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Le colis encombrant: Roman africain
Le colis encombrant: Roman africain
Le colis encombrant: Roman africain
Livre électronique249 pages3 heures

Le colis encombrant: Roman africain

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À propos de ce livre électronique

Les croyances africaines et l'ignorance religieuse peuvent apporter leur lot de mystères et de drames.

Pour ne pas souiller sa foi en sa religion, l’oncle Assimaila refuse d’informer son neveu Karim de son devoir de s’occuper du fétiche de leur famille, lequel aurait dû prendre des dispositions pour y remédier et vivre à l’abri des tracasseries. « Héritier » d’un mystérieux colis, le neveu, un homme riche, est pourtant au centre de tous les drames jusqu’à sa rencontre avec l’auteur. Ce roman met à nu le zèle et l’ignorance religieuse dont souffrent certains adeptes des religions importées en Afrique.

Laissez-vous embarquer dans ce roman où se mêlent croyances traditionnelles et occultisme religieux en Afrique.

EXTRAIT

J’eus l’idée d’aller à l’école de Komah pour demander au directeur que je connaissais bien, s’il pouvait m’offrir l’hospitalité, ne serait-ce que passer une nuit dans une salle de classe. Une fois là-bas, celui-ci me présenta ses condoléances et me fit savoir que c’était trop risqué de me laisser dormir dans une salle de classe, car celles-ci n’avaient ni portes ni clés et qu’il ne pouvait pas prendre la responsabilité. Il sortit un billet de cinq cents francs qu’il me remit.
— Avec mille francs, tu pourras louer une chambre à l’hôtel Tchaoudjo, au centre-ville.
En quittant le directeur, je compris qu’il voulait juste se débarrasser de moi. Lorsqu’il prétendait ne pas prendre la responsabilité, cela était clair que tout le monde était au courant de l’assassinat commandité de la vieille femme et le directeur craignait que les assassins ne retrouvent mes traces et ne m’assassinent dans ses locaux. Je ne savais pas ce qu’était un hôtel. Il m’expliqua que c’était une chambre qu’on louait à la nuit. J’avais plus de trente mille francs en poche et je pouvais passer plus d’un mois dans ce qu’il appelait un hôtel.
Je remerciai le directeur et décidai d’aller découvrir cet hôtel. Je traversai tout le quartier Komah et sortis sur la grande route. Arrivé sur un pont, je vis au niveau de la polyclinique, un homme qui venait dans ma direction. Je reconnus tout de suite mon patron. Nous nous rencontrâmes à la hauteur d’un jardin de laitues. Il me demanda ce qui s’était passé et je lui parlai du drame et mon interrogatoire par les gendarmes.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Alabassa Worou est né à Sokodé dans le centre du Togo où il suit ses études primaires, secondaires et y obtient le Baccalauréat. Il vit en Allemagne depuis quelques décennies. Il est titulaire d'un diplôme de l'Académie Sabel de Munich.
LangueFrançais
Date de sortie24 juil. 2018
ISBN9782378773083
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    Le colis encombrant - Alabassa Worou

    Le colis encombrant

    Alabassa Worou

    Le colis encombrant

    Roman

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    © Lys Bleu Éditions – Alabassa Worou

    ISBN : 978-2-37877-308-3

    Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

    Mon arrivée à Lomé

    Je viens de fouler le sol de Lomé, la capitale du Togo. Il est dix-huit heures un quart. Une chaleur torride envahit mon corps et je manque de suffoquer, comme à chaque fois que j’atterris dans cet aéroport ou dans un autre sous les Tropiques. La climatisation à fond dans l’avion en est sûrement pour quelque chose. J’aime y aller en décembre pour profiter de l’harmattan dans le nord du pays, ces enfants « tout blancs » autour d’un petit feu le matin, ces odeurs de brûlé qui logent encore dans mes narines des semaines après, ces spectacles merveilleux qui me rappellent mes journées d’insouciance. C’est la première fois que je rentre au bercail depuis que le nouveau hangar a été construit à l’aéroport. J’ai vu les photos sur les réseaux sociaux et j’ai même entendu quelques affidés du régime remercier le Chef de l’État pour ce joyau qu’il a offert aux Togolais. Ils l’ont même comparé aux aéroports occidentaux. Dont acte.

    Dans un soupir désespéré, je reconnais moi-même que cette innovation est salutaire pour le développement du pays, même si les populations ont plus besoin d’une éducation saine dans des vraies écoles et de la construction des centres de santé pourvus de tout le matériel nécessaire pour soigner les malades.

    Comme toujours, j’ai hâte de retrouver mes amis d’enfance, mes amis de toujours, ceux avec qui je me sens un homme libre, en paix avec moi-même, ceux avec qui je n’ai aucun sujet tabou, avec qui je peux tout me permettre, ceux qui me font le plus éclater de rire, le plus oublier mes soucis, le poids et le stress du quotidien européen, ceux avec qui je me sens plus en sécurité, étant donné qu’aucun de mes écarts ne serait rapporté nulle part ailleurs, bref ceux qui ne me trahiront jamais parce qu’ils sont plus que des amis ; des frères. Nos années fastidieuses du lycée et de la Fac sont certes derrière nous depuis des lustres, mais les anecdotes et moments forts qui les avaient émaillées, sont écumées dans une ambiance souvent survoltée, où se mêlent histoires drôles et révélations de toutes sortes. Chacun a réussi tant bien que mal à se frayer un petit passage vers le bonheur, son bonheur à lui, du moins ce qu’il pense être le sien, à gagner un emploi, à fonder un foyer qu’il gère comme il le peut, mais lorsque nous nous retrouvons, nous devenons subitement ces jeunes étudiants et les anciennes habitudes refont surface. Nous passons de longs moments à nous rappeler nos écarts de comportement et surtout nous échangeons plus sur nos expériences actuelles, nos activités professionnelles, nos familles, sans oublier quelques aventures qui ne manquent jamais d’agrémenter la bonne ambiance dans certains couples ou de semer la rancœur dans d’autres. 

    Déjà à l’aéroport, mon frère cadet m’informe que le plus intime de mes amis, Ibrahim, celui qui compte le plus à mes yeux, qui rend mes séjours plus merveilleux par ses innombrables anecdotes, a enfin réussi à décrocher un poste d’enseignant dans un petit hameau perdu au fond de la brousse, dans le nord-ouest du pays, non loin de la frontière avec le Ghana. Je comprends alors pourquoi de l’Allemagne, je n’ai plus réussi à le joindre depuis un moment. Je suis très triste à l’idée de passer des vacances sans la chaleur de cet ami qui a cette capacité de rendre mes journées toujours agréables. Mais du fond de moi-même, je me sens heureux qu’il ait pu trouver enfin un job après plus de quinze ans de galère, malgré ses diplômes universitaires rangés depuis lors au placard. Quinze ans de sa vie passés à errer à travers les rues de Lomé à la recherche d’un travail rémunérateur qui apparemment a mis du temps à arriver, trop de temps.

    — Enfin, la Providence ne l’a pas oublié, pensai-je intérieurement. 

    Yanlé, c’est le nom du village où il a déposé ses valises et où il officie en tant qu’enseignant dans la petite école primaire du village, selon mon jeune frère. Je n’ai jamais entendu le nom de cette contrée.

    — A-t-il un nouveau numéro de téléphone ? demandai-je à mon frère.

    — Non, il a gardé le même, mais il est plus facile de décrocher la lune avec un caillou que de le joindre, affirma-t-il. La dernière fois que sa mère a été admise à l’hôpital de Sokodé, suite à un malaise, on a dû envoyer son jeune frère l’avertir, car trois jours durant, il n’était pas joignable.

    — Alors-là, à quoi lui sert son téléphone si on n’arrive jamais à le joindre ? Demandai-je un peu perplexe.

    — Il se raconte même que son poste téléviseur captait plus facilement les programmes ghanéens que togolais.

    — C’est alors un avantage certain, osai-je. Qu’il nous revienne un jour repu de la langue de Shakespeare, car par ces temps de crise, l’anglais est toujours une plus-value dans la recherche d’un vrai emploi. Et qu’il n’oublie pas de se procurer un numéro ghanéen. Nous pourrions alors le joindre plus facilement.

    Le jour suivant, je tente de le joindre, en vain. J’appelle des dizaines de fois et tombe tantôt sur le répondeur, tantôt l’attente de la connexion se prolonge tout simplement, sans suite. Je suis préoccupé par cette absence qui se prolongeait. Ce qui me tourmente, c’est que Ibrahim n’est même pas au courant que je suis à Lomé. Des pas dans cette ville si généreuse sans lui sont synonymes d’ennui, de calvaire, dis-je constamment. Les autres amis un peu jaloux, sont certes là, m’entourent déjà, l’ambiance est merveilleuse, mais le vrai meneur, l’animateur principal, le chef d’orchestre, celui que nous avons surnommé le « Dalloz de la bêtise » manque à l’appel. Autour de moi, tout le monde parle de « réseau ». Je ne comprends vraiment pas comment le réseau peut-il être si perturbé, au point qu’on passe des jours entiers à vouloir joindre en vain une personne. À quoi sert son portable, si nul n’arrive à le joindre ? criai-je chaque minute sous le regard interloqué de mes frères et de quelques amis qui s’étonnent que je ne sois pas au faîte des turpitudes du réseau qui pourtant est une réalité dans notre pays. Je ne suis pas technicien et je ne comprends rien à l’informatique. Je n’arrive tout simplement pas à comprendre que certaines régions ne soient pas couvertes par le réseau.

    Mon départ pour Yanlé

    N’en pouvant plus de supporter son absence, un peu inquiet et fébrile qu’il lui soit arrivé un accident, un malheur quelconque, je décide le troisième jour d’aller à sa recherche, peut-être à sa rencontre. À bord d’une voiture louée pour la circonstance, une Toyota 4x4 qui semblerait-il, supporte mieux les ravins et autres crevasses qui jalonnent notre trajet, nous nous mettons en route tôt le matin. Mon frère qui me conduit et qui connaît bien la région me prie d’éviter les habits blancs qu’aucune machine à laver n’aiderait plus à retrouver leur éclat d’antan. Apparemment, il maîtrise les nids-de-poule qui jonchent le parcours. Après un voyage harassant de plus de huit heures, au cours duquel nous avons traversé les villes de Sokodé et de Bassar, nous faisons notre entrée dans un village situé sur une vaste plaine, un joli village entouré d’arbres fruitiers, un petit paradis où il devrait faire bon vivre : Yanlé. Quelques femmes transportant du bois de chauffe nous indiquent à quelques mètres de là, des salles de classe construites en tiges de mil tissées et couvertes de paille, non loin de la rue principale poussiéreuse. C’est l’école de Yanlé.

    Yanlé est un grand village de quelques centaines d’habitants, quatre cents, cinq cents peut-être, répartis dans quelques dizaines de concessions éparpillées sur une plaine au milieu de laquelle serpente une rue étroite, très sablonneuse. Les maisons sont composées de cases couvertes toutes de paille, séparées les unes des autres par des murs pour la plupart en paille également. J’apprends de mon frère que les habitants composés essentiellement d’agriculteurs et d’éleveurs sont un peu coupés du reste du monde en raison des voies impraticables et que jusqu’à un passé récent, ces braves habitants ne connaissaient pas l’argent et le troc était le moyen le plus prisé pour y vivre d’une manière décente. Les bonnes femmes de Bafilo et de Sokodé s’y rendaient le jour du marché de Yanlé avec des pagnes, des chaussures, du sucre, du sel et de la pacotille qu’elles échangeaient contre des ignames, du haricot, du maïs, des moutons, des chèvres et de la volaille.

    L’école de Yanlé a deux classes, une vaste cour parsemée par endroits de souches d’arbres abattus et apparemment pas de bureau pour les enseignants, pas de toilettes. Tout autour de l’école de hautes herbes qui cachent légèrement ce lieu. Elle a été créée deux ans auparavant. Avant cela, les parents qui en trouvaient la nécessité, enregistraient leurs enfants à l’école de Djarakpanka, une autre localité située à une dizaine de kilomètres de là. Certains enfants s’y rendaient le matin et revenaient le soir, d’autres habitaient chez des proches et lointains parents pour pouvoir aller plus facilement à l’école. Lorsque nous garons la voiture dans la cour de l’école, tous les élèves chantant en chœur sortent précipitamment comme s’ils attendaient une quelconque autorité politique ou administrative. Cela devrait être l’habitude que les enseignants leur avaient inculquée et cette ambiance me rappela mes années de classe préparatoire et élémentaire. Je vois mon ami Ibrahim suivre le pas de ses élèves, habillé comme s’il allait à la Faculté. Apparemment, il n’a pas changé son habitude vestimentaire. Il cherche à dévisager ceux qui ont fait irruption dans ce coin perdu du monde. Lorsque je pose le pied au sol, il me reconnaît tout de suite et court dans ma direction comme un petit enfant. Il a légèrement pris du poids, lui le gringalet qui avait réussi à m’arracher une larme lors de mon dernier séjour au pays. Il pue relativement la santé à vue d’œil, même si une certaine incompréhension se lit sur son visage. Je le sens légèrement déboussolé et visiblement agacé par cette irruption. Sûrement qu’il n’aurait pas souhaité que je découvre de si tôt sa cachette. Nous nous embrassons comme de nouveaux amoureux dont chacun aurait passé un interminable temps dans le célibat et n’y croyait plus. L’instituteur rassemble dans la cour tous les élèves de l’école et leur demande de rentrer chez eux, mais en silence. Je ne comprends pas ce qui motive cette décision, mais je m’abstiens de m’immiscer dans les affaires de la gestion de l’école. Il y a encore une heure qui nous sépare de la fin des cours. Je regrette que mon arrivée ait pu contraindre le directeur à prendre une telle liberté.

    Ibrahim me présente son collègue et insiste qu’il joue également le rôle de directeur d’école. Debout à côté du véhicule, nous discutons tous les trois de mon voyage et de la vie en Europe. Je subis un interrogatoire un peu particulier de la part du directeur sur la vie des Africains en Europe. Son insistance à maîtriser certains contours me laisse penser qu’il a un agenda caché. Souvent les frères et sœurs restés au pays raffolent de ces histoires et les expatriés profitent pour les leur servir en ne s’abstenant pas d’ajouter leur grain de sel, faisant ainsi miroiter leur El Dorado qui n’en est pourtant pas un. Si chacun pouvait avoir l’opportunité de vivre les souffrances cruelles auxquelles les expatriés se trouvent confrontés, nul n’oserait tenter cette expérience. Ils se donnent des airs qu’ils n’en ont pas, en surfant le plus souvent sur l’ignorance de leurs interlocuteurs. J’ai toujours haï cette façon de faire de mes frères expatriés, qui au lieu de présenter l’occident sous sa vraie réalité, sous son véritable angle, un monde comme tous les autres, avec ses hauts et ses bas, des souffrances qu’eux-mêmes endurent nuit et jour pour joindre les deux bouts, mentent honteusement aux frères restés au pays qu’ils sont à l’abri du calvaire. Ces derniers y voyant un endroit propice pour amasser des millions en peu de temps, abandonnent leurs boulots, certains vendent même leurs maisons, des familles entières se cotisent pour financer le voyage, passent par tous les moyens pour y arriver, souvent au péril de leur vie. J’ai souvent été confronté à certaines questions insolites qui puaient le mensonge. Je ne me suis jamais embarrassé de recadrer le vernissage vomi par ces frères pour présenter l’occident sous une forme uniquement paradisiaque. Pourtant de nos jours, les frontières européennes sont tellement impénétrables que la nouvelle trouvaille est évidemment la traversée de la Méditerranée sur des embarcations de fortune qui font des centaines de morts chaque semaine. Cette situation alarmante se passe pourtant au vingt et unième siècle dans le silence coupable des dirigeants africains et des initiatives timides de ceux de l’Europe. En assistant à ces scènes apocalyptiques où des jeunes désespérés, souvent dans la fleur de l’âge disparaissent anonymement dans les flots des océans, des jeunes hommes et femmes conscients des dangers de la traversée, conscients que la Méditerranée pourrait devenir leur cimetière, conscients que cela pourrait constituer le dernier voyage de leur existence, mais qui pourtant continuent par milliers de tenter leur chance chaque jour, on ne peut qu’avoir honte des dirigeants africains qui s’accrochent au pouvoir et n’entreprennent rien pour améliorer le quotidien de leurs peuples. Honte de la communauté internationale autoproclamée qui assiste impuissante à ces scènes macabres qui se passent pourtant à leurs portes. Honte de cette communauté internationale qui privilégie les intérêts égoïstes au détriment de l’humanisme. Honte de cette communauté internationale qui soutient les potentats africains impopulaires qui pourtant provoquent les guerres et créent l’instabilité un peu partout en Afrique. Enfin, on ne peut qu’avoir honte de cette communauté internationale qui ne partage pas équitablement les fruits du développement et de l’évolution du monde. Les prix des matières premières n’étant fixés que par les acheteurs, par ceux qui en ont besoin, les vendeurs, ces sociétés de consommation ne peuvent que s’appauvrir davantage, sans oublier certaines pratiques liées aux monnaies arrimées à l’euro qui ne souffrent d’aucune compétitivité. 

    Face à toute cette diatribe que je débite, toujours debout à côté de la voiture, je vois le visage du directeur s’assombrir. Il se remue à l’image de quelqu’un qui peste contre des phrases décourageantes, destinées à lui. Je tente encore de mettre en valeur la noblesse du métier d’enseignant, de la sécurité qui prévaut dans le pays, même si les salaires ne permettent pas souvent de joindre les deux bouts. Ai-je réussi à convaincre un candidat potentiel à la mort de rester sur place ? Je ne l’ai jamais su. Le directeur prend congé de nous, l’air atterré, regrettant peut-être ce jour-là d’avoir fait la rencontre d’un homme qui lui rappelle ce qu’il sait déjà, mais qu’il refoule, s’entête, afin d’avoir bonne conscience pour mettre en branle un projet qui lui tient à cœur. Il y a des rencontres qui changent le cours de votre vie, d’autres que pour rien au monde l’on ne souhaiterait en faire, pour le malheur qu’elles portent de briser tous vos rêves. Il est à peine seize heures quand nous rentrons à la maison où la femme d’Ibrahim et ses enfants se jettent sur moi. Je suis content de les retrouver. Je remets des jouets aux enfants qui sautent au ciel. Sa femme qui est aussi une cousine à moi, a également droit à des cadeaux et elle remercie sans cesse. Ils habitent un taudis de trois chambres couvertes de paille. Je regarde dans tous les coins de la maison sans avoir vu les toilettes.

    — Comment pourrais-je me satisfaire en cas de besoin ? Où prennent-ils le bain ? me demandai-je intérieurement l’air inquiet.

    Comme s’il imagine mon inquiétude, Ibrahim me tire derrière la maison pour me montrer ce qui ressemble aux toilettes. Une salle de bains construite en pailles dont l’entrée n’a pas de porte. Pour se laver, l’on devrait se munir d’un pagne ou d’une serviette qu’on met sur le bois suspendu sur les deux piquets qui tiennent lieu de porte. Il n’est pas rare qu’un vent fort emporte le pagne et que l’on expose sa nudité aux regards indiscrets. Mais, cela ne semble importuner quiconque par-ci. Pour les w.c., c’était un trou profond et de la terre battue de chaque côté. Je lui rappelle que la terre pourrait céder un jour ou l’autre. Il me rassure que ces toilettes ont été construites sur des « normes internationales » par des professionnels et rien ne céderait ni aujourd’hui ni demain. Son humour vient de prendre le dessus sur une inquiétude pourtant réelle.

    Après m’avoir montré son logis et installé dans une chambre, il m’invite à table. Nous avons droit à un goûter fait de morceaux d’igname grillés et du poisson fumé. C’est très sobre, mais appétissant.

    Le goûter terminé, Ibrahim me propose d’aller découvrir le village de Yanlé, comme s’il y a vraiment quelque chose à visiter par-ci. Je suis son hôte et je ne veux pas contrarier ses plans qui consistent peut-être à me montrer qu’il n’est pas si malheureux que ça. Je ris sous cape et il me chuchote qu’en réalité c’est pour prendre un pot dans un bar d’à côté, mais que sa femme risquerait de faire des scènes de toutes sortes si elle sait qu’on s’y rend. J’ai hâte de me retrouver seul avec cet ami, ce frère qui doit me raconter pourquoi sa Maîtrise ne lui avait pas servi autrement que dans ce coin perdu, sans oublier qu’il n’a aucune formation pédagogique. Des concours de toutes sortes auraient pu lui être d’un secours certain, plutôt que de venir traîner

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