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Salamoéna, le pouvoir suprême: Saga fantasy
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Salamoéna, le pouvoir suprême: Saga fantasy
Livre électronique523 pages7 heures

Salamoéna, le pouvoir suprême: Saga fantasy

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À propos de ce livre électronique

Alors que la guerre menace, les dragons doivent unir leurs forces...

Au cœur des prisons de la Cité d’Iris, Gerremi apprend qu’il est le porteur de Salamoéna, un pouvoir Dragon ancien qui peut rivaliser avec celui des Trophées Divins, désormais aux mains de Morner. Sa maîtrise du Feu et de l’Eau, deux éléments contraires, en est la marque. Pour contrer l’avancée maléfique du royaume ennemi, il devra rejoindre les quatre autres héritiers de Salamoéna et apprendre à développer le don mystérieux que les Dieux ont enfoui en lui à sa naissance.
À l’aube de la guerre qui plongera l’Empire d’Hesmon et les royaumes libres de la Terre des Mondes dans les flammes, les cinq Dragons Suprêmes devront faire preuve de persévérance mais surtout d’entraide. L’appel du devoir aura-t-il raison de leurs différences ?

Après l’Artéfact d’Hesmon, poursuivez votre aventure en Terre des Mondes avec ce second volume !

EXTRAIT

Le soir tombait sur la cité d’Iris. À travers les minces barreaux de sa cellule, Gerremi pouvait apercevoir la douce lumière orangée des derniers rayons de soleil descendre sur les murs gris de la pièce, égayant quelque peu l’atmosphère humide et lugubre de la prison.
Une douce brise, vent d’espoir au beau milieu des ténèbres lui caressa le visage. Il huma longuement cet air frais, empreint de liberté, tout en pensant à la vie qu’il menait quelques semaines plus tôt. Une vie normale pour un étudiant de son âge, ponctuée par le travail et les études. Enfin, presque ordinaire, car Gerremi était tout sauf un étudiant traditionnel. Il était ce que l’on nomme dans son empire un Dragon, c'est-à-dire un Homme capable d’utiliser les forces de la Nature pour se battre.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Violaine Bruder est née à Angers le 27 octobre 1992 et a grandi en Bretagne. Elle réside actuellement en Seine et Marne. Passionnée depuis toujours de lecture et d’écriture, la Prophétie de la Terre des mondes est sa première trilogie publiée.
LangueFrançais
Date de sortie28 mars 2018
ISBN9782374641249
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    Aperçu du livre

    Salamoéna, le pouvoir suprême - Violaine Bruder

    Partie I

    Chapitre 1

    Le Dragon Suprême

    Le soir tombait sur la cité d’Iris. À travers les minces barreaux de sa cellule, Gerremi pouvait apercevoir la douce lumière orangée des derniers rayons de soleil descendre sur les murs gris de la pièce, égayant quelque peu l’atmosphère humide et lugubre de la prison.

    Une douce brise, vent d’espoir au beau milieu des ténèbres lui caressa le visage. Il huma longuement cet air frais, empreint de liberté, tout en pensant à la vie qu’il menait quelques semaines plus tôt. Une vie normale pour un étudiant de son âge, ponctuée par le travail et les études. Enfin, presque ordinaire, car Gerremi était tout sauf un étudiant traditionnel. Il était ce que l’on nomme dans son empire un Dragon, c'est-à-dire un Homme capable d’utiliser les forces de la Nature pour se battre. Selon la légende, les Dieux eux-mêmes auraient confié ces pouvoirs à certains Humains, réincarnant en eux la noblesse des dragons animaux de l’ancien temps.

    Mais outre ses dons exceptionnels, ce qui différenciait un Dragon humain d’un Homme ordinaire était le tatouage de lézard ailé qu’il portait sur l’épaule. Comme tous les jeunes gens porteurs de cette marque, le jour de ses dix-huit ans, Gerremi avait été inscrit dans la prestigieuse École Edselor où son année scolaire avait pris une tournure toute particulière. Les cours n’avaient pas été son unique difficulté. Le jeune Dragon avait eu affaire, à plusieurs reprises, à des espions Mornéens envoyés dans l’Empire d’Hesmon pour lui dérober le Trophée de Clairvoyance. Un présent divin qui conférait au pays qui en faisait l’usage la capacité d’anticiper tous les plans de ses ennemis.

    Durant une année entière, Gerremi et ses amis s’étaient donnés pour mission de protéger l’arme de leur Empire mais ils avaient lamentablement échoué. L’ultime bataille que Gerremi avait livré contre les Mornéens dans la salle du Trophée s’était soldée par un échec. Les ennemis s’étaient emparés de l’arme hesmonnoise et les avaient capturés, lui et son ami Hugues.

    Une chose était sûre : si personne n’empêchait Morner d’activer le dernier Trophée, la Terre des Mondes serait perdue pour de bon, dévorée par la rage des flammes mornéennes.

    Une larme solitaire roula sur la joue de Gerremi. Si seulement il s’était montré moins arrogant quelques mois plus tôt, il serait probablement en compagnie de sa famille et de ses amis à l’heure qu’il était.

    Cela faisait à peine une semaine que le jeune Dragon était retenu prisonnier mais la douleur avait déjà eu raison de lui. Les fers qui retenaient ses pieds au mur et liaient ses mains entre elles étaient beaucoup trop serrés et meurtrissaient sa chair. Des plaies et des brûlures étaient apparues tout autour des menottes et, compte tenu de l’état déplorable de la prison, Gerremi craignait qu’elles puissent s’infecter.

    L’odeur nauséabonde qui régnait sur l’ensemble de la cellule n’arrangeait en rien leur condition de vie misérable.

    Chaque soir, l’ombre de la maladie les guettait d’avantage, attendant que ses victimes soient trop faibles pour embrasser leur chair.

    Lorsque le dernier rayon de soleil se perdit dans l’immensité du ciel, loin derrière les barreaux de la prison, un froid mordant telle la lame d’un poignard, vint s’abattre sur les prisonniers, les plongeant dans un abîme glacial.

    En face de Gerremi, assis sur une misérable paillasse moisie par l’humidité et soigneusement enchaîné, se tenait Jestyn Uléry, un professeur d’Alchimie à l’École Edselor. Lui aussi avait été arrêté pour s’être opposé à Morner mais bien avant Gerremi. Le jeune Dragon ignorait depuis combien de temps son professeur croupissait dans les cachots d’Iris mais il pouvait constater les ravages que la prison avait commis sur sa personne. L’homme éclatant qu’il était naguère avait laissé place à un être éteint et renfrogné. La lumière qui semblait le suivre partout où il passait avait cessé d’illuminer sa beauté. Ses cheveux blonds et sa peau mate, habituellement gorgés de soleil, étaient ternis par la saleté, son corps était décharné et même ses yeux chaleureux et assurés ne reflétaient plus que l’ombre de sa personne.

    À en juger les cicatrices et les ecchymoses qu’il portait au visage, on pouvait se douter qu’il avait été torturé par ses ennemis en échange de quelques informations concernant son empire.

    En le regardant ainsi défait, Gerremi ne put refouler le sentiment de culpabilité qui l’habitait. Durant toute l’année précédente, il avait soupçonné Messire Uléry de traîtrise envers l’Empire, l’accusant à tort de vouloir s’emparer du Trophée de Clairvoyance pour le livrer à Morner. À cause de ses accusations, les espions de Morner avaient eu vent des agissements du professeur d’Alchimie, visant à protéger l’Empire. Ils avaient réussi à l’attraper et, à présent, à cause de mauvais soupçons, le professeur était loin de son école et de ses proches, condamné à la torture et à la souffrance. Une chose était certaine : jamais Gerremi ne se pardonnerait son erreur.

    À droite du professeur, enchaîné sur une paillasse similaire, Hugues ne cessait de fixer le sol. Son visage juvénile était inondé de larmes. Il n’avait pas prononcé un seul mot depuis qu’on l’avait amené dans sa cellule et évitait soigneusement tout contact visuel avec les autres prisonniers. Lui aussi nourrissait un sentiment de culpabilité pour avoir permis à Morner de s’emparer du Trophée. Lors de la bataille dans les sous-sols d’Edselor, sous la menace de ses ennemis, il n’avait eu d’autre choix que de les aider à s’emparer de l’arme Hesmonnoise. Il s’était malgré tout racheté en combattant vaillamment les Mornéens, même si tous les efforts qu’il avait déployés s’étaient montrés vains. Malgré tout ce que Gerremi avait pu dire pour lui remonter le moral, Hugues ne pouvait évincer la honte qui le rongeait.

    La quatrième personne qui occupait leur cellule était aussi un citoyen de l’empire d’Hesmon. Un homme que Gerremi ne connaissait que trop bien pour avoir été son camarade de classe et son ennemi. Stève Or’cannion s’était également retrouvé dans la salle du Trophée le soir de son larcin, mais par pur hasard. Il avait tout de suite été choisi comme cible par les Mornnéens et emmené captif dans la Cité d’Iris. En tant que fils d’un grand seigneur de l’Empire, sa famille serait probablement prête à payer très cher pour le revoir vivant.

    Habituellement fanfaron et dédaigneux, Stève n’était à présent que l’ombre de lui-même.

    Consumé par la peur, le nombre incalculable de pouvoirs qu’il avait tenté d’utiliser pour briser ses fers au cours de ses premiers jours d’emprisonnement l’avaient vidé de toutes ses forces. Si Messire Uléry ne l’avait pas empêché de lancer plus d’attaques en lui expliquant pour la énième fois que leurs menottes étaient ensorcelées contre les Mages et les Dragons, que plus ils lançaient de sorts, plus elles absorbaient leur énergie ; il serait probablement mort à l’heure qu’il était. La maladie, la faim et la soif auraient eu raison de son corps affaibli.

    Depuis la remarque de son professeur, Stève était devenu muet et léthargique.

    Gerremi se tourna et se retourna sur lui-même, essayant de trouver une position qui ne soit pas trop inconfortable pour dormir, mais c’était peine perdue. Ses membres étaient sans cesse tiraillés par la pression des fers sur sa peau. En voulant se décaler vers la droite – là où la paille était légèrement plus épaisse, il tira un peu trop fort sur son bras gauche, qui émit un craquement sonore. Une grimace de douleur s’étala sur son visage, suivie d’un glapissement de chien battu, qui tira aussitôt Hugues de ses rêveries.

    — Qu’est-ce qui se passe ? hurla-t-il.

    — Ce n’est rien, Hugues, maugréa Gerremi, juste une douleur dans le bras gauche.

    Le jeune paysan regarda autour de lui avant de se recroqueviller de nouveau sur lui-même, comme pour se protéger de la dure réalité. Un reniflement sonore indiqua au jeune Dragon que son ami avait recommencé à pleurer.

    — Ne t’inquiète pas, lui glissa-t-il, l’Empire va nous envoyer des secours. J’ai réussi à entrer en contact avec Enendel grâce à mon troisième signe. Je lui ai dit de prévenir la directrice, elle fera tout pour nous sortir de là. Et puis je sais que Séléna parviendra à convaincre des hommes de venir nous libérer. Il faut que tu gardes espoir et que tu sois fort, tout n’est plus qu’une question de temps.

    Hugues acquiesça sans grande conviction. Même si une partie de son âme voulait croire aux paroles réconfortantes de Gerremi, il savait, au fond de lui-même, que personne ne viendrait de sitôt. Ou pire encore… son ami était entré en contact télépathique avec Enendel quelques jours plus tôt. À tous les coups, celui-ci était déjà en route pour venir les libérer accompagné d’Alissa, d’Erenor et de Séléna. Si le jeune homme avait trouvé cette idée brillante au départ, il avait complètement changé d’avis : pénétrer à Iris serait la dernière erreur que ses amis commettraient.

    Hugues jeta un bref coup d’œil à Messire Uléry. À en juger la façon dont il foudroyait Gerremi du regard, il pensait exactement à la même chose.

    Le fils Téjar s’efforça de soutenir le regard de son professeur pour lui montrer qu’il ne partageait en rien son point de vue. Lui aussi craignait que ses amis viennent eux-mêmes le délivrer mais son message télépathique avait été très clair : il leur avait clairement ordonné de rester dans l’empire et de se contenter d’envoyer des alliés pour les sauver. Si Enendel avait un tant soit peu de bon sens – ce dont Gerremi ne doutait pas –, il saurait qu’un voyage dans la cité d’Iris pourrait leur être fatal. Et puis, il y avait Séléna, la fille de l’Empereur, jamais le jeune Elfe ne pourrait se permettre de lui faire courir le moindre risque.

    Lorsque la nuit tomba sur la cellule glaciale, les prisonniers eurent droit à de la visite.

    — L’heure du repas !

    Un gant d’acier souleva une petite trappe dessinée dans le bois de la porte et fit glisser à l’intérieur un maigre plateau sur lequel étaient disposés quatre bols remplis de bouillie jaunâtre, un pichet d’eau et quatre miches de pains de la taille d’une main d’enfant. Un repas bien trop maigre pour soulager la douleur de la faim.

    Messire Uléry, situé le plus près de l’entrée attrapa le plateau en prenant soin de ne rien reverser et donna un bol et une miche de pain à chaque prisonnier.

    Lorsqu’il découvrit le contenu de son assiette, Gerremi eut un mouvement de recul, puis une grimace de dégoût s’étendit sur son visage. L’épaisse pâte jaune, qui semblait être de la purée, était parsemée de morceaux de viande faisandée. De temps à autre, on pouvait apercevoir de petits corps bruns que le jeune Dragon identifia, avec horreur, comme des cafards.

    La cuisine semblait s’être surpassée aujourd’hui. Le plat paraissait encore moins appétissant que les bouillies qu’ils avaient l’habitude de leur servir.

    Malgré l’aspect repoussant de la mixture, l’estomac de Gerremi cria famine et il se força à avaler le contenu de son bol. Le goût amer provoqué par la viande et les cafards était infâme mais le jeune homme savait que s’il ne mangeait rien, il garderait l’estomac vide jusqu’au lendemain soir et finirait sûrement par mourir de froid dans le courant de la nuit.

    — Quel repas immonde, se plaignit Stève, même dans les prisons de notre empire on ne traite pas les prisonniers de cette façon ! Jamais je n’aurais imaginé être obligé de manger un repas qu’on ne donnerait même pas à des chiens. Tu as de la chance Hugues, cela ne doit pas te changer de d’habitude.

    Tous les yeux se braquèrent sur lui. C’était la première fois qu’il prononçait un mot depuis quatre jours mais ces simples paroles suffirent à irriter l’ensemble de la cellule. Au moins, permirent-ils à Hugues de sortir de sa torpeur.

    — Retire ce que tu as dit, bâtard ! hurla-t-il.

    Un ricanement sonore se fit entendre dans la cellule et Stève rétorqua d’une voix mauvaise :

    — Je ne fais que souligner la vérité, mon cher paysan.

    Un cliquetis de chaînes indiqua qu’Hugues tentait de se débattre férocement pour envoyer un coup de pied vers son ennemi.

    — Tais-toi ! Sinon je te jure que si on sort d’ici je te tue !

    — Vraiment ? Tu crois que, toi, un paysan de bas étage pourrait me battre ? Laisse-moi rire ! Et même si tu y arrivais, tu aurais à répondre de tes actes devant mon père. Je tiens à vous rappeler qu’il est l’Intendant de la cité d’Ornégat et un ami personnel de la famille impériale…

    — Silence !

    Tout le monde sursauta au son de cette voix rauque, abîmée mais remplie d’autorité et de fermeté. Messire Uléry venait de se lever sur sa paillasse. Gerremi put alors constater à quel point son séjour en prison l’avait affaibli. Il avait les jambes frêles et peu habiles, ses vêtements maculés de crasse pendaient misérablement sur son corps rachitique.

    — Je ne veux plus vous entendre vous disputer ! Nous sommes tous les quatre des citoyens d’Hesmon, nous sommes du même peuple. Ce sont les Mornéens que nous combattons et si nous voulons avoir une chance de leur résister, nous devons nous entraider. Alors maintenant vous allez vous taire et faire équipe, autrement c’est la mort assurée !

    Tout le monde se tut, laissant planer un silence pesant sur l’ensemble de la cellule. Stève baissa le regard et plongea ses mains dans l’affreuse bouillie jaunâtre pour la porter à sa bouche.

    Personne ne prononça un mot durant tout le reste de la soirée, ni même au cours de la nuit. Aucun prisonnier ne prêta non plus attention au petit groupe de rats venu manger les restes du repas de la veille. Tous avaient appris à s’habituer à la présence des rongeurs, qui faisaient partie du paysage quotidien de la prison.

    Le lendemain matin, la pièce lugubre se réveilla à la lueur des premiers rayons de soleil. Comme d’habitude, tous avaient passé une nuit épouvantable sur leurs paillasses crasseuses. Gerremi avait les muscles assaillis par les courbatures, sans parler de l’odeur nauséabonde qui s’échappait de ses habits poisseux. Cela faisait maintenant cinq jours qu’il n’avait pas eu l’occasion de se laver ou d’enlever ses vêtements et il était contraint d’assister, impuissant, à l’amoncellement de la crasse sur son corps.

    Aux alentours de midi, lorsque le soleil réchauffa considérablement la cellule, on vint tambouriner à leur porte. Quatre soldats vêtus d’une épaisse cuirasse sur laquelle était gravé un cerf, entrèrent. Leur casque laissait entrevoir un regard fourbe et méprisant, qui ne présageait rien de bon.

    Le plus grand des soldats s’avança vers Gerremi et lui enleva ses chaînes. Aussitôt, les trois autres pointèrent leurs épées vers le jeune Dragon.

    — Avance ! Notre bourreau meurt d’envie de faire ta connaissance.

    Un frisson parcouru l’échine de Gerremi lorsqu’il entendit le mot « bourreau » et ses jambes flageolantes devinrent aussi lourdes que du plomb, comme si elles refusaient de mener leur porteur à une torture certaine. Cependant, un puissant coup de pied porté sur son séant le força à poursuivre son chemin.

    Il s’apprêtait à franchir le seuil de sa cellule lorsqu’un violent cliquetis de chaînes résonna en écho contre les murs poisseux.

    Messire Uléry se tenait debout sur sa paillasse, le visage empourpré de colère.

    — Laissez-le tranquille ! Ce n’est qu’un adolescent de dix-huit ans. Il ne sait rien du tout à propos de notre Empire ! Il ne vous sera d’aucune utilité. Je vous en prie, ne l’emmenez pas à l’interrogatoire, vous n’en tirerez rien.

    — Silence ! hurla un soldat en frappant violemment la tempe du professeur avec le plat de son épée.

    Messire Uléry poussa un cri de douleur et s’effondra sur sa paillasse. Un filet de sang apparut au niveau de l’impact et se déversa sur son visage.

    En voyant son professeur s’affaisser, Hugues poussa un glapissement et Stève se mit à pleurer de terreur. Gerremi, pour sa part, était paralysé de la tête aux pieds. Rapidement, l’air manqua à ses poumons, son cœur s’emballa et une panique incontrôlable s’empara de son esprit.

    « Je vais mourir », songea-t-il avec terreur.

    Un coup de pied porté dans son dos l’arracha à sa crise de tétanie et le fit tomber en avant. Gerremi respira à s’en décrocher le diaphragme tandis qu’une douleur intense se répercutait en écho dans tout son corps.

    Sans même lui laisser le temps de se remettre de ses émotions, un soldat l’attrapa par les cheveux et le remit debout violemment.

    — Avance !

    Gerremi et ses geôliers parcoururent un dédale de couloirs humides jusqu’à atteindre un escalier de pierre menant directement à une lourde porte cloutée.

    Le jeune Dragon eut un haut le cœur. Il pouvait presque sentir l’odeur du sang et de chair putréfiée à travers le panneau. Il dut faire un effort considérable pour ne pas recracher le maigre repas de la veille.

    Il savait pertinemment que dans quelques secondes, il vivrait sans doute les pires instants de sa vie et ce sentiment l’oppressa jusqu’au plus profond de son être. Il pensa un instant à tous les romans d’aventures qu’il avait lus, dans lesquels les héros enduraient maintes tortures en échange de précieuses informations concernant leurs missions. À chaque fois ces êtres de fictions souffraient avec courage et dignité et ils parvenaient toujours à garder le silence, malgré tout le mal qu’ils subissaient. Gerremi se demanda s’il saurait lui aussi résister à ses bourreaux ou s’il leur révèlerait tout ce qu’il savait dès les premières douleurs.

    Lorsque la porte s’ouvrit, le jeune Dragon crut qu’il allait défaillir. De toute sa vie, il n’avait jamais eu l’occasion de pénétrer dans un lieu aussi terrifiant.

    Il se trouvait dans une grande salle rectangulaire aux murs badigeonnés de sang contre lesquels on avait installé une dizaine de tables couvertes d’outils en tous genres : des ciseaux, des couteaux, des pinces métalliques…

    Au fond de la pièce, à côté d’une énorme cheminée, on pouvait apercevoir une machine composée de plaques métalliques articulées par une manivelle. Le jeune Dragon comprit avec horreur qu’elle servait à écarteler les prisonniers. Non loin de la machine, se tenait un homme encagoulé, occupé à astiquer une petite pince de fer.

    Lorsqu’il se rendit compte qu’une nouvelle victime venait d’arriver, le tortionnaire abandonna son objet et s’avança vers Gerremi en se frottant les mains.

    Le jeune Dragon put alors constater à quel point son bourreau était terrifiant. Sa cagoule lui cachait la moitié supérieure du visage et laissait entrevoir deux petits yeux brillants et un large sourire. De toute évidence, rien ne pouvait lui faire plus plaisir que de torturer de nouvelles victimes.

    Il empoigna Gerremi d’un coup sec et le força à s’asseoir sur une chaise, placée stratégiquement devant une table sur laquelle était allongé un homme aux habits déchirés.

    En regardant plus attentivement le meuble, le jeune Dragon remarqua qu’il ne s’agissait en rien d’une table ordinaire. Quatre rouleaux d’acier, munis de petites piques, avaient été installés dans le sens de la largeur pour déchirer à différents endroits la chair de la personne allongée dessus.

    Lorsque le regard de Gerremi s’arrêta sur la tête du torturé, il ne put s’empêcher de hurler. La partie inférieure de son visage était complètement disloquée, sa peau avait été étirée à un tel point qu’elle était maintenant à vif. On pouvait y discerner chaque muscle et chaque veine. La mâchoire de l’homme pendait mollement sur son cou, lui laissant la bouche constamment grande ouverte. Si le corps de la personne en question n’était pas empreint de spasmes, Gerremi aurait pu penser qu’il était mort.

    Le jeune Dragon ferma automatiquement les yeux pour chasser le spectacle abominable de son champ de vision mais une violente tape portée dans son dos le força à les rouvrir.

    — Je suis content que le spectacle te plaise, ricana le bourreau, j’aime donner aux nouveaux venus un avant-goût de ce qui les attend… surtout si, comme cet homme, ils ne se montrent pas très bavards.

    Il s’approcha du présentoir à outils et attrapa un instrument composé de deux planches de bois serties de longs clous. Quatre vis permettaient d’écarter ou de rapprocher les morceaux cloutés.

    — Ce jouet est l’un de mes préférés, roucoula le bourreau en caressant du bout des doigts son immonde engin, sais-tu ce que c’est ? Non ? Cet instrument s’appelle le broyeur d’articulations. Je l’utilise principalement pour briser les coudes, les genoux et parfois les chevilles. Je commence toujours par les pieds pour remonter vers les bras.

    Le corps de l’homme se mit à trembler de toutes parts lorsque son pied gauche entra en contact avec l’objet. Il tenta de se débattre furieusement mais ne fit qu’aggraver sa douleur à mesure que les pics de la table lui lacéraient le dos.

    — Regarde bien, ajouta le tortionnaire à l’attention de Gerremi, c’est le moment que je préfère…

    Il actionna les vis et les plaques de bois se resserrèrent instantanément sur le pied. Un horrible craquement se fit entendre lorsque les clous vinrent briser la cheville du prisonnier. Du sang gicla de son membre broyé, aspergeant Gerremi.

    Les yeux de l’homme se révulsèrent et sa bouche mutilée se tordit en un affreux rictus. Le supplicié hurlait de toutes les forces qu’il lui restait.

    — Quel doux bruit…, roucoula le bourreau.

    Gerremi ne put se retenir de vomir. Sa bile lui arracha la trachée et se déversa sur son torse.

    Les murs eux-mêmes semblèrent trembler devant ce spectacle diabolique et répugnant.

    Le jeune Dragon ferma les yeux mais un violent coup de poing porté dans son ventre – qui le fit vomir à nouveau – le força à les rouvrir.

    — Le spectacle t’a plu ? Alors maintenant c’est à toi d’entrer en scène. Nous allons commencer doucement… que dirais-tu de goûter à ce que je nomme le « chant de la sirène » ?

    À ces mots, le cœur de Gerremi doubla la cadence. L’image de l’homme aux articulations broyées hanta son esprit et il ne put se retenir de gémir.

    Le bourreau fit signe à deux gardes de raccompagner le criminel défiguré à sa cellule. Comme l’homme ne pouvait plus marcher, ils durent le porter.

    En regardant Gerremi trembler de tous ses membres, son tortionnaire esquissa un large sourire. Visiblement, il se délectait de la peur de sa victime. Il empoigna le jeune Dragon et le tira d’un coup sec jusqu’à une bassine remplie d’eau. Il l’agenouilla, et, avant même que Gerremi n’ait eu le temps de gémir, il lui plongea la tête dans une eau si glaciale que sa peau sembla s’enflammer. Le jeune Dragon tenta de se débattre de toutes ses forces mais la pression que maintenait l’homme sur son crâne lui empêchait tout mouvement.

    Au bout de quelques secondes interminables, pendant lesquelles Gerremi crut qu’il allait mourir, le tortionnaire lui releva brutalement la tête. Le jeune Dragon respira à s’en décrocher les poumons.

    — Ça te plaît ? Très bien… voici ce que nous allons faire. Je vais te poser des questions auxquelles je veux des réponses. Si tu me réponds, l’interrogatoire se déroulera normalement, sans qu’il ne t’arrive quoi que ce soit. Tu pourras même retourner pleurer ta maman dans ta cellule. Mais si tu refuses de parler, je te donnerai un bain que tes poumons ne seront pas près d’oublier.

    Comme pour illustrer ses propos, il replongea la tête de Gerremi dans l’eau glaciale, puis la ressortit aussitôt.

    — Dis-moi ce qu’a prévu ton Empereur vis-à-vis de Morner. Je sais qu’il prépare ses défenses dans la cité de Blovor mais a-t-il d’autres plans en tête ?

    — Je ne sais pas, balbutia Gerremi, je ne suis qu’un jeune hesmonnois qui vient d’un petit village de l’Empire. Je ne sais absolument rien des plans de mon Empereur.

    — Mauvaise réponse, siffla l’homme.

    Pour la troisième fois, la tête de Gerremi plongea dans la bassine. Elle ne ressortit que trente secondes plus tard, lorsque le Dragon commença à suffoquer.

    — On m’a dit que tu étais un petit Dragon et un ami de la Princesse Séléna. Tu as bien plus d’informations que cela. Du moins, je l’espère pour toi, car seul quelque chose d’intéressant me pousserait à être plus gentil avec toi.

    — Tout ce que je sais, lâcha Gerremi, la voix nouée, c’est que mon Empereur attend les troupes mornéennes à Blovor et qu’il doit être désespéré suite au vol du Trophée de Clairvoyance, peut-être qu’il va tenter de le récupérer en envoyant des espions… Je l’ignore, je ne sais rien de ses projets. Croyez-moi, je vous en prie.

    Mais le bourreau semblait ne rien vouloir entendre. Il lui plongea à nouveau la tête dans la bassine. Encore une fois, Gerremi sentit l’eau glacée pénétrer jusqu’au plus profond de son âme, lui gelant le cerveau, puis le souffle lui manqua très rapidement. Si bien qu’il crut s’évanouir. Au moment où les muscles de sa mâchoire se relâchaient tout seuls pour tenter d’aspirer l’air qui lui manquait, le tortionnaire lui retira la tête de la bassine. Gerremi toussa en régurgitant des filets d’eau. Il tenta de reprendre son souffle, tant bien que mal avant que l’enfer ne recommence, mais, à son grand étonnement, le bourreau le lâcha et s’éloigna en direction de la porte.

    Ne cherchant pas à comprendre pourquoi, le jeune Dragon en profita pour respirer normalement. Son corps entier le brûlait, aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur et il n’arrivait plus à stopper les tremblements de son corps. Sa gorge, irritée, était aussi sèche que le soleil du mois de Lalize. Il avait besoin de boire, de soulager cette douleur lancinante.

    Lorsqu’il tourna la tête vers le tortionnaire, Gerremi sentit son estomac se retourner et la terreur grandir en lui. Le bourreau parlait avec un homme qui hantait ses rêves depuis une semaine. Une longue barbe blanche, effilée sur l’extrémité semblait prolonger son visage de craie. Ses cheveux étaient tout aussi longs et grisonnants par endroits. Il portait une longue cape rouge et un bâton blanc dans sa main droite. Un homme que Gerremi ne connaissait que trop bien pour l’avoir combattu alors qu’il tentait de s’emparer du Trophée de clairvoyance. Il se nommait Esalbar, Mage personnel d’Isiltor. C’était lui qui avait causé leur défaite et qui les avait amenés ici même, avec Hugues, dans la Cité d’Iris, pour qu’ils y soient emprisonnés et torturés.

    Après avoir passé une dizaine de minutes à discuter, les deux hommes s’avancèrent vers Gerremi qui se mit à trembler comme une feuille.

    Esalbar esquissa un sourire, puis appliqua la pointe de son bâton dans le cou du jeune homme. Une sensation de brûlure s’insinua alors dans son corps, comme si une centaine de flammes le rongeaient de l’intérieur, détruisant la totalité de ses organes. Gerremi poussa un cri étouffé et le mage relâcha aussitôt son maléfice.

    — C’est une chance que je sois arrivé, Gerremi, je crois que le bourreau avait décidé de vous tuer, vous n’avez pas dû vous montrer très bavard, je me trompe ?

    Gerremi tenta tant bien que mal de soutenir son regard mais un violent soubresaut saisit son corps et le contraignit à regarder ses genoux.

    — Vous êtes un Dragon précieux, lança Esalbar d’un ton dégagé, j’espère que vous le savez ? Vous tuer aurait été une grave erreur. Vos pouvoirs dépassent de loin ceux de tous les autres étudiants de votre âge et mon Roi est intrigué par votre potentiel. Il vous veut vivant et entier, il a de nombreux projets pour vous. Vous devriez lui en être reconnaissant… Vous serez l’arme, l’objet d’attaque de Morner.

    — Que voulez-vous dire ? balbutia Gerremi qui sentait une peur incontrôlable s’emparer de ses entrailles.

    Esalbar approcha sa tête du jeune homme, si près que leurs nez se frôlèrent. Il le regarda droit dans les yeux, une lueur démoniaque brillant dans son regard d’acier.

    — Je suis sûr que vous savez ce qu’attend le Roi Isiltor de vous et de vos pouvoirs Dragon…

    Gerremi tourna la tête pour ne plus sentir le visage de son ennemi caresser sa peau.

    — Je ne vois pas de quoi vous voulez parler.

    Le mage Mornéen sembla réfléchir un instant, un sourire suspendu à ses lèvres.

    — Personne ne vous a jamais parlé de Salamoéna et de ses cinq héritiers dans votre école de bons à rien ? Les Dragons les plus puissants que le monde n’ait jamais connus, les cinq Hommes capables de rivaliser avec le pouvoir des Deux Trophées…

    Gerremi fit non de la tête. Il n’avait jamais entendu parler d’un tel nom et il ne pensait même pas avoir des pouvoirs Dragons exceptionnels. Autrement, pourquoi n’avait-il pas réussi à échapper aux Mornéens ?

    — Je pense que vous vous trompez sur mon compte, se défendit-il, tout d’abord je ne sais même pas de quel pouvoir vous parlez mais en plus je n’ai jamais eu de talent particulier dans les disciplines Dragon, mon amie Alissa a de bien meilleurs résultats…

    — Silence ! le coupa Esalbar le giflant, puisque vous prétendez ne rien savoir, je vais vous éclairer sur le sujet et ensuite nous en discuterons.

    Le mage regarda tour à tour Gerremi et la bassine remplie d’eau glacée. Le jeune Dragon comprit aussitôt que la « discussion » allait être une nouvelle épreuve à endurer. Son cœur se serra et ses membres se remirent à trembler. Sa peau n’avait pas oublié le contact de l’eau glacée et ses poumons se souvenaient encore d’avoir manqué d’air. Esalbar s’éclaircit la gorge et commença son récit :

    — Comme pour les deux Trophées divins — celui de Clairvoyance et celui de Destruction —, le pouvoir que vous possédez, nommé « Salamoéna » ou « pouvoir Suprême » en langue commune, a été créé sous l’Ère première grâce aux Déités primaires : l’Eau, la Terre, le Feu et l’Air. Détenu par cinq Dragons de signes inverses, comme vous avec le Feu et l’Eau, il était le seul à pouvoir s’opposer à la puissance des deux Trophées combinés. Il avait pour but d’empêcher tout pays de s’approprier leur pouvoir. Mais, sous l’Ère Seconde, le Royaume de Morner, grâce à sa force, a tout de même réussi à s’en emparer. Nous avons tué quatre des détenteurs de Salamoéna et nous en avons rallié un à notre cause. Le Pouvoir des Cinq était brisé, plus personne ne pouvait nous empêcher d’atteindre notre but. Nous pensions que notre Armée était fin prête à envahir le monde mais, comme vous le savez, nous avons été trahis. Le vol du Trophée de Clairvoyance par votre peuple nous a empêché de dominer la Terre des Mondes. Aujourd’hui, nous allons rattraper le temps perdu et enfin achever notre noble tâche. Malheureusement, une ombre se dessine dans le tableau de mon Roi. Il semblerait que Salamoéna ait refait surface et que je tienne un de ses héritiers dans mes filets.

    Il caressa doucement le visage de Gerremi tout en lui murmurant :

    — Vous êtes si précieux, si puissant et pourtant si faible… je pourrais vous réduire à néant en un clin d’œil. Mais vous avez bien trop de valeur aux yeux de mon Roi. Tout comme votre Princesse.

    « Oui mon garçon, en tant que Dragons de signes inverses, vous et la fille d’Edjéban êtes deux des cinq héritiers du Pouvoir Suprême. Votre Empereur savait que vous aviez une très grande valeur mais il vous a perdus désormais. À présent, ce sera mon Roi qui prendra soin de vous. Je ferai en sorte que vous vous soumettiez à sa volonté et, croyez-moi, si vous résistez, je serai bien plus doué que cet imbécile — il désigna le tortionnaire d’un vague signe de tête. Mais n’ayez crainte, votre pouvoir va servir une très noble cause.

    Esalbar fit signe au bourreau d’approcher et lui ordonna de plonger la tête de Gerremi dans la bassine. Lorsque l’homme approcha ses mains répugnantes de la nuque du jeune Dragon, celui-ci sentit une poussée d’adrénaline monter dans son corps, qui lui permit de se débattre furieusement. Cependant, à cause des fers qui liaient ses mains, il fut rapidement maîtrisé et ne put échapper à ce qu’il redoutait tant. On lui ressortit la tête quelques secondes plus tard. L’eau et la glace dégoulinaient sur son visage meurtri.

    — J’espère que vous avez compris où je voulais en venir, Gerremi, lança Esalbar, il y a cinq Dragons suprêmes sur la Terre des Mondes. J’en connais déjà deux : vous et votre princesse. Et j’aimerais grandement savoir qui sont les trois autres. Je pense que certains d’entre eux se cachent dans votre sale Empire. N’avez-vous donc jamais entendu parler, dans votre école, d’un Dragon possédant des signes : Vent et Terre, Force et Esprit ou encore Sentiments et Enfer ?

    Le tortionnaire passa une main moite dans les cheveux châtains du jeune homme et l’approcha doucement de la bassine.

    — Je ne sais pas, bégaya Gerremi, je ne connais que peu de monde dans le pensionnat et je pense qu’aucun élève, ni même un professeur ne possède ces signes là…

    Esalbar sembla comprendre que les informations du jeune Dragon ne lui seraient d’aucune utilité car il fit signe au tortionnaire de le laisser tranquille.

    Celui-ci obéit à contrecœur, une lueur de dégoût brillant dans ses yeux rongés par la folie. Il poussa un grognement en jurant que c’était bien la dernière fois qu’on viendrait interrompre une de ses séances de torture.

    — Ramenez-le dans sa cellule, ordonna le mage, j’en ai fini avec lui. Je l’emmènerai en Morner en fin de semaine prochaine. Mon Roi le veut entier, si vous l’endommagez d’une quelconque façon, vous subirez ma colère et la sienne. Est-ce clair ? !

    Gerremi, vit avec horreur le bourreau frissonner de peur. Même un homme aussi imposant craignait de s’attirer les foudres de Morner.

    — N’ayez crainte, ajouta Esalbar à l’attention du jeune Dragon, vous ne ferez pas le voyage seul. Votre amie Séléna vous accompagnera. Elle a gentiment décidé d’être mon présent pour le Roi Isiltor. Oh bien sûr, elle l’ignore encore. À l’heure actuelle, elle doit déjà être en route pour venir vous secourir… comme si elle a une chance de réussir. C’est fou ce que vous pouvez être stupides à votre âge.

    « En tout cas, je peux vous remercier de lui avoir si gentiment transmis un message télépathique. Je n’ai même pas eu à élaborer de plan pour la capturer. Grâce à vous, elle va sagement venir à moi. Je n’aurai qu’à tendre la main.

    Gerremi, dont la peur avait fait place à la fureur à la pensée que son amie courait droit vers un piège, et cela en partie par sa faute, voulut répliquer mais il se ravisa lorsque le tortionnaire l’empoigna pour le relever.

    Trois gardes entrèrent dans la pièce et pointèrent leurs épées vers le jeune Dragon en lui ordonnant d’avancer dans le couloir. Gerremi, trop heureux de pouvoir enfin regagner sa cellule et de quitter la salle de torture, ne se fit pas attendre.

    Mais, à son grand étonnement, les soldats le conduisirent dans la direction opposée d’où il était venu, le faisant passer dans un couloir humide aux murs couverts de mousse. Peu de cellules avaient été installées de ce côté des prisons. Seules trois portes cloutées se dessinaient dans les murs. Le plus grand des trois gardes ouvrit la dernière et poussa Gerremi à l’intérieur de sa nouvelle geôle.

    Presque aussitôt, trois épées furent pointées sur le Dragon et on lui attacha les pieds contre le mur.

    Un soldat s’approcha alors du jeune homme et avant même que celui-ci n’ait eu le temps de lever la tête, il lui lança un coup de pied dans le ventre. Gerremi se courba en deux, le souffle coupé tandis que les autres brutes éclataient de rire.

    Un nouveau coup fusa dans son dos et il s’étala par terre dans une position horriblement douloureuse. Il sentit même un mince filet de bave couler le long de ses cheveux.

    — C’était un cadeau de la part du Seigneur Téborme, ajouta un Garde, profite bien du temps à passer ici. L’enfer t’ouvrira bientôt ses portes.

    Puis ils partirent en s’esclaffant. Gerremi poussa un cri de douleur, à moitié étourdi. Des larmes lui montèrent aux yeux. Jamais il n’avait assisté à de telles horreurs et la perspective de revivre cet enfer le lendemain lui glaçait le sang. Pourquoi les Dieux l’abandonnaient-ils ? Où était sa famille ? Que faisaient les renforts qu’il avait supplié ses amis d’envoyer ? À moins que… une pensée lui noua le ventre. Esalbar était persuadé que Séléna, Alissa et Enendel ne perdraient pas leur temps à payer des mercenaires mais viendraient les délivrer, lui et Hugues, par eux-mêmes. Son ami et Messire Uléry pensaient exactement la même chose et Gerremi se rendit compte qu’ils avaient probablement raison. Il se maudit intérieurement d’avoir communiqué par télépathie avec Enendel.

    Tandis qu’il observait la cellule dans laquelle on l’avait placé, de chaudes larmes enflammèrent sa peau meurtrie par la glace et consumèrent le peu d’espoir qui demeurait encore en lui. Le cachot était encore plus petit que l’ancien, plus froid et tout aussi répugnant. Parmi les trois paillasses installées, seule la sienne était occupée. Sur celle d’en face, un tas d’ossements indiquait qu’un ancien prisonnier avait déjà séjourné ici des années auparavant et qu’il n’en était jamais sorti.

    Mais l’état du cachot n’était rien comparé à la solitude pesante qui régnait. En ce moment même, Gerremi aurait tout donné pour retrouver la cellule qu’il avait quittée. Il avait besoin de se confier à quelqu’un pour libérer son âme de tout ce qu’il avait enduré au cours de cette journée. En ce moment même, la solitude était sa pire ennemie, celle qui faisait ressurgir ses craintes les plus profondes, celle qui lui remémorait les pires instants de sa vie, celle qui plongeait le cachot dans un silence douloureux.

    Les muscles meurtris et le corps glacé, Gerremi passa des heures entières, recroquevillé sur lui-même. Des centaines d’images de mort et de torture se bousculaient dans sa tête, ne laissant à son âme aucun répit. Il revoyait sans cesse l’homme à la mâchoire éclatée et pouvait même entendre ses gémissements déchirants.

    Il était près de quatre heures lorsque le jeune homme sombra dans un sommeil agité. Il rêva qu’il était revenu à Istengone, dans sa maison, auprès de sa famille. Il rentrait d’un long voyage et ses parents avaient dressé un grand banquet pour fêter son retour.

    Soudain, alors que Gerremi montrait à ses parents un des pouvoirs qu’il avait appris à l’École Edselor, le ciel azuré vira au rouge vif. Une multitude d’éclairs le zébrèrent. Toute l’assemblée hurla, les plus courageux dégainèrent leurs armes, tandis que les autres se précipitaient vers la maison pour s’abriter. Une pluie brûlante se mit à tomber, Gerremi attrapa la main de sa grand-mère pour la mettre à l’abri mais une secousse les fit basculer en avant. Le jeune Dragon s’étala de tout son long dans une mare de sang et hurla lorsqu’il découvrit un cadavre éventré à quelques pas de lui.

    Des hommes en armures noire et rouge, le visage dissimulé par un heaume sinistre avaient déjà envahi le jardin et prenaient un malin plaisir à égorger tout individu situé en travers de leur route. Ils n’épargnaient personne, pas même les vieillards et les enfants.

    Lorsque Gerremi leva la tête, il aperçut à travers le mince rideau

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