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Dis-moi comment tu fais: Toilettes : histoire(s) et sociologie
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Dis-moi comment tu fais: Toilettes : histoire(s) et sociologie
Livre électronique206 pages2 heures

Dis-moi comment tu fais: Toilettes : histoire(s) et sociologie

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À propos de ce livre électronique

Une série de documents qui, outrepassant l’opprobre, ont abordé ce sujet scandaleux.

Faisant fi de la censure liée à la façon d’assouvir nos fonctions les plus intimes, osons découvrir que faire « ça », activité humaine basique et quotidienne, présente des variantes insoupçonnées. Dans ce but, les voyages de l’auteure nous porteront aux quatre coins du monde, où fleuriront ses aventures en la matière. Bon nombre d’autres sources nourriront aussi le sujet, pour assouvir notre soif de connaissance et pour notre plus grand plaisir : documents historiques savoureux, extraits de littérature délectables et bien d’autres expressions artistiques qui, outrepassant l’opprobre, ont abordé ce sujet scandaleux ; sans oublier les blogs où, anonymat aidant, les auteurs... se lâchent ! Au total, un cocktail sans vulgarité, concocté avec humour, saupoudré de considérations éthiques, féministes et environnementales incontournables.

Grâce à cet ouvrage drôle et jamais vulgaire, découvrez que faire « ça », activité humaine basique et quotidienne, présente des variantes insoupçonnées.

EXTRAIT

Nombreux sont les petits coins, reliés ou pas à des fosses septiques, où il est contre-indiqué de jeter le papier, au risque d’engorger les canalisations ou de nuire à la fosse. Il est alors obligatoire de s’en débarrasser dans un panier prévu à cet effet, à portée de main. Mais pour qui a l’habitude de voir disparaître le PQ usagé, ces corbeilles à claire-voie où il s’entasse sont répugnantes au plus haut point, elles qui ne cachent rien de leur contenu, qui débordent souvent, et qui puent forcément. Ça ne sent pas la violette, aurait dit mon aïeule. On a du mal à s’y faire mais, le temps aidant, on s’y accoutume. Bien obligé. Sans aller pourtant jusqu’à développer un goût immodéré pour cette rusticité. Après de longs mois de ce régime sud-américain, ma première nuit européenne fut à Lisbonne. L’hôtel, de catégorie moyenne, offrait à mon sens des prestations époustouflantes, summum du luxe et du raffinement. Les draps étaient si blancs, si fins, empesés et doux à la fois ; la salle de bain d’une blancheur de neige. Tout était ivoirin, propre, impeccable, admirable, à ne pas en croire mes yeux.
LangueFrançais
ÉditeurJourdan
Date de sortie25 avr. 2018
ISBN9782390093077
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    Aperçu du livre

    Dis-moi comment tu fais - Simone Scoatarin

    1969.

    Alors, parlons-en !

    Le p’tit coin, où c’est ? Les toilettes, les W.C., les sanitaires, les lieux d’aisance, les cabinets, les chiottes, l’urinoir, les sanisettes, les gogues, les goguenots, les goguinettes (plus mignon), le caca-room, le pipi-room, les commodités, les feuillées, le petit endroit, les waters, le trône, les toilettes publiques, les latrines, les lavabos, les pissotières, les vespasiennes, les tinettes, le seau hygiénique, le pot, le pot de chambre, le vase de nuit, la chaise percée, le pistolet, le plat bassin. Ouf ! Même s’il en manque, quelle liste ! Quelle richesse !

    Mais alors, qu’est-ce qui chagrine Miller ? À son grand regret, ce qui est tu, plus que les installations sanitaires elles-mêmes, c’est ce qu’on y fait. Il est vrai que le langage, incapable d’en parler de façon neutre, élude autant qu’il peut ce sujet, usant et abusant d’euphémismes. On tourne autour du pot. Se soulager passe assez bien. Infantile, on choisira faire pipi et faire caca. Conservateur et prude, on privilégiera la petite et la grande commission. Vulgaire, usant d’un style relâché, on ira pisser ou chier. Mieux éduqué, mais quand même faux jeton, on prétendra chercher les lavabos pour se laver les mains. Féru d’argot, on se rendra aux gogues pour couler un bronze, déposer le bilan, ou encore bien d’autres expressions imagées, non dénuées d’humour malgré leur grossièreté, témoignant d’une créativité notable en la matière.

    Enfin, pour qui dispose d’un bagage verbal étendu, un poil pédant, un poil ridicule, un poil classieux, évoquer les fonctions excrémentielles en prenant des gants donnera aller à la selle. Une formule distanciée, aseptisée, médicalisée, méconnue cependant de bon nombre de locuteurs parmi lesquels, certains, supporters de la petite reine, ne connaissent de selle que celle du vélo. « Quand êtes-vous allé à la selle pour la dernière fois ? » Cette question les laisse cois. Encore heureux si le docteur ne les interroge pas sur leurs fèces, du ressort du proctologue, spécialiste en matières fécales.

    Outre souffrir d’embarras intestinal, les malheureux patients sont en mal de mots. Ça fait longtemps que j’ai pas chié, voilà qui leur viendrait en toute franchise, mais… cela n’est-il pas trop familier, trop grossier, s’interrogent-ils par-devers eux, se retenant in extremis. Comment dire alors, quand les mots de tous les jours ne font pas l’affaire et que ceux du dimanche font défaut ? Contournant l’obstacle, ils éviteront de nommer la chose. Ça fait une paye que j’Y suis pas allé, balbutieront-ils, gênés. Bienvenu Y, accouru à leur secours pour faire allusion aux toilettes et à ce qu’on est censé Y faire.

    Concernant ces fonctions naturelles, tout se passe comme si les mots perdaient leur abstraction, le propre du langage ; comme si, pour parler de Ça, les mots étaient aussi répugnants, aussi malodorants que ce qu’ils signifient. Aussi n’en parlera-t-on qu’avec des pincettes. Ou mieux, pas du tout. On évitera ce tabou !

    Parfois pourtant, telle l’envie urgente, le sujet se fait pressant, et le dilemme verbal envahissant. Muriel Barbery² l’illustre sur un mode très plaisant, mettant en scène le personnage de Madame Michel, concierge de son état, qui se voit conviée à dîner par un résident de son immeuble, M. Ozu, japonais. Ne voilà-t-il pas qu’au milieu du repas, prise d’une grosse envie, mais en proie à un embarras extrême, elle s’interroge en son for intérieur :

    « Comment demande-t-on ceci dans le monde ? »

    Et elle passe mentalement en revue Où sont les gogues, Voudriez-vous m’indiquer l’endroit, J’ai envie de faire pipi, Où sont les toilettes, Où sont les cabinets, sans qu’aucune de ces formulations ne la satisfasse, convenant à la situation présente ; toutes soulèvent des objections. Pourtant, bien obligée de formuler sa requête, elle finit par adopter, en désespoir de cause, la moins pire à ses yeux : « Où sont les commodités, je vous prie ? »

    Si l’on s’intéresse à la partie haute du transit alimentaire, à savoir l’orifice buccal et sa fonction d’ingurgitation, ce qui tourne autour ne présente nul mystère. Il en est fait état abondamment et de toutes parts, si bien que ses fluctuations, selon les us et coutumes, les religions, l’hygiène et de multiples autres facteurs en jeu, nous sont bien connues. Et ce sujet primordial alimente pour l’essentiel nos conversations quotidiennes.

    Par contre, concernant l’autre bout de la chaîne, digestion faite, motus et bouche cousue. Parler de cette fonction inférieure est non seulement méconsidéré, mais taxé de scatologique, et la pudeur la plus élémentaire impose de la passer sous silence. Résultat du non-dit : sans en rien savoir, mais égocentré, on suppute qu’autrui procède comme soi-même, et partout dans le monde ; on est confusément convaincu que modes, cultures, moyens techniques, morale, éducation, etc., ne sauraient influer en aucune façon sur le comment-faire-pipi-caca.

    Même idée préconçue à propos des lieux dits « d’aisance » ; partant de l’idée que nous y sommes conduits par une fonction bien naturelle, commune à l’humanité tout entière, on se les figure grosso modo tous similaires ; et, forts de ce principe, nous en concluons à la hâte que les sanitaires dont nous sommes coutumiers coulent de source, qu’ils sont universels, autant dire « normaux ».

    Or il n’est que de voyager Outre-Occident pour constater des usages fort variés, y compris dans ces domaines, découvertes qui conduisent à porter un regard neuf sur nos propres pratiques et à remettre en cause quelques certitudes, quelques a priori. Il va de soi que ces surprises seront plus fréquentes en cas de déplacements peu organisés, et si le gîte choisi n’affiche pas cinq étoiles, avec un confort dit « international » impliquant des toilettes conformes aux nôtres, dénuées par conséquent de toute originalité traditionnelle. Autant rester chez soi.

    Honte à moi, ce que je viens d’avancer va se voir contredit illico par ce qui suit, une découverte inattendue, celle des commodités de l’aéroport de Tokyo, dont le caractère international incontestable s’accompagne néanmoins de surprises de taille. Une touriste française s’adressant par mail à un ami resté au pays en fait cette description savoureuse :

    « La porte des toilettes de l’aéroport poussée, on bascule dans un autre monde... Lorsque l’on s’assoit sur le trône (je n’ose pas dire la cuvette des toilettes), on entend un bruit retentissant d’eau en cascade. D’où cela vient-il ? Mystère ! Pas de la chasse d’eau en tout cas. J’ai peu à peu deviné que cette source sonore avait pour fonction de couvrir tout bruit que nous pourrions émettre... J’ai été prise d’un fou rire incroyable, mais mes éclats de rire étaient assourdis par la cascade. Ensuite, va savoir pourquoi, c’est une furieuse envie de hurler qui m’a saisie, pour voir si mes cris seraient étouffés par la pseudo cascade. Mais là, un sursaut de dignité m’a retenue. Je me suis demandé si tous les bruits du corps étaient également inconvenants dans ce pays, s’il y avait une sonorisation des salles d’accouchement pour étouffer les hurlements des parturientes japonaises. Après cette première expérience, j’ai découvert que la sonorisation de toilettes était une constante au Japon, mais qu’il existait des variantes, par exemple un doux chant d’oiseaux accompagnant la chute d’eau, agrémentant l’épisode d’une note champêtre. Qui sait s’il ne serait pas possible de commercialiser en France un système similaire avec le barrissement d’un éléphant, assez puissant pour dissimuler à coup sûr la triviale réalité ? »

    Interrompons-nous un court instant pour un retour sur image chez M. Ozu, afin d’accompagner sa concierge au p’tit coin et pour découvrir que, dès 2006, un tel dispositif sonore existait chez les particuliers nippons, avec une variante musicale :

    « Un fracas monstrueux, assaillant mes oreilles, manque de me foudroyer sur place. Ce qui est effrayant, c’est que je ne parviens pas à en identifier l’origine. Ce n’est pas la chasse d’eau, que je n’entends même pas, cela vient d’en haut et me tombe dessus. J’ai un cœur qui bat à tout rompre. […] un cataclysme dans la plomberie qui menace d’écroulement le quatrième étage ? […] le son jusque-là indistinct se précise et, impensable, ressemble à du Mozart. Pour tout dire, au Confutatis du Requiem de Mozart. […] Je suis devenue folle³. »

    Vu leur succès commercial, les Japonais ont parachevé leur invention avec un petit gadget de poche, destiné lui aussi à masquer les bruits incongrus aux toilettes, lorsque celles-ci sont dépourvues de la modernité précédente. Ainsi, que ce soit dans les W.C. publics ou privés, ce bruiteur portable simulant une chasse d’eau répondrait aux attentes d’une nombreuse clientèle de femmes, décrites comme timides, stressées, bloquées, craignant qu’on ne les entende. L’objet serait par conséquent une nécessité publique indéniable, un quasi bienfait humanitaire, à en croire son promoteur, Toto, numéro 1 japonais des sanitaires. Mais là ne s’arrête pas l’avantage de l’appareil. Toujours selon lui, afin de camoufler les sons inconvenants qu’elles pourraient produire, les Nipponnes ont la mauvaise habitude de déclencher la chasse à moult reprises. Insupportable gaspillage ! Impardonnable à l’heure de l’écologie et des économies d’eau⁴. Aussi le camoufleur de bruits parasites se voit-il promu à un bel avenir, d’autant plus qu’il peut, nous dit-on, faire l’objet d’un petit cadeau utile (vingt-trois euros) et de bon goût, pour l’avoir toujours sous la main.

    Mais rejoignons Tokyo, son aéroport, et notre exploratrice qui n’est pas au bout de ses aventures :

    « … Il y a aussi dans les toilettes une sorte de tableau de bord⁵ dont les boutons imagés actionnent au choix un jet de bidet (pour l’avant), une petite douche (pour l’arrière), un séchage à la chaleur (pour l’ensemble...), le tout réglable en chaleur et intensité à l’aide d’une manette. Je dois avouer que j’ai joué à actionner chaque bouton avec un certain plaisir, si bien que j’ai tardé à quitter ce lieu de perdition. Une demi-heure d’une expérience inoubliable et des plus intéressantes ! Lorsque je suis sortie, heureuse et la mine réjouie, mon compagnon qui m’attendait avec les bagages m’a demandé pourquoi j’avais mis si longtemps. À quoi je lui ai rétorqué, le prenant de haut et drapée dans ma dignité, qu’on ne peut comptabiliser le temps consacré aux toilettes et qu’il était inconcevable de vouloir contrôler nos besoins les plus physiologiques.... »

    Si notre compatriote manifeste un plaisir indéniable à ces fantaisies sanitaires, il est tout aussi évident qu’elle ne bée pas d’une admiration immodérée devant ces avancées high-tech, non plus qu’elle ne semble désireuse de leur importation en Occident. C’est au contraire avec un mélange teinté de moquerie et de condescendance qu’elle décrit le surinvestissement nippon des sanitaires, jugé excessif.

    Certes, nos valeurs en la matière – pour autant qu’on puisse parler de valeurs en la matière – ne nous ont pas portés à nous préoccuper des bruits triviaux, et lutter contre ceux-ci n’est pas notre obsession. Mais nous en avons d’autres, les mauvaises odeurs par exemple, qui paraissent moins obnubiler les Nippons. Autre culture, autres mœurs…

    On voit midi à sa porte, on souffre d’ethnocentrisme qui nous fait la vue basse et les idées courtes et toutes faites. Et quand on découvre que nos façons ne sont pas celles qui s’appliquent sous d’autres cieux, notre premier réflexe est de regarder de haut cet « autrement » qui, à n’en pas douter, est moins bien, moins intelligent, moins pratique, moins, moins, moins tout, très inférieur à ce qu’on connaît, à ce qu’on fait chez nous.

    Et les internautes, que disent-ils du système nippon ? Ils se gaussent, égrillards, et leurs remarques ne manquent pas de pertinence :

    — C’est la mort du PQ, dit l’un ! Comment cette industrie, ses consortiums vont-ils réagir, pour contrer ce péril ?

    — Et si l’appareil se détraque, dit un autre ? J’ai que du plaisir à l’imaginer, honte à moi, c’est ma méchanceté foncière, conservatrice !

    Pour varier les plaisirs, quittons les impeccables W.C. nippons pour nous rendre au Mexique, à Villahermosa, il y a environ trente ans, soit à l’époque même où Toto mettait au point ses toutes premières nouveautés. Voyager ouvre des horizons insoupçonnés.

    À Villahermosa – Villahermosa signifie « belle ville », ce qui ne manque pas de piquant – dans ces années-là, la gare routière se résumait à peu de choses : un hall d’attente pas bien vaste et trois guichets. Mais n’allez pas croire à une fréquentation négligeable, car c’était le nœud des transports de toute la région ; et il y avait là, patientant dans leur jus, quelque deux cents personnes, pour beaucoup des Indios descendus du Chiapas.

    Les horaires de bus étant fantaisistes, périmés ou non respectés, tout ce monde marinait dans la canicule et la promiscuité, campant de façon sommaire à même le sol, en famille. Et quand s’annonçait enfin l’autocar tant attendu, les effusions se faisaient démesurées, les embrassades étouffantes, inondées de pleurs. L’émotion était portée à son comble lors de la séparation finale, car, bien qu’on ait pu penser le contraire, il s’avérait que tous ne partaient pas. Hé non ! S’ils étaient venus si nombreux, c’était pour accompagner le voyageur en partance, pour le soutenir dans cette épreuve, pour l’assurer de leur affection débordante. Néanmoins, du fait de l’afflux incessant de nouveaux groupes, la gare ne désemplissait pas pour autant.

    Cinq sièges et deux toilettes… pour quelque mille utilisateurs sur vingt-quatre heures. Les toilettes ? Dépourvues d’eau, dépourvues de papier (banal !), dépourvues d’un quelconque préposé permanent à l’entretien, bref, dépourvues de tout… hormis d’une cuvette.

    Une fois la porte ouverte, refoulé par l’odeur infecte, on était tenté de la refermer tout aussitôt. En cas d’obstination, vos yeux s’en trouvaient exorbités devant le spectacle d’une totale abjection. Un véritable Temple de la Merde. Pyramidal ! Un Musée du colombin (sans que l’art précolombien y soit pour

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