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La Belgique : stop ou encore ?: Marginales - 234
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Livre électronique163 pages2 heures

La Belgique : stop ou encore ?: Marginales - 234

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Découvrez un nouveau numéro en version numérique de la revue littéraire belge Marginales

Par les temps bouleversés que nous vivons, où la folie des hommes semble faire fi de toute prudence et nous conduit d’un jour à l’autre au bord du pire, il pourrait paraître inconvenant de se pencher sur le sort d’un petit pays prospère, situé au cœur de l’ensemble multinational le plus riche du monde. Pourquoi faire cas de querelles qui, en regard de ce qui se passe à deux heures de vol de Bruxelles, paraissent dérisoires ? Certes, nous sommes, au moment où nous mettons sous presse, à la veille d’une consultation importante, puisqu’en Belgique, le vote européen coïncide avec des scrutins à l’échelle du pays et de ses composantes. Le fait que ces élections soient les dernières du siècle ne suffit cependant pas à les rendre exceptionnelles. Et, face à la guerre qui broie des vies par centaines de milliers, on objectera qu’il y a là, de notre part, un singulier égocentrisme, cette indifférence des nantis que ne préoccupe que la pérennité de leur confort et de leur tranquillité.
Ce n’est pas faute d’avoir hésité que nous avons, malgré la guerre en ex-Yougoslavie, maintenu le thème prévu et, avouons-le, ourdi de longue date. Nous nous sommes même reproché de ne pas avoir laissé faire les événements, comme pour les centres d’intérêt précédents. Ici, pour une fois, nous avons pris en compte assez tôt un événement au demeurant connu depuis belle lurette. Et nous nous sommes demandé si l’Histoire ne nous donnait pas une leçon, en nous rappelant que l’on n’est jamais à l’abri d’une catastrophe, que la démence autodestructrice est une composante foncière de l’homme, et qu’une fois celle-ci déchaînée, on ne voit plus comment la contenir...

Des poèmes et nouvelles inspirés par la situation politique belge avec des écrivains comme Emmanuèle Sandron, Leo Gillessen ou encore Françoise Houdart.

À PROPOS DE LA REVUE

Marginales est une revue belge fondée en 1945 par Albert Ayguesparse, un grand de la littérature belge, poète du réalisme social, romancier (citons notamment Simon-la-Bonté paru en 1965 chez Calmann-Lévy), écrivain engagé entre les deux guerres (proche notamment de Charles Plisnier), fondateur du Front de littérature de gauche (1934-1935). Comment douter, avec un tel fondateur, que Marginales se soit dès l’origine affirmé comme la voix de la littérature belge dans le concert social, la parole d’un esprit collectif qui est le fondement de toute revue littéraire, et particulièrement celle-ci, ce qui l’a conduite à s’ouvrir à des courants très divers et à donner aux auteurs belges la tribune qui leur manquait.
Marginales, c’est d’abord 229 numéros jusqu’à son arrêt en 1991. C’est ensuite sept ans d’interruption et puis la renaissance en 1998 avec le n°230, sorti en pleine affaire Dutroux, dont l’évasion manquée avait bouleversé la Belgique et fourni son premier thème à la revue nouvelle formule. Marginales reprit ainsi son chemin par une publication régulière de 4 numéros par an.

LES AUTEURS

Jacques De Decker, Gérard Adam, Véronique Bergen, Éric Brogniet, Jean-Pierre Dopagne, Claude Javeau, Jozef Deleu, Luc Dellisse, Frans Denissen, Alain Berenboom, Eddy Van Vliet, Jean-Louis Lippert, Emmanuèle Sandron, Leo Gillessen, Françoise Houdart, Daniel Simon, Monique Thomassettie, Jean-Baptiste Baronian, Jacques Sojcher, Michel Torrekens, Yves Wellens, Émile Clemens, Claire Lejeune et Adolphe Nysenholc.
LangueFrançais
ÉditeurKer
Date de sortie5 févr. 2018
ISBN9770025293824
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    Aperçu du livre

    La Belgique - Collectif

    9770025293824_RED.jpg

    Éditorial

    Jacques De Decker

    Par les temps bouleversés que nous vivons, où la folie des hommes semble faire fi de toute prudence et nous conduit d’un jour à l’autre au bord du pire, il pourrait paraître inconvenant de se pencher sur le sort d’un petit pays prospère, situé au cœur de l’ensemble multinational le plus riche du monde. Pourquoi faire cas de querelles qui, en regard de ce qui se passe à deux heures de vol de Bruxelles, paraissent dérisoires ? Certes, nous sommes, au moment où nous mettons sous presse, à la veille d’une consultation importante, puisqu’en Belgique, le vote européen coïncide avec des scrutins à l’échelle du pays et de ses composantes. Le fait que ces élections soient les dernières du siècle ne suffit cependant pas à les rendre exceptionnelles. Et, face à la guerre qui broie des vies par centaines de milliers, on objectera qu’il y a là, de notre part, un singulier égocentrisme, cette indifférence des nantis que ne préoccupe que la pérennité de leur confort et de leur tranquillité.

    Ce n’est pas faute d’avoir hésité que nous avons, malgré la guerre en ex-Yougoslavie, maintenu le thème prévu et, avouons-le, ourdi de longue date. Nous nous sommes même reproché de ne pas avoir laissé faire les événements, comme pour les centres d’intérêt précédents. Ici, pour une fois, nous avons pris en compte assez tôt un événement au demeurant connu depuis belle lurette. Et nous nous sommes demandé si l’Histoire ne nous donnait pas une leçon, en nous rappelant que l’on n’est jamais à l’abri d’une catastrophe, que la démence autodestructrice est une composante foncière de l’homme, et qu’une fois celle-ci déchaînée, on ne voit plus comment la contenir…

    Apparemment, nous avons bien fait de ne pas dévier de notre cap, puisque les contributions au dossier ont été plus abondantes que jamais, et que les auteurs n’ont pas pu inscrire leur propos dans les dimensions ordinaires qui leur sont suggérées. Ce qui a eu pour conséquence que ce numéro est dépourvu de ses rubriques « Chantiers et fragments » et « Rose des vents » au profit exclusif de « L’air du temps ». Parce que cet air du temps, de fait, est lourd de menaces, et qu’il ne dit rien qui vaille. Et parce que ce qui se passe dans les Balkans a forcément des incidences partout, force en tout cas à réfléchir, à prendre la mesure des risques que courent les communautés humaines lorsqu’elles cessent de dialoguer, le moindre de ceux-ci n’étant pas que d’autres ont tôt fait de se mêler de leur sort, et pour des raisons qui ne sont pas nécessairement charitables.

    Il ne se pouvait pas qu’en réponse à la question passablement provocatrice que nous posions, on n’élargisse pas l’appel aux contributions. Des auteurs flamands et germanophones ont été sollicités, et certains ont répondu à l’appel, d’autres ont même déploré de ne pas avoir été prévenus en temps utile. Il faut dire qu’il se passe, cette année, entre les littératures de Belgique, de singulières rencontres. La Foire du Livre d’Anvers, en novembre dernier, avait invité les « autres » écrivains de Belgique à de multiples rencontres, qui ont déjà tissé des liens, notamment entre les revues. Il y a quelques semaines, les « Belles Étrangères », initiées par le Centre du Livre français, permirent à dix-sept écrivains des trois communautés belges de parcourir la France de conserve, et d’apprendre à mieux se connaître. Des manifestations de ce genre répondaient à une nécessité, on s’en est aperçu lorsqu’elles eurent lieu, et forcèrent à se demander pourquoi on avait tant tardé à les organiser. Pourquoi, en effet ? Quels sont les bénéficiaires des politiques de sourds ? Ceux qui veulent confisquer le pouvoir au nom de son exercice aveugle ?

    Si les textes rassemblés ici sont si nombreux et souvent si amples, c’est que les écrivains, ces plaques sensibles, pressentent ce qui pourrait nous survenir si nous ne prenons pas garde. Un état composite, à l’heure de la communication à outrance, semble plus difficile à gérer que jamais. Ce qui semble indiquer que cette communication pléthorique manque son objectif principal : aider les hommes à vivre en bonne intelligence. Et oblige à se demander si elle est un facteur de paix et de sérénité, ou au contraire un incitant à la violence et à la négation de l’autre.

    Ce numéro n’est pas la première plate-forme où des écrivains des divers coins de la Belgique sont invités à s’exprimer et à se

    frotter l’un à l’autre. La revue anversoise « Deus Ex Machina » le fit il n’y a guère. Plus récemment, Jacques Sojcher était avec Antoine Pickels le maître d’œuvre de « La Belgique toujours grande et belle », et nous le remercions d’avoir accepté de répliquer à « La Belgique : stop ou encore ? ». La formulation a au moins le mérite d’être claire. Elle devra peut-être un jour être utilisée à l’occasion d’un référendum, ce mode de questionnement collectif dont on semble se méfier dans nos contrées, alors qu’il est régulièrement utilisé en Suisse, cet autre pays composite qui a lui aussi une riche tradition démocratique.

    En attendant, les auteurs ont la parole. Il n’est peut-être pas inutile de leur tendre l’oreille. Si l’on avait davantage écouté un Ismaïl Kadaré, par exemple, le drame du Kosovo n’aurait peut-être pas pris les proportions apocalyptiques qui nous hantent. Et qui hantent aussi beaucoup des textes qui suivent. Il ne s’agit pas de conclure de façon trop simpliste que seule la survie de la Belgique peut nous préserver du chaos. Mais de voir ce que cette utopie au cœur de l’Europe a pu réaliser sur le plan de la gestion tolérante de la complexité, et s’il est vraiment sérieux de liquider tant d’efforts dans une course à l’autonomie qui n’est souvent que l’expression d’une paresse du cœur et de l’esprit.

    Marginales, depuis sa création, est une plate-forme de réflexion créatrice. Rachel Ayguesparse, la veuve de notre fondateur, avait apprécié que nous voulions poursuivre dans cette ligne. Elle ne pourra malheureusement pas lire ce numéro, puisqu’elle est allée rejoindre Albert Ayguesparse dans le silence, mais certainement pas dans l’oubli. C’est pourquoi nous lui dédions ce numéro spécial à propos duquel son avis nous manquera.

    L’odeur des pommes

    Gérard Adam

    Brutalement assaillis, les marronniers lâchent une dernière salve qui balaie le trottoir, se mêle aux tourbillons de poussière, aux débris de verre, aux éclats de pierre et de brique, aux immondices de quinze jours, teintant l’asphalte d’une riche pourriture. Baroud d’honneur ! L’hiver a investi la place ; une autre nuit de tempête, et il l’aura conquise.

    Comment éviter les vocables guerriers pour ce reste d’automne qui explose en ultime flamboiement ? Deux semaines, que nous avons installé le PC du secteur dans les caves de cette maison, contiguë à l’INAMI dont le parking souterrain abrite nos véhicules. Deux semaines que nous scrutons par les soupiraux l’avenue de Tervuren, sa perspective d’immeubles criblés, de buildings éventrés, les trois chars carbonisés qui l’obstruent à mi-chemin du square Léopold II. Jusqu’à hier voilée de rouille, de cuivre et de bordeaux, elle aligne ce soir derrière les branches quasi nues ses fenêtres obstruées de plastiques et de cartons d’emballage, ses brèches calfeutrées de quelques planches. En face, les fragments de vitres qui subsistent à la façade du RIZIV reflètent le front noir des nuées. Une coulée bleu d’acier leur oppose une résistance farouche, que les bourrasques repoussent de minute en minute.

    Comme nous bientôt ?

    Mais non ! Rien qu’à voir Wim rentrer de patrouille dans son vieux Gore-tex camouflé, son chapeau de brousse enfoncé au ras des yeux rieurs, je sais que nous tiendrons.

    — lets speciaal, Wim ?

    — Négatif, mon colonel ! Sages comme des images.

    Tête de mule ! Depuis toujours c’est pareil, je lui parle flamand, il répond en français. Après trois phrases, je me résigne.

    — Vous sentez… ?

    Bien sûr, que je sens ! Une odeur aigrelette de pommes trop mûres, qui remue des souvenirs confus. Touché de plein fouet par un obus, un camion de fruits a versé, juste devant notre immeuble.

    — Ça ne vous rappelle rien ?

    L’image s’impose de belles-fleurs gonflées comme des joues, de reinettes mordorées, puis cette variété rare qu’on appelait grisettes, d’un argent velouté, que l’on conservait jusqu’aux premiers jours du printemps. Je les revois, alignées sur leurs claies, dans la pénombre du cellier qu’il me fallait traverser, enfant, pour aller jouer dans le verger de Tante Yvonne et de Jan-li-Flamin. Senteur entêtante, qui m’enivrait un peu, faisait battre mon cœur…

    — Si, Wim, ça me rappelle…

    — Sarajevo, mon colonel, cette putain de rakija…

    Une eau-de-vie, supposée de pomme, que la grand-mère de Mlado, notre interprète, avait montée de sa cave, un matin glacial où, de blanc vêtus comme des marchands de glace, nous « observions », pour la bonne conscience de l’Europe, les dents serrées sur notre impuissance, les obus qui hachaient, les grenades qui déchiquetaient, les snipers qui fauchaient. À une encablure de la retraite, après trente ans à jouer aux petits soldats sur les terrains de manœuvres, nous avions plongé dans la barbarie moyenâgeuse à l’aube du troisième millénaire.

    — Nous n’aurions jamais imaginé, là-bas…

    Oh, l’idée m’en effleurait bien, quand tous affirmaient que, jusqu’à la première bombe, ils étaient persuadés qu’après des siècles à vivre ensemble, pareille horreur, chez eux… Nous y avons basculé, dans le troisième millénaire, et c’est dans la capitale de cette Europe dite civilisée que mon fidèle Wim, d’un magistral coup de blindicide, a stoppé net le char de tête. Ils ne l’attendaient pas, celui-là, trop fiers d’eux-mêmes, et de leurs avions, et de leurs canons, et de leurs paras, trop imbus de leur blitzkrieg, trop sûrs d’occuper la ville sans avoir à tirer la moindre salve. Et ce qu’ils attendaient encore moins, ce sont les deux antiques missiles filoguidés, récupérés dans les dépôts du musée de l’armée, qui les ont foudroyés de flanc.

    Les trois masses noires me fascinent, entre les dahlias d’un grenat étouffant que le vent balance de part et d’autre du soupirail. Chez Tante Yvonne et Jan-li-Flamin, deux massifs tout pareils encadraient la porte du cellier. Au passage, leur chair humide m’effleurait les joues. Ce contact me répugnait. Ils m’évoquaient les robes à larges fleurs, les bijoux de pacotille, les permanentes et les teints rubiconds des femmes plantureuses qui,

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