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Le Chant des Ève, la danse des Adam: ou l'histoire du chant et de la danse dans l'humanité
Le Chant des Ève, la danse des Adam: ou l'histoire du chant et de la danse dans l'humanité
Le Chant des Ève, la danse des Adam: ou l'histoire du chant et de la danse dans l'humanité
Livre électronique466 pages5 heures

Le Chant des Ève, la danse des Adam: ou l'histoire du chant et de la danse dans l'humanité

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À propos de ce livre électronique

Pourquoi danse-t-on, pourquoi chante-t-on ?

Aussi loin que remonte l’histoire de l’homme, un point commun réunit toutes les civilisations : l’art du chant et de la danse, une manière pour lui d’extérioriser ses sentiments. Quelle place occupent le chant et la danse dans l’histoire de l’Homme ? Pourquoi ces deux disciplines sont-elles si intimement liées ?
Tantôt signe de communication, tantôt marque de soumission ou d’affection, l’évolution du chant et de la danse reste quasiment fidèle à ses débuts chez la plupart des peuples en rupture avec le monde occidental contemporain, quand ce dernier tend à donner à ces deux modes d’expression un nouveau souffle : l’Art.

Ce livre dresse un état des lieux inédit sur la position et la dimension prêtées au chant et à la danse dans notre histoire, depuis l’Antiquité jusqu’à aujourd’hui et à travers le monde.

Au fil des documents anciens et contemporains, vous trouverez une iconographie sélectionnée, des interviews de divers spécialistes et des références incontournables. Cet ouvrage se veut à la portée de tous, et vous dévoilera pourquoi l’être humain ne peut résister à l’appel du chant et de la danse.

Cet ouvrage à la portée de tous vous dévoilera pourquoi l’être humain ne peut résister à l’appel du chant et de la danse.

EXTRAIT

L'un des principaux traits significatifs de l'être vivant est sûrement son aptitude à interpréter, via son corps, toutes sortes d'émotions. Que ce soit la joie, la peine, la colère, l'excitation ou encore la souffrance, bien au-delà du langage parlé, il y a l'interprétation du corps. Mais cela ne s'apparente pas seulement à l'être humain. Le règne animal repose, lui aussi, sur des codes d'expressions vocales et corporelles.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

S'entourant d'intervenants de renom (...), elle recueille la trace du monde sur le corps dansant et chantant - et tente par l'aventure du livre le déchiffrement d'une pulsion vitale la danse est aussi une maniere d'exister, de faire corps avec son semblable - et de faire société- tout comme le chant. - Michel Loetscher, Le Moniteur

Ce livre, qui répond à beaucoup de questions restées en suspens, invite tous ceux qui sont sensibles à la danse et au chant dans un voyage à travers le temps, à travers le monde et à la découverte d'un certain art de vivre : le chant et la danse dans tous leurs états et sous toutes les latitudes. - Blog de Marie Mainville

À PROPOS DE L'AUTEUR

Stéphanie Del Regno naît en 1978 à Domont (95) et grandit à Pau (64). Elle démarre son parcours professionnel dans l’informatique, à Paris puis à Toulouse où elle réside depuis 2001, qui lui fait enchaîner plusieurs missions chez Airbus et au STNA.
Amoureuse des livres depuis sa plus tendre enfance, c’est de sa rencontre avec un éditeur, Luigi Zuccante, en 2002, que va naître sa passion pour l’édition. Pendant trois années, il l’initiera au métier, en particulier à la chaîne de fabrication du livre, et l’incitera à créer sa propre structure éditoriale associative : Luce di Notte.
Elle quitte alors l’informatique, devenant responsable éditoriale aux éditions Dangles avant de se mettre à son compte en sa double qualité créative de conceptrice et rédactrice. Elle collabore aujourd’hui activement à différents projets littéraires propres à satisfaire sa curiosité protéiforme.
LangueFrançais
Date de sortie18 janv. 2018
ISBN9782366960129
Le Chant des Ève, la danse des Adam: ou l'histoire du chant et de la danse dans l'humanité

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    Aperçu du livre

    Le Chant des Ève, la danse des Adam - Stéphanie Del Regno

    danser.

    Introduction

    Aussi loin que remonte l’histoire de l’homme, un point commun réunit toutes les civilisations : l’art du chant et de la danse.

    Aussi loin que remonte l’histoire de l’homme, celui-ci extériorise ses sentiments par des chants et des danses.

    Platon disait que le chant et la danse puisaient leurs origines dans le divin, que c’était en ayant observé les dieux chanter et danser que l’homme les imita, recevant ainsi les attributs du rythme et de l’harmonie, le tout dans un sentiment extatique. Il disait également que le fait de chanter et de danser était naturel chez l’homme qui était incapable de s’exprimer sans vocalises ni mouvements.

    Qu’il s’agisse de l’homme préhistorique, des peuples mésoaméricains, des tribus aborigènes, africaines ou encore indiennes, ou enfin de l’homme moderne occidental, chaque époque et chaque groupe social ont laissé un héritage odologique¹ et chorégraphique.

    Pour les premières civilisations, le chant et la danse étaient indissociables. Et au fur et à mesure que nous avançons sur l’échelle du temps, on assiste toutefois, en Occident, à une évolution de chacune des deux spécialités l’une sans l’autre.

    Alors, quelle place prennent le chant et la danse dans l’histoire de l’Homme ? Pourquoi le chant et la danse sont-ils si intimement liés ? Tantôt signe de communication, tantôt marque de soumission ou d’affection, l’évolution du chant et de la danse reste quasiment fidèle à ses débuts chez la plupart des peuples en rupture avec le monde occidental contemporain, quand ce dernier tend à donner à ces deux modes d’expression un nouveau souffle : l’Art.

    L’un des principaux traits significatifs de l’être vivant est sûrement son aptitude à interpréter, via son corps, toutes sortes d’émotions. Que ce soit la joie, la peine, la colère, l’excitation ou encore la souffrance, bien au-delà du langage parlé, il y a l’interprétation du corps. Mais cela ne s’apparente pas seulement à l’être humain. Le règne animal repose, lui aussi, sur des codes d’expressions vocales et corporelles. Nous pouvons citer en exemple le chant des baleines (à bosse et bleues de l’océan Indien) lorsque celles-ci émettent des sons pendant la saison des amours, ou alors pour se repérer, ou encore le chant des oiseaux et le chant des cigales lors de la parade nuptiale, le paon qui déploie sa queue majestueuse pour séduire une femelle, le crotale qui agite sa sonnette caudale pendant sa « danse d’agression » lors d’un combat avec un autre mâle… Tout cela pour signifier que des sons chantés et un corps dansé ne sont pas réservés seulement à l’être humain.

    Si on s’intéresse de plus près à la musique, l’être humain est à son contact avant même qu’il ne vienne au monde. Que ce soit par le biais passif de l’environnement dans lequel ses parents évoluent ou alors par la volonté de ces mêmes parents, qui souhaitent un bébé apaisé et qui font écouter au fœtus du Mozart et autres grands classiques, ce petit être n’est pas encore né qu’il a déjà une connaissance accrue de la musique du monde dans lequel il grandira. Un peu plus tard et à peine sorti du ventre de sa mère, il entendra chanter tous les jours des berceuses pour le calmer ou pour l’aider à s’endormir. Et le mobile au-dessus de son lit prendra le relais quand maman aura épuisé son répertoire de chansons enfantines. Quand il sera à la crèche, on lui proposera de l’éveil musical. Puis l’école continuera cet enseignement et de manière plus précise. Au fur et à mesure qu’il grandira, il basera sa connaissance musicale sur celle de ses parents. Puis arrivera l’adolescence pendant laquelle il sera capable de profiler ses propres goûts qui l’accompagneront tout au long de sa vie.

    Pourtant, la musique n’est pas un besoin vital, ni pour notre espèce ni pour les autres. Alors pourquoi lui concède-t-on une si grande part de notre existence ?

    Même si le langage, chez l’Homme, est un élément plus qu’essentiel à sa survie, il n’en reste pas moins insuffisant. Le langage parlé ne suffit pas toujours à communiquer un état d’esprit. Aussi, l’homme a pris conscience bien assez tôt du potentiel qu’offrait son corps lorsqu’il s’agissait d’exprimer des émotions vives. En effet, si l’on en croit Charles Darwin, et avant lui le philosophe écossais Lord Monboddo (1714-1799), les premiers hommes ont chanté avant de parler, théorie soutenue par la communauté scientifique, qui a déterminé que le langage verbal n’était apparu qu’il y a 100 000 ans. Le chant fut probablement la première forme de langage, avec l’émission de sons rythmés et mélodiques.

    Le neuroscientifique et ancien producteur de disques Daniel Levitin s’intéresse depuis des années à l’impact de la musique sur le cerveau humain. Ses recherches portent sur la manière dont la musique agit sur le cerveau, en utilisant cette dernière pour étudier le fonctionnement global de ce dernier. Il a amorcé une partie de la réponse en s’interrogeant sur les points suivants : comment nous transformons un ensemble de sons en structures perçues comme des chansons, comment nous les mémorisons et les classons, et comment elles sont pour nous sources d’émotions intenses. Daniel Levitin et d’autres chercheurs ont réussi à trouver les processus neurologiques qui expliquent, entre autres, pourquoi la musique nous touche autant. Si le cerveau se développe pendant les dix-huit premières années de vie d’un individu, il semble que ses préférences musicales se dessinent à l’adolescence, alors que son organe est encore en pleine transformation. Toujours d’après les chercheurs, la musique mobilise les structures les plus profondes et les plus anciennes du cerveau. Celui-ci semble avoir évolué de manière à maximiser nos aptitudes musicales. La musique comme l’un des facteurs du façonnage de l’Homo sapiens ? En tous les cas, pour Daniel Levitin, la musique a joué un rôle majeur dans la réussite de notre espèce en favorisant le sentiment d’appartenance à un groupe, l’acquisition du langage et l’attirance sexuelle.

    Au cours de ses recherches, Daniel Levitin s’est aperçu qu’une musique qui plaît active le cervelet, zone du cerveau plutôt connue pour coordonner les mouvements du corps. En s’intéressant de plus près à cette zone, il s’est aperçu que lorsque nous écoutons de la musique, nos oreilles envoient des signaux au cortex auditif et au cervelet, et plus précisément, lorsque la chanson commence, le cervelet synchronise spontanément la cadence. En fonction de ce mécanisme, nous serons séduits par une musique pour laquelle notre cerveau aura prédit le bon rythme. Et même plus, puisque toujours d’après ces études, nous serions attirés par des chansons qui trompent l’attente en créant la surprise, où le cervelet prend plaisir à s’adapter et à rester synchronisé. La musique, au sens large, active d’autres zones de notre corps, favorisant, entre autres, la production de dopamine² : ce qui explique l’effet de plaisir profond qu’elle procure lorsqu’on l’écoute. Cependant, sachant que c’est au cours de l’adolescence que nous choisissons le type de musique que nous allons aimer toute notre vie, une chanson que l’on a aimée pendant notre jeunesse et que l’on réécoute aujourd’hui nous ramène-t-elle vraiment à l’attirance pour cette chanson ou bien aux souvenirs qui y sont rattachés ? Réécouter une vieille chanson n’est-ce pas tenter de revenir au bon vieux temps ?

    Du côté de la danse, Lucien de Samosate³ pensait que c’était en voulant imiter les mouvements des astres que les hommes accomplirent leur toute première danse.

    Nous savons que l’homme la pratique depuis toujours. Maintenant, nous avons assez de recul – deux millions et demi d’années tout de même – pour pouvoir considérer que la danse est l’assurance de notre humanité. Si on se réfère aux dires du conservateur du département d’ethnomusicologie du musée d’ethnographie de Genève, Laurent Aubert, on comprend que la danse n’est pas simplement le fait d’exécuter des mouvements rythmés. La conception va bien au-delà, car la danse demande une implication totale de celui qui la pratique. Elle est véhiculée par le corps, qui lui-même est le reflet de l’âme. Donc, à travers la danse, c’est un individu dans sa globalité qui s’exprime. Alors, évidemment, il existe autant de danses que de cultures, mais chacune manifeste les codes et les symboles de la société à laquelle elle appartient.

    La danse vient, quelque part, « compléter » le langage parlé. Elle dit ce que les mots ne peuvent pas formuler. En d’autres termes, son rôle commence là où la limite du langage parlé est atteinte. Elle s’inscrit dans un registre totalement autonome et indépendant, qui lui permet de subsister en parallèle de l’histoire de l’humanité.

    Laurent Aubert met également en avant la fonction psychotrope de la danse, qui altérerait le niveau de conscience de celles et ceux qui la pratiquent. Expliquons par là que le fait de danser propulse le danseur dans un état quasi extatique. Et état qui est souvent décuplé lorsque la danse est exécutée en groupe et/ou devant un public.

    La danse, tout comme le chant en définitive, est un point de rendez-vous personnel et social qui permet au Moi intérieur de se révéler à nous-même, mais aussi aux autres.

    * * *

    Tantôt comparée aux effets d’une dose d’héroïne⁴, tantôt à ceux de l’opium⁵, la musique provoque le contre-effet de sa dangerosité. Qu’elle soit réglementée ou bannie par certaines religions, toujours pour la même raison, d’ailleurs, qui rappelle que toute voix féminine chantée détourne les fidèles de leur dieu s’il l’écoute, la musique est souvent victime de censure. Derrière une femme qui chante se cachent de mauvais esprits qui n’ont pour but que de conduire l’homme à sa perte, rappelant ad vitam æternam Ève croquant dans la pomme, ou encore Ulysse frôlant la mort pour avoir inexorablement été attiré par le chant des Sirènes. La musique détient un pouvoir et pas n’importe lequel. La réaction du corps irrépressible qu’elle suscite lui confère une influence non sans importance sur les comportements humains, donc sur la morale et les croyances.

    Nous savons que la musique fut utilisée comme instrument de propagande, notamment par les Soviétiques et par les nazis. Elle fut également présente dans les camps de concentration. En effet, le chant dominait puisqu’il ne nécessitait ni instruments ni partitions, et qu’il était accessible à tous. Ces textes chantés par les détenus dévoilaient leurs peurs et leurs espoirs. La musique trouva sa place dans les camps, surtout à partir de 1943 avec l’établissement d’une note de service qui accordait aux détenus quelques faveurs comme obtenir de quoi écrire – des partitions – et organiser des concerts. Jouer de la musique ou chanter était une façon de se donner du courage en ces temps et conditions de détention difficiles, et quelque part aussi, de préserver son humanité. De l’autre côté de la barrière, les gardiens utilisaient la musique des détenus pour couvrir les cris des torturés et les bruits des exécutions. Ils s’en servaient également pour humilier et torturer. Et même, dans certains cas, sollicitaient les musiciens et chanteurs détenus pour animer leurs propres fêtes. Il arrivait que les détenus qui jouaient pour les SS reçussent une contrepartie, en sachant néanmoins que ce ne serait jamais une garantie de survie.

    Aujourd’hui, c’est l’armée américaine qui utilise la musique comme arme psychologique/arme acoustique. Plus efficace que les coups, la privation de nourriture ou encore de sommeil, la musique passée en boucle pendant des heures suffit à briser la résistance d’un prisonnier. En effet, des perturbations sonores infiltrées dans un environnement vulnérable accélèrent les aveux des détenus, selon les chercheurs qui se sont penchés sur le sujet juste après la Seconde Guerre mondiale. Alors il ne s’agit pas de n’importe quelle musique. Ce genre de torture se manifeste essentiellement sous les salves de metal, de rap, de disco ou encore de chansons abrutissantes pour enfants. C’est au choix des préférences musicales des soldats. Cependant, cette méthode est bien plus ancienne puisque déjà, à l’époque, les Grecs et les Romains utilisaient des cuivres et des percussions pour déstabiliser leurs ennemis.

    Comme la musique a été vecteur de propagandes à travers ses textes tout au long des événements politiques du XXe siècle, la danse a connu, elle aussi, sa part de formatage de la part des gouvernements. C’est le cas, par exemple, de la rumba, que nous verrons dans le troisième chapitre, qui fut prise d’assaut par le pouvoir cubain. Dans son ouvrage Rumba. Dance and social change in contemporary Cuba, l’ethnologue américaine Yvonne Daniel raconte que la rumba, cette danse sociale pratiquée dans les rues des bidonvilles afro-cubains, ô combien rythmée et appréciée, fut choisie par Fidel Castro et ses ministres pour en faire une danse nationale. D’un côté, les pas furent chorégraphiés, de l’autre, les textes des chansons accompagnatrices furent réécrits au bénéfice de la gloire de la patrie, de ses héros, de la révolution et de l’éducation du peuple. Il était totalement exclu d’y aborder toute forme de contestation politique. On accéléra le rythme, ainsi que le visuel général : la rumba devint plus athlétique et se transforma petit à petit en spectacles. Cette nouvelle rumba devait rester en l’état. Interdiction pour les danseurs et musiciens d’innover : leur mission était de préserver les représentations établies des traditions folkloriques cubaines. La pseudo-danse du peuple fut donc gelée et vouée à changer de milieu puisqu’elle n’est dorénavant pratiquée amèrement que par des officiels, des cols blancs.

    En quittant le registre du pouvoir obscur concédé parfois au chant et à la danse, on se rend à l’évidence qu’ils restent cependant bien ancrés dans nos patries : les chants patriotiques, révolutionnaires, militaires ou encore les hymnes font partie de nos cultures, et la marche militaire, elle non plus, n’échappe pas aux règles de la danse… à deux temps.

    * * *

    La musique est partout. Comme l’a chanté Bernard Lavilliers, elle est « un cri qui vient de l’intérieur ». Elle n’a peut-être jamais été aussi présente. Depuis la création du tourne-disque gourmand de vinyles – en 33, 45 et 78 tours – en 1924 (héritier du phonographe de 1877, puis du gramophone à manivelle de 1889), depuis la démocratisation du poste radio après la Seconde Guerre mondiale et l’invention du transistor dans les années 1950, et depuis le dépôt de brevet de la cassette audio, la musique est à la portée de tous. Ces dispositifs ont fait des petits : le walkman et ses fidèles cassettes, la chaîne Hi-Fi qui combinait cassettes et compact disques/minidisques, plus près de nous le lecteur MP3 (MPEG-1/2 Audio Layer 3), Internet et le téléphone portable, le super CD (Super Audio Compact-Disc) et des fichiers numériques dopés au niveau de la qualité du son (formats FLAC, APE, Org Vorbis…). La musique devient transportable. Elle nous suit tout au long de la journée, que ce soit en voiture grâce à l’autoradio, ou dans les transports en commun grâce à l’Ipod. Même lorsqu’elle n’émane pas de l’un de nos équipements, on l’entend dans l’ascenseur, chez le coiffeur ou le dentiste, dans les boutiques, dans les restaurants, les aéroports, les salles d’attente… Bref, quasiment dans tous les endroits que nous fréquentons.

    Aujourd’hui encore plus que jamais nous assistons à une recrudescence de chorales profanes. On se regroupe pour chanter et on chante partout. Et puis le karaoké, qui commence à tenir une place importante dans les loisirs.

    Tour à tour servant de narcotique ou d’excitant, la musique n’en demeure pas moins un élément majeur de nos sociétés.

    La danse est partout aussi. Phénomène datant de 2003, les flash mobs (traduire « mobilisations éclaires ») consistent à rassembler tout un groupe de personnes – qui ne se connaissent pas forcément – dans un lieu public afin d’y effectuer des actions convenues d’avance, pour se disperser rapidement ensuite. Ces événements sont en général organisés via Internet et se déclinent en différents concepts (freeze parties/réunion gel, hugs free/câlins gratuits, pillow fight/bataille d’oreillers, no pants subway ride/prendre le métro sans pantalon, zombie walk/marche zombie…), dont la flash mob dance (ou dance party), qui consiste à exécuter une chorégraphie dans un lieu de rendez-vous, à date et heure fixées par les organisateurs. Les flashmobers se rencontrent juste avant pour répéter les pas de danse. Les lieux peuvent être insolites, comme la Pyramide du Louvre investie par cinquante danseurs du corps de ballet de l’Opéra de Paris accompagnés par trois cents personnes, le magasin Décathlon de Bailleul dans le département du Nord, réquisitionné par son personnel et une centaine de clients, comme extrêmement banals telles les rues de Chicago envahies par 20 000 flashmobers, lors du 24e anniversaire du show de la présentatrice américaine Oprah Winfrey, venus danser tous ensemble sur la chanson I Gotta Feeling des Black Eyed Peas… Les flash mobs sont essentiellement perçues comme le courant d’une culture alternative. Elles n’ont, pour la plupart, pas de buts précis (investissement associatif, publicité…) et se réalisent dans une démarche solidaire, histoire de casser la monotonie du quotidien. Ce phénomène mondial est en pleine émergence. Il s’est surtout accru après le décès de Michaël Jackson, qui mobilise encore beaucoup de flashmobers qui ne se lassent pas de danser n’importe où dans le monde sur Beat it.

    * * *

    Le chant et la danse jouent également un rôle sur la santé. En partant du fait que nous reconnaissons les bénéfices du chant et de la danse sur la psychologie de l’individu, de nouvelles thérapies ont vu le jour.

    Nous savons, grâce à la neuro-imagerie, que la mélodie et le rythme sont capables, dans certains cas, de régénérer les cellules neurologiques – donc les facultés intellectuelles – lorsqu’elles ont été altérées par un traumatisme, soit un accident, soit une maladie.

    C’est ainsi qu’on arrive aujourd’hui à traiter et soulager des patients avec la pratique du chant ou de la danse au sein d’un concept novateur : l’art-thérapie.

    La célèbre danseuse et chorégraphe Martha Graham a dit : « Il y a une vitalité, une force de vie, une énergie, un élan qui s’expriment en actions à travers vous. Et cette expression est unique, parce qu’il n’y aura jamais une personne identique à vous. Et si vous faites obstacle à cette expression, nul autre véhicule ne lui permettra d’exister… Le monde en sera privé. Ce n’est pas à vous de déterminer si elle est satisfaisante, valable ou si elle supporte la comparaison avec ce que d’autres expriment. C’est à vous de conserver à cette expression son authenticité et de maintenir le canal ouvert… »

    Datant de la fin du XIXe siècle, le chant-thérapie et la psychophonie vont aider le patient à mieux appréhender les épreuves qu’il subit. Que ce soit des traumatismes mentaux ou physiques, des chocs psychologiques, des stress, des problèmes de confiance en soi…, la thérapie par le chant va agir sur le bien-être du sujet. Le fait de chanter, donc d’apprendre à respirer et d’oser donner des sonorités intériorisées jusque-là à sa voix va permettre au Moi de se dévoiler. Le patient va prendre conscience de lui-même et, par là, va être en mesure de doser plus convenablement sa charge émotionnelle face aux situations vécues, et par conséquent, de mieux les vivre.

    La danse-thérapie, elle, commence à se développer aux États-Unis dans les années 1940, notamment par Marian Chace (1896-1970), professeur de danse, qui observe une relation entre la danse et la douleur. La danse devient alors un instrument thérapeutique qui agit sur un corps en souffrance. Elle va pousser son observation jusqu’à son développement : le fait de mettre un individu en situation de mouvement rythmé, improvisé ou non, permettra au corps de se laisser restructurer par une mouvance émotionnelle de l’esprit.

    Cependant, l’homme connaît déjà les prémices de la dansethérapie depuis longtemps, mais sous un autre nom et une autre forme : la transe. En Iran, par exemple, on se sert depuis très longtemps de la danse induite par de la musique pour exorciser une personne « malade », cela s’appelle l’exorcisme musical : on joue de la musique dans le but de faire entrer en transe l’exorcisé afin qu’il expulse l’esprit mauvais. Le sujet va se mettre à danser sous l’effet de la transe, et peu importe les mouvements puisqu’ici il est surtout question du pouvoir de guérison de la danse.

    Ces thérapies sont de plus en plus pratiquées et également très appréciées en développement personnel. Voilà qui ajoute une nouvelle corde aux arcs du chant et de la danse.

    * * *

    Cet ouvrage aura donc pour objectif de dresser un état des lieux de la position et de l’importance attribuées au chant et à la danse dans l’histoire de l’Homme. Nous le verrons souvent au cours de cet ouvrage, les chants et les danses étaient, à l’origine, majoritairement réservés au genre masculin. Nous essaierons de comprendre l’évolution du chant et de la danse et d’en faire un tour général, cependant sans avoir la prétention de ne rien omettre tant le sujet est vaste.

    Alors, dans un premier temps, nous parlerons du chant et de la danse comme outil de communication entre humains, mais aussi et avant tout avec les dieux. Car ce sont ces derniers qui en sont, pour beaucoup de civilisations, à l’origine.

    Puis nous verrons, dans un deuxième temps, que le chant et la danse sont, dans la plupart des cas, des héritages de rites et de traditions.

    Enfin, nous nous rapprocherons de notre époque moderne pour s’arrêter sur le chant et la danse comme activité artistique et expression culturelle.

    Le chant et la danse n’allant que très rarement sans la musique, celle-ci sera évoquée régulièrement tout au long de l’ouvrage.

    Bon voyage dans le temps et à travers le monde à vous, chères lectrices et chers lecteurs, qui faites certainement partie des 96 % de la population mondiale à être sensibles à la musique⁶.


    ¹ L’odologie est l’étude scientifique du chant au plan physiologique, acoustique et perceptif, élaboré par Nicole Scotto di Carlo, directeur de recherche au CNRS.

    ² Écouter de la musique est interdit dans certaines compétitions comme le marathon ou le triathlon, car considérée comme un dopant.

    ³ Auteur grec du IIe siècle.

    ⁴ « Le cerveau musicien », article de Farhad Manjoo, revue Books, n° 14.

    ⁵ « Le dangereux pouvoir de la musique », article de Richard Taruskin, revue Books, n° 14.

    ⁶ D’après les chercheurs, retenons que seulement 4 % de la population mondiale disent y être insensibles.

    Préface

    par Dorothée Gilbert, danseuse étoile de l’Opéra de Paris

    Pour certains, la danse est un passe-temps, un divertissement ; pour d’autres, c’est un sport ; pour d’autres encore, c’est un art ; pour moi, c’est une passion… Elle m’anime depuis l’âge de sept ans. À l’époque, je ne saurais dire ce qui m’a plu en elle ; si c’était l’harmonie entre le mouvement du corps et la musique ou le simple fait de se mouvoir rythmiquement dans l’espace. Plus tard, lorsque j’ai assisté à mon premier spectacle de danse, c’était le ballet Giselle qui était donné, j’ai compris que ce serait ma vocation.

    Il y avait comme une sorte de magie qui se dégageait du spectacle, ce n’était pas simplement un enchaînement de pas, comme je pouvais les apprendre dans mon cours de danse, c’était surtout des danseurs qui racontaient une histoire avec leur corps et leur âme.

    La danse est à la fois liée à la terre et au ciel. Le danseur recherchera tout au long de sa carrière à effacer visuellement l’attraction terrestre en se verticalisant, en s’élevant (et je pense évidemment à l’élévation sur pointe dans la technique féminine). Le danseur est conditionné par son propre corps, il devra essayer de s’en affranchir, de le dépasser, il sera en recherche perpétuelle d’une libération. Il devra, durant toute sa carrière, se remettre en question, rechercher les mystères que renferme cet art, traverser des périodes de doute, de grand questionnement à laquelle succéderont des périodes de joie profonde, d’enthousiasme et de sérénité.

    Il arrive de ressentir en scène une extraordinaire sensation. Comme une pulsion qui nous entraîne au-delà de nos possibilités et qui nous permet d’accéder à un dépassement total de soi, à un lâcher-prise. Nous sommes, à ce moment-là, comme suspendu entre ciel et terre. Nous oublions le travail, la technique, la remise en question, au bénéfice de l’histoire, de l’émotion et du moment présent.

    Un artiste, et plus particulièrement un danseur, ne peut se réaliser en tant que tel sans des règles établies, sans un apprentissage rigoureux de la technique. C’est par la répétition d’un même geste, dans une éternelle quête de perfection, que va s’inscrire la démarche du danseur. La technique maîtrisée ne se voit pas, elle devient naturelle. Le danseur qui s’exprime avec son corps a besoin de cette appropriation physique de la technique. Pour l’aider dans cette démarche, il y a, bien évidemment, la Tradition mais aussi la transmission. Grâce à cette mémoire en action, la danse développe un répertoire qui se transmet de générations en générations. C’est un patrimoine vivant, grâce aux danseurs, et en perpétuelle évolution. Cocteau disait : « la Tradition est ce qui, s’appuyant sur les certitudes du passé, évolue en permanence. »

    La musique, la poésie s’écoulent dans le temps ; les arts plastiques, l’architecture modèlent l’espace. Mais la danse, elle, vit à la fois dans l’espace et dans le temps. Le danseur se sert de son propre corps pour sculpter l’espace et rythmer le temps. La danse n’est pas seulement une vision esthétique, un dessin parfait décrit dans l’espace, mais c’est surtout une impulsion de l’esprit. La danse est un art libérateur qui élève l’Homme au-dessus de sa condition matérielle.

    Il faut beaucoup d’amour et de passion pour faire ce métier, car le danseur est un éternel insatisfait, toujours en quête de perfection. Il sait bien qu’il ne pourra jamais tricher, car la danse est un art qui demande une exigence de chaque instant dans l’exécution des mouvements. Mais lorsque nous vivons un moment de grâce en scène, on a le sentiment de toucher de près une force supérieure, et ce sentiment nous apporte une joie profonde. Notre vie prend ainsi tout son sens.

    Danser, c’est mettre son âme à nue, c’est un abandon de soi-même au profit d’un geste, d’un personnage, d’une musique. Notre corps tout entier reflète l’état de vibration dans lequel nous mettons notre âme. Notre âme, à ce moment-là, s’enrichit aussi bien des mouvements de notre corps, de la sensation de la musique qui nous enveloppe et nous envahit, de l’échange profond que nous partageons avec le partenaire, et enfin du personnage qui nous possède totalement. Nous donnons à voir au spectateur notre moi intérieur. Nous arrivons ainsi, au fil des spectacles, à mieux nous connaître nous-mêmes…

    L’émotion qui nous habite et que nous essayons de faire passer dans l’âme du spectateur ne s’explique pas. C’est une preuve de générosité, un don de soi. Le danseur décrit dans l’espace des mouvements nés de son intériorité, de son moi profond. Il dit avec son corps ce que les mots sont impuissants à formuler. Le message que le ballet transmet n’a pas besoin de traduction, c’est un langage universel. Il va à l’essentiel, droit au cœur, touchant l’âme de chacun, perçant son intimité.

    Grâce à la danse, le spectateur oublie son quotidien et monte (avec l’esprit) sur scène pour vivre les mêmes émotions que les artistes. Une fois le rideau fermé, il aura malgré tout en lui ces moments qui resteront inscrits dans son cœur. Le spectacle est vécu par le spectateur et les artistes comme un moment en dehors du temps, qui permet à chacun de s’évader du monde réel et de rêver.

    Pour moi, la danse est et restera éternelle.

    Chapitre premier

    La communication avec les dieux

    La communication avec les hommes

    Au tout début, l’homme est principalement caractérisé par la valeur travail. Son corps lui sert d’outil pour se nourrir, se vêtir et assurer la protection de son groupe. La distraction n’a pas sa place. La chasse et la cueillette prennent tout leur temps aux hommes quand la confection d’habits et la préparation des repas prennent tout leur temps aux femmes. Seules leurs progénitures peuvent s’adonner à leurs loisirs, et encore, peu de temps, car l’enfance avançant, les jeunes sont vite prédisposés à emboîter le pas de leurs parents : les jeunes hommes apprennent l’art de la chasse avec leurs aînés, et les jeunes filles sont invitées à préserver l’équilibre social et familial au sein du groupe.

    Jusqu’au moment où l’homme préhistorique, nous disent les études anthropologiques, a mis en place un rituel qui consistait à mettre son corps en mouvement selon une rythmique bien définie, traduisant, en fait, un mode de communication avec le Ciel. Le chant et la danse comme marques de vénération en échange d’une protection, voilà comment tout commença.

    I. Des disciplines ancestrales : le chant et la danse dans l’Antiquité

    Des vestiges d’hommes et de femmes chantant et dansant sont arrivés jusqu’à notre époque. Témoins de sociétés codifiées, les civilisations anciennes utilisaient le chant et la danse dans le cadre de coutumes.

    Nous allons ici nous replonger des siècles en arrière afin de découvrir comment dansaient les Grecs, les Égyptiens, les Étrusques et nos ancêtres les Celtes, grâce aux peintures, sculptures et gravures retrouvées sur différents sites. Et nous verrons que ces pratiques avaient déjà pris naissance dans les mythologies.

    1. La mythologie, grande inspiratrice artistique

    Les civilisations anciennes conservèrent le chant et la danse hérités des temps primitifs et continuèrent à les élaborer. Les mythologies font souvent référence à des épisodes de chant et de danse. Prenons pour exemple la mythologie grecque, riche en scènes de chants et de danses, notamment celles où Ulysse est attiré par le chant des Sirènes, ou encore celui où Orphée tente de libérer son épouse des Enfers et de l’effroyable Cerbère par son chant.

    Dans L’Iliade et l’Odyssée, Homère⁷ consacre une scène au chant des Sirènes.

    « Ils n’atteignirent que trop tôt le premier des dangers contre lesquels on les avait mis en garde : c’était l’île des Sirènes, dont les chants ensorcelaient les hommes. Elles étaient assises près du rivage, entourées des ossements des hommes que leurs chants avaient attirés à la

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