Au nom du réalisme: Usage(s) politique(s) d'un mot d'ordre
Par Julien Rault et Stéphane Bikialo
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À propos de ce livre électronique
Que dit-on exactement au nom du réalisme ? À qui et à quoi sert-il ? Si le réalisme implique un ça va de soi, les auteurs de ce livre démontrent en revanche que le mot, tel qu'il est employé, ne va jamais de soi.
Autrefois élément de distinction entre pensée de droite et pensée de gauche, le réalisme apparaît aujourd'hui comme un mot-repère traduisant la dilution, recherchée par certains, des clivages traditionnels. Omniprésent depuis quelques décennies, y compris dans les discours dits de gauche, il est devenu une injonction qui témoigne notamment de la dérive du parti socialiste.
Car le Réalisme est d’abord un mot de pouvoir, au sens où il est une arme de déconsidération massive : le brandir, c'est abolir et anéantir aussitôt toute alternative, tout discours d’opposition ; l'invoquer, c'est renvoyer immédiatement l'autre à ses idéaux, à son utopisme. Le réalisme n'admet pas la réplique. Il est donc aussi une injonction à ne pas concevoir ni à revendiquer la possibilité d’autres mondes, d’autres voies. C’est une assignation à se soumettre, à dire oui au monde tel qu’il est. Ou, désormais, au monde tel qu'il va, dissimulant, sous l'invocation du changement et de l'adaptation nécessaire, la perpétuelle reproduction du statu quo.
Des années 1930-1940 à Manuel Valls, de Michel Rocard à Emmanuel Macron, cet ouvrage se propose de mieux comprendre les usages qui fondent le pouvoir d’un mot d’ordre, un mot de et du pouvoir.
Deux spécialistes du langage décryptent les usages et les doctrines issus d'un mot de la vie politique devenu incontournable.
EXTRAIT
Apparu au début du XIXe siècle dans le champ de la philosophie pour désigner «l’existence du monde indépendamment de la perception du sujet », le mot
réalisme est assez récent. Son sens courant (« avoir le sens des réalités et agir en conséquence ») commence, lui, à émerger au milieu du xixe siècle, ce qui correspond globalement au développement du capitalisme lors de la première révolution industrielle.
À PROPOS DES AUTEURS
Stéphane Bikialo est Professeur de linguistique et de stylistique contemporaines à l'Université de Poitiers. Il est l'auteur de Le Réel en vitrine. Les mots et les choses à l'ère du conditionnement (à paraître).
Julien Rault est Maître de conférences en linguistique et stylistique à l’Université de Poitiers. Il est l'auteur de Poétique du point de suspension. Essai sur le signe du latent, Cécile Defaut, 2015.
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Avis sur Au nom du réalisme
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Aperçu du livre
Au nom du réalisme - Julien Rault
2007.
Chapitre 1.
« Il faut être réaliste » : de l’injonction à la naturalisation
Non qu’il faille d’autres mots que nos mots, mais ils se disposent spontanément selon des structures qui correspondent à l’ordre moral de notre société. Il y a une police jusque dans notre bouche.
Bernard Noël, « L’outrage aux mots »
Le réalisme est d’abord une injonction : une injonction non pas seulement à faire mais à être (« il faut être réaliste », « sois réaliste »). Intervenant très fréquemment dans des phrases relevant d’un acte directif, traduisant diverses nuances d’ordre, de souhait, de prière, les mots réalisme et réaliste comportent aussi, intrinsèquement, l’idée d’une obligation : ils s’imposent (la période exige le réalisme…) autant qu’ils imposent (le réalisme exige de…).
Le réalisme : un devoir, un gage d’efficacité
Rares sont les mots dont le contexte d’emploi est aussi uniforme. Le mot réalisme s’inscrit majoritairement dans un discours injonctif, impérieux, qui balaie tout le spectre de la prescription (soyons réalistes, nous devons être réalistes, il y a un devoir de réalisme), notamment par le biais de tournures impersonnelles (il faut être réaliste).
Sur les eurobonds, nous devons faire preuve de réalisme. (Alain Juppé, 4/01/2012)
Sur ce sujet de la défense, il faut faire un effort, je l’ai fait, mais il faut essayer d’être réaliste. (François Hollande, 9/05/2016)
On peut multiplier les gadgets pour dire que les partis c’est ringard, mais il faut être réaliste : la politique c’est sérieux et sans structure ça finit toujours à l’eau. (Robert Ménard, 25/05/2016)
La forme impersonnelle est une sorte de coup de force qui permet de représenter le fait comme auto-généré, à la manière d’un événement météorologique. L’énoncé apparaît dans sa force d’évidence, indéniable ; on ne peut pas réagir à ces injonctions et on imagine difficilement une phrase du type : « Non, il ne faut pas être réaliste. » Cela permet ainsi de ne pas identifier un sujet qui énonce mais de partager la responsabilité de l’injonction – et de son