissions qui devaient être sur antenne deux ans plus tard, en septembre 1980.

    — Bon. Il faut y aller, maintenant… Le budget qui nous est alloué ne nous permettra pas de reconstituer la Révolution ! Ne rêvons pas. Mais quel meilleur moyen de stimuler l’hémisphère gauche de nos cerveaux que d’être dépourvu de trop de ressources, n’est-ce pas ?

    J’acquiesçai en parcourant les premières pages du synopsis de La Révolution de 1830.

    — Le principe est simple : chaque vendredi de septembre, Jacques Bredael anime en studio la grande émission de la soirée. Il y reçoit des invités en (faux) direct et donne l’antenne à différents correspondants de la télévision qui se trouvent sur les lieux des événements. Il faut jouer en permanence sur l’anachronisme entre les moyens d’information et les journalistes de 1980, partis en reportage sur les lieux actuels des événements de 1830 où se trouvent les protagonistes d’alors, vêtus de costumes d’époque…

    — Ce qui est formidable, c’est que chaque journaliste se retrouve dans sa spécialité : économie, international, culture…

    — Exactement !

    — Et au générique de ces cinq soirées, le

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