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Les mondes possibles de Jérôme Ferrari: Entretiens sur l'écriture avec Pascaline David
Les mondes possibles de Jérôme Ferrari: Entretiens sur l'écriture avec Pascaline David
Les mondes possibles de Jérôme Ferrari: Entretiens sur l'écriture avec Pascaline David
Livre électronique142 pages2 heures

Les mondes possibles de Jérôme Ferrari: Entretiens sur l'écriture avec Pascaline David

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À propos de ce livre électronique

Saisir les secrets de la création en regardant par-dessus l’épaule d’un grand écrivain tandis que le texte s’élabore, c’est peut-être là le désir de tout nouvel auteur. Dans ce grand entretien, Pascaline David lève le voile sur le travail d’écriture et l’univers romanesque de Jérôme Ferrari.

L’écrivain aborde des thèmes aussi variés que le rôle de l’enfance dans le déploiement de la vocation romanesque, la construction de personnages, la mise en œuvre de la langue, l’élaboration du récit ou le travail de l’écriture proprement dit.

EXTRAIT

Je ne peux pas écrire quelque chose en quoi, d’une certaine manière, je ne crois pas. Je sais bien que c’est de la fiction mais, en même temps, il faut que j’y croie. Il faut que j’y croie parce que sinon pourquoi irais-je l’écrire ? Il faut que j’y croie et que ce soit comme si je regardais quelque chose qui se déroule dans une espèce de petit monde.

À PROPOS DES AUTEURS

Jérôme Ferrari est un écrivain et traducteur français. Né de parents corses, il est agrégé de philosophie et titulaire d'un DEA d'ethnologie.
Il a vécu en Corse et enseigné la philosophie au lycée de Porto-Vecchio. Durant cette période, il a organisé notamment des "cafés philosophies" à Bastia, puis enseigné au lycée international Alexandre-Dumas d'Alger, au lycée Fesch d'Ajaccio jusqu'en 2012, et au lycée français Louis Massignon d'Abou Dabi jusqu'en 2015.
Depuis la rentrée 2015, il enseigne la philosophie en hypokhâgne, au lycée Giocante de Casabianca de Bastia.
Il débute une carrière d'écrivain en 2001 avec un recueil de nouvelles, Variété de la mort et un roman, Aleph Zero (2003). Auteur à la plume corrosive, Jérôme Ferrari s'inspire de la Corse pour écrire Balco Atlantico, paru chez Actes Sud en 2008.
Avec son roman, Un dieu un animal, l'écrivain évoque la guerre et le monde de l'après 11 septembre. Il reçoit pour ce roman le prix Landerneau en juin 2009.
Après le Prix France Télévisions et le Grand Prix Poncetton SGDL en 2010 pour Où j'ai laissé mon âme, son roman Le sermon sur la chute de Rome (2012) est l'un des événements de la rentrée littéraire finalement couronné par le Prix Goncourt.
Il reçoit le Prix littéraire "Le Monde" 2018.

Pascaline David est née à Bruxelles en 1976. En 2014, elle fonde les éditions Diagonale avec Ann-Gaëlle Dumont.
LangueFrançais
ÉditeurDiagonale
Date de sortie7 mai 2020
ISBN9782930947020
Les mondes possibles de Jérôme Ferrari: Entretiens sur l'écriture avec Pascaline David

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    Les mondes possibles de Jérôme Ferrari - Jérôme Ferrari

    Cover.jpg

    Les mondes possibles

    de Jérôme Ferrari

    « Je ne peux pas écrire quelque chose en quoi, d’une certaine manière, je ne crois pas. Je sais bien que c’est de la fiction mais, en même temps, il faut que j’y croie. Il faut que j’y croie parce que sinon pourquoi irais-je l’écrire ? Il faut que j’y croie et que ce soit comme si je regardais quelque chose qui se déroule dans une espèce de petit monde. »

    Les mondes possibles de Jérôme Ferrari,

    Entretiens sur l’écriture avec Pascaline David

    Saisir les secrets de la création en regardant par-dessus l’épaule d’un grand écrivain tandis que le texte s’élabore, c’est peut-être là le désir de tout nouvel auteur. Dans ce grand entretien, Pascaline David lève le voile sur le travail d’écriture et l’univers romanesque de Jérôme Ferrari.

    L’écrivain aborde des thèmes aussi variés que le rôle de l’enfance dans le déploiement de la vocation romanesque, la construction de personnages, la mise en œuvre de la langue, l’élaboration du récit ou le travail de l’écriture proprement dit.

    Pascaline David est née en 1976. En 2014, elle fonde les éditions diagonale avec Ann-Gaëlle Dumont.

    Jérôme Ferrari est né en 1968. Philosophe et écrivain, il est

    l’auteur de nombreux romans parus chez Actes Sud dont

    Le Sermon sur la chute de Rome qui a remporté le prix Goncourt en 2012 et À son image, prix littéraire du journal Le Monde 2018 et prix Méditerranée 2019.

    Les mondes possibles

    de Jérôme Ferrari

    Entretiens sur l’écriture avec Pascaline David

    ACTES SUD / diagonale

    Du même auteur

    Variétés de la mort, Albiana, 2001 ; Babel n° 1275.

    Aleph zéro, Albiana, 2002 ; Babel n° 1164.

    Dans le secret, Actes Sud, 2007 ; Babel n° 1022.

    Balco Atlantico, Actes Sud, 2008 ; Babel n° 1138.

    Un dieu un animal (prix Landerneau), Actes Sud, 2009 ; Babel n° 1113.

    Où j’ai laissé mon âme (grand prix Poncetton de la sgdl, prix France Télévisions, prix Initiales, prix Larbaud), Actes Sud, 2010 ; Babel n° 1247.

    Le Sermon sur la chute de Rome (prix Goncourt), Actes Sud, 2012 ; Babel n° 1191.

    À fendre le cœur le plus dur (avec Oliver Rohe), Inculte, 2015 ; Babel n° 1500.

    Le Principe, Actes Sud, 2015 ; Babel n° 1446.

    Il se passe quelque chose, Flammarion, 2017 ; Babel n° 1549.

    À son image (prix littéraire du journal Le Monde 2018, prix Méditerranée 2019), Actes Sud, 2018.

    Parus aux éditions diagonale

    Les conquêtes véritables, Nicolas Marchal, réédition éditions diagonale, 2014 (prix Première 2009)

    La vie en ville, Damien Desamory, 2014

    Quand les ânes de la colline sont devenus barbus, John Henry, 2015 (prix de la Roquette à Arles 2015 ; lauréat du festival du premier roman de Chambéry 2016)

    Le Modèle, Manuel Capouet, 2016 (finaliste du prix Senghor 2017 et du prix des librairies Club 2017).

    Autour de la flamme, Daniel Charlez d’Autreppe, 2017

    L’Affaire Magritte, Toni Coppers, traduit du néerlandais, 2020

    Introduction

    Saisir les secrets de la création en regardant par-dessus l’épaule d’un grand écrivain tandis que le texte s’élabore, c’est peut-être là le désir de tout nouvel auteur. Celui de découvrir les procédés d’écriture pour mener à bien un premier roman, de comprendre un certain nombre de techniques au départ de questions simples ou parfois complexes pour retourner ensuite à sa table de travail, fort d’une nouvelle idée.

    C’est avec cet objectif que je me suis adressée à Jérôme Ferrari pour les éditions diagonale. La maison d’édition cherchait à accompagner les primo-romanciers en quête de pistes d’écriture. Les notes de lecture personnalisées, envoyées par le comité de lecture, ne suffisaient plus à renseigner l’auteur néophyte. Alors quoi de mieux que l’expérience d’un auteur confirmé ?

    Jérôme Ferrari accepta ma proposition et m’accorda trois jours d’entretiens, en Corse, en novembre 2017. On convint de plusieurs périodes d’enregistrement, chacune d’une heure trente. Je préparai une centaine de questions sur des thèmes différents, explorant l’origine de son goût pour l’écriture, des aspects techniques de son travail ainsi que sa réflexion autour de notre monde si complexe.

    Ce fut la seule semaine de l’année 2017 où il plut sur l’île de Beauté. À la faveur du temps maussade, je restai immergée dans un bain chaud à lire huit textes romanesques de haute tenue : Variétés de la mort (2001), Aleph zéro (2002), tous deux parus chez Albiana, puis aux éditions Actes Sud, Dans le secret (2007), Balco Atlantico (2008), Un dieu un animal (2009), Où j’ai laissé mon âme (2010), Le Sermon sur la chute de Rome (2012), Le Principe (2015) ainsi qu’un essai coécrit avec Oliver Rohe sur la photographie de guerre, À fendre le cœur le plus dur, paru aux éditions Inculte en 2015.

    Au bout de quatre jours de lectures, je retrouvai l’écrivain chez lui. Dès la première rencontre, Jérôme Ferrari me donna l’impression d’un homme courtois, soucieux du détail et en ébullition permanente. De lui se dégageait une sorte de tension. La plupart des entretiens eurent lieu dans son bel appartement coloré où ce qui me frappa d’emblée fut le nombre de bibliothèques qui semblaient avoir colonisé l’espace dédié aux meubles. L’ordre et la suprématie des gros volumes en disaient long sur la culture de mon hôte. À la fois philosophe, enseignant et romancier, Jérôme Ferrari ne me refusa jamais une question, aussi difficile qu’elle fût, pour construire subito la réponse la plus inspirée possible. En cours d’entretien, je découvris qu’il s’attelait à un nouveau roman dédié à la photographie de guerre, À son image, dont la parution était prévue en août 2018 chez Actes Sud.

    J’ai recueilli la plus grande partie de ses réponses dans son bureau, une petite pièce sobre, garnie d’un poste de travail, d’un canapé deux places de couleur claire et d’une méridienne assortie. On l’imagine facilement ici, en proie à quelques réflexions au départ d’un nouveau roman ou occupé à visionner de la documentation sur un de ces thèmes qu’il affectionne, la guerre de Serbie, par exemple, ou le travail d’un certain photographe.

    À son image fut couronné quelques mois plus tard par le prix littéraire du journal Le Monde 2018 et le prix Méditerranée 2019. Malgré les nombreuses sollicitations dont l’auteur fut l’objet, j’eus l’opportunité de le retrouver une dernière fois, en décembre, pour tenter de saisir ce qui avait fait battre le cœur de son nouveau récit.

    La rencontre eut lieu à Bruxelles un jour de crachin belge, bien à l’abri dans les salons de l’hôtel Amigo. C’est donc par un agréable déjeuner que se clôtureraient nos entretiens, et s’il fut toujours question d’écriture, ces derniers échanges précisèrent davantage la lecture du monde de l’auteur, l’utilité de la parole et de la photographie, la place du sacré dans son œuvre, pour se conclure en douceur sur la Corse et les photographies de sa famille, celles prises à Saigon, Dakar ou dans ces pays lointains en guerre. Et avec lesquelles tout a peut-être commencé, ce jour-là et comme à chaque fois que lui vient l’envie d’ouvrir l’un de ces albums qui l’ont toujours fasciné, au point d’y voir un livre d’Histoire minuscule et de vouloir y prendre part en créant un monde possible.

    Pascaline David

    Un sol natal

    Jérôme Ferrari, j’aurais envie, pour commencer, de vous demander : qui êtes-vous ? Qu’est-il nécessaire de connaître de vous pour appréhender plus précisément votre travail et votre parcours d’écrivain ?

    Voilà une première question bien compliquée. Peut-être que la chose importante à savoir, c’est que je suis né à Paris et que j’ai grandi en banlieue parisienne dans une famille corse.

    Pendant mon enfance et mon adolescence, j’ai passé toutes mes vacances en Corse et j’ai fini par m’y installer en 1988, comme je le désirais depuis très longtemps. Je venais juste d’avoir 20 ans.

    Mon premier livre, Variétés de la mort, a été publié chez Albiana, une maison d’édition régionale, en 2001. Six mois plus tôt était paru le recueil de nouvelles de mon ami Marco Biancarelli, Prighjuneri, en édition bilingue, corse-français. Je m’étais chargé de la traduction. J’ai rencontré Marco au lycée de Porto-Vecchio, où nous étions professeurs. On s’est rendu compte qu’on écrivait tous les deux, on a échangé des textes.

    Marco et moi, on était sur la même longueur d’onde, on partageait le même projet littéraire. Peut-être y avait-il quelque chose de générationnel. On voulait parler des réalités de la Corse contemporaine, échapper aux fantasmes plus ou moins folkloriques qui sont systématiquement convoqués dès qu’il s’agit de la Corse et qui nous agaçaient prodigieusement. Les écrivains français du XIXe siècle, Mérimée surtout, ont construit une image romantique toujours très vivace sur le continent, mais aussi, je crois, ici même, comme si nous nous percevions nous-mêmes à travers le regard de l’autre.

    Marco et moi voulions sortir de cette espèce de carte postale inepte pour parler de la réalité.

    J’ai toujours pensé que le but de la fiction littéraire était précisément de parler de la réalité, avec les moyens qui lui sont propres, et de donner à voir une certaine forme de vérité.

    Une forme de subversion alors ?

    Oui. Peut-être qu’au départ ça s’est manifesté par une écriture un peu trop violemment iconoclaste et provocatrice – qui avait quand même quelque chose de jubilatoire. Marco et moi, on aimait bien prendre le contre-pied des clichés et ça nous amusait beaucoup.

    La nouvelle la plus connue sur la Corse est sans doute Colomba, de Prosper Mérimée. Il se trouve que – mais ça aussi ça a conditionné quelque chose pour moi – mon village s’appelle Fozzano et que c’est dans ce village-là que Mérimée a rencontré Colomba Carabelli qui lui a servi de modèle. Elle avait 65 ans, mais il en a fait une jeune fille de 20 ans, plus conforme à la figure idéale de l’héroïne. Mérimée a écrit d’autres textes qui sont des histoires de crime d’honneur, de bandits d’honneur, etc., offrant une vision extrêmement romantique d’une réalité qui ne l’était pas du tout, il suffit d’aller consulter les archives pour s’en rendre compte. C’était déjà complètement fantaisiste au XIXe siècle et ça n’a donc a fortiori rien à voir avec la Corse contemporaine même si beaucoup de choses sont pourtant encore vues à travers ce prisme-là.

    À l’époque où j’ai publié Variétés de la mort, j’étais donc professeur au lycée de Porto-Vecchio. Porto-Vecchio est une station balnéaire où toute la jet-set vient passer l’été, et une ville quasiment morte entre le mois d’octobre et le mois de juin, c’est ça la réalité.

    Marco et moi, on était très sensibles – d’autant qu’on la vivait douloureusement – à cette espèce de schizophrénie saisonnière qui nous faisait passer d’une forme de désert glacé à deux ou trois mois de frénésie complète où il était plus question de boîte de nuit, de tourisme de masse, de drogue et de fornication que de vendetta et de bandits d’honneur.

    Au fond, vous avez grandi à côté d’un Mérimée qui vous agaçait prodigieusement ?

    Il ne m’agaçait pas quand j’étais petit, j’étais comme tout le monde, il me fascinait beaucoup avec ses histoires de bandits d’honneur. Il a juste fallu reconnaître que c’était faux.

    Vous seriez né entre deux mondes, celui du continent et de la Corse ?

    Description absolument exacte. C’est comme ça que j’ai vécu les choses : deux mondes parfaitement étanches, seulement reliés entre eux par l’avion qui m’emmenait de Paris à Ajaccio. Très vite, je n’ai eu qu’une seule envie : quitter la région parisienne.

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